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Sociétal
N° 36
2etrimestre
2002
LA CHINE À L’OMC : PROMESSES, RISQUES ET ARRIÈRE-PENSÉES
chinoise depuis le lancement de la
politique d’ouverture et de libérali-
sation de Deng Xiaoping en 1978 »
par les autorités chinoises, et de
« plus grand bond en avant de
l’histoire de l’OMC » par Pascal
Lamy, le commissaire européen au
commerce, ont été largement analy-
sées. Mais certaines conséquences
importantes de cette adhésion
sont restées dans l’ombre.
L’IMPRESSIONNANTE
VIGUEUR DES
EXPORTATIONS
Un sujet d’étonnement perma-
nent pour les économistes est
la santé du commerce extérieur
chinois, et en particulier des expor-
tations. Les derniers chiffres connus
ne dérogent pas à la règle : les
exportations de 2001 ont atteint
266,16 milliards de dollars, en
progression de 6,98 %, et les im-
portations 243,61 milliards, en
hausse de 8,2 %, laissant
un excédent commercial
de 22,55 milliards de
dollars contre 24,1 en
2000. Certes, l’excédent
a diminué, mais la plupart
des économistes prédi-
saient son effondrement,
et certains prévoyaient
même un passage dans le
rouge. Ils avaient de
bonnes raisons pour cela :
l’analyse des exportations
chinoises par zone de
destination montre
qu’environ 50 % d’entre
elles se font vers le Japon et les
Etats-Unis. Or on voit bien que les
deux premières économies de la
planète sont en récession, l’une
depuis de nombreuses années et
l’autre depuis 2001. Comme, de
plus, la Chine connaît un taux de
croissance encore élevé (7,3 % en
2001 contre 8 % en 2000), l’analyse
mécanique des flux pouvait faire
conclure à un retournement du
commerce extérieur. Pourtant, il n’en
a rien été. Dans une perspective de
plus long terme, les performances
chinoises paraissent encore plus
impressionnantes (graphique 1). A
l’exception du déficit passager
de 1993, la balance commerciale
chinoise a été constamment excé-
dentaire depuis 1990 avant de
connaître une véritable envolée à
partir de 1997.
On se rappelle que, lors de la crise
asiatique de 1997, la Chine avait
déjà étonné en maintenant une
croissance forte, une balance com-
merciale positive, sans dévaluation
de sa monnaie. Mais elle n’était pas
la seule. Sans parler de Hongkong,
on avait noté les performances
remarquables de Taiwan et de
Singapour (dont les monnaies
avaient néanmoins perdu de leur
valeur), et on avait expliqué alors
que la spécialisation de ces pays
dans la haute technologie les
avait préservés en grande partie
de la crise asiatique. L’année
2001 apporte un dramatique re-
tournement : le PIB de Singapour
aura baissé de l’ordre de
3 %, et Taiwan ne doit
qu’à ses relations avec le
continent de ne pas tom-
ber dans le rouge.
Le tableau 1 en fournit
une des raisons. En
1997, la crise était en
Asie et la conjoncture
américaine était à son
zénith. En 2001, la
récession se trouve
aux Etats-Unis, et les
exportations de Taiwan
et de Singapour vers ce
pays connaissent un
véritable effondrement : - 16 %
environ. On notera que, dans le
même temps, les exportations chi-
noises vers les Etats-Unis croissent
encore de près de 5 %, ce qui
constitue bien un exploit compte
tenu de la conjoncture ! La Chine
reste le seul pays asiatique qui ait
pu traverser sans encombres les
deux crises qu’a connues l’Asie au
cours de ces quatre dernières
années : la crise financière de 1997
et la crise de la haute technologie
de 2001.
Il faut bien constater que le com-
merce extérieur chinois est « in-
oxydable ». Au cours de ces dix
dernières années, quelle que soit la
conjoncture mondiale ou asiatique,
les échanges extérieurs de la Chine
croissent à un rythme rapide et
constant, quadruplant dans l’inter-
valle et laissant presque chaque
année un surplus considérable
(graphiques 2 et 3).
UN AIMANT POUR
LES DÉLOCALISATIONS
L’explication de cette performance
tient en une phrase : la Chine est
devenue le pays de délocalisation
de dernier ressort. Cette réalité
présente plusieurs facettes :
– La Chine continue d’être le plus
grand producteur mondial pour
les produits faisant l’objet d’une
délocalisation « historique » : textile,
habillement, jouet, maroquinerie,
etc. On se rend compte qu’aucun
autre pays au monde n’est capable
de rivaliser aujourd’hui avec elle
dans ces secteurs.
Dans le domaine des hautes
technologies, la Chine est en train
d’acquérir une position importante :
elle devient la terre d’élection de la
délocalisation pour les entreprises
des pays où ces technologies avaient
élu domicile, en particulier Taiwan.
L’un des phénomènes économiques
importants de ces dernières années
a été l’émigration massive de l’indus-
trie taiwanaise sur le continent. On
peut en avoir une idée en étudiant
les échanges entre les deux rives :
les exportations de Taiwan vers le
continent sont passées de 3,64
milliards de dollars en 1991 à 25,49
milliards en 2000, soit un septuple-
ment,alors que dans le même temps
le total des importations chinoises
était multiplié par 3,5. Le mouvement
s’est accéléré à partir de 1999. Or
une partie importante des importa-
tions chinoises en provenance de
Taiwan consiste en composants
qui sont assemblés en Chine pour
être réexportés.
La Chine est
le seul pays
asiatique qui
ait traversé
sans encombres
les deux crises
qu’a connues
le continent au
cours des quatre
dernières années.