La compréhension du système de notation musicale
Comme la plupart des systèmes de notation, il renvoie à une réalité qu’il s’agit d’appréhender
en le décodant. La question qui se pose immédiatement c’est : est ce que cela va de soi et en
particulier pour les jeunes enfants ? Est-il transparent ?
Remarquons tout d’abord que ce système qui rentre dans la catégorie plus vaste des systèmes
symboliques est totalement arbitraire, comme tout système de notation. L’enfant a-t-il
aisément accès à de telles procédures qui proposent quelque chose représentant autre chose ?
Tout à fait. Dès l’âge de deux ou trois ans il s’en montre capable.
Mais les contraintes du système cognitif générées par un développement non encore abouti
vont considérablement freiner l’assimilation d’un système symbolique aussi complexe que la
notation musicale.
La complexité de ce système provient du fait que le même signe porte plusieurs significations
simultanément, hauteur, durée, intensité, doigté.
La partition elle-même propose plusieurs couches de significations agglomérées qu’il est
indispensable de comprendre clairement pour pouvoir les gérer convenablement.
La musique ne se réduit pas à une juxtaposition de signes qu’il s’agit de décoder ; tout se
passe au niveau de la relation nécessaire entre ces signes qui vont s’ordonner pour former une
idée musicale, formant les unes à la suite des autres des groupes cohérents portant du sens.
L’enfant face à un système symbolique que ce soit le langage écrit ou la notation
musicale procède par assemblage. Mais l’assemblage ne conduit pas par un
cheminement direct vers le mot et sa signification ni vers l’idée musicale, l’incise ou le
phrasé.
L’assemblage ou l’apprentissage associatif qui fait le lien entre une analyse visuelle graphique
et un geste instrumental réduit sont eux même d’un accès déjà difficile.
Cette traduction de signes en gestes pour devenir réellement productive doit passer par
quelque chose de fondamental qui n’apparait pas dans la partition qui est l’idée que l’on doit
transmettre, le non écrit.
C’est ce qu’on appelle les propriétés émergentes. La perception globale du musicien doit le
conduire vers une forme de niveau supérieure, une propriété émergente. C’est un niveau de
codage supplémentaire.
Une autre difficulté pour l’enfant c’est l’utilisation d’un langage métaphorique qui par
définition n’est pas immédiat, dont la compréhension ne va pas de soi.
Il n’est pas aisé pour lui de saisir par exemple le lien logique entre une succession de notes
ascendantes et la graphie utilisée sur la partition.
Il faut bien comprendre que la question du codage de la partition n’a rien à voir avec les
fonctions éxecutives qui interviendront par contre constamment dans la gestion des
informations pendant la pratique musicale.
Pour que ce système de notation devienne productif, il doit devenir un système conceptualisé,
cohérent, renvoyant à une réalité que les signes par eux même sont incapables d’apporter.
L’enfant spontanément n’aura pas l’idée de regrouper les différents signes pour en faire des
unités cohérentes sur le plan musical, sur le plan expressif. Ce n’est donc pas un système
conceptuel qui délivre du sens une fois qu’on le maitrise à un certain niveau de
compréhension.
A ce niveau de compréhension on est en capacité de réaliser de multiples associations qui
vont s’automatiser sans pour cela donner sens à ce que l’on fait.
L’utilisation efficace d’un tel système et sa compréhension en premier lieu demande vraiment
beaucoup de temps, faute de transparence.