Évaluation environnementale et gestion durable des ressources forestières
de la réserve transfrontalière du Mayombe : cas de la Réserve de Biosphère de Dimonika
Mesmin TCHINDJANG
Enseignant, Université de Yaoundé I
Cameroun
Jean François BIZENGA
Centre de Recherche Géographique et de Production Cartographique
Mesmin TCHINDJANG
Mesmin Tchindjang est géographe, de formation initiale et titulaire d'un doctorat en géomorphologie obtenu en
1996 à l'Université de Paris 7. Il a en outre suivi une formation de mastère professionnel en technique et méthodes
de gestion numérique de l'Information environnementale en 2002, puis deux ateliers de télédétection en Afrique
du Sud et en Italie en 2005 et 2006, une formation sur les changements climatiques dans le cadre forestier en 2009.
Il a monté le programme de Master du CRESA qu'il a coordonné depuis 2005 jusqu'à 2011. Il a également monté le
programme de formation en licence professionnelle « eau et environnement » d'Ebolowa en 2009. Actuellement il
est responsable de la filière EIE au CRESA où il coordonne sur le plan technique les activités des séminaires MOGED.
Ses activités d'enseignement en Évaluation environnementale et ses expériences dans quelques EIE réalisées en
même temps que l'encadrement des stagiaires dans des domaines environnementaux sont en connexion étroite
avec les thématiques du colloque.
Résumé
Le massif du Mayombe, partagé entre la République Démocratique du Congo, le Congo Brazzaville, le Gabon et
l’Angola dispose d’importantes ressources forestières, réparties sur les trois aires protégées que sont : la Réserve
de Luki en République Démocratique du Congo, la Réserve de Dimonika au Congo et la zone de Cacongo en Angola.
Afin de contribuer à la préservation et à la restauration de l’intégrité des écosystèmes dans le bassin du Congo, aux
fins d’un développement régional durable, ainsi que d’amélioration des moyens d’existence des populations, ces
trois pays se sont engagés dans la création d’une réserve transfrontalière.
L’écosystème forestier du Mayombe peut jouer un rôle important dans la compréhension du réchauffement
climatique, même s’il n’a jamais fait l’objet d’une évaluation environnementale. Les travaux de recherche qui y sont
conduits visent à mieux comprendre les processus d’évolution biologique des espèces et ceux liés aux changements
climatiques mondiaux.
La mise en place d’une réserve transfrontalière pour un développement durable de ses ressources forestières exige
au préalable à une évaluation environnementale stratégique. Celle-ci, tout en s’appuyant sur le profil
environnemental de chacune de ces réserves, devrait prendre en compte la juste mesure du changement
climatique et de ce qu’il implique en matière d’adaptation, afin de pouvoir l’intégrer dans le processus décisionnel.
C’est dans ce cadre que des investigations ont été réalisées dans la réserve de biosphère de Dimonika. Les résultats
obtenus à ce jour ont permis de dégager la place et l’importance des outils de la géomatique dans la connaissance
de la dynamique multispatiale et multidate des ressources forestières en adéquation avec les activités
anthropiques. Avec ces mêmes outils seront explorés en fonction des images thermiques disponibles les influences
du climat sur cette réserve et les mécanismes permettant en temps utiles de concevoir des scénarios d’adaptation
pour ce massif et les peuples environnants.
Ces recherches ont permis aussi d’établir l’interrelation entre les aspects socio-économiques, biophysiques et les
enjeux environnementaux pour l’élaboration du profil environnemental de la réserve de biosphère de Dimonika.
L’ensemble de ces résultats devrait être expérimenté dans la réserve de la Luki et dans la zone de Cacongo en vue
de l’élaboration de l’évaluation environnementale stratégique de la réserve transfrontalière du Mayombe, dont les
informations serviront à élaborer les plans et programmes d’un développement intégré orienté vers la mise en
place d’un Observatoire du Mayombe.
Lien vers le diaporama
Introduction générale
Contexte et problématique
La République du Congo est un pays de l’Afrique Centrale qui, avec une superficie de 342.000 km2, dispose d’une
forêt qui couvre selon les critères de la FAO près de 65% du territoire national, soit 22.235.000 ha (FAO, 1994).
Cette couverture congolaise représente 12,4 % des forêts du Bassin du Congo et 12 % des forêts denses d’Afrique
Centrale. Les forêts congolaises sont réparties entre 3 principaux massifs : le Mayombe dans le Kouilou (1,5 million
ha), le Chaillu dans le Niari (3,5 millions ha), situés au sud du pays, puis le massif nord Congo (17 millions ha),
(FOSA, 2007).
Le massif du Mayombe (15 000km est 1,5 million d’ha) fait partie du bourrelet marginal liminaire du socle d’Afrique
Centrale. Il est composé d’une forêt dense multi étagée qui abrite une importante et riche biodiversité à forte
concentration de primates. Cette chaîne montagneuse se trouve répartie sur quatre aires protégées :
la réserve de biosphère de Luki (République Démocratique du Congo);
la réserve de la Lopé (République du Gabon);
la réserve de biosphère de Dimonika ( République du Congo);
la zone de Cacongo ( République de l’Angola);
Avec l’appui de l’UICN, le PNUE et le Royaume de Norvège, l’initiative transfrontalière du Mayombe a été lancée
les 16 17 avril 2009 à Kinshasa (RDC) en de la conservation des ressources génétiques de cet important site de la
biodiversité. En effet, le but de cette réserve transfrontalière est la préservation de l’intégrité des écosystèmes
dans le bassin du Congo en vue d’un développement durable ainsi que l’amélioration des conditions des
populations riveraines.
Le Congo dispose d’un réseau de 18 aires protégées pour une superficie de 3.665.402 ha représentant 11,6 % du
territoire national. Si à travers le RAPAC, le Congo dispose actuellement d’une réserve contiguë en l’occurrence
Dimonika, le Programme MAB lui a octroyé le statut de réserve de la biosphère selon les dispositions du chapitre 19
du protocole de candidature de l’UNESCO :
une carte de base pour les études de terrain;
une carte de zonage au 1/25.000eme ou 1/50.000eme;
une carte de végétation ou de la couverture des sols
Toutefois, le développement durable de cette réserve transfrontalière passe nécessairement par la réalisation
d’une évaluation environnementale stratégique, et ce, dans la perspective de la mise en place d’un Observatoire du
Mayombe. Pour y parvenir, cette réserve de biosphère de Dimonika devrait disposer d’un profil environnemental
qui représente un outil de durabilité et une base d’informations qui met en relation le développement,
l’environnement, les impacts et les risques engendrés par les activités y afférentes.
Problématique
La réserve de Biosphère de Dimonika, objet de notre étude a été créée par décret 88-181 du 1er mars 1988. D’une
superficie de 136000ha, cette Réserve est située dans le District de Mvouti/ Département du Kouilou. Elle constitue
un terrain de prédilection pour les études des interactions forêt atmosphère. La réserve de biosphère de
Dimonika (figure 1) a bénéficié avant sa création du projet Mayombe (PNUD/UNESCO PRC/85/002 et PRC/88/003)
qui a généré de nombreux travaux de recherche et des enquêtes dans les domaines de la botanique, la zoologie, la
climatologie, la pédologie, l’hydrologie, les aspects socio-économiques. Cette réserve détient 52 des grands
mammifères du Congo. Elle dispose à ce jour d’une gamme importante de données pertinentes qui peuvent
renseigner sur la localisation des ressources forestières et servir de base pour le profil environnemental de
Dimonika.
Figure 1 : La réserve de Biosphère de Dimonika
Comme toutes les aires protégées de l’Afrique Tropicale, la réserve de biosphère de Dimonika n’a jamais fait
l’objet d’une étude d’impact environnemental et social, encore moins depuis d’un audit environnemental. De plus,
l’absence d’un référentiel cartographique fiable ne permet pas une localisation précise des ressources forestières.
Par ailleurs, ces données thématiques qui ne sont ni structurées, ni organisées et par essence non spatialisées
rendent leur exploitation difficile dans un contexte de la dynamique géo spatiale. Cependant, cette aire protégée,
comme dans la plupart des pays africains, souffre d’une insuffisance d’outils d’aménagement. Jusqu’à l’heure
actuelle, Dimonika ne dispose ni d’un plan d’aménagement encore moins d’indicateurs pour évaluer ses progrès
vers l’atteinte du développement durable
Dans la perspective de la création de la réserve transfrontalière, aucune action orientée vers un audit
environnemental n’a été envisagée. Ainsi, exposée à de nombreuses pressions et en dépit de la haute valeur
écologique de ses ressources forestières, puis, en tenant compte de l’existant, la réserve se trouve confrontée à de
nombreux problèmes entre autres :
la dimension non spatiale de ses données;
la non-structuration des données;
l’exploitation anarchique des ressources.
Conscients de ces difficultés et dans le but d’aider les décideurs à disposer des informations pouvant garantir une
gestion durable des ressources, nous avons eu recours aux outils de la géomatique et d’évaluation
environnementale. La géomatique recouvre un champ d’activités scientifiques et techniques qui intègre, selon une
approche systémique, l’ensemble des moyens d’acquisition et de gestion des données à référence spatiale utilisés
dans le processus de production et de gestion de l’information environnementale sur un territoire.
L’évaluation environnementale quant à lui est un terme générique qui désigne un ensemble de processus visant la
prise en compte de l’environnement dans la planification des opérations ou du développement de projets, de plans,
de programmes ou de politiques, tant en ce qui concerne l’État que l’entreprise. C’est un processus systématique qui
consiste à évaluer et à documenter les possibilités, les capacités et les fonctions des ressources des systèmes
naturels et des systèmes humains afin de faciliter la planification du développement durable et la prise de décision
en général, ainsi qu’à prévoir et à gérer les impacts négatifs et les conséquences des propositions d’aménagement
en particulier.
Les travaux amorcés sur la réserve de Dimonika visent ainsi un triple objectif :
disposer des outils de gestion des données spatiales et géoréférencées;
organiser et structurer l’existant de la Réserve en prenant en compte toutes les parties prenantes (co
construction des indicateurs);
disposer pour la réserve d’un profil environnemental orienté vers une approche intégrée de la réserve
transfrontalière du Mayombe.
Après avoir caractérisé le milieu physique et socio économique de cette réserve de la Biosphère, nous allons
présenter le matériel et les méthodes utilisées pour arriver aux résultats de cette étude.
1 - Milieu physique du Mayombé
Globalement, l’environnement physique de la Réserve de Biosphère de Dimonika se confond à celui de la chaîne du
Mayombe et présente les caractéristiques physiques listées à la suite.
1.1 - Relief
Le Mayombé est une ancienne chaîne plissée lors de l’événement thermotectonique Panafricain de la fin du
Précambrien. Cette chaîne de montagnes s’est rajeunie depuis le Crétacé par des soulèvements et un basculement
vers le sud-ouest qui ont entraîné une reprise d’érosion qui explique la vigueur du relief, malgré la modestie des
altitudes, dans l’est de la chaîne (UNESCO /PNUD, 1986). Le relief du Mayombe est de type appalachien et l’aspect
montagneux du Mayombe se manifeste davantage par sa topographie tourmentée aux reliefs très pentus que par
son altitude qui reste modeste (800-1500 m). Le relief du Mayombe peut être divisé en trois parties :
le Mayombe septentrional qui s’étend au-delà des gorges du Kouilou entre N’Tima et Kakamoeka, forme la
région montagneuse de Ndola. Cette dernière partie se poursuit au Gabon;
le Mayombe méridional, qui s’étend à l’intérieur du Cabinda et du Zaïre, forme dans sa partie nord
orientale la chaîne de Kimongo (800 m) et sert de frontière entre le Cabinda et la République Populaire du
Congo. Celle-ci culmine au nord au Mont Lihoumbou;
le Mayombe central, qui a pour arête orientale la chaîne de Bamba (810 m) ; il s’étend au nord jusqu’au
Kouilou. C’est cette partie qui fait l’objet du programme de développement du Mayombe entrepris par le
gouvernement du Congo.
1.2 - Climat
Selon Tabka (1988) le Mayombe est caractérisé par un climat soudano-guinéen de type bas congolais, caractéri
par deux saisons : une saison sèche avec un flux d’air océanique atlantique (mousson), une saison des pluies avec
un flux d’air océanique plus chaud dont la moyenne annuelle est de 1500 mm d’eau. Il existe une corrélation entre
les températures et les précipitations (figure 2), tel que le montrent les observations alisées par le laboratoire de
physique et de l’atmosphère, couvrant la période 1979-1984. L’humidité relative dans le Mayombe est plus grande
en saison sèche qu’en saison des pluies
Diagramme Ombrothermique
0
50
100
150
200
250
300
Janvier
Février
Mars
Avril
Mai
Juin
Août
Septembre
Octobre
Novembre
Décembre
Mois
Précipitations
0
5
10
15
20
25
30
35
Températures
Précipitations
Températures
Figure 2: Diagramme ombrothermique à Dimonika. 1979-1984 (Source, Bizenga, 2008)
1.3 - Hydrologie
Le Mayombe constitue une véritable barrière entre le bassin sédimentaire côtier et la vallée du Niari. Caché sous
ses grands arbres touffus, le réseau hydrographique de Dimonika est suffisamment dense et rappelle une véritable
toile d’araignée (figure 3). Le réseau hydrographique du Mayombe s’organise autour de nombreux cours d’eau: le
Kouilou, alimenté par Mpassi-Mpassi, la Loubomo, la Ngoma-na-Ngoma, la Loukemba, la Mondji, la Ntombo et la
Loémé.
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