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Résumé synthétique de la conférence du professeur Jean-Pierre THIBAUT
Premier thème abordé : Les fonctions exécutives
C’est le mot contrôle qui permet de cerner globalement le rôle chez l’individu des fonctions
exécutives.
Au cours du développement deux grandes dimensions vont se développer chez l’individu : en
premier lieu les connaissances ou plus exactement les représentations du monde qui inclut
toutes les représentations possibles que nous interagissons avec notre environnement. En
deuxième, les processus de traitement de l’information, c'est-à-dire toutes les manipulations
que je peux réaliser sur ces représentations afin de faciliter les tâches que je dois faire.
Ces processus de traitement sont l’objet d’un long développement qui s’étend depuis
l’enfance jusqu’à la fin de l’adolescence.
Ces processus de traitement et de contrôle de l’information seront moins performants dans la
période dite de déclin cognitif chez les personnes âgées.
Ce qui met l’enfant comme la personne âgée en difficulté ce n’est pas la tâche elle-même,
mais celle-ci lorsqu’elle devient plus complexe à gérer, sortant de l’habitude. C’est ce que les
psychologues désignent par le poids cognitif. Lorsqu’il augmente, c’est le poids de traitement
des informations qui augmente et met en difficulté l’enfant ou l’adulte âgé.
Il faut se rappeler que l’enfant développe ses propres représentations du monde, bien
différentes de celles de l’adulte, et de tous les phénomènes qui se produisent dans son
environnement. Lorsque l’enseignement ou l’éducation transmet de nouvelles connaissances à
l’enfant, même simplifiées, il se heurte souvent à un système de connaissances préexistant qui
ne permet pas à l’enfant d’assimiler les nouvelles informations reçues. La transmission en
général ne se fait qu’en prenant en compte le point de vue de l’adulte. Transmettre ne peut
fonctionner que si l’on tient compte du système de traitement propre à l’enfance.
Les fonctions exécutives : ce sont des processus cognitifs, c'est-à-dire des traitements de
l’information en provenance de l’environnement qui permettent le maintien et la conservation
d’une information appropriée afin de réaliser un objectif quelconque. Ce sont plus
précisément ces capacités, ces aspects, ces dimensions du traitement cognitif qui nous
permettent de suivre une cible, d’aller vers un objectif, de le planifier, de réguler notre prise
d’informations. Par exemple lorsqu’on aborde une partition nouvelle, il faut la décoder, la lire
et cela implique un ensemble de traitements d’autant plus nombreux et complexes que le
système symbolique de notation n’est pas de prime abord transparent. Il faut pouvoir
également se focaliser une part de son attention sur les doigtés ; il y a donc de très
nombreuses informations à gérer dans le même temps en parallèle. Cela nécessite d’ajuster en
permanence ses priorités aux nombreux stimuli de l’environnement.
C’est justement cela que l’enfant d’une manière générale fera beaucoup moins bien. Le
contrôle de l’information chez lui dans toutes ses dimensions n’est pas du tout assuré de la
même manière que chez l’adulte.
Les différentes fonctions exécutives
1) La fonction d’inhibition : c’est notre capacité à ne pas agir d’une manière qui semblerait
aller de soi à un moment donné. La personne qui inhibe bien ne sera pas perturbée par des
informations non pertinentes. Lorsqu’on lit une partition, nous traitons des stimuli que nous
transcrivons en mouvements. Il y a beaucoup d’autres informations peut être intéressantes
mais qu’il faut inhiber ; Pour que le système de traitement soit efficace dans la pratique
musicale, il ne doit pas être perturbé par toutes ces informations qui arrivent, qui frappent
notre système perceptif.
L’incapacité chez les enfants à raisonner par analogie ne provient généralement pas qu’ils
n’ont pas les connaissances nécessaires mais qu’ils n’arrivent pas à sélectionner les
informations pertinentes en inhibant celles qui ne le sont pas c'est-à-dire qui ne sont pas
importantes pour la tâche entreprise. C’est la tâche qui détermine ce qui est pertinent. Quand
vous faites de la lecture musicale ce sont les notes qui sont pertinentes.
L’inhibition en autres termes va permettre de résister aux phénomènes d’interférence, c'est-àdire ces stimuli en provenance de l’environnement auxquels on ne peut échapper.
Ainsi, sur toutes sortes de paramètres, à la fois moteurs, perceptifs et conceptuels, notre
système cognitif en termes de capacité à inhiber, évolue très largement de l’enfance à la fin de
l’adolescence.
2) La fonction de flexibilité : c’est notre capacité de modifier notre façon de traiter les
choses ; c’est la mesure dans laquelle nous sommes capables de faire quelque chose dans une
situation particulière qui jusque là a toujours été traité d’une autre façon. On peut dire
également que c’est une capacité à réorienter les contenus de pensée afin de mieux réagir à de
nouvelles situations. Chaque fois que nous devons trouver de nouvelles réponses, de
nouvelles manières de nous comporter, lorsque les manières habituelles ne fonctionnent pas.
C’est typique de ce qui se produit dans le contexte de l’enseignement. Il faut pouvoir
désengager son attention sur tel aspect de l’information afin de fixer son attention sur d’autres
aspects, plus utiles. La flexibilité est probablement très liée à la créativité. Dans
l’improvisation par exemple, on doit se montrer particulièrement flexible pour saisir
l’information au bond, être réactif dans l’instant.
La flexibilité permet la gestion de plusieurs dimensions d’un code dans le même temps,
comme c’est le cas avec le codage de la notation musicale dans laquelle sont superposées des
hauteurs, des durées, des intensités, des dynamiques.
Les enfants ont très peu de flexibilité, d’autant plus que leur faculté d’attention est très
fluctuante.
3) La fonction d’attention : il existe plusieurs sortes d’attention :
L’attention sélective c’est notre capacité à faire attention sélectivement à une partie de
l’information. Lorsqu’on joue un morceau de musique, nous regardons la partition
sélectivement.
L’attention soutenue c’est celle que l’on réclame de l’élève lorsque l’on fait cours. Ce
n’est pas simplement fixer son attention pendant un long laps de temps mais c’est la fixer
sur quelque chose de précis durant ce temps.
L’attention anticipative le rôle de l’attention anticipative sera de filtrer l’information pour
ne se concentrer que sur les informations pertinentes.
4) La fonction de planification
Il y a la micro planification : toute note jouée est jouée en fonction de ce qui la précède et de
ce qui va suivre, c’est donc anticiper pour pouvoir planifier, organiser, structurer en fonction
de tel ou tel phrasé. La planification est pleinement en action dans l’audition intérieure de la
musique : je connais par avance, grâce à cette écoute, vers où je dois aller dans la partition.
Cela nécessite également de l’attention. Mais si j’ai de l’avance par cette audition intérieure,
je sais ce que je vais faire, mais je ne le fais pas encore, c'est-à-dire qu’il y a de l’inhibition.
La planification s’appuie naturellement sur la mémoire à court terme ou mémoire de travail
qui représente toute l’information. Or il y a une grande labilité attentionnelle chez les jeunes
enfants, c'est-à-dire une attention très instable c’est le contraire de l’attention sélective
orientée précisément vers un objet particulier, en résistant aux interférences. Cette attention
sélective développée s’accompagne d’une très bonne capacité d’inhibition.
Si l’attention est nécessaire pour poursuivre une tâche définie c’est que notre système de
traitement cognitif a des capacités limitées. Pour réagir et intégrer les informations avec
efficacité, étant donné que ma mémoire vive n’a pas une capacité infinie, je dois faire en sorte
que ce soient les bonnes informations qui rentrent dans ma mémoire vive.
Il faut concevoir l’enfant comme une personne qui possède un système cognitif dont les
capacités sont beaucoup plus limitées que celles de l’adulte. Ils ont en particulier beaucoup de
difficulté à généraliser à partir d’un cas particulier que nous pouvons garder dans notre espace
conscient et que nous pourrons manipuler à un moment donné.
Toute activité quelle qu’elle soit exige de la mémoire de travail car elle demande une gestion
temporaire d’informations. Sans mémoire de travail on ne pourrait pas encoder à long terme.
Elle inclut bien sûr une forte composante d’attention et d’inhibition. Les capacités de la
mémoire de travail, peu développées chez l’enfant, augmentent progressivement jusqu’à la fin
de l’adolescence.
Dans une phrase musicale, on ne joue pas note à note, nous jouons par rapport à un continuum
que nous voulons installer. Il y a donc sans cesse une prise en compte de ce qui va être fait
afin de donner un sens musical, une expression à ce qu’on est en train de jouer. Ce sont
clairement des phénomènes de planification qui impliquent également de la motricité.
En résumé la planification est notre capacité à agir mais d’une manière organisée, par laquelle
nous prenons en compte les caractéristiques du but pour agir, et ceci avec le moins d’étapes
possibles, par le plus court chemin.
Pour conclure dès qu’il y a un processus de transmission dans des connaissances en direction
des enfants, il ne faut pas perdre de vue que leurs capacités en termes de coordination,
d’attention, de planification, d’inhibition et de mémoire de ce travail sont très différentes de
celles de l’adulte qu’ils deviendront un jour. La pratique de la musique peut elle influer
positivement sur ce développement ? C’est très probable, comme semble le confirmer
beaucoup de recherches actuelles.
La compréhension du système de notation musicale
Comme la plupart des systèmes de notation, il renvoie à une réalité qu’il s’agit d’appréhender
en le décodant. La question qui se pose immédiatement c’est : est ce que cela va de soi et en
particulier pour les jeunes enfants ? Est-il transparent ?
Remarquons tout d’abord que ce système qui rentre dans la catégorie plus vaste des systèmes
symboliques est totalement arbitraire, comme tout système de notation. L’enfant a-t-il
aisément accès à de telles procédures qui proposent quelque chose représentant autre chose ?
Tout à fait. Dès l’âge de deux ou trois ans il s’en montre capable.
Mais les contraintes du système cognitif générées par un développement non encore abouti
vont considérablement freiner l’assimilation d’un système symbolique aussi complexe que la
notation musicale.
La complexité de ce système provient du fait que le même signe porte plusieurs significations
simultanément, hauteur, durée, intensité, doigté.
La partition elle-même propose plusieurs couches de significations agglomérées qu’il est
indispensable de comprendre clairement pour pouvoir les gérer convenablement.
La musique ne se réduit pas à une juxtaposition de signes qu’il s’agit de décoder ; tout se
passe au niveau de la relation nécessaire entre ces signes qui vont s’ordonner pour former une
idée musicale, formant les unes à la suite des autres des groupes cohérents portant du sens.
L’enfant face à un système symbolique que ce soit le langage écrit ou la notation
musicale procède par assemblage. Mais l’assemblage ne conduit pas par un
cheminement direct vers le mot et sa signification ni vers l’idée musicale, l’incise ou le
phrasé.
L’assemblage ou l’apprentissage associatif qui fait le lien entre une analyse visuelle graphique
et un geste instrumental réduit sont eux même d’un accès déjà difficile.
Cette traduction de signes en gestes pour devenir réellement productive doit passer par
quelque chose de fondamental qui n’apparait pas dans la partition qui est l’idée que l’on doit
transmettre, le non écrit.
C’est ce qu’on appelle les propriétés émergentes. La perception globale du musicien doit le
conduire vers une forme de niveau supérieure, une propriété émergente. C’est un niveau de
codage supplémentaire.
Une autre difficulté pour l’enfant c’est l’utilisation d’un langage métaphorique qui par
définition n’est pas immédiat, dont la compréhension ne va pas de soi.
Il n’est pas aisé pour lui de saisir par exemple le lien logique entre une succession de notes
ascendantes et la graphie utilisée sur la partition.
Il faut bien comprendre que la question du codage de la partition n’a rien à voir avec les
fonctions éxecutives qui interviendront par contre constamment dans la gestion des
informations pendant la pratique musicale.
Pour que ce système de notation devienne productif, il doit devenir un système conceptualisé,
cohérent, renvoyant à une réalité que les signes par eux même sont incapables d’apporter.
L’enfant spontanément n’aura pas l’idée de regrouper les différents signes pour en faire des
unités cohérentes sur le plan musical, sur le plan expressif. Ce n’est donc pas un système
conceptuel qui délivre du sens une fois qu’on le maitrise à un certain niveau de
compréhension.
A ce niveau de compréhension on est en capacité de réaliser de multiples associations qui
vont s’automatiser sans pour cela donner sens à ce que l’on fait.
L’utilisation efficace d’un tel système et sa compréhension en premier lieu demande vraiment
beaucoup de temps, faute de transparence.
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