Production Compagnie Anonyme, Opéra de Lyon Avec la participation artistique du jeune Théâtre National. quintette à cordes musiciens de l’orchestre de l’opéra de Lyon mise en scène Richard brunel nouvelle production In the Penal Colony Opéra de chambre, 2000 Livret de Rudolph Wurlitzer d’après La Colonie pénitentiaire de Franz Kafka - En anglais Mise en scène Richard Brunel Dramaturgie Catherine Ailloud-Nicolas Scénographie Anouk Dell’Aiera Eclairages David Debrinay Conception des mouvements Axelle Mikaeloff Le visiteur Stefano Ferrari L’officier Stephen Owen Le soldat Gérald Robert-Tissot Le Condamné Mathieu Morin Quintette à cordes Musiciens de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon Durée : 1h35 environ Tarifs : de 10 à 35e l’île des suplices de franz kafka à philip Glass Ecrite en 1914, Dans la Colonie pénitentiaire, est une des nouvelles les plus terrifiantes de Franz Kafka. Dans une île-prison, aux confins du monde civilisé, un officier s’obstine, contre l’opinion générale, à entretenir et à utiliser une effrayante machine de torture, à lui fournir des victimes hébétées, comme celles qui, autrefois à Minos, nourrissaient le monstre à tête de taureau, à choisir délicatement la sentence de la loi du Talion que des aiguilles acérées inscriront sur leur corps supplicié, lentement et sûrement. L’officier sait que les temps ont changé, que le système punitif qu’il perpétue est menacé par l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouverneur. Son seul espoir réside dans ce Visiteur, envoyé par la métropole, qu’il s’agit de convaincre. Mais le Visiteur, tour à tour révolté, tétanisé, fasciné, refuse d’apporter son aide et provoque de ce fait le suicide de l’officier grâce à cette machine même qu’il aime d’amour. La machine explose dans cette ultime union monstrueuse d’Eros et de Thanatos, transformant le supplice raffiné en une grotesque et sauvage mise à mort. Curieuse nouvelle qui fait le lien entre Le Jardin des Supplices de Mirbeau et Le Procès, entre la fascination de l’horreur et l’insoutenable absurdité. En l’adaptant pour l’opéra, Philip Glass en gomme la dimension fantastique pour en accentuer la lecture politique. Il met en valeur un système judiciaire qui, déconnecté de sa légitimité institutionnelle, est réduit à l’arbitraire d’un seul homme. Il montre comment sous le masque de la civilisation se cache parfois la barbarie. Ayant choisi, contrairement à Kafka, de confier intégralement le point de vue du narrateur au Visiteur, il fait de lui notre représentant, notre substitut scénique, l’image idéalisée du Spectateur. Il montre ainsi l’horreur d’une peine de mort qui se donne en spectacle, qui devient objet de spectacle. Comment mettre en scène cet opéra de chambre ? Comment retrouver, ou transférer, dans une France débarrassée de toute forme honteuse de peine de mort, l’urgente actualité que cette œuvre a aux Etats-Unis ? Comment faire en sorte que le spectateur se trouve interpellé par ce qui est raconté là ? En déplaçant le point de vue. Il ne s’agit pas de faire le procès de l’officier, procès perdu d’avance, mais de faire celui du visiteur. Pourquoi n’intervient-il pas ? Jusqu’à quel point peut-il se laver les mains devant ce qui se passe ? Jusqu’à quel point peut-on assister à un supplice et ne pas en être souillé, peut-on ne pas intervenir face à l’horreur sans la cautionner ? Poser des questions, interroger le spectateur mais ne pas faire un spectacle didactique. Je souhaite que nous assistions à la reconstitution d’une scène vécue ou rêvée, à un cauchemar duquel surgissent des figures condamnées ou damnées. Sur le plateau coexisteront les vivants et les tombes, coulera le sang des morts. Et les thèmes kafkaïens dissimulés dans cette histoire s’imposeront alors à l’imaginaire, comme des fantômes. Le Père arbitraire et la question de l’héritage. L’écrivain qui écrit son œuvre avec son sang. L’absurdité qui fait se côtoyer le tragique et le comique. Et pour moi, encore d’autres défis… Comment représenter cette irreprésentable machine à torture ? Toute tentative d’illustration de la description qu’en fait Kafka est condamnée à l’aporie tant est patent le risque de la réduction et de l’anecdotique. Comment représenter l’horreur de la souffrance au théâtre sans tomber dans la complaisance, la facilité ou le faux ? Peut-être en travaillant sur la vérité de la présence et sur des corps débarrassés des scories du quotidien. Peut-être, paradoxalement, en montrant l’horreur par la beauté. Comment s’appuyer sur la dimension obsédante de la musique sans se laisser dominer, envahit par les rythmes qu’elle impose ? Comment donner aux échanges des chanteurs la vérité de l’instant en ne renonçant pas à la théâtralité ? Tant de défis passionnants au service d’un projet unique car il est finalement assez rare à l’opéra que la question du politique soit posée de façon si aiguë et que le théâtre soit convoqué à un tel degré d’évidence et de nécessité. Richard Brunel D’après un entretien réalisé par Catherine Ailloud-Nicolas Novembre 2008 L’Humanité broyée Elève de Nadia Boulanger, affilié à l’école minimaliste nord-américaine initiée par Terry Riley et La Monte Young, Philip Glass s’est imposé à la suite de la création en France, au Festival d’Avignon 1976, de Einstein On The Beach, sur un livret de Robert Wilson, signataire de la mise en scène. Depuis cette création, Glass est l’auteur de plus de vingt-cinq opéras dont notamment : Satyagraha (1980) et Akhnaten (1984), une trilogie consacrée à Jean Cocteau (entre 1993 et 1996) et Fall Of The House Of Usher (1999). Cette dernière œuvre initie la collaboration avec JoAnne Akalaitis qui se poursuivra ensuite par la création de la compagnie Mabou Mines. Début 2000, Philip Glass compose sur un texte adapté de Kafka l’opéra In The Penal Colony (Dans la Colonie pénitentiaire) pour deux chanteurs, deux acteurs et un quintette à cordes avec contrebasse. Cet opéra de chambre s’inscrit dans le débat sur la peine de mort aux Etats-Unis, et évoque de façon prémonitoire l’existence de zones de non droit, telles que Guantanamo, ainsi que les mauvais traitements infligés par des geôliers à des détenus. L’action de l’opéra, composé entre 1999 et 2000 sur un livret de Rudolph Wurlitzer, se déroule sur une île. Commande de “A Contemporary Theatre“ (ACT) de Seattle qui en a donné la création le 31 août 2000 dans une mise en scène de JoAnne Akalaitis, In The Penal Colony est une adaptation de la nouvelle éponyme écrite par Kafka en 1914 et publiée après la première guerre. Le romancier tchèque use de l’allégorie prêtant à une interprétation polymorphe. D’une durée de soixante-quinze minutes, In The Penal Colony réunit deux chanteurs (ténor et baryton), l’un campant un visiteur chargé de rédiger un rapport sur la colonie, l’autre interprétant un officier de la “colonie“ fervent défenseur d’une méthode d’exécution cruellement raffinée, et deux rôles parlés, respectivement un prisonnier et un soldat. Nous assistons à l’exécution d’un des prisonniers de la “colonie“, et c’est cette préparation à la mise à mort sur une machine très singulière qui constitue le centre de l’œuvre. Glass et Wurtizler construisent une tension continue et un parcours dramatique similaire à celui d’une tragédie grecque dans laquelle les fluctuations rythmiques et harmoniques prennent tout leur sens. Glass a développé ses propres qualités dramaturgiques et sait comment capter l’attention de l’auditeur dès les premières mesures du prologue. En examinant la partition, on est frappé par l’importance que le compositeur donne à la compréhension précise du texte, toujours bien articulé en accord avec les lignes du chant. Tout aussi important est le rôle du quintette à cordes. Celui-ci dispose d’un ample éventail de possibilités dynamiques très subtilement utilisées par Glass. Une scénographie musicale est ainsi dessinée, elle évoque un monde imaginaire. Le Quatuor y joue des parties d’une sonorité aride et spectrale qui transmettent une suffocante inquiétude. In the Penal Colony est divisée en 16 scènes, pendant lesquelles on se sent happé par une mécanique obsessionnelle. Tout se produit en temps réel, on se retrouve emprisonné dans la toile tissée par Glass. Chaque scène est introduite par un intermède instrumental qui caractérise de manière prégnante les étapes du récit de Kafka, et développe les modules répétitifs dont se compose la musique. Les thèmes musicaux se superposent, créant une structure stratifiée qui utilise avec abondance la polyrythmie. Les modules répétitifs roulent les uns sur les autres comme les engrenages de la machine de torture, imposant à l’action une évolution hypnotique et obsessionnelle. Les arpèges virtuoses et les harmonies sont comme les aiguilles de la herse torturant la peau du condamné à mort, y inscrivant sa faute. Les figures syncopées évoquent l’agitation du condamné. Dans la scène de destruction de la machine qui met fin à l’horrible tradition, Glass écrit des cascades de notes qui engloutissent tout. La partition combine drame et introspection dans un dans un équilibre juste au sein duquel le Voyageur et l’Officier n’usent d’aucun artifice vocal. Ils laissent le discours à sa fluidité et par là même le laissent pénétrer notre inconscient. Le quintette à cordes offre un langage polychrome, parfois distancié, parfois pure allégorie sonore de la machine. C’est un paysage d’une extrême nudité qui ouvre l’opéra : éloignement géographique de la colonie, communauté para militaire déliquescente, sécheresse, aridité du propos musical initial... en cet endroit, la venue d’un éminent personnage vient troubler l’harmonie et l’apparente stabilité (rythmique) d’une colonie pénitentiaire où l’ordre (sonore) parait inéluctable. richard brunel mise en scène Richard Brunel est issu de l’École du Centre Dramatique National de Saint-Étienne sous la direction notamment de Pierre Debauche, Mario Gonzalès, Sophie Loucachevsky, Pierre Pradinas, Guy Rétoré, Stuart Seide... Comédien, il crée la « Compagnie Anonyme » avec un collectif en 1993, et en devient le metteur en scène en 1995. Basée en Rhône-Alpes, la Compagnie sera en résidence au théâtre de la Renaissance à Oullins de 1999 à 2002. Puis, en 2003, il poursuit sa formation de metteur en scène à l’Unité Nomade, auprès de Robert Wilson aux États-Unis ; de Kristian Lupa à Cracovie ; d’Alain Françon ; un stage technique au Théâtre National de Strasbourg et un stage de mise en scène d’opéra sur une production du Festival International d’Art lyrique d’Aix en Provence en 2005. En outre, sur le plan lyrique, il a suivi un atelier auprès de Peter Stein à l’Opéra National de Lyon. Depuis 1995, au théâtre il a monté des textes de Ramon Valle-Inclan, Stanislas Ignacy Witkiewicz, Franz Kafka, Lioubomir Simovitch, Witold Gombrowicz, Eugène Labiche, Mikhail Boulgakov, Odon von Horvath, Cyril Tourneur… Parmi ses mises en scènes les plus récentes figure, L’infusion de Pauline Sales au théâtre du Rond-Point, Gaspard de Peter Handke au théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, Hedda Gabler d’Ibsen au Théâtre National de la Colline, aux Subsistances de Lyon, dans les CDN de Besançon, Nancy, Angers et Valence, spectacle nommé aux Molières dans la catégorie Théâtre en Région. Durant la saison 2007-2008 il monte Le théâtre ambulant Chopalovitch de Liouboumir Simovitch à l’école du Théâtre National de Strasbourg avec le groupe XXXVII. Il dirige également des stages de formation professionnelle en Italie, au Maroc, en Roumanie et en France notamment au Théâtre de la Manufacture de Nancy au sein duquel il a été artiste associé de 2004 à 2007. Pour le Théâtre lyrique, il a mis en scène Au bord (Histoires extraordinaires) avec le Quatuor Debussy ; En 2004, Se relire contre le piano-jouet d’Evan Johnson à l’Abbaye de Royaumont et à l’Opéra de Lille. En 2006, à l’Opéra National de Lyon, Der Jasager de Bertolt Brecht et Kurt Weill, direction musicale Jérémie Rhorer. En 2008, il met en scène L’infedelta delusa de Haydn, au Festival International d’Aix-en-Provence et retrouve Jérémie Rhorer à la direction musicale. Le spectacle sera en tournée à Monte-Carlo en 2008, à Sceaux, Besançon, Valladolid, Bilbao, Toulon en 2009 et à l’opéra de Lille et au Grand théâtre du Luxembourg en 2010. Il prépare pour 2009, la mise en scène d’Albert Herring de Britten que dirigera Laurence Equilbey à l’Opéra de Rouen et l’Opéra Comique.