La Première Guerre mondiale sonne le glas
des Empires austro-hongrois, russe et ottoman. Des traités de paix donnent naissance
à des États-nations dont ils délimitent les frontières.
Celles de l’Empire ottoman sont particulièrement diciles à tracer en raison de sa vaste
étendue, de son multiculturalisme et de la spécicité de son histoire. Qui plus est, la
situation politique au sein de l’Empire est mouvementée.
Fin 1918, l’Arabie, la Syrie, la Palestine, la Macédoine, la Thrace et la Mésopotamie sont
envahies par les alliés. Cette occupation est vécue comme une humiliation par Mustafa
Kemal, général de l’armée impériale qui s’est illustré notamment dans les Dardanelles.
Refusant de voir l’Empire démembré, il prend la tête d’une révolte contre le gouvernement
et organise un pouvoir nationaliste parallèle, à Ankara.
En 1920, le traité de Sèvres entérine les décisions relatives au territoire ottoman prises
par les alliées. Accepté par le Sultan, il est catégoriquement refusé par le mouvement
national de Mustafa Kemal, futur Atatürk. Appuyé par la France et la Russie bolchevique,
et fort de victoires militaires, il obtient la renégociation du traité. Après de longues
tractations, le 24 juillet 1923, la Turquie, d'une part, et la France, le Royaume d'Italie,
le Royaume-Uni, l'Empire du Japon, le Royaume de Grèce, le Royaume de Roumanie, le
Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, d'autre part, signent un nouveau traité
conforme aux nouveaux rapports de force de la région, le traité de Lausanne.
En premier lieu, ce traité reconnaît la légitimité de la République turque mise en place
par Mustafa Kemal. Les alliés obtiennent la reconnaissance par la Turquie des pertes
territoriales de l'ex-Empire ottoman à Chypre, dans le Dodécanèse, en Syrie, Palestine,
Jordanie, Irak et Arabie, mais en échange renoncent à demander l'indépendance, voire
simplement l'autonomie, du Kurdistan et de l'Arménie, auparavant prévue dans le traité
de Sèvres.
Ces nouvelles frontières établies ne sont pas sans conséquence pour la population. Avant
même la signature du traité, des échanges de populations débutent « baïonnette dans
le dos ». Un exode basé sur des critères religieux est engagé : 1,5 million de Grecs vivant
en Asie Mineure sur le territoire de la nouvelle Turquie et 500 000 Turcs musulmans
vivant sur le territoire grec vont passer d’un territoire à l’autre. Près d’un demi-million
d’entre eux y laisseront la vie.
Un traité d’une dizaine de pages a ainsi redessiné une région stratégique du monde et
décidé du déracinement de deux millions de personnes.