AFPP – DIXIÈME CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LES RAVAGEURS EN AGRICULTURE MONTPELLIER – 22 ET 23 OCTOBRE 2014 LA FAUNE CARABIQUE D’UNE ZONE CULTIVEE DANS UNE REGION SEMI-ARIDE DU NORD EST DE L’ALGERIE Y. SAOUACHE*(1) et S. DOUMANDJI (2) (1) Université 3 Constantine, Faculté de Médecine, Département de Chirurgie Dentaire (Algérie) E-mail: [email protected] (2) Institut National d ‘agronomie. Laboratoire de biologie animale. El Harrach, Alger (Algeria) RÉSUMÉ Les carabidés sont des coléoptères largement distribués dans le monde. La majorité des espèces sont des prédateurs, ce sont d’importants agents biologiques de contrôle des ravageurs des cultures. Une étude des coléoptères carabiques a été réalisée dans une zone herbacée adjacente à des champs de cultures d’une région semi-aride du Nord-Est de l'Algérie (Constantine). Cette étude s’est déroulée durant une année (1997). L’échantillonnage des carabidés a été réalisé à l’aide de pièges d’interceptions. 16 espèces ont été capturées dans 10 pièges. Les traits biologiques des espèces comme le régime alimentaire, la capacité de dispersion et la sensibilité à l’humidité montrent que les espèces prédatrices, macroptères et xérophiles sont les plus fréquentes dans ce biotope. Mots-clés : Coleoptera , Carabidae , lisières de champ de céréales, milieu herbacée, région semi-arid. ABSTRACT Carabid beetles are widely distributed in the world. Most species are predators ; they are important biological control agents of pests. This study was carried out in a grassy area adjacent to crop fields in a semi-arid region of northeastern Algeria (Constantine). This study was conducted for one year (1997). Sampling of beetles was conducted using traps interceptions. Ten traps were placed and 16 species were traped. The biological traits of species such as diet, dispersal ability and hygrometry sensitivity show that predator species, macropterous and xerophilics are the most frequent in this biotope. Keywords: Coleoptera, Carabidae, cereal field margins, herbaceous areas, semi arid region. INTRODUCTION Les carabidés sont des arthropodes du sol, ils constituent une des familles les plus abondante. Ces insectes sont largement distribués dans le monde et très diversifiés. Plus de 40.000 espèces ont été inventoriées dans le monde (Dajoz 2002). La majorité des espèces sont prédatrices, elles peuvent donc constituer de bons auxiliaires des cultures et limiter l’impact de certains ravageurs (Saska 2007). Cette famille d’insectes est très représentative du niveau d’équilibre écologique d’un milieu. Certaines espèces sont plus ou moins sensibles aux pratiques culturales (Cole et al. 2002) et peuvent donc être de bons indicateurs biologiques (Fadda et al. 2008). Au nord de l’Afrique, les Coléoptères carabiques ont fait l’objet de quelques études (Antoine 1955-1961 ; Parmann 1970). Les espèces de la faune carabique peuvent hiverner dans les parcelles cultivées ou dans les zones herbacées non cultivées «bordures des cultures ou forets». Ces biotopes pourraient constituer un refuge, permettant aux coléoptères carabiques de s’abriter, se reproduire, se nourrir et pouvant servir de corridor à leur dispersion. Ainsi la préservation de ces bandes enherbées est très importante pour maintenir leur présence dans les cultures. Vu l’importance de ce groupe d’insecte, nous avons entrepris cette étude dans le but de dresser l’inventaire de cette faune et voir l’importance des zones de lisières sur la faune carabique. Ce travail a été réalisé dans une région située à l’Est de l’Algérie qui appartient à l’étage bioclimatique semi-aride et présentant beaucoup de cultures de céréales. L’objectif de ce travail est d’établir l’inventaire des espèces et connaitre leur écologie afin que des mesures rigoureuses et rationnelles de conservation et de protection puissent être envisagées. MATERIEL ET MÉTHODE Zone d’étude Cette étude a été menée durant une année dans une région située au Sud- Est de Constantine, au niveau de la localité El khroub (36°26’N, 06°70’E, 640m). C’est un milieu herbacé situé à proximité de champs de céréales. Cette zone de lisière est supposée servir de refuge pour les carabidés. Méthodologie La technique de piégeage adopté est celle des pièges d’interceptions au sol, non appâté (pièges barber). Chaque piège est remplie au 1/3 de vinaigre dilué, plus quelques goutes de savon liquide qui est destiné à modifier la tension superficielle du liquide pour faire couler les insectes capturés. Nous avons placé dix pièges en ligne droite, distant l’un de l’autre de cinq mètres. Les prélèvements ont été réalisés de janvier à décembre à raison de un prélèvement par mois. Cette méthode est complétée par la chasse à vu (méthode qualitative) en surface et par la recherche dans les abris fréquentés par cette entomofaune (sous les pierres, branches, feuilles mortes, écorce d’arbres). Les prélèvements qualitatifs complètent les prélèvements quantitatifs des pièges. Une fois au laboratoire les spécimens sont tués avec le froid ensuite étalé, soigneusement étiquetés et rangés dans des boites de collection. La détermination des carabidés est effectuée à l'aide d'une loupe binoculaire et grâce à plusieurs clés d'identification : Coléoptères de l’Afrique du Nord Bedel (1895) ; La faune de France Jeannel (1941-1942) ; Coléoptères carabiques du Maroc Antoine (1955-1961) ; Tiger Beetles, ground beetles Trautner & Geigenmuller (1987). L'identification a été basée sur les caractères apparents (externes) et internes grâce aux genitalia. Afin de valider notre détermination, nous avons consulté la collection d'Antoine d'insectes conservés dans l'Institut Scientifique de Rabat (Maroc) et au Musée National d'Histoire Naturelle, Paris (France). RESULTATS Inventaire faunistique Durant une année d’étude, un total de 16 espèces a été inventorié, répartis en 3 sous familles, dont la sous famille des Harpalinae est la plus diversifiée avec 11 espèces, soit 69% de l’ensemble du peuplement (figure1). Elle est suivie par celle des Carabinae qui était représenté par 4 espèces (25% du peuplement). La sous famille des Broscinae était représenté par une seule espèce. Carabinae 25% Broscinae 6% Harpalinae 69% Figure 1 - Proportion of sub-families of Carabidae in the studied area. Figure 1 - Proportion de sous-familles de carabidae dans la zone d'étude. Selon les résultats, l’indice de diversité (3.45 bits) et l’équitabilité (0.86) montrent des valeurs élevées au niveau de ce biotope. Table I - Liste des espèces capturées (pièges et chasse à vue) dans une zone herbeuse à proximité d’un champs cultivé. D’près la classification de Lawrence & Newton (1995) and Ball et al. (1998). Table I - List of the species catched (in traps and collected on plant surface) in a grassy area adjacent to crop field. Following the classification by Lawrence & Newton (1995) and Ball et al. (1998). Sous-famille Espèces Abondance Carabinae Macrothorax morbillosus Fabricius, 1792 Eurycarabus famini Dejean,1826 Nebria andalusia Rambur, 1837 Notiophilus geminatus Dejean, 1831 3 1 4 2 Broscinae Harpalinae Broscus politus Dejean, 1828 Calathus fuscipes Goeze, 1777 Acinopus megacephalus Rossi, 1794 Odontocarus tricuspidatus Fabricius, 1792 Ophonus opacus Dejean, 1829 Ophonus (Hesperophonus ) pumilio Dejean, 1829 Ophonus (Hesperophonus) rotundatus Dejean, 1829 Parophonus antoinei Schauberger, 1932 Parophonus planicollis Dejean, 1829 Ditomus sphaerocephalus Olivier, 1795 Harpalus tenebrosus Dejean, 1829 Licinus punctatulus Fabricius, 1792 2 16 9 3 1 2 5 1 1 2 1 7 Traits biologiques des espèces Le pouvoir de dispersion des espèces a été quantifié en nombre d'espèces capables ou incapables de voler. Chez les carabidae, nous pouvons rencontrer des espèces : macroptères (espèces avec des ailes développés et avec un meilleur pouvoir de dispersion) et brachyptères (espèces sans ailes ou ailes atrophiées). Au cours de cette étude nous avons remarqué que 13 espèces étaient des macroptères (représentent 81% du peuplement) et 3 espèces des brachyptères (19% des 16 inventoriés). La composition trophique du peuplement révèle 7 espèces prédatrices, 6 espèces phytophages et 3 espèces polyphages. La tendance écologique des espèces de la faune carabique montre que les espèces xérophiles (vivant dans des milieux très pauvres en eau) étaient les plus fréquentes, ainsi parmi les 16 espèces inventoriées, 8 sont xérophiles. Le reste du peuplement est partagé équitablement entre les espèces hygrophiles (4 espèces) et mésophiles (4 espèces). Variation temporelle des abondances et de la richesse spécifique La phénologie ainsi que les variations mensuelles de l’abondance et la richesse spécifique montrent que la faune carabique au niveau de cette station présente deux pics d’abondance, le premier a été observé pendant le printemps au mois d’avril alors que le second plus important se situe en automne au mois d’octobre (figure 2). Nombred'individus 25 20 15 10 5 0 Figure 2 : Variation temporelle de l’abondance de la faune carabique. Figure 2 : Temporal variation of abundance of carabid fauna. DISCUSSION De nombreuses études ont mis en avant l’importance des zones enherbées adjacentes aux champs de cultures pour la faune carabique (i.e. Nash et al., 2008, Eyre et al., 2009). Ces zones qui sont en général très riche en carabidés, pourraient constituer un refuge, permettant à ces coléoptères de s’abriter, d’hiverner, se reproduire, se nourrir et pouvant servir de corridor à leurs dispersion (Ostman et al., 2001; Šeric et Durbešic , 2009). En effet, des auteurs ont montré que les milieux ouverts (Dajoz 2002, Mullen et al., 2008) et les bords des champs cultivés (Thiele 1977; Doring et Kromp 2003) sont favorables aux espèces ayant de bonnes capacités de dispersion (espèces macroptères). Ces espèces sont capables d’effectuer des migrations entre les cultures et les zones de lisières et d’en exploiter les ressources temporairement abondantes et de se refugier le temps des perturbations dans ces biotopes. Les carabidae ont été principalement étudiés dans les cultures pour leurs rôle de prédateur d’espèces nuisibles (Varchola et Dunn 2001, Menalled et al., 2007) et bien qu’ils soient pour la plupart des prédateurs, certaines espèces sont phytophages, elles se nourrissent de graines. Alors que les espèces opportunistes (polyphages) sont souvent liées aux habitats perturbés (Bradmayr et al., 2005). En se penchant sur le régime alimentaire des espèces que nous avons capturées, nous avons constaté que le pourcentage des espèces prédatrices était important (41% des 16 inventoriées). Parmi les espèces prédatrices, celles les plus fréquamment rencontrées étaient : C fusipes, qui est un excellent prédateur des pucerons de céréale, chenille, foumis (Larochelle et Lariviere 2003) et Licinus punctatulus Fabricius, espèce prédatrice des gastéropodes (Ouchtati et al., 2012). La présence des espèces phytophages qui viennent en deuxième position, était certainement liée à la densité du couvert végétal au niveau de ce biotope. Le faible pourcentage des espèces polyphages peut être considérée comme une indication de la stabilité de ce biotope, vu que les espèces opportunistes se trouvent souvent dans des habitats plus perturbés (Bradmayr et al., 2005). Ce qui explique peut être les valeurs de l’indice de diversité (3.45 bits) et l’équitabilité (0.86). La présence importante des espèces xérophiles est peut être liée à la nature du sol qui est limoneux sableux. Ceci semble expliquer la présence de certaines espèces qui préfèrent les sols sableux comme A megacephalus (Bedel 1895) et C fuscipes qui montrent une préférence pour les zones de cultures (Traugott 1998 ; Dajoz 2002) ainsi qu’aux milieux ouverts et secs (Larochelle et al., 2003). Concernant l’activité annuelle de la faune de carabidae (carabidés) dans ce milieu herbacé, nous avons remarqué que l’abondance des espèces marque deux pics (printemps et automne) Ces deux périodes semblent être liées à leurs cycles de reproduction et peut être à la disponibilité des ressources alimentaires. Prenons l’exemple de C fusipes qui prédomine le peuplement carabique dans cet habitat et dont les effectifs augmentent au mois d’octobre. L’abondance de cette espèce contribue fortement à l’importance du deuxième pic (pic d’automne). Or, selon Traugott (1998) cette espèce est un reproducteur d’automne. La disparition presque totale des espèces en été (entre juillet et aout) a été déjà observée par Dajoz (1987, 1989). Selon Dajoz (2002) cette disparition caractérise les espèces méditerranéennes. Elle est peut être liée aux fortes températures qui accentuent l’aridité du substrat qui sèche rapidement, ce qui pousse peut être les espèces à se refugier en profondeur dans les fissures cherchant un microclimat favorable. CONCLUSION Cette étude préliminaire du peuplement de carabidae en milieu herbacé a permis de mettre en évidence la présence de 16 espèces. Ces espèces appartiennent à 3 sous familles, avec la dominance de la sous famille des Harpalinae. Cette faune était caractérisée par la dominance des espèces prédatrices (41% du peuplement), ce qui pourrait avoir un effet potentiel sur certains ravageurs. Selon des études, les facteurs climatiques, le type de sol et la quantité de sable dans un sol peuvent avoir une influence sur la biodiversité de la faune carabique (Irmler 2003). Ceci pourrait expliquer la présence des espèces xérophiles dans la zone d’étude qui est caractérisée par un sol limoneux sableux et fortement calcaire. Nos résultats montrent que la zone d’étude présente un pourcentage très important d’espèces macroptères qui constituent 81% de la faune carabique du biotope. La présence de ces espèces est peut être liée au type de milieu qui considéré comme une zone refuge pour les espèces (Menalled et al., 2007), dont la majorité du peuplement est constitué d’espèces prédatrices, qui peuvent être utilisées comme un moyen de lutte biologique. Il apparait dès lors nécessaire de protéger cette faune carabique et cela ne pourra se faire qu’en préservant ou concevant des habitats « refuge » grâce à l’aménagement des bordures des champs et forêt avec bandes herbacées pour favoriser le passage des auxiliaires d’un milieu à l’autre. REMERCIEMENTS Nous remercions tous les chercheurs qui nous ont aidé à la détermination des espèces : Professeur Achile Casale, du Département de Zoologie et Anthropologie, Université de Sassarie et Professeur Thierry Deuve, du Muséum National Histoire Naturelle, Paris et nous sommes très reconnaissants à Professeur Mohamed Mouna qui nous a permis de consulter la collection des carabidae d’Antoine à l’institut scientifique de Rabat. BIBLIOGRAPHIE Antoine, m. 1955. Coléoptère scarabiques du maroc. 1ère partie. Mémoire de la sociétédes Sciences Naturelles Physiques. Maroc Zoologie 1: 1–177. Antoine, m. 1957. Coléoptères carabiques du maroc. 2ère partie. Mémoire de la sociétédes sciences naturelles physiques. Maroc zoologie 3: 178–314. Antoine, m. 1959. Coléoptères carabiques du maroc. 3ème partie. Mémoire de la société des sciences naturelles physiques. Maroc zoologie 6: 315–465. Antoine, m. 1961. Coléoptère scarabiques du maroc. 4ème partie. 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