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INTRODUCTION
La survenue d’un inhibiteur est aujourd’hui la complication la plus fréquente du traitement de
l’hémophilie. Les facteurs influençant le risque d’inhibiteur chez un hémophile sont d’une part
intrinsèques et donc propres au patient lui-même, et d’autre part extrinsèques et donc dépendants des
modalités choisies pour le traiter.
À ce titre, le type de facteur administré, recombinant ou d’origine plasmatique, apparaît comme étant
un paramètre sensible voire important.
Le deuxième risque induit par le traitement substitutif chez un hémophile est infectieux, bien qu’il soit
devenu aujourd’hui très faible, mais non nul. Ce risque est avéré en ce qui concerne les infections
virales, même si dans les dix dernières années, aucun accident de transmission iatrogène d'un agent
pathogène n’est intervenu avec les médicaments dérivés du sang. Il est redouté aussi en ce qui
concerne le prion, puisqu’une maladie de Creutzfeld-Jacob nouveau variant (vMCJ) a récemment été
diagnostiquée chez un sujet préalablement transfusé par un produit sanguin labile, issu d'un donneur
qui a lui-même développé une maladie vMCJ quelques années après son don. Toutefois, le risque de
transmission du prion est aujourd’hui non démontré pour les patients traités par des protéines purifiées
du plasma, et notamment par des facteurs anti-hémophiliques (Dossier Afssaps. 2005.
Encéphalopathie spongiforme bovine, maladie de Creutzfeldt-Jakob et produits de santé.)
Le bénéfice du traitement substitutif de l’hémophilie aujourd’hui n’est plus discutable, mais ce double
risque, d’inhibiteur d’une part, et infectieux d’autre part, explique les incertitudes exprimées quant au
facteur anti-hémophilique devant être choisi afin de garantir un rapport bénéfice/risque optimal chez
les patients .
Dans ce contexte, et à l’initiative de l’Afssaps, un groupe d’experts a été réuni afin d’établir une
synthèse des données aujourd’hui disponibles sur le problème spécifique du développement des
inhibiteurs dans l’hémophilie et dans la mesure du possible, d’établir des recommandations vis-à-vis
du diagnostic et du traitement de cette complication, ce dernier reposant essentiellement sur la mise en
œuvre d’une tolérance immune.
Au terme d’une première réunion publique à laquelle ont participé aussi des représentants d’une part
de l’association des hémophiles et d’autre part des laboratoires pharmaceutiques impliqués dans le
traitement de l’hémophilie, une liste de 13 questions a été définie et ce texte présente les réponses
exprimées par un groupe de 11 rédacteurs. Avant finalisation, ce rapport a été discuté lors de 2
réunions et soumis à l’ensemble des coordonnateurs des centres régionaux de traitement de
l’hémophilie en France, ainsi qu’à trois experts francophones.
Ce texte présente donc, non seulement une synthèse des données relatives aux inhibiteurs développés
chez les hémophiles, mais exprime aussi les certitudes et les incertitudes relatives à la prévention, au
dépistage, et au traitement de cette complication chez les malades traités.
Ce rapport concerne majoritairement les hémophiles A, plus nombreux et pour lesquels les données
exploitables sont beaucoup plus nombreuses, mais aussi les hémophiles B qui posent des problèmes
spécifiques quant à leur prise en charge.
Enfin, des recommandations ont été émises selon les données issues de la littérature et certaines
d’entre elles, lorsque cela a été jugé possible, ont été classées par niveau de preuve (grade) selon une
approche similaire à celle qui est appliquée par l’ACCP pour les anti-thrombotiques[1].
Néanmoins en ce qui concerne l'hémophilie, les essais thérapeutiques (pour lesquels les traitements et
le suivi clinique et biologique sont parfaitement définis) sont rares, a fortiori les essais contrôlés
comparant plusieurs traitements ou prises en charge.
La plupart des études analysées pour ce texte sont donc des études observationnelles au cours
desquelles les traitements et les suivis de malades ne sont pas ou peu modifiés et dont il existe trois
principaux types : les cohortes prospectives, les cohortes historiques et les études cas-témoins.
Dans les cohortes prospectives ou historiques, on s'attache à décrire le devenir au fil du temps de sujets
présentant au départ des caractéristiques communes, des enfants hémophiles non préalablement traités
par exemple. Les cohortes historiques s'appuient sur les données enregistrées dans les dossiers
cliniques et la période d'observation est antérieure à la mise en œuvre de l'étude. Dans les cohortes