La génétique, garante de la conservation des races

publicité
elevage
oVinS | Le contrôle de performances est une activité de passionnés qui n'attire que peu
d'éleveurs. Un outil pourtant inestimable d'amélioration, voire de préservation des races locales.
La génétique, garante de
la conservation des races
"Q
uand je me suis installé
en 1989, mon idée était
de faire mon renouvellement pour éviter les problèmes
sanitaires que l'on peut rencontrer
lorsque l'on fait venir des bêtes de
l'extérieur. J'ai attaqué l'insémination dès 1990, je n'étais alors ni en
sélection, ni en contrôle de croissance", explique Jérôme Pellegrin,
associé avec Max Richard et
Stéphanie Arbaud au GAEC de la
Grande Bastide, à Montjustin.
Ils élèvent des mérinos. Un choix
adapté notamment à la taille du
troupeau. "Ce serait difficile de
mener 1900 brebis en préalpes",
note Jérôme Pellegrin. "Les mérinos
sont souples, grégaires, maternelles,
gentilles", résume Max Richard.
Pour eux, la sélection génétique
est une évidence. "Nous avons toujours fait de la sélection pour améliorer la valeur laitière". Les agneaux
sont pesés à 42 jours (permettant
de calculer le PAT 30 jours), et les
chiffres sont transmis à l'Institut de
l'élevage via la Chambre d'agriculture. "En PAT 30, c'est plus facile pour
les éleveurs. En une pesée, nous
déterminons la valeur laitière de la
mère", expliquent-ils. L'accroissement des performances ainsi
obtenu les a encouragés à s'intéresser au gène d'hyperprolificité
Booroola. "Cela permettait de valori-
Un regain
d'intérêt encore
faible
Le contrôle de performance chez les
ovins allaitants a été mis en place en
1959 au niveau national et a connu
dés lors un développement rapide.
Comme chez les autres espèces, il
constitue l'outil de base de l'amélioration génétique du cheptel au niveau
du troupeau, d'une part, et aux niveaux collectif et racial par l'intermédiaire des organismes de sélection,
d'autre part. Par ailleurs, son utilisation à des fins de gestion technique
est loin d'être négligeable, et a très
certainement été un facteur essentiel
dans l'essor de ce système. Après une
forte progression du nombre d'élevages contrôlés jusqu'à la moitié des
années soixante-dix et une relative
stagnation jusqu'à la fin des années
quatre-vingts, le nombre d'élevages
contrôlés a toutefois entamé une descente très régulière jusqu'en 2010,
jusqu'à diminuer de moitié. Depuis,
les contrôles de performances
connaissent un petit regain d'intérêt,
mais qui ne pèse pas bien lourd. Au
cours de la campagne 2014 (source :
Institut de l'élevage), 333600 brebis
(soit 8,35% du cheptel femelle ovins
allaitants national) ont été contrôlées
dans 1246 élevages, ce qui représente
une augmentation de 2% pour les élevages et de 6,1% pour les brebis par
rapport à la campagne précédente.
12
Dans les Alpes de Haute-Provence, seuls 10 élevages ont été contrôlés en 2014, 18 dans les Hautes-Alpes, pour un nombre global de brebis de 5 087 dans le 04, et de 9 388 dans le 05.
ser la production laitière de nos brebis". Depuis 2009, le troupeau est
donc agrémenté d'un lot de brebis
porteuses de ce gène d’hyper-prolificité, qui permet aux mères de
mettre bas non plus un, mais deux,
voire trois agneaux. Une manière
d'augmenter sa productivité sans
augmenter la taille du troupeau.
Les agneaux sont valorisés en
Label rouge IGP Agneau de
Sisteron en juillet, lorsque la plusvalue est la plus haute.
Un réseau de passionnés
"Il est dommage qu'il n'y ait pas plus
d'éleveurs qui se tournent vers la
génétique, parce que ce n'est pas
aussi contraignant que ce que l'on
imagine parfois", estime Jérôme
Pellegrin, qui fait valoir "le plaisir
d'élever ses agnelles, de se trier une
belle femelle qui va produire du lait
et qu'on va garder une carrière". La
passion compense un surcroît de
travail qui, bien que "beaucoup
moins contraignant aujourd'hui que
lorsqu'il fallait faire deux ou trois
pesées", reste difficile à valoriser. "Le
marché de la femelle de reproduction est difficile. On a du mal à valoriser le travail de sélection".
Le fait notamment d'une sélection
génétique effectuée par la voie
mâle. "J'ai rencontré un éleveur qui
me disait : "moi, j'ai arrêté le contrôle
de performances. J'avais des agnelles
magnifiques qui partaient toutes à la
boucherie parce que je ne pouvais
pas les vendre en tant qu'agnelles".",
raconte Olivier Pascal, élu à la
Chambre d'agriculture 04.
En fait, expliquent les éleveurs, "les
effets de la génétique se voient
quand on passe à un quai de traite.
Mais quand on élève des agneaux de
boucherie, c'est plus difficile. Ça
marche, mais il faut être convaincu
pour démarrer…"
Précisément, peu d'éleveurs le
sont, comme en témoignent les
chiffres : dans les Alpes de HauteProvence, seuls 10 élevages ont été
contrôlés en 2014, 18 dans les
Hautes-Alpes, pour un nombre
global de brebis de 5 087 dans le
04, et de 9 388 dans le 05 (Source :
Institut de l'élevage).
"Aujourd'hui, le souci est que nous
sommes réduits à un réseau de
convaincus et de passionnés, que
nous n'arrivons pas à élargir",
regrette Olivier Pascal.
D'autant qu'à la charge supplémentaire de travail vient s'ajouter
le coût : indéniable frein. Les
exploitants payent autour de 1 700
euros par an en effectuant eux-
mêmes leurs pesées. La venue d'un
technicien leur coûterait le double.
A la Chambre d'agriculture 04, on
en convient volontiers. "Cela coûte
trop cher", concède Olivier Pascal.
"D'un autre côté, si plus de monde
effectuait le contrôle de croissance, le
coût serait moindre...", avance
Jérôme Pellegrin.
Préserver les races
locales
Reste que "sans la génétique, souligne Max Richard, la mérinos
d'Arles n'existe pas. Nous sommes
garants de la préservation de cette
race".
C'est précisément l'une des raisons
qui pousse les chambres d'agriculture à réhabiliter les contrôles de
performances aux yeux des éleveurs réticents : le contrôle bénéficie non seulement à l'éleveur, mais
également à la filière. Le contrôle
de performances représente environ 500 000 euros sur la région,
dont un peu de moins de 250 000
euros sont payés par les éleveurs.
"Ce qui veut dire que les chambres
mettent plus de 300 000 euros pour
faire ce travail génétique".
"Aujourd'hui, on a trois espèces sur
la région : la préalpes, la mourérous
et la mérinos. Si nous ne travaillons
pas à l'amélioration de ces espèces
locales, personne ne le fera à notre
place", souligne Olivier Pascal, qui
en appelle à une implication plus
forte de l'aval. "Autant en contrôle
laitier, il y a une volonté politique de
l'aval de rentrer dans un dispositif
d'amélioration de la qualité génétique des troupeaux, autant en
viande, c'est légèrement différent. Il
n'y a pas d'implication de l'aval".
En fait, "pour arriver à avoir plus
d'éleveurs qui font des contrôles de
performance, nous avons deux
choix : trouver des passionnés de
génétique – et il n'y en a pas à tous
les coins de rues – ou faire en sorte
que ceux qui le font soient davantage valorisés et que cela ne leur
coûte pas une fortune à mettre en
œuvre. Il est donc indispensable que
nous travaillions, tant sur la diffusion de la génétique que sur le coût
du contrôle de performances en se
faisant aider par l'aval. C'est la valorisation du travail qui est fait qui
incitera les éleveurs à s'engager làdedans".
"Pour nous, conclut Olivier Pascal,
tout le monde doit s'emparer de ce
dossier-là pour en faire la promotion
et l'accompagnement".
St.M.
Vendredi 8 janvier 2016 - L’ E S PAC E A L P I N
Téléchargement