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l’on daignait nous signaler quelque traduction), des idiomes curieux
parlés aux quatre coins du globe (le tongouze, cher à mon souvenir), et,
jusqu’en français, notre français, des tours et des constructions
inattendus, négligés par les grammaires que nous avions pu fréquenter
(du genre
Moi j’étais le gendarme et j’essayais de t’attraper
ou
Avoir les
pieds à dix heures dix
). Très vite, l’idée s’est alors insinuée en nous que
la langue, qui élude si bien les interdits et les carcans auxquels nous nous
étions, vaille que vaille, astreints à l’associer — que cette langue,
plastique et fonctionnelle, se prête malgré tout à une étude rigoureuse
où la liberté du jugement critique s’appuie, par nécessité, sur
l’argumentation grammaticale. Le cours d’“Exercices philologiques” fut,
pour moi comme pour deux de mes condisciples (Paul Hirschbühler et
Paul Verluyten), le premier contact avec la linguistique moderne. J’ose
dire qu’il détermina notre vocation.
Les années se sont succédées, depuis, jusqu’à ce jour de
décembre où Jacques Pohl nous a quittés. J’avais appris à connaître, au
fil du temps, le directeur de mémoire, puis de thèse, dont la tolérance
me permit d’aborder, avec quelque insouciance, la grammaire générative
et les études comparées ; le philologue et le linguiste, auteur de
plusieurs ouvrages et d’innombrables articles1, membre du Conseil
International de la Langue Française et du comité de rédaction du
Français Moderne
; l’homme d’honneur et l’homme politique, résistant
civil durant la dernière guerre, et pour un temps sénateur (1968-1971).
Je ne tenterai pas de résumer ici l’œuvre scientifique de Jacques
Pohl. Toute synthèse masquerait l’intérêt d’une démarche sans cesse
alimentée par des observations ponctuelles dont la richesse et la
diversité ne se laissent épuiser par aucune théorie. Jacques Pohl n’était
pas l’homme des programmes et des slogans : les principes abstraits et
1 Citons, entre autres choses, les titres suivants :
Témoignages sur la syntaxe du verbe
dans quelques parlers français de Belgique
, Bruxelles, Palais des Académies, 1962 ;
Symboles et langages
, tome I :
Le symbole, clef de l’humain
; tome II :
La diversité des
langues
, Paris-Bruxelles, SODI, 1968 ;
L’homme et le signifiant
, Paris-Bruxelles, Nathan-
Labor, 1972 ;
Les variétés régionales du français. Études belges (1945-1977)
,
Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1979 ; (partim)
Belgicismes. Inventaire
des particularités lexicales du français en Belgique
, Louvain-la-Neuve, Duculot (Conseil
International de la Langue Française), 1994. Voir aussi M. Dominicy et T. Gergely,
“Bibliographie des travaux scientifiques et didactiques de Jacques Pohl”, dans M.
Dominicy et M. Wilmet (éds),
Linguistique romane et linguistique française. Hommages
à Jacques Pohl
, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1980, pp. 9-19.