IMPACT ECONOMIQUE DE L’EPIDEMIE DE GRIPPE DE 1999-2000 SUR LA CONSOMMATION DE SOIN DANS LA REGION DU LANGUEDOC-ROUSSILLON C. BERGÉ 1 - M.C. PASSOUANT 2 - A. LE PAPE 2 - R. FROMENTIN 2 - A. EL HASNAOUI 3 - J.P DAURES 1 1 Laboratoire de biostatistique, I.U.R.C., Montpellier - 2 U.R.C.A.M. Languedoc-Roussillon(Union Régionale des Caisses d'Assurance Maladie) - 3 GlaxoSmithKline De nombreux phénomènes affectent la consommation de soins des assurés tels que les épidémies de grippe. Des études sur l’impact économique des syndromes grippaux en France ont évalué les coûts directs (hospitalisations, médicaments, consultations médicales et examens médicaux) et indirects (indemnités journalières versées par l’Assurance Maladie, perte de production) incombant seulement à la période épidémique [1,2,3] Type d’étude Déroulement de l’étude Enquête rétrospective comparative de trois périodes auprès d'un échantillon d'assurés sociaux du régime général. L'analyse statistique de l'évolution de la consommation moyenne de soins des assurés a porté sur plusieurs facteurs (évolution du nombre de consommants, évolution du remboursement, etc.) en tenant compte des variables sociodémographiques à notre disposition (âge, sexe, activité), de morbidité (ALD* = Affection de Longue Durée) et des principaux postes de dépenses (consultation de généraliste ou spécialiste, médicaments, auxiliaires médicaux, etc.) et plus particulièrement des comportements en matière de prescriptions médicamenteuses en sélectionnant quatre classes thérapeutiques ayant un rapport avec les soins relatifs à la grippe : - classe 1 : les antipyrétiques - classe 2 : les antibiotiques - classe 3 : les vitamines et suppléments - classe 4 : les médicaments ayant pour but de faciliter les fonctions respiratoires. Périodes A partir des données du réseau français Sentinelle [4], nous avons déterminé la période épidémique de grippe 1999-2000 qui a duré 10 semaines entre le 06 décembre 1999 et le 30 janvier 2000. Deux périodes témoins de même durée ont été déterminées avant et après cette épidémie en évitant les périodes de début et de fin d'épidémie. Base de données L’objectif de notre étude est l’estimation indirecte de l’impact des syndromes grippaux sur le niveau de la consommation de soins dans la région LanguedocRoussillon durant la période épidémique 1999-2000 par rapport à la consommation de soins pendant deux périodes témoins pré et post-épidémique. Les données utilisées sont issues des bases de données de paiement des caisses d'assurance maladie du régime général. Un patient est défini ici comme toute personne ayant présenté un soin au remboursement, qu'il soit en rapport avec la grippe ou non, et les consommations sont celles présentées au remboursement. Cette analyse a été faite par rapport à une période de référence : la période pré-épidémique. Analyses statistiques La gestion et l'analyse des données ont été effectuées au moyen du logiciel SAS. Pour analyser l’évolution temporelle entre les périodes de remboursement, en ajustant sur les variables de stratification, nous avons utilisé l’analyse de variance en mesures répétées. Tous les tests sont appliqués à un échantillon redressé donc représentatif de la population générale. Les résultats présentés sont inférés à la population totale. Le seuil de significativité choisi est de 5%. * Les assurés en Affections de Longues Durées (ALD) sont des personnes pour lesquelles a été reconnu une des affections comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, inscrites sur une liste établie par décret après avis du Haut Comité Médical, leur prise en charge est alors de 100%. Des évolutions significatives en terme de niveau de consommation et de nombre de patients apparaissent au cours des périodes épidémiques (resp. +6% et +5%) et post épidémiques (resp. +8% et -5%), toutes pathologies confondues. Evolution du nombre et du coût remboursé par acte Selon le type de soins, l'impact de l'épidémie de grippe n'est pas similaire. Ainsi, durant la période épidémique, nous avons observé : - Les dépenses des visites à domicile de généralistes et des prescriptions pharmaceutiques ont augmenté respectivement de 25% et 10%. Cependant, le pic de remboursement des prescriptions pharmaceutiques est atteint en période post-épidémique malgré une baisse du nombre de patients et d’actes. - Le remboursement aux IJ a aussi augmenté de 11% en période épidémique et est resté à un niveau élevé en période post-épidémique. - Pour ces postes, l’impact de l’épidémie est très marqué avec des pics de dépenses concomitants au plus fort de l’épidémie comme le montre la figure I. Evolution du nombre de patients et du coût remboursé par variable de stratification Effet activité Chez les actifs et les inactifs, nous observons un pic important du montant remboursé en période post-épidémique (resp. 14% et 6%). Ce pic était déjà entamé pour les actifs en période épidémique (+11%). Si nous prenons en compte dans le montant remboursé des actifs les IJ, nous notons une augmentation en période épidémique semblable de 11%. Evolution des dépenses pharmaceutiques Caractéristiques principales et évolution Le remboursement du poste de la consommation médicamenteuse a augmenté en période épidémique de 6,4 millions d’euros (+10%). La consommation reste à un niveau élevé en période post-épidémique. Les ventes de spécialités pharmaceutiques sélectionnées et non sélectionnées ont progressé à des rythmes sensiblement différents au cours des périodes, comme le montre le tableau 1. Tableau 1 : Evolution des classes thérapeutiques (Coût moyen par patient en €) Classes thérapeutiques sélectionnées Classes thérapeutiques non sélectionnées TOTAL Période 1 Moyenne (S.D.) 376182 8 (±18) 1897634 40 (±229) 2273816 48 (±232) Période 2 Moyenne (S.D.) 560096 12 (±22) 1933202 41 (±241) 2493298 53 (±241) Période 3 Moyenne (S.D.) 454606 10 (±21) 2046155 44 (±265) 2500761 53 (±265) Effet sexe En période épidémique, le nombre de patients augmente plus chez les hommes que chez les femmes (resp. 6% et 4%) mais aussi en terme de dépenses (resp. 8% et 4%). Cependant, l’augmentation du coût remboursé continue en période post-épidémique chez les femmes (+8%) : le remboursement s'accroît régulièrement de 4000 € entre les périodes chez les femmes. EVOLUTION Effet âge Une augmentation du remboursement en période épidémique est observée chez les enfants de 0-4 ans (+10%). L’augmentation des dépenses ne croît pas avec l’âge en période post-épidémique : +9%, aussi bien chez les moins de 50 ans que chez les plus de 50 ans. En nombre de patients, nous observons des évolutions plus marquées chez les jeunes : +9% chez les moins de 4 ans tandis que le nombre de personnes âgées est stable. Pér. 2 / Pér. 1 Moyenne (S.D.) 183914 4 (±20) 35568 1 (±154) 219481 5 (±100) Pér. 3 / Pér. 1 Moyenne (S.D.) 78424 2 (±20) 148521 4 (±179) 226944 5 (±164) Pér. 3 / Pér. 2 Moyenne (S.D.) 105490 2 (±21) 112953 3 (±201) 7463 N.S. En effet, le marché des classes thérapeutiques sélectionnées se distingue par une forte augmentation de sa part de remboursement en période épidémique excédant 49%. Evolution du remboursement des spécialités pharmaceutiques sélectionnées Le taux de croissance du remboursement des médicaments sélectionnés a été globalement plus fort que celui des autres médicaments en période épidémique (+49%) (p<0,05). Toutefois les évolutions, au cours des périodes, des différentes classes thérapeutiques constituant notre sélection médicamenteuse, ont été très différentes les unes des autres comme le montre le tableau 1. Les antibiotiques retiennent l'attention en raison de leur chiffre de remboursement élevé et de la forte progression qu'ils ont connue en période épidémique (+62%) (figure 2) (p<0,05). Les remboursements des médicaments à visée respiratoire ont augmenté en période épidémique (+64%) (p<0,05). Les antipyrétiques se distinguent par un taux de croissance moins élevé que les classes précédentes (+31%) (p<0,05) mais qui se maintient en période post-épidémique (+38%). Les remboursements des médicaments de la classe des vitamines et suppléments ont progressé (+30%) en période post-épidémique (p<0,05). Dans les autres classes, ils ont faiblement progressé voire régressé comme pour les antibiotiques et les médicaments à visée respiratoire étant encore tout de même largement au dessus du seuil de référence de la période pré-épidémique (+14%) (p<0,05). 4 000 000 1 400 3 500 000 1 200 3 000 000 1 000 2 500 000 800 2 000 000 600 1 500 000 400 1 000 000 200 500 000 0 0 -200 1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 3334 Semaines Incidence ( /100 000 habitants ) Remboursement visites Figure 2 : Remboursement des antibiotiques et incidence des syndromes grippaux 1 400 1 400 000 1 200 1 200 000 1 000 1 000 000 800 800 000 600 600 000 400 400 000 200 200 000 0 1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 3334 0 Semaines Incidence ( /100 000 habitants ) Remboursement antibiotiques en euros De manière générale, les soins consommés par les adhérents au régime général sont similaires d'une période à l'autre. Cependant, le coût remboursé des actes augmente en période épidémique et se maintient au cours de la période post-épidémique (complications ?). Les ALD ont une augmentation en période post-épidémique pouvant traduire un phénomène de décalage de soins pour ces personnes, certains actes initialement programmés durant l'épidémie ayant dû être reportés après l'épidémie. Lors de la période grippale, chez les patients jeunes (<14 ans) le nombre de patients ainsi que leur remboursement augmente fortement, confirmant que les enfants sont les premières personnes atteintes par cette pathologie. Au contraire, le différentiel de dépenses dû à une grippe chez les personnes âgées ne se perçoit que modérément car ce sont de grands consommateurs tout au long de l'année. ACDJ Communication Tél. 01 30 71 90 69 [1] La classe thérapeutique sélectionnée ayant la plus forte augmentation en coût et prescription en période épidémique sont les antibiotiques. Rappelons que ces médicaments ne sont généralement pas adaptés au traitement de la grippe mais peuvent être prescrits lors de certaines complications. On peut donc émettre plusieurs hypothèses quant à cette forte utilisation des antibiotiques sur cette période : - Une utilisation non appropriée de ces produits en cas de grippe ; - Une utilisation justifiée en cas de complications ; - Une utilisation lors de pathologies sans lien direct avec la grippe mais d'incidence concomitante (infections respiratoires aiguës, gastro-entérites, complications de maladies chroniques…). [2] [3] [4] Lévy E., Lafarge H. L'évaluation du coût de la grippe dans la France contemporaine. April 1987: 41 (unpublished report) Lafarge H., Lévy P. Deux évaluations du coût de la grippe. 1990: 25 (unpublished report) Paillard J. Grippe le vrai coût de la maladie. Panorama du médecin. 21 janvier 1999; n° 4615 sentiweb http://www.b3e.jussieu.fr/sentiweb/ CES, PARIS, JUILLET 2002 Remboursement en Euros Evolution du coût remboursé total Nous enregistrons une augmentation importante du remboursement et de l’effectif en période épidémique des patients atteints et non atteints d’ALD. Cependant, alors que le niveau de remboursement reste stable chez les non ALD en période post-épidémique (+5%), il continue à augmenter chez les ALD. Cet effet contribue à accentuer la différence déjà grande entre le remboursement des ALD et des non ALD. Remboursement en Euros L’échantillon se compose de 46 953 patients (44% d’hommes, 14% d’ALD, 45% actifs et 32%>50 ans). Effet ALD Incidence (/ 100 000 habitants) Population étudiée Incidence (/ 100 000 habitants) Figure 1 : Remboursement des visites et incidence des syndromes grippaux