Fièvre de la vallée du Rift

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EMPRES Bulletin des maladies animales transfrontières 39
Fièvre de la vallée du Rift
Une grave épidémie inattendue de fièvre de la vallée du Rift
dans le nord de la Mauritanie affecte des petits ruminants, des
chameaux et des humains
De fin septembre à début octobre 2010, des pluies sans précédent ont créé de grandes étendues d’eau dans les oasis de la région subsaharienne de l’Adrar, au nord de la Mauritanie. De
telles pluies n’avaient pas été observées depuis 1956 (connu localement comme « l’année de
la fièvre »). Cet événement climatique a favorisé une croissance exceptionnelle de la végétation, en attirant les bergers et les éleveurs des régions plus éloignées, notamment les régions
du sud et du sud-est du pays où la fièvre de la vallée du Rift (FVR) est endémique. Il a également favorisé la forte multiplication de plusieurs espèces de moustiques, principalement des
genres Culex et Anopheles, certains d’entre eux étant connus pour être des vecteurs compétents des principaux arbovirus, y compris le virus de la FVR.
Quelques semaines après ces pluies, plusieurs foyers importants de paludisme et de FVR
ont été signalés dans plusieurs oasis (Graret) de la région de l’Adrar. Le premier cas potentiel
de FVR a été observé chez un dromadaire malade, durant la dernière semaine d’octobre 2010
dans la zone d’Aoujeft, avec des symptômes rappelant ceux de la pasteurellose. L’éleveur
avait abattu l’animal avant qu’il ne meure de la maladie et la viande a été partagée entre
les membres de la famille. En quelques jours, plusieurs personnes sont mortes suite à des
symptômes intestinaux et hémorragiques. Les autorités sanitaires ont demandé de rechercher
la présence de plusieurs agents pathogènes, y compris ceux de la fièvre hémorragique de
Crimée-Congo et de la FVR, et les résultats se sont avérés positifs pour la seconde maladie.
Bien qu’il soit improbable que ces personnes aient été infectées par la consommation de
viande - le virus étant rapidement détruit par les changements post-mortem de la viande - et
qu’il soit possible qu’elles aient succombées à d’autres pathologies (par exemple, intoxication
© FAO/S. DE LA ROCQUE
Figure 1: Un des principaux foyers d’épidémies
Remarque: Les inondations dans l’oasis de Lefrass (30 km au nord d’Atar) ont persisté pendant environ
dix semaines, en favorisant le développement de populations de moustiques. Cet encart présente les
emplacements d’Atar et Aoujeft et les isohyètes moyens de 1965 à 2002.
Source: FAO, Division des terres et des eaux.
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FAO – Division de la production et de la santé animales
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alimentaire), il est maintenant évident que le virus a circulé de manière intensive dans cette
zone à l’époque.
Deux semaines après l’apparition de ce cas-index, des cas supplémentaires chez des dromadaires, des séries d’avortement chez des petits ruminants et des décès humains (avec un
tableau clinique de fièvre hémorragique, d’ictère et de troubles neurologiques) ont été rapportés en grand nombre. A la fin de décembre 2010, un total de 63 cas humains dont 13
décès, ont été officiellement signalés, mais les chiffres réels étaient probablement beaucoup
plus élevés car tous les cas n’ont pas dû être signalés correctement en raison de l’isolement
géographique de la zone touchée. Sur les 14 échantillons initiaux prélevés chez des dromadaires, sept ont été testés positifs avec la réaction en chaîne de la polymérase-transcription
inverse (RT-PCR) au Centre national d’élevage et de recherches vétérinaires (CNERV), et le
virus a été isolé à partir de quatre de ces échantillons. Les premiers résultats sérologiques ont
indiqué une prévalence d’IgM/IgG de 33 pour cent chez les dromadaires, et de 44 pour cent
chez les petits ruminants. La séroprévalence chez les dromadaires atteignait 43 pour cent dans
l’Adrar, et 54 pour cent à l’est de l’Inchiri deux semaines après l’observation du cas-index chez
le premier dromadaire.
Durant cette épidémie, deux formes cliniques ont été observées chez les dromadaires: une
forme suraiguë avec une mort subite en moins de 24 heures; et une forme aiguë avec fièvre,
ataxie, œdème à la base du cou, difficultés respiratoires, ictère, conjonctivite sévère avec
écoulement oculaire et cécité, hémorragies des gencives et de la langue, lésions podales,
Figure 2: Symptômes cliniques de la FVR observés chez les dromadaires
au cours de l’enquête de terrain dans la région de l’Adrar
A Conjonctivite et
écoulement oculaire,
hémorragies gingivales,
et œdème de l’auge.
B Hémorragies des
gencives et de la langue.
C Œdème à la base de
l’encolure.
D Lésions podales (fissures
dans la sole), avec une
myiase secondaire.
© FAO/DR M. OULD BABA
E Dromadaire mort, avec
des signes d’avortement,
de convulsions, avec
l’encolure arquée
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troubles neurologiques et avortements (Figure 2). En présence de signes
hémorragiques, le pronostic était habituellement sombre avec le décès de
l’animal en quelques jours.
Pour faire face à cette épidémie, les autorités de santé publique et vétérinaire ont pris des mesures de contrôle appropriées, y compris la restric© FAO/SOS ABBERE
tion des mouvements du bétail, la réaffectation des équipes pour la lutte
antiacridienne chargées de la pulvérisation massive d’insecticides, et la mise
en œuvre de campagnes de communication sur les risques et de sensibilisation auprès de la population à risque. Suite à une demande du Chef des
Education et sensibilisation
services vétérinaires, une mission du Centre de gestion des crises (CMC) de
l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a été déployée au
début du mois de janvier, avec des experts sur l’épidémiologie des maladies à transmission
vectorielle, les maladies des camélidés, et le diagnostic et le renforcement des capacités de
laboratoire. En étroite collaboration avec le Réseau mauritanien d’épidémio-surveillance des
maladies animales (REMEMA, impliquant le Ministère du développement rural et le Ministère
de la santé), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Fonds des Nations Unies pour
l’enfance (UNICEF), un projet du Fonds central d’intervention pour les urgences humanitaires
a été mis en œuvre pour appuyer le plan d’intervention du pays. Les activités comprenaient
la fourniture de matériel et de réactifs pour la collecte des échantillons et les tests diagnostiques; la formation du personnel sur le terrain; l’amélioration des outils de communication;
l’approvisionnement en équipements de protection personnelle pour les populations à risque,
y compris les travailleurs dans les abattoirs; et l’apport de matériel de communication pour
des campagnes de sensibilisation du public. La surveillance plus poussée du bétail à l’échelle
nationale a révélé des taux de séroprévalence élevés - de 32 pour cent chez les dromadaires
(n=1 081) et de 4 pour cent chez les petits ruminants (n=1 193) - et une large diffusion de la
maladie. L’épidémie s’est terminée en l’espace de quelques mois, mais l’évaluation de la capacité du virus à survivre dans un tel environnement aride reste une question clé, par conséquent
la surveillance continue de la circulation du virus dans les troupeaux sentinelles est essentielle.
L’organisation non gouvernementale SOS Abbere a organisé des séances d’information
dans les écoles d’Ouadane. L’éducation des écoliers est un moyen efficace d’atteindre les
communautés isolées et de diffuser des messages clés.
Auteurs: Stéphane de La Rocque (FAO), Filip Claes (FAO), Bezeid Ould El Mamy (CNERV, Mauritanie),
Mohamed Ould Baba (Direction de l’élevage, Ministère du développement rural, Mauritanie)
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