Rapport du séminaire : "Mécano-sensibilité active des cellules

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Rapport du séminaire :
"Mécano-sensibilité active des cellules ciliées de
l'oreille interne"
par Pascal Martin
Parrain David, Bimbard Erwan
4 octobre 2008
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1 L'oreille et le stimulus sonore
L'oreille est un élément essentiel dans l'interaction avec l'environnement extérieur, qui grâce à un fonctionnement interne complexe garantit la détection précise
de signaux sonores, ainsi que l'équilibre. On peut donc se demander quels sont les
mécanismes mis en jeu dans la transcription d'une onde sonore en signal électrique
interprétable par le cerveau humain. On rappelle qu'un son est constitué d'ondes de
pression se propageant dans un milieu, que l'on peut caractériser par une fréquence
et une intensité.
Fig.
1 Structure interne de l'oreille humaine
L'audition est permise grâce à la mise en mouvement du tympan qui répercute ces
vibrations vers les osselets nommés marteau, enclume et étrier. Plus en profondeur
dans l'oreille, la cochlée est l'organe réalisant la transduction des signaux mécaniques
en électriques. On y trouve aussi les canaux semi-circulaires, sièges de l'équilibre
(sensibles aux accélérations, permettant la localisation dans l'espace).
L'ouïe est un sens particulièrement performant chez l'être humain puisque c'est un
détecteur super rapide capable d'enregistrer des sons dont les fréquences varient en
moyenne de 20 Hz à 20 kHz, ce qui représente une bande passante considérable. Cela
signie que les détecteurs internes sont capables de réagir en des temps inférieurs à 100
microsecondes ! La précision fréquentielle est par ailleurs impressionnante puisqu'un
Homme est capable de distinguer deux notes distinctes de 2 Hz aux environs de 1000
Hz.
Des déplacements des organes internes de l'oreille de l'ordre du nanomètre sont
déjà détectables, et la gamme de l'amplitude des vibrations audibles s'étend de 20
µpascal à 20 Pa, ce qui correspond à une sensibilité s'étendant sur 12 ordres de grandeur en énergie ! Une telle étendue implique bien sûr une transmission auditive non
linéaire, ce qui est traduit par l'échelle logarithmique dans la dénition des décibels,
unité d'intensité sonore.
δP
I = 20 log(
)
δPref
Or les constituants internes de l'oreille sont des oscillateurs baignant dans un uide
visqueux, qui, s'ils étaient passifs, ne permettrait pas d'aussi bonnes performances sur
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toute cette gamme. Une hypothèse raisonnable (Thomas Gold, 1948) serait donc de
supposer que le mécanisme de transduction repose sur un phénomène actif, c'est-àdire consommant de l'énergie an de permettre une amplication des signaux. Ceci est
vérié par le phénomène d'émission oto-acoustiques : chez tous les vertébrés l'oreille
est capable d'émettre des sons propres détectables dans une chambre sourde. Cela
met en évidence la présence d'éléments actifs dans la composition de nos oreilles !
2 La cellule ciliée
La cellule ciliée est le transformeur nal émettant le signal nerveux suite à la
réception d'un son.
Fig.
2 Cellule ciliée isolée
Elle présente une forme pseudo-cylindrique polarisée avec une extrémité présentant un ensemble de cils appelé "toue ciliaire". Ces cils sont de petits bâtonnets
organisés très régulièrement en réseau hexagonal, et présentant des longueurs diérentes donnant à la toue ciliaire la forme d'un orgue. Ces derniers peuvent osciller
autour de leur point d'attache où leur taille est réduite, et pivotent donc sans se
courber. Leur rigidité est assurée par les laments d'actine qu'ils contiennent.
Fig.
3 Déplacement des cils de la toue ciliaire
Le principe général de la transduction repose sur l'oscillation des cils en réponse
à une vibration mécanique. Le mouvement relatif des cils va permettre indirectement
l'émission du signal électrique. Voyons plus en détail comment :
3
Fig.
4 Schéma simplié du fonctionnement de la cellule ciliée
Le déplacement de la toue ciliaire lors d'une perturbation va induire un courant
ionique depuis l'extérieur vers l'intérieur de la cellule, dû au fait que le potentiel électrochimique interne de la cellule est normalement plus faible que celui régnant dans
le milieu environnant. Des ions K+ (et Ca2+ en moindre quantité) vont alors pénétrer dans la cellule et le changement de potentiel va déclencher l'ouverture de pores
membranaires permettant l'entrée massive de Ca2+ . Celui-ci va alors avoir deux eets
décisifs : se xer sur des récepteurs spéciques commandant l'expulsion des ions K+
hors de la cellule et bouclant ainsi le circuit, et provoquer l'envoi de neurotransmetteurs dans la synapse connectée au nerf auditif.
Un dispositif pratique permet l'ouverture de canaux au bout des cils lorsque la
toue ciliaire est mise en mouvement : en eet les cils sont reliés entre eux par des
sortes de ressort moléculaires qui sous l'eet d'une tension critique vont entraîner l'ouverture de "trappes" à la surface des cils par où les cations s'inltrent sous l'inuence
de la diérence de potentiel.
Fig.
5 Système permettant l'entrée des ions due à un déplacement
Ces ressorts vont ensuite permettre de replacer la toue ciliaire dans sa conguration initiale. Le courant traversant les cils réagit au déplacement de la toue selon
une loi sigmoïdale, et on constate que par défaut le système est précisément dans une
zone où sa réponse est optimale.
Il peut donc réagir amplement à des perturbations faibles. Cette loi reète en fait
une distribution statistique des canaux ouverts suivant une distribution de Boltzmann,
où intervient la diérence d'énergie entre les états où le canal est ouvert ou fermé.
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Un modèle simple pour le fonctionnement des ressorts donne en eet une loi pour la
probabilité d'ouverture d'un canal en accord avec ces mesures :
PO =
1
0
1 + exp(− x−x
δx )
Où δx est un paramètre de sensibilité.
6 Flux d'ions entrant dans la cellule en fonction du déplacement de la toue
ciliaire
Fig.
3 L'amplicateur ciliaire
Les résultats précédents ont été établis pour des cellules uniques, mortes. Nous
n'avons pas encore parlé de l'eet actif de ces cellules, celui-ci s'étudie sur l'oreille d'un
animal encore vivant. On observe que spontanément, sans aucun stimulus externe, les
toues ciliaires oscillent à une fréquence propre assez bien dénie, bien que bruitée.
Cela signie qu'il y a bien un principe autonome actif capable d'amplier les oscillations des cils pour obtenir une meilleure sensibilité. Si on excite les toues ciliaires
aux alentours de leur fréquence propre on constate d'ailleurs que les oscillations se
font beaucoup plus amples et nettes, le bruit perdant de son importance relative.
Fig.
7 Les oscillations spontanées et leur spectre
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D'autres preuves montrent irréfutablement qu'il y a bel et bien un principe actif
à l'oeuvre quelque part :
Pic de la sensibilité de la toue ciliaire à une fréquence propre
Avance de phase de la réponse à une excitation aux faibles fréquences
Divergence de la température eective du système aux environs de la fréquence
propre
Amplication plus ecace des faibles signaux aux fréquences voisines de la fréquence propre
Tous ces phénomènes sont la preuve que la présence d'oscillations spontanées dans
le système permet une amplication non linéaire et dépendant de la fréquence des
signaux reçus.
Les cellules ciliées constituent des oscillateurs forcés avec une fréquence de résonance, qui sont en conditions réelles couplés les uns avec les autres, et sur lesquels on
peut exercer un contrôle via un ux d'ions Ca2+ . L'expérience montre en eet qu'en
augmentant la concentration en Ca2+ on observe un point critique à partir duquel
les oscillations spontanées débutent. Ce type d'oscillateurs, lorsqu'ils évoluent près
du point critique, présentent une sensibilité et une amplitude de réponse optimales.
Les conditions naturelles peuvent donc les mener à opérer dans cette gamme où ils
présentent de bonnes performances.
4 Mécanique de la toue ciliaire
Dans cette partie, nous nous attacherons à caractériser le fonctionnement interne
de la toue ciliaire et son régime d'oscillation, pour mettre en évidence le fonctionnement de l'élément actif inclus dans la structure des cils. On peut comprendre le
focntionnement des cils et des liens entre eux en étudiant la réponse de la toue
ciliaire à un déplacement imposé. On trace ainsi la force mesurée en fonction du
déplacement imposé.
Fig.
8 Caractéristique force-déplacement de la toue ciliaire
Ceci met en évidence la présence d'un régime de raideur négative, ce qui parait
improbable pour des ressorts simples reliant les cils. Ceci s'explique si l'on considère
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que, si la toue ciliaire est au repos, la moitié des "trappes" sont ouvertes. Partant
d'une situtation de déplacement négatif où la majorité des canaux sont fermés, si on
tire sur les cils on va d'abord forcer sur les liens, d'où un régime normal ; puis sur
une gamme étroite, toutes les "trappes" vont s'ouvrir après un certain seuil, ce qui
va avoir pour eet de relâcher brutalement la tension voire de pousser dans le même
sens que le déplacement imposé, d'où le régime à raideur négative.
En utilisant ce graphe et celui de la probabilité d'ouverture des canaux on peut
alors expliquer le régime d'oscillations spontanées observées, si l'on prend en compte
un élément supplémentaire qui joue un rôle capital : l'intérieur du cil contient de
longs laments d'actine, sur lesquels peut se déplacer la myosine. L'intérieur de la
paroi du cil près des canaux est recouvert de myosine, qui s'accroche aux laments
d'actine, et, en consommant de l'ATP, va chercher à progresser, exerçant ainsi une
force supplémentaire sur le ressort ouvrant le canal d'entrée des ions.
Fig.
9 Un acteur essentiel : la myosine
Au bout d'un certain temps (relativement court) la trappe s'ouvre, le cil penche
vers sa voisine plus grande. Le Ca2+ s'engoure alors dans le canal ; ces ions ont
un eet rétroactif sur l'interaction myosine-actine : ils provoquent la descente des
molécules de myosine le long des lament d'actine. Pour généraliser, nous dirons que
la hauteur de la myosine sur le brin d'actine dépend de la concentration en ion Ca2+ .
Comme nous l'avons vu en première partie, cela déclenche un enchainement de
réactions dans la cellule, un message électrique est envoyé vers le cerveau et les ions
Ca2+ et K+ s'autorégulent dans la cellule. Revenons à notre cil : sa concentration en
ions Ca2+ a baissé, à cause de la fermeture des canaux provoquée par la faiblesse des
moteurs myosines, ce qui va entrainer une remonté de la myosine le long de l'actine,
qui est moins inhibée par les Ca2+ . On est de retour dans la situation initiale : nous
avons fait une oscillation. C'est donc ce processus d'autorégulation des forces tirant
sur les "trappes" des cils, dû à l'interaction myosine-actine-Ca2+ , qui permet au cil
d'être toujours dans un état instable et donc provoque les oscillations spontanées,
avec les conséquences qu'on y a vu plus haut.
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Fig.
10 Cycle complet montrant la rétroaction lors des oscillations
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