Qu’en est-il de la linguistique? Sous sa forme ancienne elle s’appelait plutôt
grammaire car on étudiait dans la langue les relations logiques; sous cette forme
elle avait intéressé les Français déjà au XVIIe siècle (la fameuse grammaire de
Port Royal à laquelle est attachée le nom de Descartes).
Le langage serait ainsi l’expression et la représentation de la pensée. En étudiant
les langues des diverses sociétés, on devrait pouvoir dégager les lois de leur
pensée.
L’histoire de l’étude de la langue nous montre les mêmes problématiques et les
mêmes tentatives de théorisations que l’histoire de l’ethnologie:
la question de savoir s’il y avait une langue primitive dont auraient
découlées les autres - l’hébreu bien sûr dans la tradition judéo-chrétienne
qui faisait remonter tout le genre humain à Adam sinon à Noé, mais
également
l’idée de classer les langues sur une échelle de valeurs en fonction de
leur développement. Ce développement, comme les populations elles-
mêmes, nous montrerait une complexité croissante qui viendrait illustrer
une fois de plus la théorie évolutionniste des cultures, allant du primitif
simple, élémentaire, au complexe civilisé dont nos langues sont des
exemples.
Plus intéressante, quoique limitée également est la perspective qui étudie dans
une langue la présence ou l’absence de certains concepts, de pratiques et
compare celles-ci dans différentes cultures ou leurs différences d’une culture à
l’autre: par exemple y’a-t-il un mot pour dire « berceau » en langue eskimo? Si
oui se rapporte-t-il à un objet et à une pratique de bercement des enfants? Le
rapport entre le terme, le concept et la pratique correspondante constitue une
analyse plus fine que le simple repérage de termes présents et/ou semblables.
L’exemple toujours cité est le nombre de termes divers dans les langues eskimo
pour désigner une seule –à nos yeux- réalité : la neige…
Mais il y a toujours le risque de faire du réductionnisme et de conclure par
exemple que parce qu’il n’y a pas de terme pour dire « mariage » dans telle
langue, cette institution n’existe pas dans cette société. Cette question sera
toujours débattue : celle de la transcription correcte des institutions et des faits
ethnographiques dans des langues étrangères. Comment parler de mariage pour
décrire une certaine forme d’union des couples sans trahir les particularités que
cette union comporte dans telle ou telle culture ?
Du point de vue de la méthode, pour un ethnologue comme Servier (1986 :
L’ethnologie), l’étude de la langue parlée met en évidence les avantages de
l’ethnologie sur l’histoire: le parler diffère selon le sexe, la classe d’âge, la
position sociale etc...sans compter les études des accents et des intonations qui
montrent d’ailleurs qu’il est impossible de donner une transcription phonétique