tau 4R, tandis que la maladie de Pick
(dégénérescence lobaire frontotemporale
avec corps de Pick argyrophiles) est associée
à tau 3R. Les autres pathologies tau sont
associées à la présence combinée des iso-
formes 3R et 4R de cette protéine. Les muta-
tions du gène MAPT produisent des mala-
dies associées à tau 3R ou à tau 4R, ou à ces
deux isoformes. La présence d’inclusions de
tau est en général décelée à l’aide des anti-
corps anti-tau en immunohistochimie, mais
les isoformes sont caractérisées par l’élec-
trophorèse avec buvardage.
La protéine tau s’accumule principale-
ment dans les corps cellulaires. La localisa-
tion cérébrale spécifique de cette agrégation
et l’accumulation de tau dans d’autres struc-
tures comme les dendrites (neuropile) et les
astrocytes aident à définir les critères diag-
nostiques pathologiques des diverses entités.
En outre, la morphologie de ces dépôts
observés au microscope électronique diffère
parfois.
Dans cette revue, nous accordons une
attention particulière à deux tauopathies
courantes : la paralysie supranucléaire pro-
gressive (PSP) et la dégénérescence corti-
cobasale (DCB). La démence frontotempo-
rale (DFT), secondaire à une tauopathie dans
environ 50 % des cas, est le sujet d’autres
articles publiés dans ce numéro. Nous
décrivons les principales caractéristiques
cliniques de ces affections, les examens qui
servent à étayer chaque diagnostic ainsi que
les critères diagnostiques cliniques. En rai-
son de la complexité et du chevauchement
de ces syndromes, il est à noter que les
erreurs diagnostiques sont courantes, en par-
ticulier aux premiers stades de la maladie6.
Paralysie supranucléaire
progressive (PSP), ou maladie de
Steele-Richardson-Olszweski
La PSP a été décrite pour la première fois
en 1963 par Richardson, qui la considérait
comme une combinaison de paralysie
supranucléaire, de caractéristiques akinéto-
rigides, d’instabilité posturale précoce et de
démence fronto-limbique7. Ces caractéris-
tiques cliniques ont été raffinées ultérieure-
ment, comme nous l’expliquons ci-
dessous.
Chaque année, cinq nouveaux cas de
PSP sont diagnostiqués par 100 000 indi-
vidus. Cette maladie touche principalement
les hommes, en moyenne vers l’âge de
63 ans. Les patients deviennent non
autonomes dans les trois à quatre années
suivant le diagnostic et leur survie est de
six ans8. Le plus souvent, le décès est causé
par une pneumonie d’aspiration, de l’in-
suffisance respiratoire ou une embolie pul-
monaire9.
Observations cliniques. L’instabilité
posturale entraînant des chutes répétées (en
particulier vers l’arrière) est le symptôme
d’appel le plus fréquent. Les patients se
retrouvent tôt ou tard confinés à un fauteuil
roulant à cause de la gravité de leur trouble
de mobilité. Parmi les autres caractéris-
tiques de la PSP, on note le dysfonction-
nement oculomoteur et bulbaire10,11.
Les patients atteints de PSP ont clas-
siquement un faciès ahuri très caractéris-
tique avec une rétraction palpébrale et un
regard fixe causés par l’hyperactivité du
muscle frontalis et les troubles oculomo-
teurs. Très souvent, les patients sont exami-
nés pour la première fois au stade précoce
de la maladie, avant que ces signes soient
aussi frappants, ce qui rend le diagnostic
difficile. Il est donc conseillé d’attendre
d’avoir revu le patient plusieurs fois avant
d’établir le diagnostic définitif. En
moyenne, environ trois ans s’écoulent
avant que les personnes atteintes de PSP
voient leur maladie diagnostiquée.
La paralysie supranucléaire qui est l’in-
capacité de suivre du regard une cible en
mouvement ou d’effectuer des saccades
volontaires (cette incapacité étant nette-
ment atténuée à la manœuvre des yeux de
poupée), est considérée comme un signe
cardinal de la PSP; toutefois, elle apparaît
en général tardivement. Le simple ralen-
tissement des saccades verticales précède
souvent cette paralysie du regard, et on
devrait le rechercher de manière spécifique.
Par ailleurs, la paralysie du regard vertical
vers le bas est plus spécifique de la PSP, car
la restriction du regard vers le haut peut être
retrouvée dans d’autres maladies neu-
rodégénératives et, dans une certaine
mesure, lors du vieillissement normal. Les
mouvements oculaires horizontaux quant à
eux peuvent être affectés plus tard au cours
de l’évolution de la maladie. D’autres
caractéristiques oculaires fréquentes sont
l’apraxie de l’ouverture des yeux, une
diminution du clignement spontané des
yeux et des macro-ondes carrées (intru-
sions saccadiques pendant que le sujet fixe
une cible du regard10,11).
Près de la moitié des patients ont une
bradykinésie symétrique au moment du
diagnostic et jusqu’à 95 % développent ce
symptôme au cours de l’évolution de la
maladie. On observe aussi parfois une
rigidité axiale, avec positionnement anor-
mal des muscles extenseurs du cou (rétro-
colis). Un tremblement de repos, tel que
celui retrouvé dans la maladie de
Parkinson, est rare12. Ces symptômes résis-
tent habituellement au traitement par la
lévodopa.
La dysarthrie et la dysphagie
attribuables à la paralysie pseudobulbaire
sont également des symptômes précoces.
Parfois, la parole devient inintelligible et
les troubles de déglutition peuvent, tôt ou
tard, motiver une gastrostomie.
Les changements de la personnalité ou
le déclin cognitif sont fréquents pendant les
deux premières années. Les symptômes
causés par l’atteinte du lobe frontal sont
principalement la persévération, la diffi-
culté à résoudre des problèmes, la diminu-
tion de la fluidité verbale et la perte de la
capacité d’abstraction et d’autocritique.
Les perturbations du comportement com-
prennent l’apathie (chez 90 % des
patients)12, la désinhibition, la dépression
et l’anxiété, tandis que la mémoire à court
La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer et autres démences • 5
Critères diagnostiques des tauopathies
Tableau 1
Pathologies associées à la
protéine tau (caractéristique
prédominante)3
• Démence des grains
argyrophiles
• Dégénérescence corticobasale
• Démence des boxeurs
• Démence frontotemporale
avec parkinsonisme relié au
chromosome 17
• Maladie de Pick
• Gliose sous-corticale
progressive
• Paralysie supranucléaire
progressive
• Parkinsonisme post-
encéphalite
• Complexe de Parkinson –
démence de l’île de Guam