
• Examen clinique le plus souvent normal en dehors de sensibilité anormale à la douleur
(extension de zone douloureuse, allodynie).
Principaux mécanismes de sensibilisation centrale de la douleur
Les caractéristiques neurophysiologiques des douleurs chroniques de la FM consistent en une
hypersensibilité anormale à la douleur en réponse à des stimulations nociceptives ou mécaniques
(Figure 1) [15, 16, 31, 33, 34]. Les travaux de recherche animale et humaine suggèrent qu'il
existe une réorganisation fonctionnelle et structurale des voies de conduction et de contrôle de
la douleur (Figure 2), des récepteurs nociceptifs (fibres c ou Aδ) et tactiles (Aβ) jusqu'aux centres
sous-corticaux et corticaux d'intégration (revue in [17, 33, 34]). Ces mécanismes de
sensibilisation centrale sont liés à des modifications adaptatives survenant aux niveaux
moléculaire (récepteurs), synaptique, cellulaire et des réseaux neuronaux générant des
phénomènes d'amplification du signal nociceptif, mais aussi de diminution des mécanismes
inhibiteurs [15, 17, 33].
Chez l'homme, il est possible de reproduire expérimentalement une allodynie et une
hyperesthésie après une stimulation nociceptive répétée. L'hyperesthésie est réduite (mais non
l'allodynie) par l'administration d'un antagoniste des récepteurs N-méthyl-D aspartate [35]. Cela
suggère le rôle de ces récepteurs dans le développement de l'hypersesthésie au niveau de la
transmission homosynaptique de la corne dorsale médullaire [15, 17, 33], l'allodynie relevant
d'autres mécanismes [17, 34, 35, 36]. Il est vraisemblable que d'autres structures soient
impliquées dans la genèse et l'entretien des phénomènes de neuroplasticité médullaire, en
particulier les récepteurs aux neurokinines 1 (substance P) et les cellules gliales responsables de
la sécrétion de facteurs neurotrophiques et de cytokines pro-inflammatoires [17, 31, 33, 35].
Concernant les structures corticales, des études en imagerie par résonance magnétique (IRM)
fonctionnelle de patients FM [37] ont montré une activation anormale (cortex somatosensoriel,
thalamus, cortex cingulaire antérieur, insula) en réponse à un stimulus mécanique. Enfin, une
diminution du contrôle des voies descendantes de la douleur a été mise évidence chez des
patients FM [38].
Les mécanismes qui conduisent à la chronicisation des douleurs restent mal connus, notamment
dans les relations de temporalité entre la lésion nociceptive périphérique et la réorganisation des
structures corticales [15]. De plus, dans la FM, le stimulus nociceptif périphérique est
inconstamment présent alors qu'un traumatisme psychologique est parfois le seul facteur
déclenchant des douleurs [10, 35, 39].
Fibromyalgie, douleurs chroniques et modèle biopsychosocial
La compréhension actuelle de la physiopathologie de la FM relève du modèle « biopsychosocial »,
considérant l'expérience douloureuse comme l'interaction complexe entre des phénomènes
biologiques, psychologiques et des facteurs socioculturels [9, 40]. Ainsi, la FM pourrait
s'expliquer par des modifications neurobiologiques survenant sur une vulnérabilité innée ou
acquise (facteurs génétiques, événements traumatisants, conditions de vie), déclenchée par des
événements traumatiques et aggravée ou entretenue par des lésions douloureuses, certains
modes cognitifs et/ou comportements [10] (Figure 3).
Ainsi, le déterminisme génétique semble important puisque le risque de développer une FM est
six à huit fois supérieur chez les parents au premier degré de patients FM. Les mutations
intéressant les récepteurs β adrénergiques ou les enzymes contrôlant le métabolisme des
catécholamines sembleraient en cause [9, 41].
Parallèlement, le rôle des événements stressants (physiques, émotionnels), en particulier
lorsqu'ils surviennent durant l'enfance, est fréquemment évoqué dans le développement de la
FM et des pathologies psychiatriques (syndrome de stress post-traumatique, dépression) avec
lesquelles la FM est comorbide [4, 10, 42]. Ces événements modifieraient la plasticité cérébrale
à long terme, en particulier par l'intermédiaire de l'axe corticotrope [43]. En effet, cet axe
hormonal est impliqué dans la réponse au stress, mais également dans la régulation de la
plasticité neuronale dans les régions corticales responsables des adaptations comportementales,
émotionnelles et mnésiques (cortex préfrontal, amygdales, hippocampe) qui sont riches en
récepteurs minéralo- et glucocorticoïdes [43]. Des études ont effectivement montré une
altération de l'axe corticotrope au repos et en réponse à un stress physique, psychosocial [44]
ou pharmacologique chez les patients ayant subi des violences durant l'enfance [45] et les