qui est la suivante : comment la foi chrétienne en la signification salvifique universelle de
Jésus-Christ peut-elle être conjuguée de manière conceptuelle en cohérence avec la
conviction tout aussi claire de la foi dans l'Alliance jamais-révoquée de Dieu avec Israël [2] ?
Le fait que l'Eglise et le judaïsme ne peuvent pas être présentés comme «deux voies de salut
parallèles », mais que l'Église doit « témoigner du Christ rédempteur auprès de tous » a été
déjà établi en 1985 dans le second document publié par la Commission du Saint-Siège pour
les relations religieuses avec les juifs. La foi chrétienne se maintient ou disparaît selon que
l’on confesse ou non que Dieu veut amener tous les hommes au salut, qu'il suit cette voie en
Jésus-Christ comme médiateur universel du salut, et qu'il n'y a pas « sous le ciel d'autre nom
donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés » (Ac 4, 12). Le concept de deux
voies parallèles de salut mettrait en cause, ou même en danger, la compréhension
fondamentale du Concile Vatican II selon laquelle les juifs et les chrétiens n’appartiennent pas
à deux peuples de Dieu différents, mais forment un seul peuple de Dieu.
D'une part, dans la confession de foi chrétienne, il ne peut y avoir qu'un seul chemin de salut.
D'autre part, cependant, il ne s'ensuit pas nécessairement que les juifs sont exclus du salut
de Dieu parce qu'ils ne croient pas en Jésus-Christ comme le Messie d'Israël et le Fils de Dieu.
Une telle affirmation ne trouverait pas de justification dans la compréhension sotériologique
de saint Paul qui, dans la Lettre aux Romains, apporte définitivement une réponse négative à
la question, qu’il avait lui-même posée, de savoir si Dieu avait répudié son propre peuple : «
Car les dons et l'appel de Dieu sont sans repentance » (Rm 11, 29). Le fait que les juifs ont
part au salut de Dieu est théologiquement incontestable, mais comment cela est-il possible
sans confesser le Christ explicitement ? C’est et cela demeure un mystère insondable de Dieu.
Ce n'est donc pas par hasard si les réflexions sotériologiques de Paul (cf. Romains 9-11), sur
le rachat irrévocable d'Israël dans le contexte du mystère du Christ, culminent dans une
doxologie mystérieuse : « O abîme de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu !
Que ses décrets sont insondables et ses voies impénétrables ! » (Rm 11, 33). Ce n’est pas
non plus un hasard si, dans la deuxième partie de son livre sur « Jésus de Nazareth », le pape
Benoît XVI fait dire à Bernard de Clairvaux, en référence au problème auquel nous sommes
confrontés, que pour les juifs « un point déterminé dans le temps a été fixé, qui ne peut pas
être anticipé » [3].
Cette complexité est également attestée par la reformulation de la prière du Vendredi saint
pour les juifs dans la forme extraordinaire du rite romain, publiée en février 2008. Bien que la
nouvelle prière du Vendredi saint confesse, sous la forme d'une supplication à Dieu,
l'universalité du salut en Jésus-Christ dans un horizon eschatologique (« la plénitude des
nations étant entrée dans ton Eglise») [4], elle a été vigoureusement critiquée par des juifs -
et bien sûr aussi par des chrétiens – et interprétée à tort comme un appel à la mission
explicite en direction des juifs [5]. Il est facile de comprendre que l’expression « mission en
direction des juifs » est une question très délicate et sensible pour les juifs, car, pour eux, il