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DOSSIER
AMC pratique n°239 juin 2015
MISE AU POINT
R. Haïat
lation bien différente de celle qu’on est
amené à traiter quotidiennement ;
• qu’il s’agisse de réels biais méthodologiques,
d’un nombre d’événements présumés sur-
venir qui ne correspond pas toujours au
nombre d’événements survenus réellement.
Quant à l’analyse en intention de traiter,
éminemment valide sur le plan statistique,
elle ne peut manquer d’introduire une cer-
taine distorsion par rapport à la réalité du
terrain ;
• qu’il s’agisse de la taille de l’essai princeps.
Si elle était très insuffisante dans PROVED
et RADIANCE qui avaient inclus respective-
ment 88 et 178 patients alors que l’étude
DIG en réunira ultérieurement 6 800, elle ne
l’était pas dans LIMIT II qui avait inclus 2 316
patients ; et pourtant, ses résultats seront
contredits par ISIS IV et MAGIC, deux méga-
essais, portant respectivement sur plus de
4000 et 6000 patients ;
• qu’il s’agisse de l’absence de groupe contrôle.
Alors que SIMPLICITY HTN-1 et 2 étaient
des études randomisées mais sans groupe
contrôle, SIMPLICITY HTN -3 avait un groupe
contrôle et c’est ce qui a probablement remis
en question les résultats des deux études pré-
cédentes. Il faut souligner cependant qu’il
n’est pas toujours évident de recourir à un
groupe contrôle quand on évalue une procé-
dure lourde. Il faut rappeler que les patients
du groupe contrôle de SIMPLICITY HTN-3 ont
subi une procédure factice, invasive, compre-
nant angiographie rénale et faux tirs d’ultra-
sons afin de reproduire la procédure d’une
dénervation rénale réelle ;
• qu’il s’agisse enfin de la difficulté réelle
d’accéder aux données individuelles des
patients, du rôle des sponsors des grands
essais cliniques dont l’importance pourrait
interférer ou peser sur l’interprétation ou la
présentation des résultats.
La découverte d’un nouveau concept
concernant un médicament ou l’advenue
d’un changement thérapeutique radical
La prescription de bétabloquants est un
exemple de cette double éventualité.
Dans l’hypertension artérielle, les bétablo-
quants ont longtemps été le traitement de
première intention. Cependant, en 2005, la
méta-analyse de Lindholm portant sur 13
essais, regroupant plus de 105 000 patients,
a remis en question leur efficacité (car ils
ne diminuaient pas le risque d’infarctus par
rapport aux autres antihypertenseurs) et
leur sécurité d’emploi (car ils augmentaient
significativement de 16 % le risque d’acci-
dent vasculaire cérébral et avaient tendance
à accroître de 3 % la mortalité totale).
L’étude CAFE proposera une explication à
ce renversement de situation en montrant
qu’à baisse identique de la pression humé-
rale, les bétabloquants abaissaient moins la
pression artérielle systolique centrale que
les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou
les inhibiteurs calciques.
Dans la maladie coronaire et notamment
le post-infarctus, la prescription de béta-
bloquants a été longtemps systématique.
Mais la donne a changé à l’ère des procé-
dures interventionnelles et de la reperfusion
myocardique précoce qui réduisent la taille
de l’infarctus et de la zone cicatricielle à la
limite de laquelle naissent les arythmies ven-
triculaires les plus graves. Ainsi, en accord
avec les recommandations américaines et
européennes, la prescription de bétablo-
quants ne doit plus être systématique quand
la maladie coronaire est stable, asympto-
matique et en l’absence d’antécédent d’in-
farctus du myocarde. Les bétabloquants
devraient être réservés aux coronariens
symptomatiques et aux patients qui ont fait
un infarctus du myocarde ; dans ce dernier
cas, le traitement bétabloquant peut être
limité à 3 ans en l’absence de symptôme et
de dysfonction ventriculaire gauche.
La survenue et/ou la reconnaissance
tardive d’effets secondaires graves
jusqu’alors méconnus
Sans remettre en question, au sens propre,
les conclusions du grand essai clinique, l’ap-
parition tardive, après des mois, voire des
années, d’une iatrogénie grave les rend subi-
tement caduques.
• Il en a été ainsi pour la cérivastatine.
Entre 1998 et 2000, 4 études internatio-
nales, randomisées, menées en double
aveugle contre placebo sur de plus de 4000
patients au total [1-4] avaient démontré
l’efficacité et la sécurité d’une nouvelle sta-
tine, la cérivastatine.