UNE PRIORITÉ POUR LA RECHERCHE : LA QUALITÉ DE NOS ALIMENTS LES RECHERCHES SUR LA QUALITÉ DU FROMAGE ALIMENTATION AGRICULTURE ENVIRONNEMENT UNE PRIORITÉ POUR LA RECHERCHE : LA QUALITÉ DE NOS ALIMENTS Les attentes du consommateur vis-à-vis de son alimentation sont de plus en plus étendues et diverses notamment en ce qui concerne la qualité des produits. Parallèlement, dans le contexte actuel de mondialisation des marchés, de concurrence accrue, de réglementation européenne, la viabilité de nombreuses filières agricoles françaises passe par leur capacité à innover, à maîtriser la qualité et à valoriser l’originalité des produits qu’elles élaborent. LES RECHERCHES DE L’INRA Afin de répondre à ces enjeux et en lien avec les professionnels et les consommateurs, l’INRA conduit des recherches visant à obtenir des aliments de qualité : • produits dans le respect de l’environnement, • correspondant à des besoins de gammes diversifiées et de service, • sur les dimensions gustatives, nutritionnelles et sanitaires. La qualité de nos aliments recouvre des horizons multiples. Elle est le fruit de processus complexes où interviennent de nombreux facteurs qui diffèrent selon le type de produit voulu. Les recherches concernent l’ensemble des filières alimentaires et s’efforcent d’intégrer les connaissances à tous les niveaux de la chaîne d’élaboration des produits : matière première, modes de production, transformation, conservation. Elles mobilisent biologistes, chimistes, agronomes, technologues, économistes, sociologues… LES RECHERCHES SUR 2 LA QUALITÉ La qualité des laits, puis des fromages, dépend de facteurs directement liés à l’animal : son espèce, sa race, sa physiologie, son alimentation, sa santé, son environnement… LE LAIT Le lait est la matière première servant à la fabrication des fromages. Ses caractéristiques sont déterminantes pour la qualité finale des produits fromagers. LES COMPOSANTS DU LAIT • des protéines (matières azotées) : les caséines, qui sont au centre du processus de coagulation du lait, et les protéines solubles, • des matières grasses (lipides), • un sucre (le lactose), • des minéraux (calcium, phosphore, sodium…), • des micro-constituants (vitamines, enzymes, caroténoïdes parmi d’autres molécules à activité anti-oxydante), • plus de 80% d’eau. Les protéines du lait La haute qualité nutritionnelle des protéines du lait repose sur leur forte digestibilité et une composition particulièrement bien équilibrée en acides aminés indispensables, bien adaptée aux valeurs généralement recommandées pour une population adulte. De plus, les recherches ont montré que les protéines du lait sont les précurseurs de molécules, les peptides, que l’on trouve dans les fromages. Ces peptides ont une activité antihypertensive et sont capables d’intervenir dans des mécanismes physiologiques en régulant des fonctions essentielles de l’organisme humain : digestion, immunité… Le lait contient également une très grande diversité de microorganismes dont certains jouent un rôle essentiel pour l’élaboration des caractéristiques sensorielles des fromages. La microflore utile Elle provient de l’animal, plus particulièrement de la peau de ses mamelles, et des pratiques humaines lors de la traite, de la collecte et de la transformation. Des conditions d’hygiène rigoureuses sont nécessaires pour éviter la présence des microorganismes pathogènes. LES FACTEURS DE VARIATION DES COMPOSANTS La composition du lait varie en fonction des caractéristiques de l’animal (race, stade de lactation, état sanitaire…) et de son environnement (saison, alimentation…). Par exemple : • les taux de matières grasses et de protéines du lait sont plus faibles chez les vaches Prim’Holstein que chez les vaches Normandes ; ils sont plus élevés en fin qu’en début de lactation et varient en fonction de l’alimentation de l’animal, • les teneurs en carotènes et en vitamines A et E dépendent du type d’alimentation. Vache Normande DU FROMAGE 3 de l’animal au lait... LA RACE DE L’ANIMAL La composition des laits varie fortement entre les différentes espèces laitières, mais aussi entre les races d’une même espèce et entre les individus d’une même race. Vaches, brebis et chèvres sont les principaux animaux laitiers, cependant d’autres espèces de mammifères sont aussi élevées pour leur lait : juments, bufflesses, chamelles… LES FACTEURS GÉNÉTIQUES Les variations d’origine génétique Vache Montbéliarde portent en particulier sur les teneurs et les compositions en matières grasses et en protéines des laits. Elles ont une incidence sur l’aptitude à la coagulation, première phase de la transformation en fromage, et le rendement fromager. Dans certains cas, elles interviennent aussi sur les caractéristiques sensorielles des fromages affinés. Par exemple : • les laits de brebis sont plus riches en matières grasses et en protéines que les laits de vache et de chèvre, • les vaches Normandes ou Montbéliardes ont un lait plus riche en protéines et de meilleure aptitude fromagère que les vaches Prim’Holstein : des fromages fabriqués avec du lait entier de vaches Montbéliardes sont plus fermes que ceux fabriqués avec du lait de Prim’Holstein. Vache Prim’Holstein L’ÉTUDE DES CASÉINES Les caséines, protéines du lait, sont au nombre de 4 : alpha S1, alpha S2, bêta, kappa. L’étude des caséines et de leur variants génétiques permet de comprendre ces différences d’aptitude fromagère. Par exemple : Vache Tarentaise 4 • chez les bovins, la présence du variant B de la caséine kappa conduit à une coagulation plus rapide du lait et à un gel plus ferme que le variant A, • chez la chèvre, la quantité de caséine alpha S1 varie dans des proportions importantes selon le génotype des individus, • la race Tarentaise présente une variante génétique spécifique (variant C de la caséine bêta) qui confère au Beaufort des caractéristiques de goût et de texture spécifiques. Microscopie électronique à balayage : aspect de la caséine compacte de l'emmental LA QUALITÉ de l’animal au lait... LA PHYSIOLOGIE ET LA SANTÉ DE L’ANIMAL L’animal produit du lait après LA LACTATION la naissance Cette phase est plus ou moins longue d’un jeune, suivant les espèces. pour l’alimenter. La composition du lait varie A l’intérieur tout au long de la lactation. d’une mamelle saine, Le stade de lactation a un effet très important sur la composition du lait, son aptitude le lait est parfaitement à la coagulation et le rendement fromager. stérile. Cependant, Par exemple : • les études montrent que les fromages issus les troubles sanitaires des laits de fin de lactation sont moins fermes, plus acides et plus fondants touchant l’animal que les fromages issus de laits de milieu de lactation et, globalement, moins appréciés. peuvent affecter Les mécanismes de régulation la production, de la sécrétion du lait dans la glande mammaire la composition sont encore mal connus. Les recherches visent et la qualité à mieux comprendre comment les gènes sont activés au sein de cet organe et comment hygiénique du lait. les constituants du lait sont fabriqués et sécrétés par les cellules. L’ÉTAT SANITAIRE DE LA MAMELLE Les infections microbiennes de la mamelle ou mammites sont les problèmes sanitaires les plus fréquents dans les élevages laitiers. Impact des mammites Elles peuvent endommager ou détruire les cellules du pis et favoriser le passage, vers le lait, d’éléments infectieux ou de résidus antibiotiques venant du sang de l’animal. Les mammites peuvent être à l’origine d’une modification des composants du lait avec pour conséquence, une altération de l’aptitude à la coagulation des laits et du rendement fromager. Les recherches visent à proposer des méthodes de diagnostic rapide de l’infection et à hiérarchiser les règles de prévention des mammites (Programme “Objectif zéro mammite”), via l’hygiène stricte de certaines pratiques d’élevage (traite, vêlage, aire de couchage…). DU FROMAGE 5 de l’animal au lait... L’ALIMENTATION DE L’ANIMAL L’alimentation de l’animal a un effet important sur la composition du lait et sur les caractéristiques sensorielles des fromages. LA NATURE ET LE MODE DE CONSERVATION DES FOURRAGES Ces deux facteurs ont une incidence directe sur la couleur des fromages : l’herbe pâturée et l’ensilage d’herbe conduisent à des fromages plus jaunes que le foin et l’ensilage de maïs. Ce phénomène s’explique par la présence, dans les laits, de composants qui colorent le fromage et qui sont directement issus des fourrages : les carotènes. Les carotènes Ces molécules, présentes en grande quantité dans les fourrages verts, se dégradent très vite une fois que le fourrage est coupé, sous l’effet des rayons ultra-violets. Le foin en possède donc moins que l’herbe verte ou l’ensilage d’herbe. LA COMPOSITION BOTANIQUE DES FOURRAGES Elle a des effets sur les caractéristiques sensorielles des fromages. Les recherches ont révélé des différences de texture, de saveur et d’arôme. Les prairies naturelles, présentant une flore complexe, ne donnent pas les mêmes résultats que les prairies d’une seule espèce. Il en est de même entre les prairies de plaines et celles de montagnes, ou encore entre les versants nord et sud d’une montagne qui présentent des compositions floristiques différentes. L’origine de ces effets Elle n’est pas encore complètement connue. Ces effets pourraient être dus à : • des modifications des teneurs en certaines enzymes du lait, • la composition des matières grasses du lait, • des modifications de l’activité des microorganismes du lait lors de l‘affinage… Les recherches sont en cours. Ces recherches fournissent des éléments objectifs importants pour justifier la relation d’un produit à son terroir et peuvent être utilisées, par exemple, dans le cadre des AOC (Appellations d’Origine Contrôlée) où l’alimentation des animaux constitue l’un des éléments du terroir. 6 LA QUALITÉ de l’animal au lait... LES TERROIRS D’ÉLEVAGE LAITIER Un terroir peut être défini comme une aire géographique présentant une homogénéité des facteurs naturels et des savoirs spécifiques qui confèrent au produit une identité propre. LES FACTEURS INTERVENANT DANS LA NOTION DE TERROIR De nombreux paramètres sont à prendre en considération pour cerner un terroir : • le milieu physique : la géologie, la nature des sols, l’altitude, la pluviométrie…, • l’animal : sa race et ses caractéristiques génétiques, • l’homme qui, en interaction avec le milieu, modifie et adapte son système d’élevage (conduite des surfaces et des troupeaux…) et ses pratiques de transformations fromagères. LA CARACTÉRISATION DES TERROIRS D’ÉLEVAGE LAITIER Il est important de différencier la notion de terroir de celle de facteurs de production. Ces derniers peuvent avoir des effets importants sur les caractéristiques du lait ou du fromage, mais ne sont pas forcément constitutifs du terroir. Par exemple : • en matière d’alimentation des animaux, la technique de conservation des fourrages (sous forme de foin ou d’ensilage) est transposable dans différentes situations géographiques et ne relève pas du terroir contrairement à la composition floristique des fourrages lorsqu’elle est spécifique d’un milieu donné et des pratiques d’élevage. Un programme INRA/INAO est en cours afin de mieux cerner les éléments constitutifs du terroir et d’établir des facteurs objectifs reliant un produit à son terroir. Les études portent notamment sur les relations entre les systèmes d’élevage et d’alimentation et la typicité des produits laitiers et fromagers. DU FROMAGE 7 De nombreux processus physiques, chimiques et biologiques interviennent tout au long des étapes de transformation et jouent un rôle capital dans l’élaboration de la qualité du fromage. Fromages frais Fromage blanc Coagulation Bactéries lactiques Un peu de présure (enzymes) Gel ou Coagulum Egouttage Par centrifugation ou filtration Evacuation partielle du sérum Centrifugeuse Fromages à pâte molle Fromages à pâte pressée cuite Camembert, Munster, Brie Comté, Emmental, Beaufort Coagulation Coagulation Coagulation sur un lait partiellement acidifié par des bactéries lactiques Présure (enzymes) Addition de bactéries lactiques (levains) Présure (enzymes) Gel ou Coagulum suivi d'un découpage simple du caillé en gros cubes Gel ou Coagulum Moulage Egouttage (en cuve) A la main ou à la machine Découpage en petits grains de caillé (taille d'un grain de riz, de blé...) puis brassage et cuisson en cuve 52 à 56°C Démoulage Egouttage (lent) Moulage, Pressage Mise en pot En grosse meule (40-110kg) Elimination du lactosérum Salage Démoulage Par saupoudrage en surface Ensemencement (selon les fromages) Matière sèche : 25 à 30 % Calcium : 0,1 % Salage Par immersion dans la saumure ou par frottage de la croûte au gros sel Affinage durée variable température entre 8 et 12 °C humidité relative 90% Affinage durée de 2 à 12 mois ou plus, cycles de températures différents Matière sèche : 45 à 50 % Calcium : 0,2 - 0,5 % Matière sèche : 45 à 50 % Calcium : 0,2 - 0,5 % 8 LA QUALITÉ ... du lait au fromage LE PASSAGE DU LIQUIDE AU SOLIDE La texture est l’une des composantes de la qualité sensorielle des fromages. Elle s’élabore tout au long de la fabrication, selon des étapes majeures : coagulation, égouttage/acidification, affinage. COMPRENDRE LA COMPLEXITÉ DES PROCESSUS DE TRANSFORMATION LA COAGULATION DU LAIT L’aptitude des laits à coaguler (temps de prise et de raffermissement) est variable. La fermeté du caillé au moment de son découpage, la formation des grains de caillé, leur évolution lors de l’égouttage sont des éléments essentiels dans l’élaboration de la texture du produit et de la qualité finale du fromage. Un outil de mesure : l’Optigraph Cet appareil, mis au point par l’INRA, est basé sur une mesure optique qui analyse les changements physiques du lait lors du passage de l’état liquide à l’état solide. Cet outil permet de déterminer l’aptitude des laits Caillé à coaguler et le moment optimal de découpe du caillé. Il est également utilisé par les fromagers pour adapter leurs procédures de fabrication aux variations de la matière première et de la présure (agent coagulant). L’égouttage reste une étape mal connue. Un autre capteur optique, en cours de développement, vise à suivre l’évolution des grains de caillé durant l’égouttage en cuve. Les travaux de recherche prennent en compte la diversité et la complexité des processus de transformation. Les variations des phénomènes physiques, biologiques et des pratiques humaines contribuent L’exploration des trajectoires technologiques à la diversité des fromages et leur modélisation Avec les méthodes de la biométrie, les recherches visent à la mise et à l’élaboration en place d’outils de diagnostic, de prévision, de simulation et d’aide de leur qualité. à la conduite des procédés. La préparation des laits de fromagerie en production industrielle La variation de la composition des laits contraint le fromager à adapter ses paramètres technologiques à la matière première qu’il réceptionne. Cependant, la mécanisation et l’automatisation des chaînes de fabrication industrielle réduisent considérablement les possibilités d’intervention du fromager. L’adaptation de la matière première “lait” aux contraintes technologiques des procédés industriels est donc devenue indispensable. Les recherches en matière de technologies séparatives (techniques membranaires…) ont permis de développer des procédés permettant de proposer des laits adaptés. Ces moyens technologiques permettent d’obtenir une plus grande régularité de la qualité des fabrications industrielles. Ils offrent aussi la possibilité d’élargir la gamme produite, en utilisant les mêmes chaînes de fabrication, par exemple en diversifiant la texture des fromages. DU FROMAGE 9 ... du lait au fromage LE RÔLE DES MICROORGANISMES Les microorganismes sont des acteurs incontournables de l’élaboration des caractéristiques sensorielles des fromages. LA DIVERSITÉ DES MICROFLORES DU LAIT Bactéries lactiques Elles se composent d’une grande diversité de bactéries, de levures, Les levures Elles participent à la formation de moisissures, de composés d’arômes, qui confèrent aux au développement des qualités fromages leurs caracté- organoleptiques de nombreux Les microorganismes assurent de multiples fonctions ristiques en intervenant fromages et agissent aussi sur la texture. Acidification, formation des arômes, dans l’élaboration de la contribution à l’élaboration pâte et de la croûte. de la texture, barrière aux pathogènes. Selon le type de fromage souhaité, le fromager a recours à la microflore native du lait, à des ensemencements de souches • Le traitement thermique du lait, sélectionnées… utilisé pour la production de fromages industriels afin d’éliminer les microorganismes indésirables, réduit également la microflore utile. Pour fabriquer du fromage, il est alors nécessaire de réensemencer le lait avec des souches sélectionnées, en fonction des caractéristiques recherchées. • Le lait cru, ne subissant aucun traitement thermique, garde sa microflore native et fait l’objet de contrôles sanitaires très poussés pour éviter les microorganismes indésirables. Définir des pratiques de production de lait qui préservent la flore utile en éliminant “les indésirables” est un enjeu majeur pour les producteurs de fromages au lait cru. L’INRA, en partenariat avec l’interprofession laitière, contribue à sauvegarder le patrimoine microbien des fromages. L’INRA détient ainsi une collection de plusieurs milliers de souches microbiennes et étudie leurs multiples propriétés. DES ARÔMES ET DES SAVEURS RÉVÉLÉS LORS DE L’AFFINAGE La production de molécules sapides et aromatiques est générée par l’activité des microorganismes qui dégradent le lactose, les matières grasses et les protéines du lait. Ce phénomène complexe a surtout lieu lors de l’affinage. Synergies et compétitions des microorganismes Afin de mieux comprendre ce processus complexe, où s’exercent de multiples interactions, les recherches visent à décrypter la vie de ces microorganismes dans leur environnement en étudiant leurs activités et en suivant leur développement. Fromage bleu d'Auvergne 10 LA QUALITÉ ... du lait au fromage Microorganismes et fermentation De nombreux aliments n’existeraient pas sans fermentation Les fermentations liées à l’action des microorganismes interviennent dans de nombreuses transformations : • transformation du lait en crèmes mâturées, yaourts, fromages frais et affinés (bactéries lactiques, levures, moisissures), • boissons fermentées comme le vin, la bière, le cidre… (levures, bactéries lactiques), • fabrication des salaisons (bactéries lactiques), Les moisissures • fermentation des végétaux par exemple pour la choucroute (bactéries lactiques), Des spores de moisissures • boulangerie traditionnelle (levures). (champignons filamenteux) Les bactéries lactiques Les technologies laitières représentent un secteur principal d’application des bactéries lactiques. En fabrication fromagère, elles jouent un rôle primordial dans les premières étapes de la transformation du lait, lors de l’acidification lactique. Elles sont un des garants de la qualité sanitaire des produits. Elles contribuent à l’arôme lors de l’affinage. sont ajoutées au lait, dispersées à la surface des fromages ou incorporées aux fromages pour donner, par exemple, des fromages à pâte persillée, vert-bleu (Roquefort, Bleus…) ou des fromages à croûte fleurie (Camembert, Brie…). LA FORMATION DES TROUS La formation des trous de certains fromages, appelée “ouverture”, est étroitement liée à leur qualité : la présence de trous, dans ce cas, étant un facteur positif sur le plan sensoriel. LE MÉCANISME D’OUVERTURE Les fromages à pâte pressée cuite, de type gruyère, subissent lors de l’affinage un phénomène d’ouverture, résultat de nombreux paramètres. Les facteurs d’ouverture L’ouverture dépend de l’activité de certaines bactéries (propioniques) qui produisent du gaz carbonique au cours de la fermentation et participent à la formation des arômes spécifiques. Elle est également liée à la texture de la pâte, à son élasticité, elle-même liée à l’hydratation du fromage, au taux de matière grasse et au degré de minéralisation de la pâte. LES ANOMALIES D’OUVERTURE Si l’ouverture ne s’effectue pas correctement, le fromage peut être soit “aveugle”, soit présenter un défaut appelé “lainure”, qui a des répercussions sur la texture du fromage : il crée des fissures et le rend cassant. Bactéries propioniques Les méthodes à ultrasons Une technique basée sur des capteurs à ultrasons a été mise au point par l’INRA et le CNRS-Université de Valenciennes. Elle permet de détecter la présence d’anomalies d’ouverture : les ondes ultrasonores traversent le fromage et leurs variations sont analysées en temps réel pour donner des informations sur l’ouverture de la pâte et la texture. Cette méthode est rapide et non destructive. Elle peut également permettre de contrôler l’affinage et le développement du Penicillium dans le cas des fromages à pâte persillée. Penicillium roqueforti DU FROMAGE 11 des histoires et des goûts CERNER L’IDENTITÉ D’UN FROMAGE Caractériser la qualité et la typicité d’un produit, authentifier son origine, son mode de production et de transformation, diagnostiquer un défaut… sont autant d’atouts socio-économiques. CARACTÉRISER LES PRODUITS ET RETRACER LEUR HISTOIRE La recherche développe des outils analytiques permettant l’étude de la structure et de la composition des aliments. Reconnaissance de l’alimentation de l’animal La nature de l’alimentation consommée par les vaches laitières a une incidence directe sur la composition de leur lait et des produits transformés qui en sont issus, comme les fromages. Aussi, des recherches sont menées pour identifier et quantifier des composés présents dans les laits et les fromages, qui révèlent l’alimentation de l’animal et servent ainsi de traceurs. Exemples de traceurs : • les terpènes : ces molécules volatiles présentes dans les fourrages sont rapidement transférées dans la matière grasse du lait des ruminants. Révélateurs de la composition botanique des fourrages, ces composés sont particulièrement abondants dans les laits produits par des animaux pâturant des prairies diversifiées, riches en dicotylédones, • les carotènes : ces pigments, responsables de la coloration jaune des fromages, proviennent des fourrages. Leur concentration dépend des végétaux consommés et de leurs modes de conservation, • les acides gras du lait : leurs proportions étant variables en fonction de l’alimentation de l’animal, leur dosage peut renseigner, par exemple, sur la nature des fourrages. Reconnaissance du terroir L’INRA développe des techniques de pointe visant à déterminer le terroir d’origine d’un produit et son année de production. La spectroscopie infrarouge et la spectrométrie de masse sont utilisées pour refléter la composition des aliments analysés. Ainsi, l’analyse d’Emmental produits dans trois régions françaises, lors de deux années consécutives, a permis de distinguer l’année de production et la zone géographique d’origine de ces fromages. 12 LA QUALITÉ des histoires et des goûts QUALITÉ GUSTATIVE... CARACTÉRISTIQUES DU FROMAGE ET APPRÉCIATION DU CONSOMMATEUR La texture, la couleur, l’arôme, le goût… d’un fromage se forment grâce aux interactions d’un très grand nombre de composants, dont la nature est directement liée à l’histoire du produit. L’ANALYSE SENSORIELLE L’appréciation des caractéristiques sensorielles d’un produit est variable d’un individu à l’autre. Elle dépend de la perception et des préférences de chacun. Les recherches basées sur l’analyse sensorielle visent à mieux comprendre l’ensemble des mécanismes qui interviennent dans l’élaboration des notions de plaisir ou de rejet vis-à-vis d’un aliment. Ces critères contribuent à la définition de la qualité d’un aliment. L’arôme des fromages Les sensations perçues pendant la mastication d'un fromage peuvent être très nombreuses : fruits secs, agrumes, végétaux, grillé, épicé, lait cuit, beurre… Un jury d'analyse sensorielle entraîné peut décrire, pour un fromage, chaque sensation et en donner l'intensité. Ainsi obtient-on un profil sensoriel propre à chaque fromage. La complexité des molécules responsables des sensations L'arôme d'un fromage, et de pratiquement tous les aliments, n'est jamais dû à un seul composé, mais à plusieurs dizaines, voire centaines de composés volatils différents. Le chimiste sépare ces composés par chromatographie en phase gazeuse. Dès leur sortie de l’appareil, chacun des composés séparés peut être senti par une personne qui pourra donner ainsi un descripteur et l’intensité de chaque odeur perçue. Ces informations sont précieuses pour déterminer les composés-clés de l'arôme du fromage. DU FROMAGE 13 de l’animal au lait... Fromages et arômes Plusieurs organismes européens, parmi lesquels l’INRA, ont élaboré une classification des descripteurs aromatiques des fromages à pâte dure et semi-dure (à pâte ferme). • en familles d’arômes (Fruité, Végétal, Lactique, Torréfié, Epicé, Animal...) • en sous-familles (ou groupes) d’arômes (agrumes, fruits à coque, fruits à noyaux, lactique frais, lactique acidifié, lactique chauffé, caramels doux, alliacées…) • et en arômes (jus d’orange, noisette, noix, herbe coupée, pomme de terre cuite à l’eau, beurre frais, yaourt, caramel mou au lait, pain grillé, café, sueur, cuir, poivre…) Chacun des arômes est associé à une ou plusieurs références de produits pour l’entraînement des juges. On peut appliquer la méthodologie à différents fromages en faisant appel aux familles d’arômes et aux sous-familles avec un jury de 8 à 10 personnes entraînées à reconnaître les arômes de différents fromages. Voici 4 exemples de profils sensoriels : • Abondance, • Comté, • Beaufort, • Salers. Pour une description sensorielle plus précise de chaque fromage AOC, on fait appel aux descripteurs d’arômes adaptés à l’identité de l’AOC considérée et à sa complexité aromatique. Liste des descripteurs aromatiques Les 4 profils aromatiques suivants ont été obtenus avec cette liste de descripteurs prise au niveau des sous-familles d’arômes ; les 4 fromages choisis “affinés” ont été dégustés le même jour par un jury entraîné. Familles Lactique Fruité Torréfié Lactique frais Beurre frais, crème fraîche, lait frais (cru) Lactique acidifié Yaourt, lait caillé acidifié, crème maturée, lactosérum acidifié Lactique chauffé Beurre fondu, lait cuit, chocolat blanc, petit lait-chaud (fabrication pâte pressée cuite) Lactique évolué Beurre rance, crème rance Fruits à coque Noix, noisette, cacahuète Agrumes Jus d’orange, pamplemousse, citron Miel Miel toutes fleurs Fruits à noyaux Abricot, prunes Caramels doux Caramel mou, brioché, croûte de pain frais Grillé ou torréfié Pain grillé, oignon grillé au beurre, café, chocolat Brûlé ou fumé Oignon brûlé, pain brûlé, viande fumée Note verte Herbe, foin Bouillon de légumes Pomme de terre à l’eau, soupe de légumes à base de pomme de terre Alliacées Ail, oignon, vert de poireau, Sous-bois Champignon des bois, humus Animal Sueur, cuir, vache Carné Bouillon de viande Végétal Animal Arômes et produits de références Sous-familles d’arômes Jaune d’œuf Epicé 14 Epicé Poivre, muscade, clou de girofle, 4 épices LA QUALITÉ de l’animal au lait... Profil sensoriel de l’Abondance Épicé Lactique frais Lactique acidifié Jaune d’œuf Lactique chauffé Viande (grillée) Lactique évolué Animal Fruits à coques Sous-bois Agrumes Alliacées Fruits à noyaux 4 Bouillon de légumes avec pommes de terre Note verte Brûlé ou fumé 6 Miel 8 Caramels doux 10 Grillé ou torréfié Profil sensoriel du Beaufort Épicé Lactique frais Lactique acidifié Jaune d’œuf Lactique chauffé Viande (grillée) Lactique évolué Animal Fruits à coques Sous-bois Agrumes Alliacées Fruits à noyaux 4 Bouillon de légumes 6 Miel avec pommes de terre 8 Note verte Caramels doux Brûlé ou fumé 10 Grillé ou torréfié Profil sensoriel du Comté Épicé Lactique frais Lactique acidifié Jaune d’œuf Lactique chauffé Viande (grillée) Lactique évolué Animal Fruits à coques Sous-bois Agrumes Alliacées Fruits à noyaux 4 Bouillon de légumes avec pommes de terre Note verte Brûlé ou fumé 6 Miel 8 Caramels doux 10 Grillé ou torréfié Profil sensoriel du Salers Épicé Lactique frais Lactique acidifié Jaune d’œuf Lactique chauffé Viande (grillée) Lactique évolué Animal Fruits à coques Sous-bois Agrumes Alliacées Fruits à noyaux 4 Bouillon de légumes avec pommes de terre Note verte Brûlé ou fumé 6 Miel 8 Caramels doux 10 Grillé ou torréfié DU FROMAGE 15 Février 2004 • INRA • Mission communication Directrice de la publication : Corine Plantard Conception, coordination et réalisation : Valérie Toureau, avec la collaboration de Valérie Bagieu, Anne-Marie Le Bastard. Conception graphique : Pascale Inzerillo, Patricia Perrot Schéma (page 8) : Frédéric Lamy - ©INRA Illustrations : photothèque INRA : Jean-Marie Bossennec, Julien Lanson, Christophe Maître Pilotes scientifiques : Marie-Christine Montel et Yolande Noël Ce document a été élaboré avec la collaboration des nombreuses équipes de recherches INRA travaillant sur ce thème à Aurillac, Clermont-Ferrand, Corte, Dijon, Grignon, Jouy-en-Josas, Poligny et Rennes. Nous tenons à remercier tout particulièrement : Jacques Barnouin, Florence Bérodier, François Casabianca, Georges Corrieu, Jean-Baptiste Coulon, Agnès Delacroix-Buchet, Erwan Engel, Sylvie Lortal, Patrice Martin, Daniel Picque, Christian Salles. INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE Mission Communication • 147 rue de l’Université • 75338 Paris cedex 07 Tél : 01 42 75 90 00 • Télécopie : 01 42 75 91 72 • www.inra.fr