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Voyage au coeur d'un système solaire triple en formation
Recherche, Sciences de l'Univers
Une histoire stellaire plus complexe qu'on ne l'imaginait
Une équipe internationale d'astronomes, dont des chercheurs
du LAB (CNRS / Université de Bordeaux), de l' (CNRS /UJF)IPAG
et de l' (CNRS / MPG / IGN), a mené l'étude la plus préciseIRAM
à ce jour du cocon de gaz et de poussières du système GG Tau
A. En combinant des observations complémentaires aux
longueurs d'onde submillimétriques et infrarouges, les
chercheurs ont pu mettre en évidence la dynamique complexe
au sein de GG Tau. Ils ont ainsi détecté pour la première fois
des mouvements de matière démontrant que des exoplanètes
peuvent se former non seulement autour d'un des membres de
ce trio d'étoiles jeunes, mais aussi à très grande distance dans
le disque entourant ces trois soleils. Ce travail observationnel,
publié le 30 octobre dans la revue Nature, révèle une histoire
plus complexe qu'on ne l'imaginait.
Si les découvertes observationnelles récentes ont démontré
l'existence de nombreuses planètes autour des étoiles doubles, leur
formation se heurtait au problème des instabilités gravitationnelles
engendrées par la nature binaire de ces astres. Les observations
d'étoiles jeunes binaires sont encore trop rares pour fournir une
image détaillée de ces processus. Jusqu'à très récemment, GG Tau A, située à près de 450 années lumière de la Terre
dans la constellation du Taureau, était connue comme une étoile binaire avec deux composantes Aa et Ab. Mais des
mesures infrarouges récentes réalisées avec les instruments du VLT et du VLTI (ESO) ont révélé que GG Tau A est en
fait un système stellaire triple : GG Tau Ab est elle-même une étoile binaire. L'étoile centrale Aa est suffisamment
éloignée du couple Ab pour être entourée d'un disque circumstellaire, observé dès 2011 avec l'interféromètre de l'IRAM.
Autour de ce système stellaire triple, les chercheurs ont déjà mis en évidence un disque de gaz et de poussières en
rotation, évidé en son centre par les effets de marée gravitationnels. En tournant les unes autour des autres, les trois
étoiles créent en effet une zone gravitationnellement instable appelée cavité, où la matière ne peut que transiter avant
de tomber sur les étoiles centrales. Plus loin, là où réside l'anneau externe de matière, le champ gravitationnel n'est plus
perturbé et la matière en rotation peut s'organiser en une structure stable. L'existence d'une cavité centrale autour de
GG Tau A, connue dès les années 1990 grâce aux observations de l'interféromètre de l'IRAM, confirmait en partie ces
prédictions théoriques. Dans les années 2000, on a détecté la présence de gaz dans cette cavité, mais la dynamique
précise de ce gaz, pierre essentielle à la compréhension des mécanismes d'accrétion donnant naissance aux planètes,
restait largement méconnue.
Dans cette nouvelle étude, des observations du monoxyde de carbone (CO sous forme gazeuse) et de l'émission des
grains de poussière autour de GG Tau A ont été obtenues de manière complémentaire avec les interféromètres ALMA
(Chili) et IRAM (Alpes françaises). Elles ont permis de lever une partie du voile sur la répartition de la matière et sur la
dynamique à l'intérieur de la cavité, avec une précision encore jamais atteinte dans ce domaine. Les images montrent
en effet un filament de gaz provenant de l'anneau externe tombant vers les étoiles centrales. La quantité de gaz ainsi
transportée se révèle suffisante pour alimenter le disque interne autour de GG Tau Aa. Les mouvements de gaz
observés confirment ainsi les prédictions des simulations numériques antérieures. Ils démontrent que la matière
provenant de l'anneau externe est capable de nourrir le disque interne autour de GG Tau Aa pendant assez longtemps
pour éventuellement permettre la formation des exoplanètes.
Si ce résultat était attendu, le suivant l'était moins : les deux cartes de l'émission du CO révèlent une surbrillance
remarquable sur le bord externe de l'anneau autour du système stellaire triple. Son étude détaillée montre qu'elle est
deux fois plus chaude que le milieu environnant et qu'il pourrait s'agir de la signature d'une jeune exoplanète géante en
cours de formation. Cette planète serait en train de creuser un fin sillon dans le disque externe, mais la détection d'une
telle structure reste pour l'heure hors de portée des instruments. La mise en service prochainement des antennes
NOEMA de l'IRAM sur le plateau de Bure sera, sans nul doute, un atout majeur pour en savoir plus sur GG Tau, un
système de soleils jeunes qui n'a pas fini de livrer ses mystères.