Trichiasis - Pratiques en Ophtalmologie

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Zoom sur
Trichiasis
Comprendre pour mieux traiter
n Le trichiasis présente une grande variabilité de tolérance. Son dépistage n’est pas toujours
aisé et nécessite une analyse complète des paupières. A défaut de le faire toujours disparaître,
bien des traitements permettent d’améliorer la situation du patient. Pour autant, tous les trichiasis sont-ils à traiter ?
L
e trichiasis est un motif de
consultation récurrent car
il est souvent responsable
d’irritations douloureuses de la
surface
cornéo-conjonctivale.
Cette épine irritative entraîne une
gêne visuelle par augmentation du
clignement (blépharospasme) et
trouble de la trophicité cornéenne
(kératite avec sécheresse ou au
contraire larmoiement).
Le trichiasis est une pathologie
palpébrale singulière dont le traitement est quasi exclusivement réalisé par les ophtalmologistes et en
particulier par les oculoplasticiens.
Le traitement du trichiasis peut
sembler facile, mais reste toujours
délicat et son résultat peut parfois
décevoir. La prise en charge du trichiasis constitue un authentique
défi que l’opérateur sensibilisé
à l’oculoplastie doit relever avec
prudence. Le traitement repose
sur des méthodes pragmatiques
qui tiennent compte de l’écosystème ciliaire et de l’analyse statique et dynamique des paupières.
Dr Jean-Luc Fau*
surface oculaire par sa pointe. Le
bord libre de la paupière reste anatomiquement normal dans la majorité des cas (Fig. 1).
Le trichiasis se distingue des anomalies ciliaires congénitales que
sont l’épiblépharon et le dystrichiasis.
L’épiblépharon correspond à un
bourrelet cutané prétarsal et orbiculaire présent au niveau du bord
libre de la paupière du nouveauné. L’absence d’insertion cutanée
du faisceau antérieur des muscles
rétracteurs au niveau de la zone
sous-ciliaire est responsable d’une
verticalisation des cils. Le contact
se fait par la tige pilaire et non par
la pointe (Fig. 2).
Le dystrichiasis se présente
comme une rangée ciliaire surnuméraire, en arrière de la rangée
normale des cils et de la ligne grise.
Il peut être complet ou non (toute
la largeur du bord libre) voire associé à un authentique trichiasis.
Un dystrichiasis acquis est possible dans les inflammations chroniques de la marge palpébrale.
SIGNES CLINIQUES
La sensation de corps étranger, la
photophobie et la rougeur sont fréquents mais pas systématiques. La
kératite ponctuée localisée résistante aux traitements locaux doit
faire rechercher des cils trichiasiques “noyés” dans un tableau d’inflammation locale. L’inflammation
du bord libre est parfois trompeuse
et il faut savoir être vigilant dans la
recherche d’une anomalie ciliaire.
DÉFINITION
Le trichiasis est une orientation
anormale d’un ou plusieurs cils,
responsable d’une irritation de la
*Oculoplasticien, Nancy, Hôtel-Dieu, Paris
174
Figure 2 - Epiblépharon racial de
­l’enfant (sujet asiatique). Verticalisation
Figure 1 - Cil trichiasique de paupière
des cils qui touchent la surface cornéo-
inférieure. La pointe ciliaire irrite
conjonctivale par leur tige pilaire.
la surface cornéenne.
Absence de signe fonctionnel.
Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46
Trichiasis
Figure 5 - Shaving de nævus non
pigmenté du bord libre. On distingue la
médullaire et la corticale des cils. L’enjeu
Figure 4 - Dessin schématique du cil. La
est ici de laisser le bulbe ciliaire en place
tige pilaire est composée de la médul-
pour permettre la repousse de la tige et
laire et de la corticale en périphérie.
d’éviter une madarose localisée.
Le bulbe est enfoui dans le derme et
comporte la papille dermique (jaune)
et la matrice qui sécrète la kératine. Les
glandes sébacées de Zeiss et de Moll se
déversent dans le conduit pilaire.
Figure 3 - Coupe histologique d’un
cil avec le bulbe ciliaire et matériel
­environnant.
ANATOMIE ET
PHYSIOLOGIE DES CILS
Anatomie
Les cils sont des poils de grande
taille qui appartiennent au groupe
des poils terminaux comme les
cheveux (Fig. 3). Ils sont localisés de
façon oblique sur les bords palpébraux antérieurs avec une orientation externe en haut et en avant
pour les paupières supérieures et
une orientation en bas et en avant
pour les paupières inférieures
(Tab. 1).
❚❚Leur nombre
Il varie de 60 à 150 par paupière.
Les cils sont constitués d’un bulbe
pilaire (follicule pileux) enfoui et
d’une tige pilaire visible à point de
départ intra-dermique (Fig. 4).
❚❚Le bulbe pilaire ❚
(follicule ciliaire)
Il est principalement composé
d’une papille dermique et d’une
matrice responsable de la croissance du cil. Le bulbe est au contact
du tarse entre la portion pré-ciliaire du muscle orbiculaire et du
muscle rétro-ciliaire de Riolan. En
paupière supérieure, le bulbe est
enfoui entre 1,5 et 2 mm du bord
libre alors qu’il n’est qu’à 0,8 à 1,2
mm dans le bord libre inférieur.
Il est entouré d’un tissu musculaire très richement vascularisé.
Le rôle du muscle orbiculaire
est de la plus haute importance
dans la trophicité du follicule
ciliaire. La papille dermique bénéficie de cette vascularisation et
les artérioles modifient l’épaisseur de leur membrane basale au
cours du cycle pilaire. Les plexus
nerveux sensitifs terminaux de la
papille la rendent très sensible aux
stimulations mécaniques (contact
du cil et épilation). La matrice adjacente de la papille organise la
croissance de la tige pilaire.
❚❚La tige pilaire
Elle présente trois couches dans
son axe transversal : la médullaire,
la corticale et la cuticule.
La médullaire est une couche
centrale mono ou bicellulaire qui
participe à la pigmentation du cil
par la mélanine qu’elle contient.
La corticale entoure la médullaire grâce à un réseau fibrillaire de
kératine. Elle contient également
de la mélanine (Fig. 5).
La cuticule est formée de l’imbrication de cellules de kératine à la
manière de tuiles d’un toit. C’est
la couche la plus fine et la plus externe.
Deux glandes sébacées de Zeiss et
Tableau 1 - Fonctions des cils.
Fonction mécanique
de protection
Fonction d’évacuation
de la lacrymation
Fonction
esthétique
Fonction
de cicatrisation
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Ils protègent le bord libre des paupières et
contribuent à arrêter les corps étrangers
lors du clignement.
Drainage de l’excès de larmes par capillarité
lors du clignement forcé.
Leur présence et leur répartition symétrique
participent à l’harmonie et à la beauté du regard.
Les cellules germinales de l’infundibulum pilaire
participent à la cicatrisation du bord libre.
175
Zoom sur
une glande sudorale de Moll accompagnent chaque tige pilaire
dans sa position intra-dermique.
Lors d’une transformation des cellules germinatives des glandes de
Méibomius en cellules matricielles
pilaires, les tiges pilaires produites
présentent une altération qualitative en kératine et en mélanine.
« L’anatomie du bulbe et de la
tige pilaire du cil trichiasique
est conservée sauf en cas de
métaplasie mébomienne. Les
cellules germinales situées à la
base du bulbe sont responsables
de la repousse en cas de destruction incomplète de celui-ci. »
Le cycle pilaire (Tab. 2)
Le follicule ciliaire adopte un
fonctionnement cyclique, non
synchrone, c’est-à-dire que tous
les cils ne sont pas au même stade
d’évolution (Fig. 6).
La phase anagène correspond à
l’enfouissement du follicule dans
le derme, avec une prolifération
cellulaire responsable de la formation du bulbe et du cil. Cette phase
est active et sensible au traumatisme.
Le cil peut être en phase d’atrophie
ou catagène, correspondant à une
migration du bulbe ciliaire vers la
surface du bord libre. Enfin, dans
la majorité des cas (60 à 85 %),
le cil est en phase d’inactivité ou
phase télogène qui aboutit à la
perte du cil.
Le nombre de follicules pilaires
est prédéfini avant la naissance.
L’ablation du bulbe ciliaire doit
conduire logiquement à l’absence
de repousse du cil lors de son ablation.
Le cycle pilaire n’est pas synchrone et l’effet d’une épilation
ciliaire sera différent en fonction
du cycle : l’épilation va endommager le cil lors de la phase anagène,
alors qu’en phase télogène, elle
favorisera une stimulation de la
repousse ciliaire (Tab. 3).
Métaplasie des glandes de
méibomius
Une inflammation chronique ou
post opératoire favorise la transformation des cellules des glandes
de mébomius en cellules ciliaires.
Les cils poussent alors verticalement en herse et sont pauci-pigmentés, courts et cassants (Fig. 7).
Il faut penser à les rechercher au
fort grossissement (biomicroscope) en cas d’une irritation ressentie en permanence avec un
bord libre anatomique normal.
LE BORD LIBRE
DE LA PAUPIèRE
La paupière est classiquement divisée en un plan cutanéo-orbiculaire
(lamelle antérieure) et un plan
tarso-conjonctival (lamelle postérieure). Le septum orbitaire et ses
expansions assurent le lien entre
ces deux lamelles (Fig. 8). Le bord
libre de la paupière est angulé avec
un bord antérieur cutanéo-ciliaire
et un bord postérieur cutanéo-muqueux séparé par la ligne grise. La
ligne grise correspond au muscle
de Riolan. C’est un muscle orbiculaire rétro-ciliaire perceptible en
transparence à travers la peau très
fine du bord libre. L’incision longitudinale de la ligne grise permet
un abord des bulbes ciliaires ou la
réalisation d’une marginoplastie.
Ces différentes couches constituent un véritable “mille-feuille”
palpébral mobile. La paupière
subit la tension d’un vecteur vertical et d’un vecteur horizontal,
ce qui lui confère une dynamique
oblique surtout pour la paupière
supérieure. La paupière inférieure
présente une mobilité moindre en
raison de ses points d’ancrage médiaux et latéraux qui lui garantissent une bonne suspension.
En cas de relâchement des
connexions septales, les forces de
contrainte provoquent un glissement progressif des deux lamelles.
Figure 6 - Cycle pilaire. Phase anagène
avec enfouissement du bulbe pilaire et
grande activité métabolique permettant
la croissance de la tige pilaire. Phase catagène : migration progressive du bulbe
vers la surface avec séparation de la pa-
Figure 8 - Coupe du bord libre de la
pille dermique qui reste en profondeur.
paupière avec un angle postérieur qui
Phase télogène : expulsion progressive
Figure 7 - Métaplasie des glandes de
est un conjonctivo-cartilagineux et un
de la tige pilaire et végétation de la
Meibomius. Les cils sont fins, cassants et
angle antérieur qui est cutanéo-orbicu-
papille dermique.
peu pigmentés.
laire et qui reçoit le bulbe pilaire.
176
Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46
Trichiasis
Tableau 2 - Le cycle ciliaire.
PHASE DU CYCLE PILAIREMODIFICATIONS HISTOLOGIQUES
CATAGENE
- arrêt de la production des cellules de la médullaire
- arrêt de la production de mélanine
- isolement de la papille dermique du bourgeon pilaire
TELOGENE
- papille dermique totalement isolée du bulbe
- tige pilaire totalement kératinisée
ANAGENE
- nouveau bourgeon pilaire
- pénétration de la papille dans le bourgeon pilaire
- stimulation matricielle et mélanogenèse
ASPECT DU CIL
- cils plus fins
- cils plus clairs
- ralentissement de la croissance
- expulsion du cil télogène
- repousse ciliaire avec cil
- anagène profond et cil télogène
- en voie d’expulsion
Tableau 3 - Comparaison entre cils et poils du cuir chevelu.
CILS
Nombre compris entre 60 et 150 par paupière.
Bulbe pilaire et tige pilaire avec médullaire et corticale.
Croissance cyclique non synchrone.
La phase anagène ne représente que 10 % du volume.
Un décalage des couches se voit
ainsi dans la lamelle antérieure :
le plan cutané glisse sur le muscle
orbiculaire.
Lors d’une marginoplastie supérieure, il sera toujours préférable de
réaliser une sur-correction verticale
du repositionnement de la lamelle
antérieure. Il en sera de même en
paupière inférieure où la retension
du vecteur horizontal y sera associée par le biais d’une canthopexie.
POILS DU CUIR CHEVELU
100 000 à 150 000 cheveux sur le cuir chevelu.
Bulbe pilaire et tige pilaire avec médullaire et corticale.
Croissance cyclique non synchrone
(à la différence de la fourrure des mammifères).
80 % des cheveux sont en phase anagène.
dique ou séquellaire d’inflammation localisée du bord libre après
traumatisme chirurgical (chalazion par exemple) (Fig. 9).
la différence du trichiasis traumatique. Dans la forme segmentaire
et diffuse les foyers de cils sont répartis sur le tiers nasal, central ou
temporal de la paupière. Elle est
fréquemment associée à des métaplasies des glandes de Méibomius
liées à des inflammations chroniques (blépharites) (Fig. 12).
Une des classifications des trichiasis repose sur la localisation, le
nombre et la disposition des cils.
Le trichiasis isolé qui concerne
1 à 3 cils avec un trajet vertical ou
oblique. Cette forme est spora-
La forme segmentaire peut être
différenciée en forme focale et
en forme diffuse. La forme focale
comporte un foyer de cils sur 4 à 8
mm de longueur de bord libre. Sa
survenue est sporadique ou après
inflammation locale (Fig. 10). On
en distingue la malposition par
rotation postérieure ou rotation
marginale. Dans cette forme, le
trichiasis n’est pas lié à une rétraction de la lamelle postérieure
mais à une orientation oblique
de la ligne ciliaire par migration
antérieure de la jonction cutanée
muqueuse (Fig. 11). Les cils gardent
une direction parallèle entre eux à
Figure 9 - Cil trichiasique central sur
Figure 10 - Trichiasis central sur inflam-
Méibomius. Les cils sont fins, cassants et
séquelle post-opératoire de chalazion.
mation chronique.
peu pigmentés.
CLASSIFICATION DES
TRICHIASIS
Figure 11 - Trichiasis temporal supérieur
par rotation marginale du bord libre.
Figure 12 - Métaplasie des glandes de
Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46
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Zoom sur
Figure 13 - Paupière supérieure. Glisse-
Figure 14 - Symblépharon dans le cadre
Figure 15 - Cil trichiasique après ouver-
d’une conjonctivite fibrosante.
ture de blépharorraphie pour paralysie
faciale.
ment de la lamelle antérieure cutanéoorbiculaire.
Les formes totales sont simples
ou associées. La malposition ciliaire
de tout le bord libre de la paupière
supérieure est souvent associée à
une laxité de la lamelle antérieure. Le
glissement de la lamelle antérieure
s’accompagne d’une perte du pli palpébral supérieur (Fig. 13).
Le trichiasis total peut également
être associé à un entropion (malposition du bord libre), à une fibrose
conjonctivale et une rétraction de
la lamelle postérieure, comme dans
le cas de pemphigoïde cicatricielle
oculaire ou de séquelle de brûlure
cornéo-conjonctivale (Fig. 14).
Enfin, les formes compliquées
associées comportent un remaniement majeur du bord libre voire une
destruction du tarse. Il peut s’agir
de mutilations post -opératoires
répétées (Fig. 15) ou de séquelles de
trachome lorsque le tarse est très incurvé par la fibrose. L’inadéquation
entre le contenu et le contenant orbitaire est source de difficultés supplémentaires. L’atrophie de la graisse
orbitaire est responsable d’une
énophtalmie qui rend le traitement
du trichiasis plus délicat (Fig. 16).
TRAITEMENT
DU TRICHIASIS
Les traitements non conservateurs visent à faire une épilation
du cil ou à détruire le bulbe trichiasique.
178
A l’inverse, le traitement conservateur s’attache à garder 50 à 80
% des cils et se base sur un glissement des différentes couches du
“mille-feuille” palpébral (marginoplastie).
Les jeux médullaires antagonistes
du muscle releveur et rétracteur
de la paupière d’une part et de l’orbiculaire d’autre part, ont tendance
à repositionner le bord libre à son
origine. La règle de la sur-correction verticale en paupière supérieure et retension légèrement
sur-corrigée en paupière inférieure est nécessaire pour pérenniser le résultat post-opératoire.
Le traitement non
conservateur
❚❚Epilation
Elle se pratique sans anesthésie,
au biomicroscope, avec une pince
fine. La récidive est de règle (4 à 10
semaines) (Fig. 17).
❚❚Le laser
Le laser Argon (ou Nd : YAG avec
doubleur de fréquence) est surtout
efficace sur les cils très pigmentés
(convient donc mal aux cils métaplasiques). Son utilisation est maintenant réservée à la paupière inférieure car la paupière supérieure ne
présente pas une ergonomie adéquate et la position des bulbes y est
trop profonde. En pratique chaque
cil nécessite des constantes de puis-
sance, de temps et de diamètre de
spot qui lui sont propres. Il ne faut
pas oublier que l’irradiance finale de
l’impact laser est inversement pro-
A
B
Figure 16 - A et B. Enophtalmie par
squelettisation de l’orbite. Noter la peau
sèche et la bascule postérieure de la
paupière inférieure.
Figure 17 - Epilation à la pince. Il faut
s’assurer de la présence du bulbe ciliaire
gage d’une bonne épilation. Mais du
fait du cycle pilaire, la récidive est quasi
systématique.
Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46
Trichiasis
portionnelle au carré de la surface
du faisceau, il faut donc savoir augmenter largement la puissance en
cas d’agrandissement du diamètre
du spot. Le faisceau doit toujours
être axial et centré sur la tige pilaire.
❚❚Cryothérapie
Elle consiste à appliquer une
cryode à -30°C directement sur
le bord ciliaire ou sur les bulbes
concernés après incision le long de
la ligne grise. L’application de deux
cycles d’au moins 20 secondes est
nécessaire pour être efficace.
❚❚La trépanation sélective ❚
du bulbe ciliaire
Le microscope opératoire est indispensable. Il faut vérifier que
l’on obtient bien le bulbe ciliaire
dans sa totalité avec un halo cellulaire blanchâtre périphérique (cellules germinatives de la couche externe). L’abord est direct par voie
antérieure au couteau droit de 45°
ou 15° (Fig. 18). Si plusieurs cils sont
en cause, l’incision de la ligne grise
permet de visualiser l’ensemble
des bulbes et d’en assurer leur résection in toto (Fig. 19).
Tableau 4 - Complication du traitement non conservateur.
TRAITEMENT
Epilation
Laser Argon
Cryothérapie
Résection bulbaire
Résection pentagonale
COMPLICATIONS
récidive en 4 à 10 semaines
- récidive primaire et/ou secondaire
- mutilation du bord libre
- récidive primaire ou secondaire
- dépigmentation du bord libre
- perte de l’harmonie du bord libre qui devient
irrégulier
- nécrose cutanée si application trop longue
- aggravation des symblépharons en cas de
conjonctivite fibrosante
- récidive primaire ou secondaire
- cicatrice du bord libre visible (rouge)
- récidive secondaire +++
- cicatrice visible (bord ciliaire et peau)
- colobome par lâchage des sutures
❚❚La résection pentagonale ❚
du bord libre
Le but est de retirer “en bloc” le
segment de cil trichiasique. C’est
une technique de base en chirurgie oculoplastique pour retendre le
vecteur horizontal. Il faut s’assurer
au préalable que la suture bord à
bord se fera sans tension excessive.
Les fils non résorbables sont préférables pour minimiser l’inflammation post-opératoire. Ils sont retirés
entre le cinquième et le septième
jour.
Ces différentes interventions ne
sont pas exemptes de complications (Tab. 4).
Figure 18 - Trépan de 2,5 mm. Couteau à
45° et couteau à 15° pour la résection du
La mutilation du bord libre est définitive avec un scléral show d’autant
plus inesthétique que le trichiasis
est unilatéral. C’est une intervention à proscrire en paupière supérieure (risque de lagophtalmie et
complication cornéenne) (Fig. 20).
Le traitement conservateur
❚❚Repositionnement de la lamelle
antérieure (Fig. 21)
La remise en tension de la lamelle
antérieure s’adresse surtout au
trichiasis total de la paupière supérieure. La paupière est incisée
dans le pli palpébral supérieur pour
séparer la lamelle antérieure de la
lamelle postérieure, jusqu’à la ra-
❚❚La résection marginale totale ❚
de paupière inférieure
Cette technique du “dernier recours” est radicale mais au prix
d’une disgrâce esthétique majeure.
bulbe ciliaire.
Figure 20 - Marginectomie de paupière
inférieure droite. Outre la disgrâce esthétique (scléral show), l’enroulement de
Figure 19 - Marginoplastie au couteau de 45° et clivage de la lamelle antérieure. Les
l’orbiculaire et le duvet cutané peuvent
bulbes pilaires sont bien visibles avec leur engainement périphérique.
poursuivre l’irritation.
Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46
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Zoom sur
cine des bulbes. Le plan cutanéoorbiculaire situé entre le bord libre
et le pli est raccourci et l’orbiculaire
est amarré au tarse par du Vicryl
6/0. Des points d’ancrage supplémentaires entre l’orbiculaire et
l’aponévrose du releveur renforcent la traction verticale. Le geste
peut être complété par une incision
marginale de la ligne grise qui permet de renforcer la verticalisation
des cils.
techniques et qui sont réservées
au trichiasis sub-total ou total
sur paupières multi-opérées ou
compliquées. Nous utilisons une
technique personnelle pour la
paupière inférieure où une greffe
de muqueuse buccale n’est pas
toujours nécessaire. Le néo-bord
libre cicatrise suivant la technique
du “laisser faire”, la ligne ciliaire se
trouvant à distance du bord libre.
❚❚Lambeau de rotation en Z
(Watson) (Fig. 22)
C’est un lambeau d’échange réalisable en cas d’entropion marginal
du bord libre de paupière supérieure ou inférieure (mais sans rétraction de la lamelle postérieure).
La courbe de la ligne ciliaire s’en
retrouve légèrement modifiée. La
madarose partielle est de mise au
niveau de la pointe du lambeau qui
se comporte comme une greffe.
CONCLUSION
❚❚Marginoplastie de glissement
(Fig. 23)
Le principe de la marginoplastie
est d’inciser la ligne grise pour réorienter les cils. Un juste équilibre
entre les forces de tractions verticales et horizontales s’avère nécessaire. Il existe de nombreuses
La prise en charge chirurgicale du
trichiasis est différente en fonction de la localisation palpébrale
supérieure ou inférieure. Cette
différence est contingentée par
l’anatomie propre de chaque paupière.
Le traitement du trichiasis peut
être simple ou très complexe. La
récidive récurrente n’est pas rare
et peut conduire à une lassitude du
patient, d’où la nécessité de réaliser un geste efficace d’emblée.
Comme souvent en chirurgie oculoplastique, le type de traitement
sera adapté en fonction de l’aspect
clinique, de la statique et de la dynamique des paupières et notamment du comportement du muscle
orbiculaire, ainsi que du contexte
cutané palpébro-facial.
La tolérance du trichiasis est variable en fonction des patients.
La gêne palpébrale n’est pas forcément proportionnelle à l’importance du trichiasis (Fig. 24). Un
cil irritant discret (cycle pilaire)
Les points-clés du trichiasis
- La prise en charge du trichiasis est parfois facile, souvent délicate mais jamais
certaine quant à sa réussite. Le patient doit en être précisément informé.
- Le traitement repose sur des méthodes pragmatiques, tenant compte de
l’écosystème ciliaire qui peut être perturbé (rosacée oculaire, blépharite
mébomienne, dystopie palpébrale ou orbitaire).
- Il faut parfois attendre jusqu’à 6 mois pour confirmer la réussite définitive
du traitement.
A
B
C
D
E
F
G
H
Figure 21 - Repositionnement de la lamelle antérieure. A-H. Désinsertion de la lamelle antérieure de paupière supérieure. Abord dans le
pli palpébral. Exposition de l’orbiculaire qui est désinseré jusqu’à la racine des bulbes pilaires. Fixation de l’orbiculaire sur le tarse. Résection
peau et orbiculaire puis suture. Aspect post-opératoire immédiat puis à 7 j. G et H. La marginoplastie (ici sans greffe de muqueuse) accentue la
bascule des cils.
180
Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46
Trichiasis
A
B
D
C
E
F
G
Figure 22 - Lambeau de rotation en Z. A-C. Entropion externe paupière inférieure gauche. Technique du lambeau d’échange. Aspect postopératoire immédiat et à 15 J. La nécrose des bulbes ciliaires est très fréquente à la pointe du lambeau. D-G. Procédure identique. Noter la
permutation des lambeaux et la conservation du bord libre. La ligne ciliaire reste présente.
A
E
B
F
C
G
D
H
I
Figure 23 - Marginoplastie de glissement. A-F. Marginoplastie de glissement. Technique personnelle de “l’iceberg”. Canthopexie externe par
mini-incision dans le pli palpébral supérieur. Incision de la ligne grise. Séparation de la lamelle antérieure. Résection de peau et orbiculaire
avec plan orbiculaire large. Positionnement du néo-bord libre et suture de l’orbiculaire au tarse. Aspect à 15 jours. G. L’interposition d’une
greffe de muqueuse buccale permet de “bloquer” le néo-bord ciliaire mais avec une rançon cicatricielle plus délicate. H et I. Patient en postopératoire à J10 et J45. Les glandes de Méibomius sont visibles par transparence. Les cils trichiasiques sont à distance du bord libre.
est parfois responsable d’une irritation sévère. La localisation
et la demande spontanée du patient (parfois la supplique) sont
aussi déterminants pour engager
un traitement radical et surveillé
(Fig. 25).
Le trichiasis des conjonctivites
fibrosantes est un cas particulier,
décevant dans sa prise en charge
chirurgicale mais qui concède une
Figure 24 - Trichiasique irritant de la
Figure 25 - Rotation marginale supé-
paupière supérieure. Le traitement est
rieure. La tolérance est excellente et le
indispensable.
patient ne se plaint pas. Ne pas opérer
Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46
dans l’immédiat.
181
Zoom sur
tolérance parfois surprenante.
Les formes compliquées nécessitent souvent une combinaison de
plusieurs techniques opératoires
voire des réinterventions. On ne
peut que conseiller d’avoir le succès modeste car un bon résultat
initial n’est pas toujours un gage
de guérison définitive.
n
Mots-clés : Trichiasis, Bulbe et tige
pilaire, Cycle pilaire, Marginoplastie,
Muscle orbiculaire, Récidive primaire
ou secondaire, Lambeau
de glissement et de rotation
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segmentaire: une nouvelle technique chirurgicale. J Fr Ophtalmol, 2003 ;
26, 9 : 986-92.
• Fau JL. Trichiasis. Trouble de la statique palpébrale. SFO 2007. Communication Orale.
actualités
EN BREF dépistage
En route contre la rétinopathie
Ils ont perdu la vue
et gravissent le sommet du Mont-Blanc
Deux copains, Thomas Clarion
et Dominique Fuseau, se
lancent un défi : gravir le plus
haut sommet d’Europe. Un
fait pas banal, lorsque l’on
sait qu’après une affection de
la rétine ils ont perdu la vue.
Thomas Clarion, adhérent de
Retina France, a proposé cette
idée à l’automne dernier et
c’est avec l’association Adret
qu’il a suivi un entraînement :
vélo, course à pied, suivi en
montagne,…Des liens forts
se sont noués dans l’équipe
entre voyants et nonvoyants. Au final, le drapeau
Retina France a été déplié
cet été en haut du MontBlanc, tout un symbole !
Retrouvez les images de cette
incroyable ascension sur :
www.dailymotion.com/
video/xjqeu2_deux-nonvoyants-au-sommet-dumont-blanc_creation
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diabétique
D
epuis 7 ans, le petit camion laboratoire de
l’Union régionale des professionnels de santé
(URPS)-Médecins Libéraux de Bourgogne sillonne
les 4 départements de la région. Une action en faveur du dépistage de la rétinopathie chez les patients diabétiques qui, pour la moitié d’entre eux,
n’effectue aucun dépistage ! La rétinopathie est la
1re cause de cécité en France. Cette maladie avait
été diagnostiquée chez près de 28 % des diabétiques examinés lors de la 6e campagne de dépistage. Les patients dépistés sont ensuite redirigés
vers les ophtalmologistes proches de chez eux.
Cette prévention permet à la fois un bénéfice pour
les patients et une réduction des coûts induits pour
chaque patient. Le calendrier a prévu une première
étape dans la Nièvre à partir du 20 septembre, puis
dans la Côte d’Or en novembre.
Les patients peuvent appeler le N°AZUR 0 810 811 155,
pour toute question sur la rétinopathie diabétique, sur
les lieux et dates de passage du dépistage gratuit. ß
Pour en savoir plus :
www.urps-med-bourgogne.org
DMLA
L’afssaps rappelle qu’Avastin® n’est
toujours pas indiqué
en ophtalmologie
A
vastin® (bévacizumab) est un médicament
approuvé pour le traitement de certains cancers. Sa prescription est réservée aux médecins
compétents en cancérologie. Or, en pratique, ce
médicament est souvent prescrit hors AMM. En
effet, son mode d’action anti-VEGF le rend proche
des médicaments indiqués dans le traitement de
la DMLA. D’après une toute récente étude américaine publiée dans le NEJM en mai 2011, l’efficacité
du bévacizumab serait équivalente à celle du ranibizumab (Lucentis®), produit de référence dans
cette indication. Avastin® est toujours non autorisé en Europe pour le traitement de la DMLA. Le
groupe pharmaceutique Roche a indiqué ne pas
prévoir de développer Avastin® pour une indication
en ophtalmologie.
ß
Pour en savoir plus :
www.afssaps.fr
Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46
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