Prélèvement de sang, voie veineuse et ponctions artérielles chez

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Prélèvement de sang, voie veineuse et ponctions artérielles chez les thalidomidiens à bras raccourcis La ponction des vaisseaux sanguins périphériques pour des raisons diagnostiques ou thérapeutiques peut présenter des difficultés chez les patients victimes de la thalidomide. L’anatomie de leur membre malformé est souvent modifiée ainsi que le cours des vaisseaux sanguins. Définitions Prélèvement de sang: Cette méthode est un diagnostic standard lors du traitement ambulatoire ou stationnaire. À l’hôpital l’on prend souvent le sang une ou plusieurs fois par jour. Chez les patients à membres sains, la ponction se fait généralement dans les veines superficielles de l’avant-­‐
bras ou du dos de la main. Le pli du coude est la région la moins douloureuse, elle doit cependant être réservée aux cas d’urgence, vu qu’ici les veines sont la plupart du temps bien visibles ou palpables. Les ponctions sont faites avec des seringues à usage unique ou avec des aiguilles à ailes (Butterfly). Image : Aiguille Butterfly (Source: image personnelle) Chez les thalidomidiens je recommande la ponction des veines du dos de la main lorsqu’elles sont visibles. Vu que les mains botes des thalidomidiens sont plutôt courbées, l’utilisation d’aiguilles Butterfly est plus efficace que celle des aiguilles normales : elles sont généralement plus courtes et facilitent la ponction. Perfusion intraveineuse: Appliquée pour des raisons thérapeutiques, cette méthode permet d’administrer des médicaments et des liquides. L’entrée en action des médicaments est plus rapide et les taux sanguins sont plus élevés, vu qu’ils ne sont pas métabolisés dans le foie (first pass effect). Le principe de cette méthode est d’introduire avec précaution un cathéter (tuyau mince en plastique sans latex qui enrobe une canule) dans la veine en direction du flux sanguin (direction du cœur). Dès que le sang arrive dans le mandrin (le bout non introduit du cathéter), il faut faire glisser sans forcer le cathéter sur l’aiguille afin de le positionner dans la veine. Ainsi seul le cathéter reste placé dans le vaisseau sanguin; celui-­‐ci est flexible et ne blesse pas la veine lors du mouvement du bras ou de la main. Image gauche: Canule veineuse à demeure avant usage (l’aiguille se trouve dans le cathéter). Image droite: Cathéter et aiguille: L’aiguille sert seulement à la ponction et à guider le cathéter lors de l’introduction dans la veine. Le cathéter est constitué d’un tuyau mince transparent qui reste dans la veine du patient et du mandrin (ici rose) qui est la partie visible de la canule à demeure, permettant de connecter des perfusions ou d’appliquer des médicaments intraveineux. (Source: image personnelle) Ponction artérielle: La ponction artérielle vise à obtenir un échantillon de sang pour une gazométrie (évaluation de la ventilation et l'équilibre acido-­‐basique) ou à insérer un cathéter pour mesures diagnostiques et thérapeutiques (mesure continuelle de la pression artérielle ou pour les examens comme le cathétérisme cardiaque). La ponction se fait généralement dans une des deux artères de l’avant-­‐bras juste au-­‐dessus le poignet. Avant d’effectuer une ponction artérielle au niveau du poignet il est indispensable de palper les deux artères de l’avant-­‐bras (artères radiale et ulnaire) et de s’assurer qu’elles sont existantes. Il est interdit d’exécuter une ponction dans le cas d’existence d’une artère unique, vu qu’une lésion pourrait entraîner une diminution ou absence totale de la perfusion de la main correspondante. Pour la gazométrie une ponction à aiguille fine suffit pour obtenir un échantillon de sang. La canule est enlevée directement après l’obtention de la quantité de sang nécessitée. Dans le cas de la mesure artérielle sanglante, le cathéter introduit dans l’artère demeure placé tout au long du diagnostic prévu. C’est ainsi que l’on obtient une mesure continue et très précise de la tension artérielle. Endroits habituels pour ponction artérielle (Source: image personnelle) Pour les méthodes décrites ci-­‐dessus, un avant-­‐bras à anatomie et structures normales est nécessaire: peu de tissu graisseux et peau fine pour bien pouvoir voir les vaisseaux sanguins. Les voies empruntées par des veines montrent de grandes variations individuelles. C’est entre autres une raison pour laquelle l’on pose un garrot pour la prise de sang veineux: le reflux veineux est alors bloqué tandis que la perfusion artérielle persiste. Ceci favorise la dilatation des veines – elles deviennent alors bien visibles, peuvent être palpées et ponctionnées plus facilement; en plus l’augmentation du diamètre du vaisseau sanguin réduit considérablement le risque de perforation à travers la veine. Image en haut: Les veines du bras en état normal. Image en bas: les veines superficielles sont dilatées 30 secondes après avoir placé un garrot et sont alors mieux visibles et bien palpables. (Source: image personnelle) La ponction artérielle se pratique sans garrot. C’est par palpation et connaissance anatomique du parcours des artères qui est très constant, que l’on ponctionne. La prise de sang peut présenter des difficultés même chez les personnes saines, par exemple en cas d’obésité ou lors d’une réduction importante de la perfusion sanguine. Une documentation personnelle non publiée au cours d’une période de 18 mois a montré que dans 90% des cas un seul essai suffisait pour poser une voie périphérique veineuse en cas d’urgence. Dans 9% de cas, plusieurs essais étaient nécessaires. Dans 1% des cas, l’application périphérique était impossible et le placement d’une voie veineuse centrale était nécessaire. En résumé, on constate qu’une anatomie normale de l’avant-­‐bras est une condition essentielle pour les ponctions des vaisseaux sanguins. Prélèvement de sang veineux lors de la malformation de l’avant-­‐bras Une majorité de thalidomidiens souffre d’une malformation importante de l’avant-­‐bras (jusqu’à l’absence complète de celui-­‐ci), rendant les soins médicaux difficiles, même pour le personnel médical très expérimenté. Lors de malformations du membre supérieur il est cependant recommandé de tenter une ponction après avoir posé un garrot, car la formation de veines superficielles existe dans certains cas. Cette méthode doit être favorisée aux méthodes plus invasives. Une minute après avoir placé le garrot, on observe sur cette main bote au côté radial trois veines superficielles dilatées, bien visibles et palpables. Pour une ponction on choisirait probablement la veine longue au milieu de l’image (Source: image personnelle) En cas de traitement hospitalier, il est important de mentionner que l’autonomie des personnes avec des malformations aux membres ne possède guère de redondance. Une perfusion à la main suffit pour que le patient ne puisse plus aller seul aux toilettes. Vu que les thalidomidiens souffrent souvent d’une aplasie du pouce, ils saisissent les objets à l’aide des deux mains. Ainsi la perte de la fonction d’une main rend impossible l’accomplissement d’activités quotidiennes comme l’ouverture et la fermeture d’un bouton ou d’une fermeture éclaire. En outre il est important de mentionner que l’usage de l’urinal n’est pas possible pour la plupart des personnes à bras raccourcis alitées. Ce problème n’est souvent pas évident pour le personnel médical et le patient doit le leur communiquer. C’est souvent un petit détail qui peut conserver une certaine autonomie au patient avec une voie périphérique veineuse: en cas de perfusion par exemple, on laisse une boucle de la tubulure au niveau de la main et on fait retourner la ligne vers l’épaule, la fixant au coude et à l’épaule avant de la retourner à la pochette de liquide d’infusion; ainsi le patient peut mieux utiliser son bras et il ne s’accroche et s’emmêle pas aussi souvent avec la ligne. Lorsqu’une ponction à l’avant-­‐bras n’est pas possible, on peut choisir d’autres voies d’abord. De nos jours, en temps de paix, ces voies d’accès sont moins pratiquées et tombées un peu dans l’oubli. La médecine militaire cependant utilise souvent les ponctions aux endroits non habituels; elles étaient très communes lors des guerres surtout pour la transfusion de sang chez les patients à amputations multiples. 1. Veine fémorale La meilleure alternative pour obtenir un échantillon de sang est la ponction de la veine fémorale dans le pli de l’aine. Ici, la veine est si large qu’elle peut facilement être palpée et ponctionnée; la mise en place d’un garrot ici n’est ni nécessaire, ni possible. L’on observe cependant plus de complications, surtout des infections locales à cet endroit. C’est pourquoi il n’est pas recommandé de poser une voie périphérique dans le pli de l’aine. 2. Veines du bas de la jambe et du pied Un autre endroit approprié pour la prise de sang sont les veines de la jambe et du dos du pied. En cas d’urgence, une voie veineuse périphérique peut être placée, les complications à long terme sont cependant fréquentes (thrombophlébite et thrombose). 3. Veines du cou La veine jugulaire au niveau du cou est bien visible lorsque le patient est allongé sur le dos et les jambes sont légèrement élevées (similaire à la position de choc). Une ponction de la veine jugulaire ou sous-­‐clavière doit être pratiquée par un médecin expérimenté. Les risques et complications à cet endroit peuvent être sévères, même fatals: lésions de structures délicates en proximité de la veine jugulaire, pneumothorax, infections, perforation complète de la veine avec risque d’hématome important et de perfusion de liquide dans le thorax, aspiration d’air lors d’un système de perfusion non étanche avec embolie gazeuse consécutive ou insuffisance cardiaque. 4. Perfusion intra-­‐osseuse Le site de ponction est ici la partie proximale du tibia, juste en dessous de la tubérosité tibiale antérieure (chez les adultes environ 7 cm au distal de la rotule). La ponction se fait avec un système spécial et permet une hydratation aussi efficace que par voie veineuse, vu le réseau vasculaire très riche de la moelle osseuse. Cette méthode est bien plus ancienne que l’abord veineux et a été pratiquée des milliers de fois lors de la deuxième guerre mondiale. Aujourd’hui l’abord intra-­‐osseux est bien codifié chez les enfants. À ce jour cette méthode simple et rapide à poser ne s’est pas imposée chez les adultes. La complication la plus redoutée est l’infection (ostéomyélite), pendant les premières 24 heures celle-­‐ci est cependant minimale. Une prise de sang n’est pas possible lors du choix de cet abord. 5. Perfusion intrapéritonéale Dans ce cas la ponction se fait au niveau de la cavité péritonéale. La technique est simple et permet une réhydratation efficace en cas de déshydratation importante vu la capacité énorme du péritoine à absorber les liquides (et certains médicaments). Un prélèvement de sang ici n’est pas possible non plus. 6. Voies veineuses centrales Les voies veineuses centrales sont utilisées lorsque les autres voies d’abord ne sont pas accessibles ou lorsque des quantités importantes de liquide doivent être perfusées en cas de traitement hospitalier. -­‐ Voie veineuse centrale : La voie veineuse centrale permet de cathétériser une veine à gros calibre. La ponction se fait au niveau du cou ou de la clavicule. Le cathéter est avancé dans la veine cave supérieure. Les complications sont rares et les systèmes si développés qu’ils peuvent demeurer longtemps dans la veine sous condition de placement et soins aseptiques; le patient peut se déplacer sans difficultés et même sortir passagèrement de l’hôpital avec la voie placée. -­‐ Cathéter à chambre implantable (CCI): Ce système consiste en petite capsule en métal (d’environ 3 cm de diamètre) recouverte d’une membrane spéciale en silicone. La chambre est reliée à un cathéter que l’on place dans la veine cave supérieure. La capsule est implantée sous la peau au niveau du thorax (généralement entre la clavicule droite et le sternum) au cours d’une mini-­‐intervention chirurgicale. Le système, n’ayant aucun contact avec l’extérieur, présente un risque infectieux minime. Il permet un accès répété au système vasculaire pour prélèvement de sang, injections de médicaments ou perfusion de liquides en ponctionnant la membrane à travers la peau à l’aide d’une aiguille spéciale. Cette ponction n’est peu ou pas douloureuse. Le CCI est surtout utilisé en cas de chimiothérapie anticancéreuse et peut rester placé pendant des années. Ce système présente aussi une alternative pour les thalidomidiens lorsque des ponctions veineuses répétées sont nécessitées pour des raisons diagnostiques ou thérapeutiques et lorsque les voies d’abord périphériques sont difficiles à atteindre. CCI: la capsule au bas de l’image est implantée sous la peau et le cathéter connecté est placé dans une veine centrale à grand calibre (source: Wikipedia, licence libre) Aiguille spéciale pour CCI. À gauche dans l’image la canule pour ponction de la membrane de la chambre à travers la peau (Source: Wikipedia, licence libre) Ponction artérielle chez les personnes victimes de malformations des membres supérieurs Avant la ponction d’une artère de l’avant-­‐bras, il est indispensable de s’assurer de l’existence des deux artères (ulnaire et radiale) comme chez les personnes saines. En cas de malformation du bras des thalidomidiens l’on observe fréquemment des variations importantes des vaisseaux sanguins ou l’agénésie complète d’une artère. Même lors de malformations minimes la perfusion artérielle peut être sévèrement altérée. L’on a observé des cas d’absence totale d’une artère de l’avant-­‐bras malgré un degré de malformation minimal (par exemple une hypoplasie modérée de la paume). En cas de dysplasie d’une artère du bras, on choisira une artère de la jambe pour la ponction artérielle et vice-­‐versa. Lors de malformations sévères des quatre membres, la localisation recommandée pour ponctionner une artère sera au niveau du thorax (par exemple l’artère sous-­‐clavière). 12/2014 Dr. J. Schulte-Hillen / Dr. Selma El Kassem
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