Compte-rendu de la réunion du 14/02/2014 Poissons d’élevage : quels impacts pour la santé des consommateurs et
l’environnement ? Catégorie « consommateurs et environnement »
EESC-2014-01378-00-00-CR-TRA
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Réunion de la catégorie "Consommateurs et Environnement" du CESE
«Poissons d’élevage: quels impacts pour la santé des consommateurs et
pour l’environnement
Le 14 février 2014
La rencontre est ouverte et coprésidée par Mme Reine Claude Mader, présidente de l’association de
consommateurs CLCV et présidente de la catégorie « consommateurs et environnement du CESE », et
par M. Georges Cingal, lui aussi membre de cette même catégorie et de la fédération France Nature
Environnement.
En préambule à la rencontre, Mme Mader rappelle que la sécurité alimentaire est une préoccupation
constante du CESE, préoccupation renforcée par les récents scandales dont celui des lasagnes au
cheval de 2013. Dans un climat la confiance des consommateurs est sérieusement ébranlée, des
documentaires télévisés sont récemment venus semer le doute sur les poissons issus de l’aquaculture.
Les fermes de saumon causeraient des dommages importants à l’environnement et les poissons qui en
sont issus seraient contaminés par diverses substances toxiques (PCB, dioxines…). Pour Mme Mader, il
est indispensable de garantir la transparence et une information correcte des consommateurs sur ces
enjeux. On entend souvent dire que les consommateurs ne sont pas prêts à payer plus cher pour une
alimentation de meilleure qualité mais sont-ils réellement informés aujourd’hui des impacts
environnementaux et sanitaires du saumon à bas prix ?
M. Cingal souligne que les impacts environnementaux des élevages de poissons intensifs ont suscité la
mobilisation des ONG environnementalistes et qu’il a lui-même participé à l’élaboration de la
réglementation qui encadre ces activités (définition d’un débit minimal pour les piscicultures de
rivières, cahier des charges pisciculture « bio »). Il se félicite que le CESE se saisisse du sujet et
remercie les intervenants et l’auditoire de leur mobilisation.
Exposé de M. Staniford, directeur de l’ONG Protect Wild Scotland
M. Staniford explique qu’il est aujourd’hui coordinateur d’une alliance mondiale contre l’aquaculture
industrielle (http://salmonfarmingkills.com/). Il rappelle qu’il a eu le privilège d’intervenir il y a 12
ans devant le parlement européen pour expliquer quels sont les problèmes posés par les élevages de
saumon.
Il souligne que l’on assiste au niveau mondial à un boom de l’aquaculture qui représente aujourd’hui
45% des poissons consommés sur la planète contre 5% dans les années 1960. La dynamique engagée
devrait se poursuivre puisque selon la FAO la part de l’aquaculture devrait atteindre 60% en 2030. Le
marché du saumon est concentré avec un opérateur majeur, Marine Harvest, groupe norvégien
représentant près de 30% des parts de marché.
M. Staniford présente les 5 dommages majeurs causés selon lui par les élevages intensifs de saumon.
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1. Les effluents déversés en mer
Les élevages génèrent des effluents qui polluent l’environnement (excréments, aliments excédentaires,
produits de traitements). Les eaux sont chargées en nutriments qui favorisent les explosions de
populations d’algues (phénomène du type « marée verte »).
2. Echappement et « pollution génétique »
Les saumons d’élevage sont selon M. Staniford très différents de leurs cousins sauvages sur le plan
génétique. Il s’agirait selon lui d’une « nouvelle espèce » et le fait que des saumons s’échappent des
cages et se reproduisent avec des saumons sauvages pourrait perturber la génétique des populations
sauvages.
3. Maladies liées aux élevages
Les élevages sont sujets à des maladies difficiles à contrôler : épidémie de pou de mer, infections
bactériennes et virales. Selon M. Staniford, ces épidémies contribuent à la mortalité de masse
constatée dans les élevages. Pour y faire face, les éleveurs ont recours à des médicaments ou des
produits de traitement divers (biocides, antiparasitaires, antibiotiques) mais, à plus ou moins long
terme, des phénomènes classiques de résistance remettent en cause l’efficacité de ces traitements.
Les élevages joueraient également le rôle de réservoirs d’agents infectieux et parasitaires dont ils
faciliteraient la propagation vers le milieu naturel, fragilisant ainsi les populations de poissons
sauvages. M. Staniford cite un article récent indiquant que les aires marines protégées sont désormais
concernées par certaines maladies issues des élevages de saumons.
Pou de mer parasitant un jeune poisson. Les poux de mer sont des
petits crustacés qui sont des parasites naturels d’un grand nombre
d’espèces de poisson.
4. Contaminants
M. Staniford explique que la chair du saumon d’élevage accumule un grand nombre de contaminants
chimiques :
Polluants organiques persistants (PCB, Dioxine) ;
Pesticides (DDT, Endosulfan)
Métaux lourds (methyl mercure, cadmium)
Ces polluants sont présents dans les milieux aquatiques et tendent à s’accumuler au long des chaînes
alimentaires. En d’autres termes, les poissons prédateurs, dont le saumon fait partie, présentent des
taux de contamination plus élevés que les poissons qui leur ont servi de proies. Les toxines sont
stockées préférentiellement dans les tissus gras relativement abondants dans le saumon.
Par ailleurs, on l’a vu, les éleveurs ont recours à un certain nombre de traitements chimiques pour
lutter contre les maladies qui affectent les saumons d’élevage. M. Staniford indique que ces pratiques
induisent une contamination de la chair des saumons. Selon lui les traitements vétérinaires vont
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croissants car l’apparition d’agents infectieux et parasitaires résistants obligent les éleveurs à
augmenter les doses de traitement.
5. Alimentation
M. Staniford explique que l’alimentation des saumons est composée de granulés fabriqués à partir de
poissons issus de la pêche (notamment des anchois de la Baltique ou du Pacifique) et de produits
végétaux (huiles végétales, céréales, tourteaux de soja…). Ces granulés, plus ou moins contaminés par
les substances listées ci-dessus, sont à l’origine de la contamination de la chair des saumons.
Au-delà de la question des contaminants présents dans l’alimentation des saumons, M. Staniford
considère qu’il y a un problème éthique. En effet, il indique qu’il faudrait actuellement 5 tonnes de
poissons sauvages pour produire 1 tonne de poissons d’élevage
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. Or, les poissons sauvages pêcs
pour nourrir les saumons pourraient très bien nourrir des hommes. M. Staniford considère qu’utiliser
des anchois du Pacifique pour nourrir les saumons revient à voler de la nourriture aux populations
d’Amérique du Sud et d’Asie. Il indique que la FAO a pris conscience de ce problème et invite à « un
changement de la gestion des océans ». Certains acteurs envisageraient de remplacer la farine de
poisson utilisée dans l’alimentation des saumons d’élevage par des protéines végétales et plus
précisément par du soja OGM.
Compte tenu des impacts sanitaires et environnementaux de l’élevage de saumon, compte tenu aussi
de questions éthiques qu’il soulève, M. Staniford invite les consommateurs à boycotter le saumon
d’élevage.
Discussion
Mme Evangelia Kékeléki est consciente du problème de contamination du saumon. Cependant, elle
souligne que le boycott remettrait en cause l’emploi créé par ces filières. Elle fait d’ailleurs remarquer
qu’en Grèce les syndicats mettent en place des associations de consommateurs alors qu’il n’y a pas
forcément convergence entre défense de l’intérêt des consommateurs et protection de l’emploi.
M. Thierry Libaert se demande si c’est l’aquaculture dans son ensemble qu’il faut condamner ou un
certain type d’aquaculture. Autrement dit, peut-on concevoir une aquaculture durable et raisonnée ?
M. Don Staniford précise qu’il pense que l’aquaculture peut répondre à la demande mondiale de
poisson mais ce qui pose problème c’est l’élevage de poissons carnivores (comme le saumon). Au
niveau mondial, c’est un élevage minoritaire mais qui prend de l’importance. Selon lui, la production
de coquillages et l’élevage des poissons de la famille des cyprinidés (carpes) et plus généralement
d’espèces omnivores est moins problématique.
M. Antonio Longo s’interroge sur la fiabilité des données présentées par M. Staniford. Si ces données
sont vraies, il considère que l’élevage de saumon est une activité criminelle qui doit être interdite et
qu’il faut bloquer les importations. Ou alors, il s’agit de données partielles et il faut éclairer le sujet
avec d’autres informations.
Mme Pirkko Raunemaa indique que les autorités finlandaises ont actualisé leurs recommandations en
matière de consommation de saumon. Elle indique que le saumon norvégien est très abordable par
rapport au saumon sauvage, qu’il constitue une source de vitamine D et de protéines de qualité. Par
ailleurs, il y a d’autres problèmes avec des aliments comme le lait. Dès lors, quelle solution
privilégier ?
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Note des rédacteurs : la question du FIFO (Fish in, fish out) est controversée. Pour le saumon, la recherche norvégienne
annonce un indice de conversion de 1.25kg d’aliment nécessaire pour produire 1 kg de saumon.
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Elle s’interroge également sur les taux de contamination du saumon écossais et sur le rôle des
autorités. Compte tenu de la description donnée par M. Staniford, les pouvoirs publics devraient réagir
et prendre des mesures. Qu’en est-il ?
M. Dirk Westendorp précise qu’au Pays Bas des contrôles alimentaires montrent fréquemment des
non-conformités mais que les autorités n’en tiennent pas compte et que les mesures correctrices
nécessaires ne sont pas prises.
M. Yves Somville déclare qu’il préfère boire du lait plutôt que de consommer du saumon compte tenu
de ce qui vient d’être présenté.
Mme Reine Claude Mader indique que si les élevages de saumon posent des problèmes importants,
des préoccupations existent aussi pour les élevages de Panga d’Asie du Sud Est.
Mme Inger Persson se dit perplexe devant les informations fournies par M. Staniford. D’un côté, on
entend que le saumon contient de la dioxine et divers contaminants et de l’autre on recommande de
manger du poisson une ou deux fois par semaine. Que faut-il croire ?
M. Don Staniford indique que le saumon est un des aliments les plus contaminés et que certains
scientifiques considèrent qu’il ne faut pas consommer du saumon plus de trois fois par an. Il affirme
que le lobby des éleveurs a fait pression sur la Commission européenne pour augmenter les teneurs en
contaminants autorisées pour le saumon (limite maximale de résidus). Ces limites réglementaires sont
différentes d’un état membre à l’autre.
S’agissant de l’emploi, il fait remarquer que la filière écossaise du saumon ne représenterait que 1000
emplois. De plus, selon lui, l’élevage intensif peut nuire à d’autres secteurs économiques tels que le
tourisme.
Il insiste sur le fait que c’est un secteur qui court à sa perte car il sera bientôt à cours de farine et
d’huile de poisson.
Exposé de M. Paolo Caricato, chef adjoint de l’unité de la DG Sanco en charge de l’hygiène et du
système d’alerte rapide européen.
M. Caricato précise qu’il a été auparavant inspecteur des produits de la pêche au sein de l’office
alimentaire et vétérinaire. Il dresse un panorama de ce que fait la commission en matière de contrôles
sur la chaîne alimentaire afin de garantir la sécurité des denrées mises sur le marché. C’est un sujet qui
n’est pas nouveau : la première directive date de 1991 et il y avait déjà des règles communautaires
auparavant.
La réglementation européenne repose sur l’idée qu’il faut prévenir et minimiser les risques et que la
sécurité des produits se construit à tous les stades des filières de production, depuis l’amont
(l’agriculteur, l’éleveur) vers l’aval (le consommateur).
Depuis 2004, c’est le « Paquet hygiène », un ensemble de six règlements, qui fixe le rôle des
professionnels et des pouvoirs publics en matière de sécurité alimentaire. Les exigences relatives au
contrôle des produits de la mer sont décrites par les règlements 178/2002 et 852/2004
M. Caricato attire l’attention sur le fait que les règles sanitaires en vigueur au sein de l’Union
européenne s’appliquent de la même manière aux produits d’origine européenne et aux produits
importés des pays tiers. M. Caricato précise que, contrairement à ce que l’on entend dire, la pression
de contrôle est la même sur les denrées importées et sur le « made in EU ». Les denrées importées sont
notamment soumises à des contrôles au niveau des postes d’inspection frontaliers qui sont gérés par
les états membres. Les contrôles peuvent être de nature documentaire et/ou analytique (caractéristiques
chimiques, physiques, microbiologiques). Les autorités vérifient également que l’étiquetage est
conforme à la nature réelle du produit.
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M. Caricato rappelle en outre que pour exporter leurs denrées vers l’Union européenne, les pays tiers
doivent bénéficier d’une autorisation. Celle-ci n’est accordée que si les autorités du pays concerné
montrent qu’elles sont en mesure de satisfaire aux exigences de la réglementation européenne.
C’est l’Office alimentaire et vétérinaire (OAV), un organe d’inspection de la Commission européenne,
qui est chargé d’évaluer la capacité des pays tiers à se conformer aux règles européennes en matière de
sécurité alimentaire. Pour cela, l’OAV réalise des audits dont les rapports sont publiés sur son site
internet. Lorsqu’un pays tiers a des difficultés à mettre en œuvre une exigence (par exemple un plan de
contrôle des résidus ou des inspections vétérinaires), la Commission européenne demande qu’un plan
d’action soit rapidement adopté pour remédier à ces insuffisances. Dans certains cas, les importations
sont suspendues. Parallèlement, la Commission met en œuvre des programmes de formation des
inspecteurs dans les pays tiers (programme « Better training for safer food »).
M. Caricato indique que, en application de ces principes, l’Office alimentaire et vétérinaire mène
régulièrement des audits en Norvège sur la filière saumon. L’OAV réalise aussi des inspections en
Ecosse. En effet, l’office est aussi chargé de vérifier la bonne application de la législation européenne
au sein des états membres.
Exposé de M. Frans Verstraete de l’unité « contaminants » de la DG Sanco
M. Verstraete rappelle qu’il existe un cadre réglementaire permettant de gérer la question des
contaminants présents dans les denrées alimentaires. Le règlement cadre n°315/93 pose deux
principes :
1) les contaminants doivent être maintenus à des niveaux sans risque pour la santé des
consommateurs ;
2) Les teneurs en contaminants doivent être aussi basses que possible (notion de « as low as
reasonably achievable » ou « ALARA »).
M. Verstraete précise que le règlement n°315/93 ne couvre pas certaines substances qui sont
réglementées par ailleurs : résidus de pesticides, résidus de médicaments vétérinaires.
Il précise que, pour certains contaminants susceptibles de poser un risque pour la santé des
consommateurs, des limites maximales réglementaires sont définies et publiées dans le règlement
n°1881/2006. La fixation de ces valeurs se fait sur la base des évaluations de l’EFSA. Il s’agit de
l’application d’un principe de base de la législation alimentaire, selon lequel la gestion des risques doit
se fonder sur une évaluation scientifique indépendante.
Outre la fixation de limites maximales réglementaires, la Commission peut aussi émettre des
recommandations de consommation afin de limiter l’exposition des populations à certains
contaminants. Ces recommandations peuvent être utilisées seules ou peuvent être combinées avec des
limites maximales réglementaires selon la stratégie de gestion du risque adoptée par la Commission.
Dans le cas des produits de la mer, des limites maximales réglementaires sont prévues pour le plomb,
le cadmium, le mercure, les dioxines, le cumul dioxine et PCB « dioxine like », les PCB « autres » et
les hydrocarbures aromatiques polycycliques.
M. Verstraete indique qu’il existe au sein de l’union des dérogations pour les dioxines présentes dans
les poissons sauvages. Ces dérogations ont été accordées à la Finlande et à la Suède pour la mise sur le
marché de poisson originaire de la mer Baltique et consommé sur leur territoire, poisson dont la teneur
en dioxines est supérieure aux teneurs maximales fixées par la réglementation communautaire.
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