Après la Grande guerre, les Britanniques, les Américains, les Japonais et
les Français commencent à développer une aviation embarquée. L’Italie,
l’Allemagne, l’Union soviétique renoncent à acquérir des porte-avions, au
moins jusqu’à la veille de la guerre, pour des raisons historiques (l’Italie
est un porte-avions au cœur de la Méditerranée), diplomatiques (l’Alle-
magne est tenue par le traité de Versailles) ou techniques (l’industrie
soviétique manque de moyens). Le cuirassé est toujours le principal na-
vire de combat, celui qui doit faire la décision sur mer. L’aviation maritime
ou navale est souvent partagée entre deux composantes embarquées
(avions pour les porte-avions et hydravions sur les cuirassés et croi-
seurs) et une composante terrestre (devenue maintenant la patrouille
maritime) et doit souvent s’imposer face à une armée de l’air indépen-
dante ou encore intégrée à l’armée de terre.
Les marins américains et japonais parviennent à développer leur
aviation navale à côté (en fait en concurrence avec...) de l’aviation
de l’armée. Les marins britanniques ont perdu leur aviation lors de
la constitution d’une armée de l’air indépendante, la Royal Air Force,
le 1er avril 1918 et ne récupéreront leur aviation embarquée qu’en
mai 1939, à la veille de la guerre. Les marins français garderont, non sans
peine, leur aviation embarquée.
Les premiers porte-avions, mis en service au début des années vingt,
sont en fait des bâtiments expérimentaux issus de transformation de
bâtiments existants (grand croiseur Furious, charbonnier Langley), en
construction (Argus, Eagle, Béarn), ou développés à partir de coques déjà
étudiées (croiseur pour l’Hermes, pétrolier pour le Hosho). Une seconde
génération de porte-avions est mise en service à la fin des années vingt,
avec la conversion de croiseurs de bataille (Courageous, Glorious) ou la
transformation sur cale de croiseurs de bataille (Lexington, Saratoga, Akagi)
ou de cuirassés (Kaga) dont la construction doit être abandonnée après le
traité de Washington qui limite les armements navals.
Dans les années trente, les premiers porte-avions conçus comme tels appa-
raissent : Ranger, Yorktown, Enterprise américains, Ryujo, Soryu, Hiryu japo-
nais et Ark Royal britannique. Les traités de limitations des armements navals
fixent le tonnage total de porte-avions pour chaque grande marine qui tente
d’utiliser au mieux ce qui lui est alloué.
En septembre 1939, on compte 19 porte-avions en service : sept britanni-
ques, six japonais, cinq américains (le premier, le Langley, a été retransformé
en porte-hydravions en 1937) et un français (le Béarn).
Entre le début de la guerre en Europe (1er septembre 1939) et l’entrée en
guerre du Japon et des États-Unis (7 décembre 1941), les Japonais mettent
encore trois porte-avions en service (Zuiho, Shokaku, Zuikaku), tout comme
les Américains (Wasp, Hornet, Long Island).
La bataille de l’Atlantique
Dès le début du conflit, le porte-avions français Béarn est relégué au rang
de navire école et de transport. Les Britanniques sont ainsi les seuls à possé-
der des porte-avions opérationnels. Ils utilisent l’Ark Royal et le Courageous
pour chasser les sous-marins mais y renoncent rapidement après la perte du
Courageous. L’Ark Royal et l’Hermes traquent les corsaires allemands dans l’At-
lantique Sud fin 1939. Les porte-avions britanniques, malgré des groupes aé-
riens mal adaptés, sont engagés lors des opérations de Norvège entre avril et
juin 1940. Le Glorious y reste. Le Victorious et l’Ark Royal jouent un rôle décisif
lors de la traque puis la mise hors du combat du cuirassé allemand Bismarck
fin mai 1941. Jusqu’à la fin de la guerre, les porte-avions alliés couvrent les
convois vers l’Union soviétique et participent largement aux attaques des na-
vires allemands en Norvège.
Mais c’est dans la lutte anti-sous-marine que les porte-avions vont vérita-
blement s’illustrer. Le porte-avions d’escorte britannique Audacity, un ancien
cargo allemand hâtivement transformé, escorte deux convois entre la Grande-
Bretagne et Gibraltar mais est torpillé et coulé au retour du second convoi, le
21 décembre 1941. Il a montré une efficacité certaine et les Alliés engagent à
partir de début 1943 des porte-avions d’escorte pour accompagner les grands
convois puis 19 MAC-ships à partir de fin 1943. Le MAC-ship (merchant aircaft
carrier) est un cargo ou un pétrolier qui, surmonté d’un simple pont d’envol,
embarque trois ou quatre avions tout en emportant sa cargaison habituelle. Le
nombre grandissant de porte-avions d’escorte permet la création de groupes
de chasse indépendants pouvant renforcer une escorte et chasser un sous-
marin repéré jusqu’à sa destruction. La détection des sous-marins est facilitée
par le décryptage des communications des sous-marins (Enigma) et la loca-
lisation des émissions des sous-marins (Huff-Duff). Lors du débarquement
de Normandie, le 6 juin 1944, les porte-avions n’interviennent pas dans le dé-
barquement proprement dit mais trois d’entre eux opèrent avec les groupes
d’escorteurs qui assurent une couverture anti-sous-marine à l’entrée ouest de
la Manche.
Les porte-avions d’escorte britanniques sont crédités de la destruction de
treize sous-marins allemands et ont participé à la destruction de onze autres
avec des forces de surface. Les porte-avions d’escorte américains, agissant
souvent sur renseignement, sont crédités de 58 sous-marins allemands entre
l’Arctique et l’Atlantique Sud.
En Méditerranée
La Méditerranée constitue un théâtre d’opérations particulier pour les porte-
avions qui restent toujours à portée d’avions basés à terre et les Britanniques
ont conçu leurs porte-avions blindés (les Illustrious) pour opérer dans ces
conditions. Le porte-avions Illustrious, équipé du radar, contrôle pratiquement
la Méditerranée orientale de septembre 1940 à janvier 1941. Il est le grand
vainqueur de Tarente (11 novembre 1940) mais est mis hors de combat par
les Allemands. Son remplaçant, le Formidable, joue un grand rôle dans la ba-
taille de Matapan (28 mars 1941) mais est mis hors de combat à son tour lors
de l’évacuation de la Crète, en mai 1941.
L’Ark Royal opère en Méditerranée occidentale avec la Force H jusqu’à son
torpillage, en novembre 1941. Les porte-avions couvrent les convois qui ravi-
taillent Malte et assurent d’août 1940 à octobre 1942, la livraison en vol de 718
avions, dont une grande majorité de chasseurs, à l’île assiégée.
Les porte-avions alliés participent ensuite aux débarquements en Afrique du
Nord (novembre 1942), en Sicile (juillet 1943), en Italie (Salerne en septem-
bre 1943 puis Anzio en janvier 1944) et en Provence (août 1944), ainsi qu’aux
Le porte-avions américain Bonhomme Richard (type Essex).