prevalence des anticorps anti-fievres hemorragiques d`origine virale

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PREVALENCE DES ANTICORPS ANTI-FIEVRES
HEMORRAGIQUES D’ORIGINE VIRALE
DANS LA REGION DU POOL (CONGO- BRAZZAVILLE)
P. TALANI*, J.D. KONONGO**, AI GROMYKO*** , J. NANGA-MANIANE**, F. YALA•, D. BODZONGO••
RESUME
INTRODUCTION
Le virus Ebola de la famille des Filoviridae est un virus
africain responsable d’une fièvre hémorragique extrêmement dangereuse, en raison de son taux de létalité
élevé chez l’homme (60-90 %). La surveillance passive
des cas humains de maladie à virus Ebola est l’activité
minimale que les pays des régions à risque doivent exercer régulièrement. Une enquête de séroprévalence sur la
recherche des anticorps spécifiques anti-fièvres hémorragiques a été ainsi réalisée au Congo dans la région du
Pool en 1982. Au total, 805 sérums ont été collectés. Sur
les 790 testés, 40 % se sont avérés positifs au Crelm
(gamme complète des antigènes des différents virus), 15
% positifs au virus Ebola, ensuite 5 % au Lassa et enfin
3 % au virus Marburg.
Les fièvres hémorragiques se présentent comme des maladies cliniques de caractère exceptionnel. Elles s’accompagnent de diarrhée et d’hémorragie. En outre, elles se caractérisent par un taux élevé de létalité chez l’homme (6090 %), et un temps de guérison prolongé pour les sujets qui
survivent (6). Il existe en Afrique une maladie hémorragique
virale à virus Ebola de la famille des Filoviridae (1) décrite
en 1976 et reconnue proche du virus de Marburg, dont les
réservoirs sont inconnus. De 1976 à 1996, il y a eu plus de
900 cas de maladie à virus Ebola confirmés sérologiquement
dans six pays d’Afrique (2, 7, 8, 10-12, 16), notamment au
Soudan, à l’ex-Zaïre, en Côte d’Ivoire, au Libéria, et au
Gabon. La surveillance passive des cas humains de maladie
à virus Ebola est l’activité minimale que les pays des
régions à risque en zone intertropicale doivent exercer en
permanence (5, 9, 15). Dans les zones d’endémie, toute
forte fièvre non expliquée, surtout à tendance hémorragique, doit être considérée comme un cas suspect de fièvre
hémorragique virale. Le Congo-Brazzaville se trouve dans
la mâchoire d’un étau entre l’ex Zaïre et le Gabon et le
virus semble circuler dans ses forêts. Compte-tenu de l’importance de la maladie et des derniers cas déclarés en 1996
à l’ex Zaïre et au Gabon, il nous apparaît opportun de
rapporter les résultats d’une enquête sérologique réalisée
au Congo-Brazzaville en 1982 sur la recherche des anticorps anti-fièvres hémorragiques. L’étude a pour but de
déterminer la prévalence des anti-corps anti-fièvres hémorragiques parmi les populations de la région du Pool très
voisine de l’ex-Zaïre.
SUMMARY
Prevalence of viral antibodies haemorrhagic fever in
pool area (Congo-Brazzaville)
Ebola is an African virus which is into family for which
the name Filoviridae is proposed. The haemorr hagic
fever is classified as extremely biohazardous because of
its high case-fatality rate in human (60-90 %). Passive
surveillance for human cases Ebola disease is the minimum activity that countries, adjacent to the areas of
occurrence of the diseases should maintain. A serological survey on specific haemorrhagic fever antibodies
among unvaccinated children was conducted in one
area of Congo-Brazzaville in 1981. A total of 805 sera
w e re collectect of 790 tested 40 % were positive on
Crelm, 15 % positive for Ebola, 5 % for Lassa and 3 %
positive for Marburg. The positive on Crehn means
those sera which gave positive results when tested with a
pool of the following antigens : Crimean haemorrhagic
fever, Ebola, Lassa and Marburg.
* Département de Santé Publique à la Faculté des Sciences de la Santé,
B.P 2672, Brazzaville-Congo, Ancien Directeur du Programme de lutte
contre le Monkeypox et les Fièvres Hémorragiques Virales en 1982.
** Collaborateurs au Programme Elargi de Vaccination
*** Unité d’Eradication de la Variole, Organisation Mondiale de la Santé,
MATERIEL ET METHODE
L’enquête de séroprévalence des fièvres hémorragiques est
couplée avec celle pour la recherche des anticorps anti-
Genève
• Professeur de Biologie Médicale, Chef de service de Microbiologie et de
Parasitologie, CHU de Brazzaville, B.P 32 Brazzaville, Congo.
•• Direction Générale de la Santé, B.P. 68, Brazzaville, Congo.
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J. NANGA-MANIANE, F. YALA, D. BODZONGO
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monkeypox qui fait l’objet d’un autre rapport. Elle a été
réalisée du 12 juillet au 10 août 1981 dans 20 villages de la
région du Pool. Les prélèvements ont été effectués parmi
les populations qui sont en contact étroit avec les animaux.
Les zones urbaines ont été exclues de l’enquête. La taille
de l’échantillon est estimée à 1200 enfants âgés de 3 à
15 ans non vaccinés contre la variole.
Technique de prélèvement des échantillons
Les échantillons de sérum sont recueillis à raison de 57 cm3 au moyen de veinotubes ou de seringues ”monovettes” et identifiés. Le sang est décanté au moyen des pipettes stériles, dans des flacons de Wheaton en matière plastique, puis scellées avec du ruban adhésif pour protéger les
numéros. Les échantillons stockés dans le compartiment à
glace d’un réfrigérateur à gaz sont ensuite adressés par
l’OMS/AFRO, à trois centres collaborateurs de référence
pour des tests spécifiques (17).
RESULTATS
Sur les 805 prélèvements effectués, seuls 790 ont été testés
selon la méthode d’immunofluorescence indirecte.
Les résultats répartis selon le type de virus (tableau I) et les
villages (tableau II) laissent apparaître une prédominance
du virus Ebola (15 %) suivi du virus Lassa (3 %). En outre
321 sérums ont réagi positivement après avoir été testés
avec les antigènes de virus de la fièvre hémorragique
Crimée-Congo, Ebola, Lassa. et Marburg (tableau I). Le
taux de séroprévalence a été très élevé dans 12 des 20 villages enquêtés notamment à Ngami-Baku et Ngoliba
(figure 1).
Tableau I : Prévalence des anticorps anti Ebola, Lassa et Marburg par l’immunofluorescence indirecte (IFI)
Nb de sérum testés
Positifs au Crelm*
Positifs en Ebola
Positifs au Lassa
Positifs au Marburg
321
119
38
26
40 %
15 %
15 %
3%
790
* Crelm : gamme d’antigènes à virus de fièvre hémorragique de Crimée-Congo, Ebola, Lassa, et Marburg.
Tableau II : prévalence des anticorps anti Ebola, Marburg et Lassa dans les 20 villages de
la région du Pool, par l’immunofluorescence indirecte (IFI).
Village
Nb de tests
Positif au Crelm (%)
Positif à Ebola (%)
Mantsiedi
Kinsenguele
Yalavounga
Ouaoua
Vouloumamba
Biendendela
Moulouangou
Yokama
Voula
Ngamambou
Mouyami
Ngami-Bakou
Ngoliba
Kimbele
Nsamouna
Yangui
Manieto
Mbamou
Mayanou
Kibouendé
48
17
4
23
47
25
25
55
22
36
42
36
88
15
46
85
47
56
46
42
20 (42)
5 (29)
0
4 (17)
18 (38)
7 (28)
7 (28)
20 (36)
9 (41)
19 (53)
22 (52)
17 (`47)
34 (39)
1 (7)
13 (28)
28 (33)
21 (45)
23 (41)
31 (67)
22 (52)
0
2 (12)
0
1 (4)
2 (4)
2 (8)
2 (8)
2 (4)
3 (14)
3 (8)
7 (17)
12 (33)
23 (26)
1 (7)
9 (20)
12 (14)
11 (23)
12 (21)
9 (20)
6 (14)
1 (2)
1 (6)
0
0
3 (6)
0
2 (8)
4 (7)
0
5 (14)
3 (7)
3 (8)
11 (12)
0
0
3 (3,5)
1 (2)
1 (2)
0
0
0
0
0
1 (4,3)
1 (2,1)
0
0
3 (5,5)
0
1 (2,8)
1 (2,4)
3 (8,3)
3 (3,4)
1 (6,7)
0
4 (5)
4 (8,5)
2 (3,6)
0
2 (4,8)
Total
805
321 (40)
119 (15)
38 (5)
26 (3)
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Positif au Lassa (%) Positif au Marburg (%)
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Figure 1 : Séroprévalence à virus Ebola, Lassa et Marburg au Pool, Congo, 1982.
Kibouende
Ngamambou
Mayanou
Mbamou
Manieto
Yangui
Nsamouna
Ngoliba
Ngami-Baku
Mouyami
Voula
Kissenguele
0
10
20
30
40
50
60
70
80
Séroprévalence en %
Ebola
Lassa
DISCUSSION
Les résultats de notre enquête semblent conforter la thèse
dune forte suspicion de la circulation des Filoviridae et
Lassa dans la région du Pool. En plus, le virus à Ebola
semble prédominer dans 60 % des villages enquêtés suivis
du virus Lassa et Marburg dans des proportions équivalentes, mais aucun cas clinique n’a été signalé. Des enquêtes
sérologiques réalisées en République Centrafricaine, dans
l’ex Zaïre, au Soudan, au Kenya et aussi Gabon (2) mettent
Marburg
Crelm
en évidence des sujets porteurs des anticorps dirigés contre
le virus de Marburg, mais il n’a pas été découvert des
sujets atteints de cette maladie dans tous ces pays, probablement en raison de l’absence d’un système de surveillance. Le virus de Lassa est très présent en Afrique de l’Ouest,
notamment au Nigeria, Sierra-Leone (4, 13, 14). Celui de
Crimée-Congo a été diagnostiqué en Afrique du Sud (3).
La région du Pool partage une longue frontière commune
avec l’ex-Zaïre, à travers la région du Bandoundou. Cependant cette zone de la dernière endémie semble être très
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éloignée du champ de notre enquête bien que partageant le
même milieu écologique. Des investigations spéciales et un
système de surveillance épidémiologique plus pointu
méritent d’être organisés autour de certaines localités de la
région du Pool, telles que Ngami-Baku, Ngoliba et autres
où le taux de séroprévalence est très élevé.
CONCLUSION
A la lumière des résultats de l’enquête, il est permis de suspecter la présence des virus à fièvres hémorragiques Ebola,
Lassa et Marburg dans notre pays, notamment dans la
région du Pool. La surveillance épidémiologique doit être
intensifiée et être permanente au niveau des villages et des
services hospitaliers.
REMERCIEMENTS
Les auteurs remercient l’Organisation Mondiale de la
Santé pour l’aide matérielle et logistique qu’elle a apporté
au Programme Elargi de vaccination, Monkeypox et
Fièvres Hémorragiques Virales dans la mise en œuvre
d’un plan de surveillance épidémiologique et aussi dans la
réalisation de la présente enquête.
BIBLIOGRAPHIE
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Relevé epidém hebd 1984; 59 :300-301.
3 - OMS
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Relevé épidém hebd 1984 ; 59 :311.
4 - OMS
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Relevé épidém hebd. 1984, 59 : 18.
5 - OMS
Fièvres hémorragiques virales.
Relevé épidém hebd 1985; 60 : 351.
6 - OMS
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Relevé épidém hebd 1989; 64 :383.
7 - OMS
Fièvres hémorragiques à virus Ebola.
Relevé épidém hebd. 199 ; 70 : 149-151.
8 - OMS
Fièvres hémorragiques à virus Ebola.
Relevé épidém hebd 1995; 70 : 241-242.
9 - OMS
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Médecine d'Afrique Noire : 1999, 46 (8/9)
Relevé épidém hebd 1995 ; 70 : 249-252.
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Fièvres hémorragiques à virus Ebola : résumé de la flambée au Gabon.
Relevé épidém hebd 1997 ; 72 : 7.
11 - OMS.
Fièvres hémorragiques à virus Ebola au Gabon.
Relevé épidém hebd 1997 ; 72 : 23.
12 - OMS.
Fièvres hémorragiques à virus Ebola au Gabon.
Relevé épidém hebd 1997; 72 : 71.
13 - OMS.
Fièvres de Lassa en Sierra Léone.
Relevé épidém hebd 1997 ; 72 : 145.
14. OMS.
Fièvres de Lassa en Sierra Léone.
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15 - OMS.
Surveillance du monkeypox et des fièvres hémorragiques virales dans les
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WHO/CDS/80.1
16 - YALA F.
Rapport de mission sur la conférence internationale sur l’épidémie de
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Ministère de la Santé et des Affaires sociales chargée de la réinsertion
sociale des sinistrés et des personnes handicapées 1996.
17 - WULFF, H., LANGRE, J.V.
Indirect immunofluorescence for the diagnosis of Lassa fever.
Bull WHO, 1975 ; 52 :429-436.
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