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Réunion de la catégorie "Consommateurs et Environnement" du CESE
«Poissons d’élevage: quels impacts pour la santé des consommateurs et
pour l’environnement?»
Le 14 février 2014
La rencontre est ouverte et coprésidée par Mme Reine Claude Mader, présidente de l’association de
consommateurs CLCV et présidente de la catégorie « consommateurs et environnement du CESE », et
par M. Georges Cingal, lui aussi membre de cette même catégorie et de la fédération France Nature
Environnement.
En préambule à la rencontre, Mme Mader rappelle que la sécurité alimentaire est une préoccupation
constante du CESE, préoccupation renforcée par les récents scandales dont celui des lasagnes au
cheval de 2013. Dans un climat où la confiance des consommateurs est sérieusement ébranlée, des
documentaires télévisés sont récemment venus semer le doute sur les poissons issus de l’aquaculture.
Les fermes de saumon causeraient des dommages importants à l’environnement et les poissons qui en
sont issus seraient contaminés par diverses substances toxiques (PCB, dioxines…). Pour Mme Mader, il
est indispensable de garantir la transparence et une information correcte des consommateurs sur ces
enjeux. On entend souvent dire que les consommateurs ne sont pas prêts à payer plus cher pour une
alimentation de meilleure qualité mais sont-ils réellement informés aujourd’hui des impacts
environnementaux et sanitaires du saumon à bas prix ?
M. Cingal souligne que les impacts environnementaux des élevages de poissons intensifs ont suscité la
mobilisation des ONG environnementalistes et qu’il a lui-même participé à l’élaboration de la
réglementation qui encadre ces activités (définition d’un débit minimal pour les piscicultures de
rivières, cahier des charges pisciculture « bio »). Il se félicite que le CESE se saisisse du sujet et
remercie les intervenants et l’auditoire de leur mobilisation.
Exposé de M. Staniford, directeur de l’ONG Protect Wild Scotland
M. Staniford explique qu’il est aujourd’hui coordinateur d’une alliance mondiale contre l’aquaculture
industrielle (http://salmonfarmingkills.com/). Il rappelle qu’il a eu le privilège d’intervenir il y a 12
ans devant le parlement européen pour expliquer quels sont les problèmes posés par les élevages de
saumon.
Il souligne que l’on assiste au niveau mondial à un boom de l’aquaculture qui représente aujourd’hui
45% des poissons consommés sur la planète contre 5% dans les années 1960. La dynamique engagée
devrait se poursuivre puisque selon la FAO la part de l’aquaculture devrait atteindre 60% en 2030. Le
marché du saumon est concentré avec un opérateur majeur, Marine Harvest, groupe norvégien
représentant près de 30% des parts de marché.
M. Staniford présente les 5 dommages majeurs causés selon lui par les élevages intensifs de saumon.
Compte-rendu de la réunion du 14/02/2014 – Poissons d’élevage : quels impacts pour la santé des consommateurs et
l’environnement ? Catégorie « consommateurs et environnement »
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1. Les effluents déversés en mer
Les élevages génèrent des effluents qui polluent l’environnement (excréments, aliments excédentaires,
produits de traitements). Les eaux sont chargées en nutriments qui favorisent les explosions de
populations d’algues (phénomène du type « marée verte »).
2. Echappement et « pollution génétique »
Les saumons d’élevage sont selon M. Staniford très différents de leurs cousins sauvages sur le plan
génétique. Il s’agirait selon lui d’une « nouvelle espèce » et le fait que des saumons s’échappent des
cages et se reproduisent avec des saumons sauvages pourrait perturber la génétique des populations
sauvages.
3. Maladies liées aux élevages
Les élevages sont sujets à des maladies difficiles à contrôler : épidémie de pou de mer, infections
bactériennes et virales. Selon M. Staniford, ces épidémies contribuent à la mortalité de masse
constatée dans les élevages. Pour y faire face, les éleveurs ont recours à des médicaments ou des
produits de traitement divers (biocides, antiparasitaires, antibiotiques) mais, à plus ou moins long
terme, des phénomènes classiques de résistance remettent en cause l’efficacité de ces traitements.
Les élevages joueraient également le rôle de réservoirs d’agents infectieux et parasitaires dont ils
faciliteraient la propagation vers le milieu naturel, fragilisant ainsi les populations de poissons
sauvages. M. Staniford cite un article récent indiquant que les aires marines protégées sont désormais
concernées par certaines maladies issues des élevages de saumons.
Pou de mer parasitant un jeune poisson. Les poux de mer sont des
petits crustacés qui sont des parasites naturels d’un grand nombre
d’espèces de poisson.
4. Contaminants
M. Staniford explique que la chair du saumon d’élevage accumule un grand nombre de contaminants
chimiques :



Polluants organiques persistants (PCB, Dioxine) ;
Pesticides (DDT, Endosulfan…)
Métaux lourds (methyl mercure, cadmium)
Ces polluants sont présents dans les milieux aquatiques et tendent à s’accumuler au long des chaînes
alimentaires. En d’autres termes, les poissons prédateurs, dont le saumon fait partie, présentent des
taux de contamination plus élevés que les poissons qui leur ont servi de proies. Les toxines sont
stockées préférentiellement dans les tissus gras relativement abondants dans le saumon.
Par ailleurs, on l’a vu, les éleveurs ont recours à un certain nombre de traitements chimiques pour
lutter contre les maladies qui affectent les saumons d’élevage. M. Staniford indique que ces pratiques
induisent une contamination de la chair des saumons. Selon lui les traitements vétérinaires vont
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croissants car l’apparition d’agents infectieux et parasitaires résistants obligent les éleveurs à
augmenter les doses de traitement.
5. Alimentation
M. Staniford explique que l’alimentation des saumons est composée de granulés fabriqués à partir de
poissons issus de la pêche (notamment des anchois de la Baltique ou du Pacifique) et de produits
végétaux (huiles végétales, céréales, tourteaux de soja…). Ces granulés, plus ou moins contaminés par
les substances listées ci-dessus, sont à l’origine de la contamination de la chair des saumons.
Au-delà de la question des contaminants présents dans l’alimentation des saumons, M. Staniford
considère qu’il y a là un problème éthique. En effet, il indique qu’il faudrait actuellement 5 tonnes de
poissons sauvages pour produire 1 tonne de poissons d’élevage1. Or, les poissons sauvages pêchés
pour nourrir les saumons pourraient très bien nourrir des hommes. M. Staniford considère qu’utiliser
des anchois du Pacifique pour nourrir les saumons revient à voler de la nourriture aux populations
d’Amérique du Sud et d’Asie. Il indique que la FAO a pris conscience de ce problème et invite à « un
changement de la gestion des océans ». Certains acteurs envisageraient de remplacer la farine de
poisson utilisée dans l’alimentation des saumons d’élevage par des protéines végétales et plus
précisément par du soja OGM.
Compte tenu des impacts sanitaires et environnementaux de l’élevage de saumon, compte tenu aussi
de questions éthiques qu’il soulève, M. Staniford invite les consommateurs à boycotter le saumon
d’élevage.
Discussion
Mme Evangelia Kékeléki est consciente du problème de contamination du saumon. Cependant, elle
souligne que le boycott remettrait en cause l’emploi créé par ces filières. Elle fait d’ailleurs remarquer
qu’en Grèce les syndicats mettent en place des associations de consommateurs alors qu’il n’y a pas
forcément convergence entre défense de l’intérêt des consommateurs et protection de l’emploi.
M. Thierry Libaert se demande si c’est l’aquaculture dans son ensemble qu’il faut condamner ou un
certain type d’aquaculture. Autrement dit, peut-on concevoir une aquaculture durable et raisonnée ?
M. Don Staniford précise qu’il pense que l’aquaculture peut répondre à la demande mondiale de
poisson mais ce qui pose problème c’est l’élevage de poissons carnivores (comme le saumon). Au
niveau mondial, c’est un élevage minoritaire mais qui prend de l’importance. Selon lui, la production
de coquillages et l’élevage des poissons de la famille des cyprinidés (carpes) et plus généralement
d’espèces omnivores est moins problématique.
M. Antonio Longo s’interroge sur la fiabilité des données présentées par M. Staniford. Si ces données
sont vraies, il considère que l’élevage de saumon est une activité criminelle qui doit être interdite et
qu’il faut bloquer les importations. Ou alors, il s’agit de données partielles et il faut éclairer le sujet
avec d’autres informations.
Mme Pirkko Raunemaa indique que les autorités finlandaises ont actualisé leurs recommandations en
matière de consommation de saumon. Elle indique que le saumon norvégien est très abordable par
rapport au saumon sauvage, qu’il constitue une source de vitamine D et de protéines de qualité. Par
ailleurs, il y a d’autres problèmes avec des aliments comme le lait. Dès lors, quelle solution
privilégier ?
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Note des rédacteurs : la question du FIFO (Fish in, fish out) est controversée. Pour le saumon, la recherche norvégienne
annonce un indice de conversion de 1.25kg d’aliment nécessaire pour produire 1 kg de saumon.
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Elle s’interroge également sur les taux de contamination du saumon écossais et sur le rôle des
autorités. Compte tenu de la description donnée par M. Staniford, les pouvoirs publics devraient réagir
et prendre des mesures. Qu’en est-il ?
M. Dirk Westendorp précise qu’au Pays Bas des contrôles alimentaires montrent fréquemment des
non-conformités mais que les autorités n’en tiennent pas compte et que les mesures correctrices
nécessaires ne sont pas prises.
M. Yves Somville déclare qu’il préfère boire du lait plutôt que de consommer du saumon compte tenu
de ce qui vient d’être présenté.
Mme Reine Claude Mader indique que si les élevages de saumon posent des problèmes importants,
des préoccupations existent aussi pour les élevages de Panga d’Asie du Sud Est.
Mme Inger Persson se dit perplexe devant les informations fournies par M. Staniford. D’un côté, on
entend que le saumon contient de la dioxine et divers contaminants et de l’autre on recommande de
manger du poisson une ou deux fois par semaine. Que faut-il croire ?
M. Don Staniford indique que le saumon est un des aliments les plus contaminés et que certains
scientifiques considèrent qu’il ne faut pas consommer du saumon plus de trois fois par an. Il affirme
que le lobby des éleveurs a fait pression sur la Commission européenne pour augmenter les teneurs en
contaminants autorisées pour le saumon (limite maximale de résidus). Ces limites réglementaires sont
différentes d’un état membre à l’autre.
S’agissant de l’emploi, il fait remarquer que la filière écossaise du saumon ne représenterait que 1000
emplois. De plus, selon lui, l’élevage intensif peut nuire à d’autres secteurs économiques tels que le
tourisme.
Il insiste sur le fait que c’est un secteur qui court à sa perte car il sera bientôt à cours de farine et
d’huile de poisson.
Exposé de M. Paolo Caricato, chef adjoint de l’unité de la DG Sanco en charge de l’hygiène et du
système d’alerte rapide européen.
M. Caricato précise qu’il a été auparavant inspecteur des produits de la pêche au sein de l’office
alimentaire et vétérinaire. Il dresse un panorama de ce que fait la commission en matière de contrôles
sur la chaîne alimentaire afin de garantir la sécurité des denrées mises sur le marché. C’est un sujet qui
n’est pas nouveau : la première directive date de 1991 et il y avait déjà des règles communautaires
auparavant.
La réglementation européenne repose sur l’idée qu’il faut prévenir et minimiser les risques et que la
sécurité des produits se construit à tous les stades des filières de production, depuis l’amont
(l’agriculteur, l’éleveur) vers l’aval (le consommateur).
Depuis 2004, c’est le « Paquet hygiène », un ensemble de six règlements, qui fixe le rôle des
professionnels et des pouvoirs publics en matière de sécurité alimentaire. Les exigences relatives au
contrôle des produits de la mer sont décrites par les règlements 178/2002 et 852/2004
M. Caricato attire l’attention sur le fait que les règles sanitaires en vigueur au sein de l’Union
européenne s’appliquent de la même manière aux produits d’origine européenne et aux produits
importés des pays tiers. M. Caricato précise que, contrairement à ce que l’on entend dire, la pression
de contrôle est la même sur les denrées importées et sur le « made in EU ». Les denrées importées sont
notamment soumises à des contrôles au niveau des postes d’inspection frontaliers qui sont gérés par
les états membres. Les contrôles peuvent être de nature documentaire et/ou analytique (caractéristiques
chimiques, physiques, microbiologiques). Les autorités vérifient également que l’étiquetage est
conforme à la nature réelle du produit.
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M. Caricato rappelle en outre que pour exporter leurs denrées vers l’Union européenne, les pays tiers
doivent bénéficier d’une autorisation. Celle-ci n’est accordée que si les autorités du pays concerné
montrent qu’elles sont en mesure de satisfaire aux exigences de la réglementation européenne.
C’est l’Office alimentaire et vétérinaire (OAV), un organe d’inspection de la Commission européenne,
qui est chargé d’évaluer la capacité des pays tiers à se conformer aux règles européennes en matière de
sécurité alimentaire. Pour cela, l’OAV réalise des audits dont les rapports sont publiés sur son site
internet. Lorsqu’un pays tiers a des difficultés à mettre en œuvre une exigence (par exemple un plan de
contrôle des résidus ou des inspections vétérinaires), la Commission européenne demande qu’un plan
d’action soit rapidement adopté pour remédier à ces insuffisances. Dans certains cas, les importations
sont suspendues. Parallèlement, la Commission met en œuvre des programmes de formation des
inspecteurs dans les pays tiers (programme « Better training for safer food »).
M. Caricato indique que, en application de ces principes, l’Office alimentaire et vétérinaire mène
régulièrement des audits en Norvège sur la filière saumon. L’OAV réalise aussi des inspections en
Ecosse. En effet, l’office est aussi chargé de vérifier la bonne application de la législation européenne
au sein des états membres.
Exposé de M. Frans Verstraete de l’unité « contaminants » de la DG Sanco
M. Verstraete rappelle qu’il existe un cadre réglementaire permettant de gérer la question des
contaminants présents dans les denrées alimentaires. Le règlement cadre n°315/93 pose deux
principes :
1) les contaminants doivent être maintenus à des niveaux sans risque pour la santé des
consommateurs ;
2) Les teneurs en contaminants doivent être aussi basses que possible (notion de « as low as
reasonably achievable » ou « ALARA »).
M. Verstraete précise que le règlement n°315/93 ne couvre pas certaines substances qui sont
réglementées par ailleurs : résidus de pesticides, résidus de médicaments vétérinaires.
Il précise que, pour certains contaminants susceptibles de poser un risque pour la santé des
consommateurs, des limites maximales réglementaires sont définies et publiées dans le règlement
n°1881/2006. La fixation de ces valeurs se fait sur la base des évaluations de l’EFSA. Il s’agit là de
l’application d’un principe de base de la législation alimentaire, selon lequel la gestion des risques doit
se fonder sur une évaluation scientifique indépendante.
Outre la fixation de limites maximales réglementaires, la Commission peut aussi émettre des
recommandations de consommation afin de limiter l’exposition des populations à certains
contaminants. Ces recommandations peuvent être utilisées seules ou peuvent être combinées avec des
limites maximales réglementaires selon la stratégie de gestion du risque adoptée par la Commission.
Dans le cas des produits de la mer, des limites maximales réglementaires sont prévues pour le plomb,
le cadmium, le mercure, les dioxines, le cumul dioxine et PCB « dioxine like », les PCB « autres » et
les hydrocarbures aromatiques polycycliques.
M. Verstraete indique qu’il existe au sein de l’union des dérogations pour les dioxines présentes dans
les poissons sauvages. Ces dérogations ont été accordées à la Finlande et à la Suède pour la mise sur le
marché de poisson originaire de la mer Baltique et consommé sur leur territoire, poisson dont la teneur
en dioxines est supérieure aux teneurs maximales fixées par la réglementation communautaire.
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Il existe par ailleurs une directive pour les contaminants présents dans l’alimentation animale, c’est la
directive n° 2002/32. Ce texte prévoit que les produits destinés à l’alimentation animale doivent être
sains, sûrs et sans danger pour la santé humaine et animale et pour l’environnement. Là encore, il
revient à l’EFSA de conduire l’évaluation scientifique des risques liés aux différents contaminants,
évaluation sur laquelle se base la commission pour proposer des limites maximales pour l’alimentation
animale.
Ainsi, s’agissant de l’alimentation des poissons (farine et huile de poisson), il existe des limites
réglementaires pour :
 L’arsenic, le cadmium, le fluor, le plomb, le mercure, le nitrite et la mélamine ;
 Une mycotoxine : l’aflatoxine B1 ;
 Des toxines d’origine végétale : le gossypol (substance présente dans la graine de coton), l’acide
cyanhydrique, la théobromine, l’huile volatile de moutarde.
 De multiples composés organochlorés dont de nombreux pesticides (aldrine, dieldrine,
camphechlor, chordane, DDT, endosulfan…)
 Les dioxines et PCBs…
 Des impuretés botaniques à risques
Enfin, M. Verstraete explique que les principaux défis à relever quant à l’application de la
réglementation sur les contaminants concernent l’amélioration des protocoles d’échantillonnage et des
techniques d’analyse.
Exposé de M. Dario Dubolino de la DG Mare
M. Dario Dubolino rappelle que la demande de poisson augmente au niveau mondial et que l’Europe
importe aujourd’hui 65% des produits de la mer qu’elle consomme. Même si l’on exploite les
ressources océaniques au rendement maximum durable, c'est-à-dire sans compromettre
irrémédiablement les stocks, on ne pourra répondre à cette demande de poisson. L’aquaculture est
donc une activité nécessaire et stratégique si l’on veut préserver les ressources halieutiques.
Actuellement, 50% de l’aquaculture européenne est consacrée aux coquillages (huîtres, moules…) et
le saumon ne représente que 15% de l’activité.
Dans ce contexte, la Commission cherche à promouvoir le développement de l’aquaculture
européenne. Pour cela, elle encourage une mise en œuvre de la réglementation sanitaire et
environnementale « favorable » à l’aquaculture. M. Dubolino explique qu’il ne s’agit pas d’assouplir
la réglementation et d’abaisser le niveau des exigences mais de remédier à des dysfonctionnements
dans l’application de la réglementation.
Discussion
En tant
que
conseiller
à
la représentation norvégienne
auprès
de l’union
européenne, M. Steynar Svanemyr explique que les élevages de saumon norvégiens sont
régulièrement inspectés, notamment par la FAO, et que la réglementation norvégienne sur ce secteur
est la même que la réglementation européenne.
Il reconnait que l’aquaculture norvégienne est confrontée à des défis importants mais il précise qu’il
existe un système de surveillance qui apporte des réponses aux critiques de M. Don Staniford.
Mme Grace Attard intervient pour signaler que Malte ne dispose que de peu de moyens en particulier
en termes de laboratoires pour mener des contrôles sur la sécurité alimentaire.
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M. Paolo Caricato lui répond que la législation offre alors la possibilité aux états membres d’utiliser
les laboratoires d’un autre état membre.
M. Krzysztof Kamieniecki prend la parole pour souligner que les consommateurs doivent être
informés et ont un droit de regard, qui concerne d’ailleurs l’ensemble de la société, sur ce qui se fait
dans les fermes.
M. Paolo Caricato considère que le cadre législatif est complet et très détaillé. Le problème c’est
comment l’appliquer correctement et comment contrôler son application.
M. Pietro Salvador, aquaculteur italien, indique que le poisson importé des pays tiers ne respecte pas
les critères de durabilité. Il s’interroge : tout le monde veut la sécurité mais qui est prêt à la payer au
final ? Alors que l’aquaculture hors union européenne connait une croissance à deux chiffres,
l’aquaculture européenne est en crise et il faut la soutenir.
Il invite les acteurs à débattre afin de trouver des solutions réalistes. Cette réflexion collective devrait
être conduite dans le cadre du futur comité consultatif de l’aquaculture.
M. Berhard Feneis (Vice président de la FEAP) s’inscrit en faux contre les données présentées par
M. Don Staniford qui seraient selon lui obsolètes et partielles. Par ailleurs, il explique qu’en
Allemagne il y a un plan stratégique pour le développement de l’aquaculture mais que dans le même
temps il est impossible d’obtenir des permis d’installation d’élevages du fait de la directive cadre sur
l’eau et des textes sur la protection de certaines espèces. Ces contradictions freinent le développement
de la filière.
M. Thierry Libaert se déclare intéressé par ce sujet qu’il découvre et qu’il considère comme
important compte tenu de la place du secteur aquacole. Celui-ci représente en effet 10 millions
d’emplois à travers le monde dont la moitié en Chine. Pour lui, le système de production actuel n’est
pas satisfaisant. Il s’interroge sur la stratégie proposée par la Commission européenne en matière
d’aquaculture car elle ne prend pas en compte les aspects environnementaux et sanitaires.
Mme Evangelia Kekeleki rappelle que la question ne doit pas être abordée uniquement dans un
contexte européen. Selon elle, il ne faut pas oublier que les USA font pression pour que nos standards
sanitaires soient abaissés.
M. Don Staniford apporte des précisions quant aux données présentées dans son exposé. Il affirme
que l’utilisation de produits de traitement dans les élevages ne fait que croître car les parasites tels que
les poux de mer deviennent résistants. Il rappelle que le WWF a publié un rapport détaillé de 200
pages synthétisant les données scientifiques relatives aux impacts des élevages de saumon. C’est
notamment sur ce matériau qu’il a construit son exposé. Enfin, il indique qu’en 2013, le système
d’alerte rapide de l’Union a publié 14 alertes sur du saumon contaminé aux salmonelles et listerias.
M. Charles Pernin de l’association de consommateurs CLCV signale qu’en France une enquête
récente a montré qu’il existait des fraudes dans le secteur du poisson : il s’agit de « fraudes à l’eau »
qui permettent de vendre de l’eau au prix du poisson.
Concernant les limites maximales de résidus, il s’interroge sur la manière dont sont définies les
dérogations nationales. M. Verstraete a expliqué que la stratégie de la Commission dans ce domaine
reposait sur une évaluation scientifique du risque mais dans le même temps M. Don Staniford a
affirmé que c’était le lobbying des professionnels auprès de la Commission qui l’avait conduite à
tolérer dans certains états membres des niveaux de contamination en dioxine plus élevés pour le
poisson.
Enfin M. Pernin demande des éclaircissements sur l’éthoxyquine une substance utilisée comme
additif dans l’alimentation des poissons mais qui est par ailleurs employé comme pesticide dans le
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secteur des fruits et légumes. C’est un antifongique signalé comme « nocif » dans la réglementation
européenne et devant porter les phrases de risque : « Nocif en cas d’ingestion » et « Eviter le contact
avec la peau ».
Concernant les fraudes, M. Paolo Caricato indique que la DG Sanco a pris des initiatives depuis le
scandale de la viande de cheval. Une unité dédiée de la Commission travaille sur le sujet en lien avec
Interpol et l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF). De même, elle suit la question de la
détection des fraudes à l’eau sur les poissons. Il faut noter que ce sont les états membres qui sont en
première ligne en matière de lutte anti-fraude.
S’agissant de l’impact des négociations avec les USA sur la réglementation sanitaire, M. Caricato
affirme qu’il n’y aura pas d’abaissement des standards et du niveau de contrôle. Certes, les
négociations sont compliquées et difficiles et il faut faire des concessions. Cependant, la Commission
entend préserver les exigences en vigueur dans l’Union européenne.
M. Dario Dubolino de la DG Mare, en réponse à la question de M. Libaert, précise que si les aspects
environnementaux et de consommation n’apparaissent pas dans la stratégie européenne, c’est qu’ils
font l’objet d’une réglementation existante par ailleurs. La stratégie se borne à traiter de la façon dont
cette réglementation doit être mise en œuvre dans un souci d’efficacité.
Concernant la gestion des contaminants et la question de M. Pernin, M. Verstraete affirme que les
dioxines sont présentes dans l’alimentation à des taux qui ne mettent pas en danger les consommateurs
et qu’au final il y a peu de non conformités.
Il explique qu’il y a effectivement eu une dérogation pour la Finlande et la Suède, et uniquement pour
ces états, concernant les dioxines dans les poissons sauvages. La Commission a en effet considéré que
le poisson était une source de vitamine D importante pour les populations de ces pays. De ce point de
vue, il y aurait donc un avantage sanitaire à consommer ces poissons même s’ils sont contaminés à des
niveaux plus élevés que dans le reste de l’Union. M. Verstraete ajoute que cette dérogation est
accompagnée de conseils précis à l’attention des consommateurs sur les fréquences de consommation
à respecter.
Par ailleurs, en 2012, la Commission, sur la base d’un avis de l’EFSA, a décidé d’augmenter les
limites maximales de résidus pour l’endosulfan, un pesticide organochloré, dans l’alimentation des
saumons. La commission a considéré que cela ne remettait pas en cause la santé des poissons et que
cela pourrait permettre d’augmenter la part de soja dans la ration des saumons et donc de diminuer la
part de farine et d’huile de poisson. La Commission y voit un progrès vers davantage de durabilité.
Enfin, à propos du double statut de l’éthoxyquine, il indique qu’une réévaluation est en cours à
l’EFSA avec l’objectif d’avoir une approche globale de la toxicité de cette substance.
Exposé de M. Ludwig Willnegger, responsable des affaires publiques chez le distributeur
allemand EDEKA
EDEKA est le plus grand groupe allemand de commerce de détail. M. Willnegger indique qu’il
s’exprime en fait au nom d’Eurocommerce, l’organisation qui représente le commerce de détail, de
gros et international en Europe.
Pour M. Willnegger, on assiste au cours du temps à une grande diversification des produits proposés
aux consommateurs. Les distributeurs sont responsables de la diffusion de produits alimentaires plus
durables et y contribuent.
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Chez EDEKA, les produits de la mer sont des produits alimentaires importants qu’il convient d’avoir
en rayon même si cela représente un marché sensible et que la présence d’un étal de poissonnerie dans
un supermarché implique beaucoup de frais (produits fragiles, gestion du froid, pertes...).
M. Willnegger rappelle que l’aquaculture est un domaine en pleine croissance au niveau mondial mais
principalement dans les pays tiers. La classe moyenne progresse dans les pays émergents et cela
entraîne des demandes de produits alimentaires différents, par exemple plus de poissons.
Les distributeurs européens sont amenés de plus en plus souvent à se fournir en dehors de l’UE.
Néanmoins ils doivent continuer à proposer des produits européens et locaux et à en faire la
promotion. C’est pourquoi, Eurocommerce soutient la réforme engagée pour une politique de la pêche
et de l’aquaculture plus durable.
La distribution accompagne la demande de produits aquacoles durables en faisant la promotion des
normes garantissant la sécurité sanitaire et l’aspect environnemental ou social de l’aquaculture et en
s’approvisionnant auprès d’aquaculteurs certifiés. De nombreuses démarches existent dans ce
domaine : GlobalGap, ASC, Friends of the sea, BAP (Best Aquaculture Practices)...
M. Willnegger considère que le consommateur aura le produit qu’il mérite au prix qu’il accepte, c’est
à dire un prix acceptable ou raisonnable pour son budget. Le but des distributeurs européens est
d’amener les consommateurs vers des produits alimentaires à valeur ajoutée et de sortir du concept
d’une alimentation au prix le plus bas possible.
Chez EDEKA, il y a 1 expert en alimentation pour 5 supermarchés Le rôle de ces experts est de
contribuer à l’éducation des consommateurs (connaissance des produits, de la nutrition, des modes de
production...)
Discussion
M. Antonio Longo signale qu’en poissonnerie et au supermarché le consommateur accède à certaines
informations Mais qu’en est-il au restaurant ? Il semble que là l’information du consommateur soit
souvent incomplète ou trompeuse (par exemple on fait passer du poisson d’élevage pour du sauvage et
on en profite pour faire une marge confortable)
M. Paolo Caricato indique que le nouveau règlement N° 1379/2013 de décembre 2013 prévoit de
renforcer l’information du consommateur sur les produits de la pêche et de l’aquaculture lors de la
mise en vente. Mais ce texte ne concerne pas l’information fournie au restaurant. Néanmoins, au
restaurant comme ailleurs, l’information ne doit pas être trompeuse. C’est une règle générale et l’on ne
peut pas faire passer une espèce pour une autre et l’on ne peut pas déclarer sauvage une espèce
d’élevage...
Mme Grâce Attard affirme qu’à Malte il n’y a pas de réglementation sur les OGM et demande si
l’aquaculture est concernée par les OGM.
Pour M. Caricato, la position de la Commission est claire; la vente d’animaux génétiquement
modifiés aux consommateurs n’est pas envisagée.
M. Dirk Westendorp en appelle à une meilleure éducation du consommateur car celui-ci manque de
repères pour choisir.
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Mme Celia Potdevin (CLCV) revient sur les démarches privées comme GlobalGap et ASC qui ont été
mises en avant dans la présentation Cela ne concerne qu’un petit nombre de produits. Souvent, le
consommateur ne sait pas que le poisson d’élevage qu’il achète provient d’un élevage certifié
GlobalGap car l’information ne lui est pas transmise de façon claire. Pour les consommateurs, cette
situation n’est pas satisfaisante. Où en sont les réflexions de la Commission sur la création d’un
écolabel européen sur les produits aquacoles ?
En réponse, M. Dario Dubolino de la DG Mare indique qu’un texte de décembre 2013 va
considérablement renforcer l’information du consommateur européen. Tous pourront savoir si le
poisson provient de la pêche ou de l’aquaculture, s’il est frais ou a été congelé, d’où il provient. Des
informations complémentaires sur l’environnement ou les pratiques de production peuvent être
fournies sur une base volontaire. Par ailleurs la commission rendra un rapport en 2015 sur la faisabilité
d’un écolabel.
M. Pietro Salvador, aquaculteur italien, indique que la qualité ne se résume pas à la sécurité sanitaire.
Par exemple, le Panga est un poisson sûr mais cela reste un produit de faible valeur nutritionnelle.
De plus, les aquaculteurs aimeraient bien savoir comment sont traités et mis en avant (ou pas) leurs
produits. Or, en général, les distributeurs ne sont pas prêts à leur ouvrir leurs portes. Parfois, des
produits sont vendus sans préciser s’ils sont issus de la pêche ou de l’aquaculture. De la même façon,
les restaurateurs n’informent pas bien les consommateurs et vendent indistinctement des produits de
l’aquaculture et de la pêche.
M. Ludwig Willnegger, représentant d’Eurocommerce, affirme que les distributeurs fixent leurs
propres méthodes de contrôles internes.
M. Dario Dubolino précise que l’on peut recourir à des analyses ADN lors des contrôles pour éviter
les tromperies économiques qui consistent à faire passer une espèce pour une autre. En revanche, il n’y
pas au sein d’une espèce donnée, de différence génétique analysable entre un poisson provenant de la
pêche et un poisson d’élevage.
En conclusion, M. Georges Cingal affirme qu’il n’y a pas une aquaculture mais des aquacultures qui
sont différentes.
Le rôle de l’union européenne est de faire respecter la réglementation et toute la réglementation (par
exemple sur la qualité des eaux littorales). On ne peut pas sacrifier la sécurité sanitaire ou
l’environnement aux pressions économiques.
Le développement de l’aquaculture doit permettre de redynamiser les populations de poissons
sauvages (en particulier les poissons migrateurs), or paradoxalement nous constatons que la
salmoniculture impacte négativement les populations de saumons sauvages.
Il faut surtout ne pas reproduire dans les mers les problèmes de l’agriculture intensive. Il est encore
temps de corriger les dérives. Pour cela, le dialogue, tel que celui qui a eu lieu aujourd’hui, doit se
poursuivre.
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Compte-rendu de la réunion du 14/02/2014 – Poissons d’élevage : quels impacts pour la santé des consommateurs et
l’environnement ? Catégorie « consommateurs et environnement »
EESC-2014-01378-00-00-CR-TRA
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