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La première partie de ce Récit transmet l’annonce dans un temple d’Héra de la
venue du Christ. Ce passage présente des convergences manifestes avec ce que l’on
sait du culte d’Héra à Hiérapolis, et il se peut que l’ensemble soit le reflet des
prétentions de cette ville à la possession d’une image du Christ. La suite, qui
transmet le récit des mages à leur retour de Bethléem, comporte un élément essentiel
pour la postérité de l’ouvrage : la mention d’un portrait de la mère et de l’enfant
réalisé lors de l’adoration des mages, portrait qui aurait été rapporté et consacré dans
le temple où fut annoncé le Christ. On comprend dès lors que le passage ait retenu
l’attention de Jean Damascène. Les détails de cette visite des mages ne sont pas sans
importance : en effet, ils comblent avec pittoresque le silence des Évangiles, fort
parcimonieux sur la Nativité. L’enfant de notre récit est âgé de deux ans, et non de
quelques jours, comme le veut la tradition majoritaire qu’Épiphane s’est employé à
réfuter ; il est assis à terre et rit lorsque les mages le cajolent ; la mère, petite, les
cheveux noués sur la tête, a conservé l’apparence et la coiffure d’une παρθένος. Ces
éléments insistent sur la double nature du Christ : son humanité, d’une part, qui a
embarrassé aussi bien les illustrateurs de l’homélie de Jean Damascène, qui hésitent à
le représenter à terre, que les copistes du De gestis in Perside, qui répugnent à
transcrire τὸ δὲ παιδίον ἐγέλα – tout au plus l’enfant sourit-il dans certains témoins
(ἐµειδία), tandis d’autres omettent le passage ; sa divinité, d’autre part, qui
transparaît dans sa naissance virginale. Sur ce point, somme toute, l’auteur s’inscrit
dans une ligne orthodoxe. L’ensemble de ce récit, s’il ne visait pas explicitement les
juifs, constituait un terreau polémique qu’un remanieur a pu s’empresser d’exploiter.
Le thème de l’adoration des mages, en effet, est un argument fréquent pour opposer
les païens, qui reconnurent très tôt la vérité chrétienne, et les juifs, qui persistent dans
l’erreur.
Et de fait, les deux derniers actes de l’ouvrage s’adressent aux juifs, et la
conversion finale d’une soixantaine d’entre eux ne laisse guère de doute quant à la
cible de la polémique prise dans son ensemble. Le De gestis in Perside s’inscrit en effet
dans une certaine tradition de dialogue antijudaïque, tant sur le plan formel que par
l’argumentaire dont il est fait usage dans ses deux derniers actes. Par sa mise en
scène, il s’apparente aux dialogues à scénario, tels que les Trophées de Damas, qui se
structurent autour de quatre journées de débat.
L’essentiel de l’argumentation antijudaïque, fort convenue, repose sur
l’examen de l’accomplissement des prophéties messianiques vétérotestamentaires. Le
texte ne semble pas s’attacher à développer un thème précis, comme le font d’autres
ouvrages de la même époque – ainsi les questions de traduction dans le Dialogue de
Timothée et d’Aquila, le baptême forcé dans la Doctrina Jacobi, ou encore la question
des images, qui fait une entrée massive dans les textes antijudaïques du début du
VIIe siècle, et qui, dans le De gestis in Perside, au contenu pourtant si favorable à une
telle discussion, ne constitue pas en soi un objet de polémique.