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« Le raz de marée des gratuits »
Le Canard Enchaîné, 5 janvier 2005.
Devinette : quels sont les seuls journaux à être passés complètement à côté du tsunami qui a ravagé le
Sud-Est asiatique ? A n’y avoir consacré pas une seule ligne, pas un mot ? Les quotidiens gratuits
Métro et 20 Minutes : ils avaient plié boutique la veille de Noël ; et ils ont rouvert une semaine plus
tard, lundi 3, comme si de rien n’était.
Quoi140 000 morts ou plus ? L’une des pires catastrophes naturelles jamais vues ? Une information
qui bouleverse les opinions publiques sur toute la planète ? Une tragédie qui entrera dans l’Histoire ?
Les directeurs de ces journaux n’allaient quand même pas se déranger pour si peu. Et rappeler les
journalistes qu’ils venaient d’envoyer en vacances. Car ce qui les intéresse, ce n’est évidemment pas
l’info : c’est la pub. Or il n’y a pas assez de pub ni de lecteurs entre les fêtes pour rentabiliser leurs
produits. D’où la clef sous la porte. Ca, c’est du journalisme !
Voilà pourquoi, ce lundi 3, dans le métro parisien, la vision de tous ces passagers la tête enfoncée dans
Métro ou 20 Minutes avait de quoi glacer : ces « journaux » fabriqués avec des dépêches d’agence, des
ciseaux et de la colle, qui essayaient désespérément de rattraper le coup avec des photos-chocs ; cette
info à consommer en dix minutes montre en main ; prémâchée, formatée par la publicité, pour la
publicité, intégralement financé par la publicité, qui n’est là que pour mettre en valeur la publicité.
On connaît l’argument : leurs lecteurs ne seraient pas dupes. Mais si, ils sont dupes ! Avec les gratuits,
on leur fait croire que l’info ne coûte rien, il n’y aurait qu’à se baisser pour la ramasser. Et ça les
arrange de penser qu’elle est gratuitement à leur disposition.
Mais c’est oublier cette évidence, que l’information a un prix : faire un reportage, mener une enquête,
mettre en perspective et en forme les informations, tout cela nécessite d’énormes moyens humains.
Libé a 220 journalistes, Le Monde 342, Le Figaro 310, La Croix 86, etc. Tandis que 20 Minutes en
revendique 33 et Métro 23 (plus une dizaine chacun pour leurs cinq éditions locales).
C’est le lecteur qui, en achetant son journal, leur donne les moyens d’exercer leurs profession et d’être
indépendants. Moins l’existence d’un journal dépend de ses recettes publicitaires, plus il est libre, et
inversement. Un journal gratuit est un journal asservi. Mais rétorquent les partisans des gratuits, et
notamment leurs actionnaires les plus « médiatiques » (TF1 pour Métro, Ouest-France pour 20
Minutes), ceux-ci ne volent aucun lecteur aux payants, mieux, ils relancent le goût de la lecture chez
les jeunes. Faux ! Car, alors, les ventes du Monde, de Libération, du Figaro, de France Soir, de
L’Humanité, des Echos, de La Tribune devraient augmenter. Or elles baissent depuis des années…
Tandis que, selon une récente (et d’ailleurs discutable…) étude ISL bénie par le Cesp (Centre d’études
des supports de publicité), avec plus de 2 millions de lecteurs, 20 Minutes est devenu le 4e quotidien
français d’informations générales (derrière Ouest France, Le Monde et Le Parisien)…
Bientôt, le premier quotidien national sera peut-être un gratuit. Et les suivants aussi. Ils ne paraîtront
pas les jours sans pub. L’actualité sera priée de prendre son mal en patience.
Jean-Luc Porquet