208 5. Théories de chaînes et applications
5.7 CW-complexes
289 Dénition. Un « CW-complexe » est la donnée de :
un espace topologique Xet une suite croissante (Xn)nN(XnXn+1)
de sous-espaces de X, tels que Xsoit la colimite(10)(dans Top) du
diagramme X0X1X2. . .,
pour chaque nN, un espace topologique discret Enet un carré cocar-
tésien (dans Top)
En×Sn1
ϕnXn1
En×Dn
ψn
Xn
(où on a posé X1=S1=). Par abus de langage, on dira que Xlui-
même est un CW-complexe. Xnest appelé le « n-squelette » de X. Pour
tout iEn, la composition des applications
DnEn×DnψnXnX
x(i, x)
qu’on notera σi, est appelée la « n-cellule d’indice i»deX.
La condition que Xsoit la colimite de la suite de ses squelettes Xnest équiva-
lente à dire que Xest la réunion des Xnet qu’une partie Ade Xest ouverte
si et seulement si, pour tout nN,AXnest ouvert dans Xn.
Si Fest un fermé de X,XFest un ouvert de Xet (XF)Xnest donc un
ouvert de Xn. Comme (XF)Xn=Xn(FXn), on voit que FXnest
fermé dans Xn. Réciproquement, si une partie Fde Xest telle que FXn
soit fermée dans Xnpour tout nN, alors Xn(FXn)=(XF)Xnest
ouvert dans Xnpour tout n, donc XFest ouvert dans X, et donc Fest fermé
dans X. Une partie d’un CW-complexe est donc fermée si et seulement si son
intersection avec chaque squelette est une partie fermée de ce squelette.
290 Lemme. Les squelettes Xnd’un CW-complexe Xsont des parties
fermées de X.
Démonstration. Comme Xn1est fermé dans Xn(il résulte en effet immé-
diatement du carré cocartésien de la dénition que XnXn1a des ouverts
10. C’est-à-dire la limite inductive, puisque Nordonné de la manière usuelle est ltrant.
5.7. CW-complexes 209
pour images réciproques par les deux èches de cible Xnde ce carré cocarté-
sien), on voit que Xpest fermé dans Xnpour pn. Il en résulte que XnXp
est fermé dans Xppour tout pN, donc que Xnest fermé dans X.
291 Lemme. Soit Xun CW-complexe.
Le 0-squelette X0de Xest un espace discret.
Xest séparé.
Démonstration. (a) Pour n= 0, le carré cocartésien de la dénition se
réduit à
E0×D0
ψ0
X0
ce qui montre que ψ0est un homéomorphisme et que X0est donc homéo-
morphe à E0.Le0-squelette de Xest donc un espace discret.
(b) On va d’abord montrer que si xet ysont deux points distincts de Xnayant
dans Xndes voisinages ouverts respectifs Unet Vndisjoints, alors ils ont
dans Xn+1 des voisinages ouverts respectifs disjoints Un+1 et Vn+1 tels que
Un=Un+1 Xnet Vn=Vn+1 Xn. À cette n, reprenons le carré cocartésien :
En+1 ×Sn
ϕn+1 Xn
En+1 ×Dn+1
ψn+1
Xn+1
de la dénition 289. Les ensembles ϕ1
n+1(Un)et ϕ1
n+1(Vn)sont des parties
ouvertes disjointes de En+1 ×Sn. Posons :
U={(i, u)En+1 ×Dn+1 |u>1
2(i, u
u)ϕ1
n+1(Un)}
V={(i, v)En+1 ×Dn+1 |v>1
2(i, v
v)ϕ1
n+1(Vn)}
Alors Uet Vsont des ouverts de En+1 ×Dn+1. On pose Un+1 =ψn+1(U)et
Vn+1 =ψn+1(V). On a ψ1
n+1(Un+1)=U,ψ1
n+1(Vn+1)=V,Un+1 Xn=Un
et Vn+1 Xn=Vn. Ainsi, Un+1 et Vn+1 sont des ouverts de Xn+1 ayant les
propriétés annoncées.
Il en résulte que si Xnest séparé, il en est de même de Xn+1. En effet, d’après
ce qui précède, si les points distincts xet ysont dans Xnalors ils ont des
voisinages ouverts disjoints dans Xn+1. Si xXnet y∈ Xn, il existe une
210 5. Théories de chaînes et applications
unique paire (i, z)En+1 ×Dn+1 telle que y=ψn+1(i, z), et en prenant λtel
que z<λ<1, on voit que les ouverts disjoints ψn+1({(i, z)|z<λ})et
ψn+1({(i, z)|z>λ})de Xn+1 contiennent respectivement yet x. Enn, si
xet ysont tous deux hors de Xn, il suft de prendre les images par ψn+1 de
voisinages ouverts disjoints de leurs uniques antécédents par ψn+1. Comme
X0est séparé, il en est de même par récurrence de tous les squelettes de X.
Soient ennxet ydeux points distincts de X. Il existe ntel que xet y
soient dans Xn. Comme Xnest séparé, il existe des ouverts Unet Vndis-
joints qui sont des voisinages de xet ydans Xn. D’après ce qui précède,
il existe des ouverts Un, Un+1, Un+2, . . . et Vn, Vn+1, Vn+2, . . . séparant xet y
dans Xn, Xn+1, Xn+2, . . . respectivement. Posons U=inUiet V=inVi.
On a UXi=Uiet VXi=Vipour in, donc Uet Vsont des ouverts
disjoints de Xcontenant respectivement xet y.
292 Lemme. Toute partie compacte d’un CW-complexe est incluse dans
l’un de ses squelettes.
Démonstration. Supposons que le compact Kdu CW-complexe Xne soit
pas contenu dans un squelette Xnde X. Il existe alors une suite {xn}nN
de points de Ktels que xn∈ Xnpour tout nN. Notons que l’image de
cette suite est innie. Comme le singleton {xn}est fermé dans X(car Xest
séparé), il en est de même de tout ensemble ni de points de la suite {xn}nN.
Si Aest un sous-ensemble quelconque de l’image de la suite, Aest fermé dans
Xpuisque AXnest ni donc fermé dans Xn. Ainsi, l’image de la suite est
un sous-espace discret de X, donc de K. Comme Kest compact, cet ensemble
doit être ni, ce qui est contradictoire.
293 Corollaire. Pour tout CW-complexe X, et tout foncteur satis-
faisant les axiomes de la dénition 247 (page 181), la èche canonique
colimnC(Xn)C(X)est un isomorphisme. Par conséquent, l’homologie
d’un CW-complexe est la limite inductive des homologies de ses squelettes.
Démonstration. Il suft de montrer que C(X)est la réunion des C(Xn).
D’après l’axiome (3) de la dénition 247,C(X)est la réunion des C(K)K
parcourt l’ensemble des parties compactes de X. Or, d’après le lemme précé-
dent, pour toute partie compacte Kde X, il existe ntel que C(K)C(Xn).
294 Exemple. La sphère Sna une structure très simple de CW-complexe. Dans le cas
n= 0, prenons pour E0un ensemble à deux éléments (disons S0lui-même) et l’ensemble vide
pour Ensi n > 0. Posons X0=X1=· · · =Xn=· · · =X=Sn. Il est clair que Snest la limite
5.7. CW-complexes 211
inductive de ses squelettes. Le carré
S0×D0
ψ0S0
est clairement cocartésien, et pour n > 0, le carré de la dénition se réduit à
S0
S0
qui est lui aussi cocartésien.
Dans le cas de la sphère Sn,n > 0, on prend un singleton pour E0et pour En, l’ensemble vide
pour tous les autres Ei. On pose {}=E0=X0=· · · =Xn1et Xn=··· =X=Sn. On a les
deux carrés
{} ×
X1
{} × Sn1
Xn1
{} × D0X0{} × DnXn
Le premier est clairement cocartésien. Le second l’est parce que l’espace obtenu à partir de
Dnen écrasant Sn1sur le point Xn1est homéomorphe à Sn.
L’espace projectif RPna lui aussi une élégante structure de CW-complexe, avec une cellule
dans chacune des dimensions 0, . . . , n et aucune cellule de dimension supérieure. On le voit
par récurence sur n, le cas n= 0 étant trivial. Considérons le revêtement à deux feuilles
π:Sn1RPn1. On a le carré
Sn1
πRPn1
DnRPn
Dire qu’il est cocartésien revient à dire que l’espace obtenu à partir de Dnen identiant tout
point de Sn1avec son antipode est RPn, ce qui découle immédiatement de la dénition de
RPn.
De nombreux autres espaces d’usage courant en topologie algébrique ont des « décomposi-
tions cellulaires » (c’est-à-dire des structures de CW-complexes) qu’on peut décrire de manière
explicite comme ci-dessus. Toutefois, de nombreux espaces très simples ne sont pas des CW-
complexes. Par exemple, le sous-espace (compact) Xde Rconstitué des réels de la forme 1/n
(nN) et de 0n’est pas un CW-complexe. En effet, si un CW-complexe a au moins une cellule
de dimension strictement positive n, il contient un sous-espace homéomorphe à Rn(car son
n-squelette contient un tel sous-espace à cause du deuxième point de la dénition). Or, Rn
(n > 0) est inni et connexe par arcs, alors que les seules parties connexes par arcs de Xsont
des singletons. Si Xest un CW-complexe, Xn’a donc pas de cellule de dimension non nulle
et est homéomorphe à son 0-squelette X0. Or, on va montrer plus bas que le 0-squelette d’un
CW-complexe est un espace discret, ce qui n’est pas le cas de X.
212 5. Théories de chaînes et applications
Exercice 41. (a) Montrer que tout ouvert de Rnest un CW-complexe.
295 Lemme. Pour tout CW-complexe X,
(a) Hi(Xn, Xn1)=0pour i=net Hn(Xn, Xn1)Λ[En](le Λ-module
libre engendré par En),
(b) la èche Hi(Xn1)Hi(Xn)induite par l’inclusion Xn1Xnest
un isomorphisme pour tout idifférent de n1et de n, une surjection
pour i=n1,(11)
(c) Hi(Xn)=0pour i>n,
(d) l’inclusion XnXinduit un isomorphisme Hi(Xn)Hi(X)pour
tout in1, et une surjection pour i=n,
(e) Hi(X, Xn)=0pour tout in.
Démonstration. (a) Soit Tnl’image par ψndes points de la forme (i, 0)
En×Dn, c’est-à-dire l’ensemble des « centres » des n-cellules de Xn. L’inclusion
Xn1XnTnest clairement une équivalence d’homotopie, et la paire
(Xn, Xn1)est homotopiquement équivalente à la paire (Xn, XnTn). Par
excision, cette dernière a l’homologie de la paire (En×Dn, En×Sn1). Or,
Hi(En×Dn, En×Sn1)=0pour i=n, et Hn(En×Dn, En×Sn1)est la
somme directe d’autant d’exemplaires de Hn(Dn,Sn1)qu’il y a d’éléments
dans En. Noter que le résultat est aussi valable pour n= 0.
(b) On a la suite exacte
Hi(Xn1)Hi(Xn)Hi(Xn, Xn1)Hi1(Xn1)Hi1(Xn)
et (a) donne donc le résultat.
(c) Il résulte du lemme 291 qu’on a Hi(X0)=0pour i > 0, et le point (b)
permet de conclure par récurrence sur n.
(d) Quel que soit nN,Xest la colimite du diagramme
XnXn+1 Xn+2 . . .
Or (b) montre qu’il suft de prendre ntel que in1pour que toutes les
èches du diagramme
Hi(Xn)Hi(Xn+1)Hi(Xn+2). . .
11. Et une injection pour i=n, mais ceci ne présente pas d’intérêt car (c) montre que
Hn(Xn1) = 0.
1 / 9 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !