Nous partons de notre travail de terrain, dans les Andes boliviennes, basé principalement sur des entretiens
individuels de femmes, mais également sur une réflexion collective réalisée à travers des ateliers (mixtes et/ou
de femmes) qui portaient sur l’impact de l’économie solidaire par rapport au processus d’empoderamiento des
femmes et la lutte contre la vulnérabilité.
Nous privilégions une méthodologie qualitative plus que quantitative, basée sur le point de vue de femmes
ayant différents postes de responsabilité ou non au sein des associations. Privilégier le point de vue des
femmes nous permet de comprendre les stratégies mises en place par celles-ci pour changer les rapports de
pouvoir, mais permet également de mettre en évidence certaines dimensions de la vie sociale auxquelles leur
position les rend plus sensibles, mais dont la portée concerne toute la société, hommes et femmes confondus.
Les entretiens sont traités selon une approche méthodologique de l’empoderamiento basée sur la
décomposition du pouvoir. A partir d’un travail en ateliers nous avons identifié plusieurs dimensions et
indicateurs nous permettant de mesurer le processus d’acquisition d’autonomie des femmes qui participent à
une organisation économique et sociale soit, essayer de mieux cerner les changements d’ordre individuel et
collectif. (La méthodologie d’analyse des entretiens est expliquée au point 6).
5- Notre approche théorique du concept d’empoderamiento5
Actuellement, la question du pouvoir est de plus en plus à l’ordre du jour que ce soit le pouvoir au niveau des
institutions ou le pouvoir individuel sur les choix de vie. Le concept d’empoderamiento semble être une
évidence et pourtant il est l’objet de multiples interprétations (parfois contradictoires) et critiquées.
A la base du terme empoderamiento se trouve la notion de « poder » : « pouvoir », ce qui exprime bien
l’importance de reconsidérer les rapports hommes/femmes en terme de pouvoir, de domination. La notion de
« pouvoir » fait référence à la « prise de pouvoir » ou au « non-pouvoir ». Pour aborder la notion de
« pouvoir » nous nous sommes notamment basés sur l’approche de M. Foucault qui parle de pouvoirs
multiples à tous les niveaux : « comparables à une constellation d’étoiles ». Approche à mettre en perspective
avec l’approche patriarcale et la domination masculine.
Plusieurs auteurs s’accordent pour dire que l’empoderamiento tel que défendu par les mouvements de femmes
du Sud prend ses racines dans les années 60, notamment dans le travail communautaire développé par Paolo
Freire. En faisant référence spécialement à son œuvre La pédagogie des opprimés (1970)6, il fait appel à une
discussion centrale sur comment transformer les consciences. Fondement indispensable dans la
compréhension du comment, les opprimés de l’époque, aujourd’hui appelés exclus, se libèrent des structures
qui limitent leur participation sociale, intellectuelle et politique en développant ce qu’il va appeler la
« conscience critique ». Les études féministes ont directement fait le lien entre le processus d’acquisition
d’une conscience critique et l’empoderamiento des femmes. De son côté, Freire fera peu de relation entre sa
théorie et celle du genre.
Si les rapports d’empoderamiento se situent au niveau des relations hommes-femmes, les conflits entre acteurs
(classes sociales, intergénérationnels, ethniques etc.) entrent également en ligne de compte. Plusieurs auteurs
vont alors définir la notion « d’empoderamiento et pouvoir » comme la capacité des individus ou d’une
communauté à prévoir, contrôler et participer au développement de son propre environnement, le processus
par lequel des individus et/ou des communautés acquièrent la capacité, les conditions de prendre un tel
recherche en 2004 en Bolivie où nous avons travaillé principalement avec des associations d’artisans-nes. Nous sommes
cependant retournés dans deux associations agricoles (producteurs de cacao et de café).
5 Une description plus détaillée de l’approche théorique et méthodologique pour mesurer l’empoderamiento des femmes
qui participent à l’économie solidaire en Bolivie est en cours de publication (In, IUED/DVLP).
6 L’œuvre de Paolo Freire, « Pedagogy of the Oppressed », écrite en 1970 est basée sur d’autres essais importants tels
que « Education as the practice of Freedom (1969) et « Extension of Communication » (1969), publié en anglais comme
« Education for Critical Consciousness »(1973).