Compte-rendu intersyndical SGPA-CGT-Culture SUD Culture Solidaires de la rencontre avec le Préfet de région Basse-Normandie le 30 novembre 2006. En raison du préavis de grève intersyndical du 15 novembre 2006, les deux organisations syndicales représentatives de Basse-Normandie ont demandé à rencontrer le préfet de région. Celui-ci a répondu favorablement en leur accordant un entretien auquel étaient conviés le DRAC qui n’a pu se rendre disponible et le Conservateur Régional de l’Archéologie qui était présent. Les organisations syndicales voulaient rendre compte de la situation nationale de l’archéologie préventive en s’attachant à montrer comment elle se décline en Basse-Normandie sous des traits spécifiques. Sept points ont été abordés et analysés en s’appuyant sur les propositions du ministère du 13 novembre 2006. 1) La précarité La proposition de plan de résorption de la précarité à hauteur de 350 à 400 CDI sur les besoins permanents de l’établissement est une bonne nouvelle mais qui n’augmente en rien la capacité opérationnelle de l’Inrap (autour de 1800 ETP). Obtenir un plafond d’emploi à 2000 ETP pour 2007 est une priorité. Cependant 2000 ETP reste un pis-aller : seul le déplafonnement de l’emploi permettrait à l’Inrap de suivre l’ampleur des destructions irrémédiables dont sont l’objet les archives du sol aux cours des travaux d’aménagement. 2) La RAP Globalement la Redevance d’Archéologie Préventive ne rentre pas dans les caisses. Le ministère reconnaît la chose puisqu’il a « compensé les insuffisances de rendement de la RAP en 2004 et 2005 ». Ces insuffisances sont graves puisqu’elles conditionnent le niveau de détection des sites et privent le Fond National d’Archéologie Préventive des ressources nécessaires à son fonctionnement. En Basse-Normandie la RAP rentre moins mal qu’ailleurs relativement au PIB régional. Cette rentrée fiscale est le fruit du travail du SRA de Basse-Normandie. Il n’en reste pas moins que c’est encore insuffisant, à cause d’une assiette fiscale à élargir principalement à travers la levée des exonérations et à cause d’un sous-effectif chronique dans les services de l’Etat. 3) Sous-effectif dans les Services Régionaux de l’Archéologie Le sous-effectif est reconnu par le ministère qui déclare : « La Direction des Affaires Générales et la Direction de l’Architecture et du Patrimoine feront des propositions aux partenaires sociaux […] prenant notamment en compte le renforcement nécessaire des services en situation de sous-effectif ». La Basse- Normandie est en situation de sous-effectif puisque dans les 15 dernières années le nombre de ses membres n’a fait que décroître (non remplacement des postes vacants) entre deux périodes de stagnation. Le sous-effectif a des conséquences directes et néfastes sur la perception de la RAP et sur le niveau de prescription. 4) Ingérence du SRA dans les attributions de l’INRAP A l’origine de ce phénomène deux causes. D’une part la pérennité de pratiques de travail des prescripteurs qui du temps de l’AFAN étaient en première ligne pour le montage des dossiers et au contact direct des aménageurs avec lesquels ils négociaient les opérations. D’autre part et dans le même temps, les prescripteurs (en sous-effectif) ont en charge de « réguler » l’activité archéologique. Autant de contraintes intériorisées qui aboutissent à des engagements de planning, parfois à des estimations de coût, en lieu et place de l’INRAP ce qui ne manque pas de créer des interférences dans la communication entre l’INRAP et les aménageurs et finit par créer des problèmes dans l’activité. Le SRA est un service prescripteur. L’INRAP est opérateur. Il convient au premier de prescrire et au second de mettre les moyens en œuvre, dans un calendrier établi avec les aménageurs, pour honorer les prescriptions. Ce n’est pas au SRA mais à l’INRAP de bâtir sa réputation et son image auprès du monde économique. L’INRAP appartient au monde économique et participe de la chaîne opératoire de l’aménagement du territoire. 5) Une mauvaise gestion des stocks Il y a une mauvaise gestion des stocks de prescription de diagnostic. La « régulation » (autrement dit la gestion de la misère) marche tellement bien en Basse-Normandie qu’on en arrive à des ruptures de charge sur la détection des sites (automne 2006 par exemple). Le SRA répond qu’il a 600 ha en stock. Nous répondons que c’est un stock mort pour partie parce que les aménageurs déclarent urgents des aménagements qui ne le sont pas à cause de la réputation qui est faite à l’INRAP de son incapacité opérationnelle et pour partie parce que le SRA ne connaît pas son stock. Il faut donc créer une base de données recensant les prescriptions et évaluant leur degré d’urgence afin d’établir un plan de charge continu et optimum. En 2006, le SRA de Basse-Normandie s’est montré incapable de consommer une croissance de 300 jours homme par rapport au budget 2005 essentiellement à cause de la méconnaissance de ses stocks. Cette base de données permettrait la prévision et cette prévision doit être discutée au sein du pôle culture régional en relation avec tous les acteurs de l’archéologie. Cette base portant sur les prescriptions doit être mise en face d’une mesure absolue en hectares des superficies détruites dans la région (base de données SITADEL (dde) et consultation des registres d’études d’impact). Ces outils devraient permettre d’augmenter l’activité de détection. 6) Les prescriptions Le ministère dit qu’il « a compensé les insuffisances de rendement de la RAP en 2004 et 2005 afin de maintenir un niveau de prescription suffisant pour la protection du patrimoine archéologique ». Que veut dire suffisant ? 10 à 13 000 ha sont diagnostiqués en France tous les ans alors que 70 000 sont détruits. Estce suffisant ? Le ministère se félicite de maintenir un niveau de prescription constant alors qu’il reconnaît dans le même temps une croissance économique sans vouloir augmenter les moyens de l’INRAP. C’est « suffisant » par rapport à quoi ? A la bonne conscience ? Pourquoi le taux de prescription devrait-il relever d’une décision politique ? C’est à cet endroit que se place la « régulation » dans la chaîne opératoire : elle est l’outil non scientifique (jugement à l’estime) qui permet d’atteindre le niveau dit « suffisant ». Dans ce cadre, les personnels des SRA, sont-ils en nombre suffisant pour déterminer le niveau de prescription suffisant ? Les syndicats désapprouvent cette politique du « pas plus » qui n’est pas à la hauteur des enjeux de société liés aux archives du sol. L’INRAP doit pouvoir respirer au rythme de l’économie (déplafonnement de l’emploi). Il est perçu comme un parasite économique alors que nous disons qu’il est producteur. Sur les prescriptions de fouille le ministère dit : « Les prescriptions sont fondées sur des priorités scientifiques appréciées par des commissions d’experts (CIRA). Leur volume ne peut cependant pas être défini dans l’ignorance des capacités dont dispose l’INRAP de réaliser les fouilles prescrites ». Cette déclaration appelle deux remarques. Nous découvrons que les membres des CIRA comme les prescripteurs des SRA doivent raisonner scientifiquement tout en participant au processus de « régulation ». Les deux termes sont antithétiques, la situation est intenable pour les membres de la CIRA. A nos yeux les contraintes non scientifiques relèvent d’un dialogue au sein du pôle culture. Deuxième remarque, la phrase citée ci-dessus, dit implicitement que l’INRAP est le seul opérateur de fouille alors que la loi de 2003 instaure la concurrence libre et non faussée sur les fouilles. Les organisations syndicales sont contre la concurrence économique sur une discipline scientifique telle que l’archéologie et soutiennent que cela ne peut pas fonctionner dans le sens d’une production scientifique de qualité. La question que nous posons est de savoir si ceux qui ont voté cette loi croient en la pertinence de son contenu, s’ils pensent sincèrement que l’archéologie préventive peut relever d’une économie de marché. 7) Régression méthodologique sur les prescriptions de fouille A la source de cette régression se trouve le doute sur la légitimité de demander de l’argent à un aménageur pour fouiller un site, comme si cela gênait la « vraie » économie. Cette hésitation se traduit par des prescriptions timides, des fenêtres de fouilles réduites, des explorations pingres qui mettent les archéologues devant des vestiges tronqués et bientôt impossibles à interpréter. Ce doute sur la légitimité de l’archéologie, en rapport avec ses coûts, aboutit également à l’absence de fouille sur les « petits sites ». Ce sont des occupations ténues, extensives et peu denses en structures, principalement datées de la Protohistoire, que l’on détecte au cours des diagnostics et que l’on définit comme sites dans les rapports finaux d’opération. Ces sites sont jugés trop « justes » par les prescripteurs du SRA. Cette notion de « juste » fait écho à celle de « suffisant » évoquée précédemment. Ces sites sont « justes » si l’on rapporte le coût du terrassement nécessaire à leur mise à jour au nombre de structures qu’ils contiennent, mais ils sont aussi « justes » au regard du travail administratif qu’ils demandent qui est le même que celui que demande le montage d’une grosse fouille, longue et occupant beaucoup d’agents. Derrière ce dernier argument pointe à nouveau la question du sous-effectif du service prescripteur. On nous demande donc de les purger pendant le diagnostic. Mauvaise solution qui, parce qu’elle consomme des jours/homme sur le budget diagnostic, compromet la détection d’autres sites ailleurs. Les conséquences de ces pratiques ce sont des corpus de sites tronqués et une image de l’occupation du sol falsifiée. La réponse du Préfet. Le Préfet a renouvelé son soutien au Conservateur régional de l’archéologie au titre d’une régulation réussie et arguant d’une situation explosive entre l’archéologie et les aménageurs dans une région où il était Préfet auparavant (Nord). Il se félicite que cela ne soit pas le cas en Basse-Normandie. Il se félicite de la bonne rentrée de la RAP tout en disant qu’il faut faire encore mieux. Le Préfet invite le CRA en concertation avec le DRAC à faire le nécessaire pour obtenir des postes supplémentaires dans son service et qu’il le soutiendra dans ses démarches. Il invite le CRA à se rapprocher de l’INRAP pour améliorer l’efficacité de leurs relations dans l’intérêt de l’archéologie préventive. La réponse du CRA Il manque un AST à 100 % de son temps sur la région. Il convient de renforcer les liens entre l’INRAP et le SRA. Quant à l’ingérence il n’y en a pas. Ce sont les aménageurs qui appellent le SRA parce que, d’après eux, la Direction interrégionale Grand Ouest ne répond pas. Et le SRA leur donne les réponses qu’ils n’obtiennent pas à l’INRAP. L’idée de l’outil statistique est bonne et conviendrait d’être mise en place. La RAP ne rentre pas si mal en BasseNormandie. En effet des exonérations mériteraient d’être levées. Les représentants syndicaux ont quitté la salle pendant que le Préfet demandait au CRA de rester avec lui un instant. Le 1er décembre 2006 ;