ACTUALITÉ
enquête
18
AVRIL 2012
N°707
mais pourrait ensuite avoir à
dépenser plusieurs milliers d’euros
pour soigner des patients qui n’au-
raient pas été suivis correctement. »
Un autre biais existe, comme
l’avait souligné, en février 2011,
l’Union nationale des orga-
nismes d’assurance santé
complémentaire (Unocam), qui
avait été saisie par le gouverne-
ment pour avis sur son projet de
décret : « Son impact en termes
d’économies demeure peu clair, étant donné le
risque de report vers des transports plus onéreux
mais pris en charge à 100 %, au détriment de
l’usage du véhicule personnel et des transports en
commun, aujourd’hui remboursés. » (1)
Le cas de Françoise l’illustre jusqu’à la cari-
cature. Avant le 1er avril 2011, cette femme
sévèrement handicapée se rendait chez son
kiné quatre fois par semaine avec son propre
véhicule, conduit par une de ses auxiliaires
de vie. Mais l’Assurance maladie refusant
désormais de lui rembourser les 18 km par-
courus aller-retour, son médecin lui a prescrit
un transport en taxi, auquel elle a droit étant
donné son incapacité… « Au final, cela n’ar-
range personne : c’est moins pratique pour moi ;
et cela coûte plus cher à la Sécu. C’est une aber-
ration ! », déplore-t-elle.
LE CONSEIL D’ÉTAT SAISI
L’Association des accidentés de la vie (Fnath),
le Ciss et un patient atteint d’une ALD ont
déposé, en mai 2011, devant le Conseil d’État,
un recours en annulation du décret du 10 mars
2011. Pour eux, ce texte porte en effet atteinte
au 11e alinéa du préambule de la Constitution,
selon lequel la Nation garantit à tous « la pro-
tection de la santé ». Il « constitue un obstacle
supplémentaire dans l’accès aux soins ». Surtout
qu’il s’ajoute à d’autres mesures réglementaires
qui augmentent également le reste à charge :
la diminution du taux de remboursement des
médicaments, l’augmentation du forfait jour-
nalier, etc.
Le patient insuffisant rénal qui s’est associé au
recours y détaille sa situation financière. En
y incluant les 647,88 € de frais de transport
pour se rendre douze fois par an en consulta-
tion transplantation au CHU, qui lui étaient
jusqu’alors remboursés par la Sécurité sociale,
les dépenses de santé restant à sa charge – y
compris le prix de la complémentaire santé,
représentent désormais 9,3 % des revenus
annuels du ménage. Dans un précédent
arrêt, le Conseil d’État avait admis le prin-
cipe que les sommes laissées à la charge des
assurés ne devaient pas dépasser une certaine
part de leurs revenus, sous peine de « mécon-
naître les exigences du 11e alinéa du préambule
de la Constitution ». « En lui présentant un cas
concret, nous voulons amener le Conseil d’État à
préciser le seuil de reste à charge admissible [tant
de % des revenus d’un ménage], ce qu’il n’a
pas fait jusqu’alors », explique l’avocat Karim
Felissi, conseiller national de la Fnath.
Les sages devraient rendre leur arrêt dans le
courant de l’année. En attendant, les assurés
qui reçoivent une décision de refus peuvent
la contester en saisissant la commission de
recours amiable de leur caisse primaire, dans
les deux mois suivant la réception du cour-
rier. C’est ce qu’on fait les parents de Sarah…
et ils ont obtenu gain de cause. Bien sûr,
chaque cas est différent, mais cela vaut la peine
d’essayer !
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Texte Franck Seuret
Illustrations Antoine Chereau
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(1) Avis relatif à un projet de
décret modifiant les conditions
de prise en charge des frais
de transport pour les patients
reconnus atteints d’une ALD.