LA FEUILLE ROUGE -
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S. Lyonnard (SPRAM), G. Prenat (SPINTEC), P. Warin (SP2M) - Mise en page : M. Benini (DIR) tél. 04 38 78 36 33
INSTITUT NANOSCIENCES ET CRYOGÉNIE
Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives - Direction des Sciences de la Matière - Centre de Grenoble
Le projet ArTéMiS a pour objet le dévelop-
pement d’une nouvelle caméra de détection
photonique dans le domaine des longueurs
d’onde submillimétriques (voir encart). Cette
caméra est composée de miroirs en aluminium
devant être refroidis à 70 et 4 K, et de trois
matrices de bolomètres refroidis à 300 mK,
développées par le LETI et basées sur la techno-
logie PACS de l’observatoire Herschel.
Intertitre
La conception du cryostat a présenté plu-
sieurs défis : les contraintes de masse et de
volume étaient sévères compliquant la concep-
tion.. La caméra doit être placée au foyer du
grand télescope APEX (Fig. 1) situé sur le haut
plateau de Chajnantor à 5100 m d’altitude au
Chili. Dans ces conditions extrêmes, le cryostat
se doit d’être autonome, sans réservoir cryo-
génique. Les sources froides sont un tube à
gaz pulsé produisant une température de 4 K
et un cryo-réfrigérateur bi-étagé à adsorption
développé par nos soins capable de maintenir
300 mK (Fig. 2). En outre, un grand nombre de
composants tels que les miroirs, les bolomètres,
les filtres optiques et l’électronique doivent y
être intégrés alors que de fortes limitations de
taille et de masse ont été imposées compte
tenu de la place exigüe allouée au sein du
télescope.
Une forme complexe, en haricot, s’est
imposée afin d’accommoder ces contraintes
d’espace (Fig. 3). Les écrans thermiques, à
l’intérieur du cryostat, sont en aluminium pour
limiter leur poids et ont une forme étudiée pour
loger les miroirs et les bolomètres. La nuance
d’aluminium utilisée présente de bonnes carac-
téristiques mécaniques nécessaires à la fixation
et à la rigidité des optiques et des bolomètres.
Tous ces composants internes doivent trouver
leur position nominale à froid de manière
à assurer l’alignement optique permanent
entre les bolomètres et le foyer du télescope.
L’aluminium choisi possède également une
bonne conductibilité thermique à basse tempé-
rature permettant de limiter les gradients ther-
miques qui auraient dégradé les performances
thermiques du cryostat. Seul inconvénient,
il était impossible de trouver des lopins de
dimensions suffisantes pour usiner directement
les écrans dans la masse. Un procédé particu-
lier de brasure en bain de sel a dû être réalisé
pour constituer des blocs de taille suffisante. De
nombreux tests de conduction thermique ont été
effectués pour valider les liaisons assemblées
par brasure.
Les premiers tests thermiques du cryostat,
effectués au SBT, ont montré des niveaux de
température conformes aux prédictions et les
gradients thermiques dans les écrans sont
même inférieurs à ceux calculés. Ces tests
devront être poursuivis lors de l’intégration
complète de tous les composants.
Le projet ArTéMiS est un projet transverse
avec le Service d’Astrophysique (SAp) de
l’IRFU à qui le cryostat a été livré. Dans les
semaines à venir, le SAp intégrera l’optique et
les bolomètres. Le cryostat deviendra ainsi une
caméra d’observation. Elle sera installée dans
le télescope APEX en mars 2013.
Le SBT a entièrement conçu, réalisé et testé un cryostat capable de maintenir une température de 300 mK pour refroidir les bolomètres du
projet ArTéMiS (Architectures de bolomètres pour des Télescopes à grand champ de vue dans le domaine sub-Millimétrique au Sol) qui s’intéresse
à la formation des étoiles et des galaxies.
Les yeux d’ArTéMiS
La caméra ArTéMiS scrutera le ciel à 3 lon-
gueurs d’ondes différentes, et simultanément, à savoir
200, 350 et 450 µm. Cette fenêtre spectrale est celle
à travers laquelle les objets froids de l’Univers (des
régions denses de gaz et de poussières cosmiques)
émettent une grande partie de leur énergie. Ces
régions sont des centres de formation d’étoiles et
galaxies. À ces longueurs d’onde, on peut également
étudier des galaxies plus anciennes et plus distantes
dont le rayonnement a été décalé vers le rouge (sorte
d’effet Doppler, un phénomène considéré comme une
preuve de l’expansion de l’univers).
Il est difficile d’étudier le rayonnement submilli-
métrique sur terre car ces longueurs d’onde sont
absorbées par la vapeur d’eau de l’atmosphère. Soit
on envoie l’observatoire dans l’espace (c’est le cas
d’Herschel) soit on place le télescope sur des sites en
altitude et dotés d’une atmosphère sèche. C’est pour-
quoi les hauts plateaux du Chili, zone aride située à
plus de 5000 mètres d’altitude, représentent un site
des plus intéressants.
UN CRYOSTAT POUR UNE DÉESSE
cryogénie
N° 584 juin 2012 - inac.cea.fr/feuille_rouge
Fig.3 : Le cryostat
Fig.1 : Schéma simplifié du trajet optique et de l’intégration ArTéMIS
avec APEX.
Fig.2 : Le réfrigérateur à adsorp-
tion