Cadre théorique « datation des cratères de la Lune - Eu-HOU

Cadre théorique « datation des cratères de la Lune »
1.1 Quel savoir scientifique ?
1.1.1 Evolution du système solaire
Le contexte scientifique de cette activité est celui de la formation du système solaire. L’image d’un
système stable constitué de planètes orbitant sur des trajectoires elliptiques fixes autour du Soleil
n’est plus correcte aujourd’hui. Le modèle actuel, dynamique, a été développé à l’Observatoire de
Nice (France). Il est appelé « le modèle de Nice » (Gomes et al., 2005). Selon ce modèle, les planètes
étaient initialement localisées sur une petite région autour du Soleil. Les planètes géantes ont
ensuite migrées vers l’extérieur du système par des effets gravitationnels. Les lois de Kepler sont une
approximation raisonnable du modèle de Nice dans une description non dynamique. Elles
s’appliquent uniquement à des systèmes isolés à deux corps. Si un troisième corps intervient, la
stabilité des orbites est perdue, le système devient chaotique. Ainsi, lors de l’interaction avec une
multitude de petits corps, les planètes géantes se sont décalées ver l’extérieur.
Les simulations numériques permettent aujourd’hui de modéliser cette dynamique du système, et
expliquent ainsi les différentes populations de corps répartis dans le système solaire, dont les
ceintures d’astéroïdes (image de droite). Ce modèle permet également de prédire des événements
qui se seraient produits au cours de l’évolution du système solaire, dont « le bombardement tardif ».
Lorsque les planètes géantes ont migré, elles ont atteint une position tout à fait particulière dans
laquelle Saturne fait un tour du Soleil lorsque Jupiter en fait exactement deux. Cette résonnance
(appelée 1 :2) a entraînée des effets gravitationnels forts, conduisant à la dispersion d’une infinité de
petits corps vers les planètes intérieures. Cet événement aurait eu lieu il y a environ 3.9±0.5 milliard
(Taylor, 2006).
Par la suite, les orbites des planètes se sont petit-à-petit stabilisé par effet de friction dynamique
avec les petits corps restant. Les périodes de Jupiter et Saturne (reliées à la distance au Soleil par les
lois de Kepler applicables lorsque l’effet gravitationnel du Soleil domine) ne sont plus en résonance
aujourd’hui (la période de Jupiter est de 4320 jours terrestres ; Saturne a une période de 10720
jours). Heureusement !
1.1.2 Les cratères de la Lune : un chronomètre du système solaire !
Le scénario décrit ci-dessus reste hypothétique. Tout d’abord, si on modifie les conditions initiales
imposées à la simulation, les conséquences peuvent être très différentes. Ce « bombardement
tardif » peut se produire à d’autres instants, ou même ne pas avoir lieu. On dit que l’évolution du
système solaire est chaotique.
Le problème essentiel, courant en astronomie, vient du fait que l’on ne peut pas remonter le temps :
on observe le système solaire tel qu’il est aujourd’hui, on ne peut pas observer l’évolution. Il faut
alors chercher des traces des événements passés. De ce point de vue, on peut considérer
l’astronomie comme une science herméneutique (voir Raab and Frodeman, 2002, dans le cas de la
géologie), dans laquelle les événements sont moins bien contrôlés que dans le laboratoire. Pour
contraindre l’évolution du système solaire, deux méthodes principales sont utilisées : l’analyse
d’isotope radioactif (Taylor, 2006), et le principe de superposition.
Le développement de la chimie pour l’étude des objets astronomiques (Taylor, 2006) a permis des
avancées dans la compréhension des sources de chaleur dans le Soleil, de la formation des étoiles et
dans l’histoire du système solaire qui nous concerne ici. Le principe est le même que dans l’étude des
couches géologiques sur la Terre. Lors de la formation d’un objet ici les astéroïdes des éléments
chimiques radioactifs sont présents dans le milieu environnant avec une composition isotopique
connue par l’étude chimique du milieu – ici la nébuleuse
initiale à partir de laquelle s’est formé le système solaire.
Enfermés dans un objet solide, ces isotopes décroissent
avec une durée de demi-vie connue. En analysant la
composition de cet objet aujourd’hui, on peut en déduire un
âge de formation absolu ou relatif selon les éléments
utilisés. Cette méthode de datation nécessite de récupérer
des échantillons de matériaux sur la Lune dans le cadre de
mission telle que Apollo 17.
La difficulté de collecte de roche lunaire impose d’utiliser d’autres techniques de datation. Les
images de la surface lunaire obtenues aujourd’hui sont aujourd’hui de très haute résolution. Le
« Lunar Reconnaissance Orbiter » (LRO) a données les meilleures
images à ce jour (image ci-contre, Zuber et al., 2012). On peut
visualiser ces images sur le site LROC. Il est alors possible de compter
le nombre d’impact d’astéroïde dans un cratère.
La technique de datation relative est proche des thodes
géologiques qui utilisent le principe de recoupement. Si une couche
géologique est située sous une autre, on pourra la qualifier de plus
ancienne par rapport à la couche supérieure, plus jeune. Le principe
de superposition peut s'appliquer partout. Imaginons que l'on observe
une région de la Lune abîmée par de nombreux cratères d'impact et
un grand nombre de fractures. En regardant attentivement, on
remarque que des petits cratères recoupent une fracture, et que cette même fracture cisaille un
autre cratère bien plus grand. On peut alors supposer que les événements sont apparus dans cet
ordre : formation du grand cratère d'impact, fracturation du terrain, puis formation des petits
cratères. Le principe de superposition permet seulement de donner un âge relatif (plus ancien, plus
jeune), et non pas absolu, à une surface planétaire. On ne peut pas dire qu'une couche est vieille de
200 millions d'années et qu'une autre n'est âgée que de 15 millions d'années. On peut résumer le
principe de datation par les cratères d'impact en une seule phrase : plus il y a de cratères, plus la
surface est âgée. Evidemment, cette relation est vraie à surface constante. Un cratère deux fois plus
grand aura naturellement en moyenne deux fois plus d’impact sur sa surface. Ce modèle définit une
relation bijective, croissante, entre la densité d’impact et l’âge. Du fait de la variation avec le temps
du nombre d’impacteurs, cette relation ne sera pas linéaire.
On peut aller plus loin dans l’étude des impacts eux-mêmes et distinguer différents types d’impacts,
mais cela va au-delà de la datation. Cependant, cela pose la question du choix des impacts. On ne
peut pas tous les compter. On choisit souvent un diamètre minimum des cratères d’impacts afin de
comparer les âges relatifs des différentes régions lunaires. Ce choix, et le caractère aléatoire des
impacts rendent difficile une estimation des erreurs de mesure.
Les résultats de ces deux méthodes de datation sont replacés dans des graphes (ci-dessous)
représentant la densité de cratères de diamètre supérieure à une certaine limite. Plus la limite
choisie est grande, plus on va regarder des cratères anciens (puisque la probabilité d’impact diminue
avec le diamètre du cratère associé). On indique alors la mesure de densité d’impact pour les
cratères dont l’âge absolu a été déterminé par la méthode des isotopes radioactifs. Les autres
régions pourront alors être datées par interpolation.
Densité de cratères de plus d’1km de
diamètre, en fonction de l’âge absolu en
Gyr. (Martel, 2010)
Densité cratères de plus de 4km de diamètre,
en fonction de l’âge absolu en Gyr (milliards
d’années).
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