Les Entretiens
de Bichat
26 sept. 2014
Salle 341
17 h 30 18 h 30
Néphrologie
Atelier
© Les entretiens de Bichat 2014 - 1
Le suivi des patients dialysés chroniques
L. Mercadal*, F. Vrtovsnik*
* Service de Néphrologie, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Hôpital Bichat, AP-HP, Paris
Le suivi des patients dialysés chroniques comprend un suivi
en centre de dialyse et par des intervenants médicaux exté-
rieurs dont les médecins généralistes. Souvent appelés dans
le cadre d’un événement intercurrent, ces intervenants
peuvent aussi être amenés à intervenir dans le cadre d’hos-
pitalisation à domicile. Ce texte vise à rappeler les principes
généraux du suivi des patients dialysés chroniques et les
pièges du suivi et de la prescription liés à la maladie rénale
chronique au stade de la dialyse.
Le suivi en centre a été codifié par la Haute Autorité de Santé
en 2012 pour le suivi biologique et morphologique. Le suivi
biologique en centre au branchement en dialyse permet la pré-
servation du capital veineux. Il doit être adapté et renforcé lors
d’événements intercurrents souvent pourvoyeurs de modifica-
tions biologiques. La visite auprès du néphrologue dépend du
type de centre. Elle se déroule à chaque séance en centre d’hé-
modialyse, elle est hebdomadaire en unité de dialyse médicali-
sée et mensuelle en autodialyse et en dialyse péritonéale. Les
centres sont actuellement majoritairement équipés de dossier
informatisé permettant la transmission rapide des données
médicales de ces patients au passé médical souvent complexe.
Surveillance de la biologique courante
La surveillance biologique selon les recommandations de
l’HAS 2012 comprend : toutes les 1 à 4 semaines le iono-
gramme sanguin, créatininémie, albuminémie, bicarbonaté-
mie, NFS plaquettes ; toutes les 2 à 4 semaines calcémie,
phosphatémie ; tous les 3 mois parathormone (PTH), tous les
3 à 6 mois vitamine OH-D ; le bilan martial toutes les 4 à
12 semaines ; les sérologies virales VHB, VHC, VIH tous les
6 mois ; le bilan lipidique tous les ans. La dose de dialyse déli-
vrée est calculée à partir de la mesure d’urée avant et après
dialyse tous les mois ou elle est mesurée en ligne par le géné-
rateur de dialyse. Des modifications d’efficacité peuvent rapi-
dement retentir sur la biologie et notamment sur la kaliémie
et la bicarbonatémie. Une sous dialyse est responsable d’une
augmentation de la morbi-mortalité. L’ensemble de ces para-
mètres a fait l’objet de recommandations de bonnes pratiques
à l’échelle européenne et internationale pour les cibles à
atteindre pour chacun de ces paramètres.
Les troubles de la kaliémie restent une cause importante de
morbi-mortalité en dialyse, plus fréquents après les deux jours
sans dialyse dans les schémas trois fois par semaine et dans les
situations de jeûne, de stress, d’hémorragie, de chirurgie, de
déséquilibre glycémique chez les patients diabétiques. La kalié-
mie est mesurée au minimum une fois par mois et la surveil-
lance doit être renforcée dans toutes situations inhabituelles.
La fréquence de surveillance reste faible si on en croit les don-
nées américaines et tend à être majorée.
La surveillance de la natrémie est en général réalisée une fois
par mois et doit être répétée dans les situations aiguës. Elle
permet d’adapter la teneur du dialysat en sodium, action
recommandée en cas d’hyponatrémie pour diminuer le risque
de myélinolyse centro-pontique.
La surveillance nutritionnelle est basée sur la mesure de l’albu-
minémie une fois par mois. La dénutrition protidique est fré-
quente et fait partie du syndrome urémique. Elle est
hautement liée à la morbi-mortalité. Une albuminémie infé-
rieure à 38 g/L en vert de bromocresol ou 35g/l en néphelmé-
trie impose un suivi diététique.
Le produit de catabolisme protidique normalisé (nPCR) peut
être calculé à partir des dosages d’urée pré et post dialyse. Un
patient hémodialysé avec un nPCR < 1.1 g/kg/jour doit bénéfi-
cier d’un suivi diététique.
Le bilan martial comprend au minimum ferritinémie et coeffi-
cient de saturation. Le pourcentage de globules rouges hypo-
chromes peut également guider la suplémentation en fer
intraveineux qui doit permettre de maintenir une ferritinémie
entre 200 et 500 ng/mL, un coefficient de saturation entre 20 et
30 % et un pourcentage de globules rouges hypochromes infé-
rieur à 10 %. L’apport en fer intraveineux est couramment réa-
lisé pendant les séances de dialyse pour palier les pertes
obligatoires occasionnées par le circuit sanguin extracorporel.
La cible d’hémoglobine a fait l’objet de nombreuses études chez
le malade rénal chronique dialysé et non dialysé. Il en ressort que
la cible doit se situer entre 10 et 12g/dL sans dépasser 13g/dL.
L’ajustement des prescriptions d’érythropoïétine se base sur un
dosage d’hémoglobine de début de séance de milieu de
semaine, l’hémodilution ou l’hémoconcentration jouant un rôle
2014 © Les Entretiens de Bichat, Tous droits réservés - Toute reproduction même partielle est interdite.
2014 © Les Entretiens de Bichat, Tous droits réservés - Toute reproduction même partielle est interdite.
Néphrologie
Atelier
2 - © Les entretiens de Bichat 2014
La prescription médicamenteuse
Les pièges sont nombreux en matière de prescription médi-
cale chez les patients insuffisants rénaux chroniques. La pres-
cription d’examens radiologiques avec injection de produit
de contraste iodé en hémodialyse doit être encadrée par une
évaluation du poids, de la surcharge hydro-sodée et de la
diurèse résiduelle. Les risques sont l’œdème aigu du poumon
en cas de surcharge préexistante et la perte de la fonction
rénale résiduelle. Au mieux une séance de dialyse sera réali-
sée juste après l’examen avec injection. L’injection de gado-
linium n’est pas néphrotoxique mais peut provoquer une
fibrose cutanée, appelée fibrose néphrogénique systémique
chez le patient dialysé, fibrose pouvant s’étendre à tous les
organes. Une étude nationale a permis de montrer que cette
complication dépendait du type de gadolinium injecté et que
les gadoliniums macrocycliques devaient être privilégiés chez
ces patients.
La posologie des médicaments à élimination rénale doit être
adaptée. En cas de pathologie infectieuse, les pénicillines, les
aminosides, les quinolones, les sulfamides, les glycopeptides,
le fluconazole, la fluocytosine, les antiherpétiques nécessitent
une adaptation de posologie. Nombre de ces molécules
peuvent bénéficier d’une administration par voie intravei-
neuse trois fois par semaine en fin de séance de dialyse. En
dialyse péritonéale, la voie intra-péritonéale est utilisée pour
le traitement des péritonites médicales liées à la technique.
Parmi les antituberculeux, le pirilene et l’éthambutol néces-
sitent une adaptation de posologie.
L’hypertension artérielle reste présente chez plus de 90 % des
patients dialysés. L’objectif tensionnel est de 140/90 mmHg en
évitant les chutes tensionnelles en séance. Les IEC, les antago-
nistes de l’angiotensine II, les inhibiteurs calciques sont prescrits
à dose pleine. Seuls les diurétiques de l’anse sont prescrits et à
forte dose pour maintenir une diurèse résiduelle. Une attention
particulière doit être portée à la prescription des bétabloquants
dont la voie d’élimination dépend de la molécule.
Les sulfamides hypoglycémiants, la metformine sont contre-
indiqués à ce stade de la maladie rénale chronique. Parmi les
inhibiteurs de la DPP4, seule la vildagliptine est éliminée par le
foie, les autres molécules nécessitant une réduction de posolo-
gie. Le repaglinide peut également être poursuivi avec une
réduction de posologie. L’insulinothérapie reste la base du trai-
tement à cette phase de la maladie avec un objectif d’hémo-
globine glyquée de moins de 8 %, le risque vital à ce stade
étant dominé par le risque d’hypoglycémie.
Conseils aux patients hémodialysés chroniques
Des conseils doivent être renouvelés auprès de ces patients afin
d’éviter les complications liées à la maladie rénale chronique et
à son traitement par hémodialyse.
Hygiène et sécurité
Le bras de la fistule doit être lavé avec des savons doux,
quotidiennement sans traumatiser les zones de ponction.
important dans les variations de mesure de ces patients à volume
extracellulaire variable suivant le moment de la semaine.
La PTH doit être comprise entre 2 et 9 fois la norme supérieure
de la méthode de dosage qui doit être précisée. Une PTH basse
est en faveur d’un os adynamique et une PTH élevée, d’autant
qu’elle s’accompagne de phosphatases alcalines osseuses éle-
vées, d’une hyperparathyroïdie secondaire. Si elle s’associe à
une hypercalcémie, elle est dite tertiaire autonomisée. La sur-
veillance des cross laps chez le patient dialysé n’a pas été rete-
nue dans les recommandations internationales.
Les marqueurs cardiaques tendent à être plus surveillés mais
n’ont pas encore fait l’objet de recommandation. La troponine
ultrasensible est particulièrement liée à l’hypertrophie ventricu-
laire gauche très fréquente dans cette population et au risque
coronaire. Le Brain Natriuretic Peptide (BNP) et le proBNP per-
mettent d’évaluer la surcharge hydro-sodée mais sont égale-
ment influencés par l’hypertension artérielle, l’hypertrophie
ventriculaire, l’anémie. Le BNP n’est pas influencé par la fonc-
tion rénale à l’inverse du proBNP.
L’épuration des moyennes molécules peut être évaluée par le
dosage de la ß2 microglobuline, également influencée par
l’état inflammatoire. Son épuration est facilitée par l’utilisation
de membranes hautement perméables avec dialysat ultrapur
et d’hémodiafiltration.
La surveillance de la C-Reactive Protein permet une détection
précoce des pathologies infectieuses. Elle n’a cependant pas fait
l’objet de recommandation. La procalcitonine permet comme
dans la population générale de différencier les pathologies
infectieuses non virales des pathologies virales ou inflamma-
toires avec un seuil proche de celui de la population générale.
L’hémoglobine glyquée doit être réalisée tous les 3 mois chez
les patients diabétiques. Le bilan lipidique est recommandé une
fois par an. Les études sur les statines en prévention primaire
en hémodialyse sont négatives à l’inverse des études chez les
malades rénaux chroniques non dialysés. Les statines restent
indiquées en prévention secondaire avec des objectifs qui
doivent être ceux de la population générale.
Les patients inscrits sur liste de greffe doivent bénéficier d’une
surveillance d’anticorps anti-HLA tous les 3 mois et après trans-
fusion et grossesse ou fausse couche.
Le suivi morphologique
Le suivi cardiologique comprend un ECG annuel, une échogra-
phie cardiaque tous les 3 ans ou plus suivant le contexte, une
échographie de stress ou une scintigraphie cardiaque tous les
3 ans ou plus suivant le contexte et un doppler des vaisseaux
du cou et des membres inférieurs suivant le contexte et suivant
l’index de pression artérielle cheville/bras. La fistule est suivie
en centre par la mesure du débit de fistule et suivant les para-
mètres de surveillance per-dialytiques, par écho-doppler et fis-
tulographie. L’échographie abdominale est réalisée tous les 1 à
2 ans et la radiographie de thorax suivant le contexte. Les
patients inscrits sur liste de transplantation rénale doivent tenir
un bilan morphologique général à jour de moins de 2 ans.
2014 © Les Entretiens de Bichat, Tous droits réservés - Toute reproduction même partielle est interdite.
2014 © Les Entretiens de Bichat, Tous droits réservés - Toute reproduction même partielle est interdite.
Néphrologie
Atelier
© Les entretiens de Bichat 2014 - 3
Si le potassium est supérieur à 5.5 mmol/L au branchement
en dialyse, il convient de limiter l’apport d’aliments riches en
potassium : pommes de terre, abricot, kiwi, banane, datte,
fruits secs, cerises, avocat, melon, épinards, champignons,
lentilles, choux de Bruxelles, artichaut, chocolat, noisettes,
beurre de cacahuètes. Les sels de régime sont contre-
indiqués. Prendre polystyrène de sodium ou polystyrène de
calcium après le repas le plus copieux, d’autant qu’il contient
des fruits, des légumes ou des pommes de terre.
Si le phosphore est supérieur à la normale au branchement
en dialyse, il convient de limiter l’apport des aliments sui-
vants : fromages à pâtes dure (gruyère, comté, emmental,
beaufort, parmesan, cantal…), Vache qui rit, chèvre sec,
abats, sardine, dorade, hareng, crustacés, céréales com-
plètes (pain complet, pâtes ou riz complet), fruits oléagi-
neux (amandes, cacahuètes, noisettes, noix, pistaches),
légumes secs (haricots blancs, lentilles).
Traitements et surveillance
Il convient de prendre les traitements qui diminuent l’absorp-
tion du phosphore (sevelamer, acetate de calcium, carbonate
de lanthanum) pendant les repas les plus riches en apport
protéiné.
La pression artérielle peut être contrôlée au domicile à l’aide
d’un brassard automatique. Les recommandations chez les
personnes dialysées sont identiques à la population générale
soit une pression artérielle inférieure à 140 / 90 mmHg.
En cas de fièvre, vomissements, diarrhée, sensation de malaise,
il convient de contrôler la pression artérielle et ne pas prendre
les traitements antihypertenseurs si la pression artérielle est
inférieure à 110 mmHg et de consulter sans attendre.
L’objectif de contrôle du diabète est une HbA1c inférieure à
8 % sans hypoglycémie.
Les examens avec injection de produit de contraste iodé et
gadolinium doivent idéalement être réalisés avant une
séance de dialyse, sauf urgence, surtout si la prise de poids
entre 2 séances de dialyse est élevée.
Sauf urgence, les prélèvements sanguins doivent être réalisés
en dialyse. Cette mesure permet de préserver les veines.
En cas de traitement anticoagulant oral, le contrôle de l’INR
aura lieu en dialyse toutes les 1 à 2 semaines.
Il convient de préciser à tous les médecins que vous consul-
tez que vous êtes dialysés. Certains médicaments nécessitent
une adaptation de la dose s’ils sont éliminés par les reins.
Parler des effets secondaires des médicaments à votre
médecin.
Parler des médicaments que vous ne prenez pas ou peu
régulièrement à votre médecin.
Effectuer un suivi cardiologique.
Effectuer un suivi gynécologique annuel.
Effectuer la vaccination contre la grippe, le pneumocoque et
contre l’hépatite B.
Le cathéter de dialyse doit rester couvert par le pansement
entre deux séances. Le pansement ne doit pas être mouillé.
L’eau n’étant pas stérile, un pansement mouillé expose au
risque d’infection du cathéter.
La dialyse est réalisée sous anticoagulation efficace lors de la
séance. En cas de geste chirurgical ou de ponction, ces
gestes seront programmés un jour sans dialyse ou la séance
sera réalisée sans anticoagulant.
En cas d’essoufflement, prendre contact rapidement avec le
centre de dialyse ou appeler le SAMU
Faire du sport ou au minimum de la marche
Arrêter de fumer
Diététique
Les apports liquidiens doivent permettre de limiter la prise de
poids entre deux séances à moins de 3 kg. Pour ce faire, les
apports liquidiens doivent être proches du volume urinaire
majoré d’un demi-litre. La diurèse doit être mesurée en cas
de prise de poids excessive pour réadapter les apports.
Il convient de manger peu salé, 6 g de sel par jour au plus.
Pour cela, ne pas ajouter de sel à table, limiter les aliments
riches en sel tels que crustacés, fruits de mer, conserves de
viande, de poisson, de légumes, préparation industrielle de
plats, les condiments tels olives, câpres, variantes, les eaux
riches telles que les boissons gazeuses, le Vichy (sauf s’il vous
est conseillé pour l’apport en bicarbonate), la charcuterie.
Préférer les fromages frais ou les laitages plutôt que les fro-
mages à pâtes molles à secs (30 g de camembert contient
350 mg de sodium alors qu’un petit suisse n’en contient que
10 mg). Eviter les poissons fumés, utiliser les légumes verts
frais ou surgelés, ne pas consommer de chips ou de façon
limitée. Enfin, l’apport en sel est à moduler suivant la prise
de poids et la pression artérielle.
L’apport protéiné doit être important contrairement à la
période avant dialyse, de l’ordre de 1.2 g/kg et par jour. Les
protéines sont apportées principalement par la viande, le
poisson, les œufs et les laitages. Exemple pour une personne
de 60 kg, minimum 70 gr de protéines. Les apports peuvent
être vérifiés avec une diététicienne. Il convient de conserver
deux laitages par jour.
Exemples pour des portions de 100 g de la teneur
en protéines de quelques aliments
Parmesan : 39.4 g de protéines - Bœuf braisé : 32.1 g de pro-
téines - Thon cuit au four : 29.9 g de protéines – Emmental :
28.2 g de protéines – Comté : 28 g de protéines - Jambon sec :
26.6 g de protéines - Blanc de poulet : 26.2 g de protéines -
Steak haché cuit : 26 g de protéines - Thon au naturel : 24.5 g
de protéines - Saumon fumé : 21.8 g de protéines - Rôti de
porc : 21.1 g de protéine - Graine de tournesol : 20.2 g de
protéines - Steak de soja : 16.5 g de protéines.
2014 © Les Entretiens de Bichat, Tous droits réservés - Toute reproduction même partielle est interdite.
2014 © Les Entretiens de Bichat, Tous droits réservés - Toute reproduction même partielle est interdite.
1 / 3 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !