29JSCR 2012 • Volume 22, numéro 2
Examens subséquents
Épreuves de fonction pulmonaire :
• Volume expiratoire maximal en une seconde (VEMS) 64 % de
la valeur prévue
• Capacité vitale expiratoire forcée (CVF) 80 %
• VEMS/CFV 68 %
• Capacité de diffusion 16 %
Commentaire : La patiente présente une légère restriction respi-
ratoire, mais le signe important ici est la réduction isolée et dis-
proportionnée de la capacité de diffusion, qui indique la
présence de mauvais échanges gazeux. Cette caractéristique peut
être présente et progresser pendant des années avant l’apparition
des signes cliniques ou échocardiographiques d’hypertension
pulmonaire chez les patients qui souffrent de sclérose systé-
mique3.
Tomographie pulmonaire de ventilation/perfusion :
• Normale
Commentaire : Il est important d’écarter le diagnostic d’hyper-
tension pulmonaire thromboembolique chronique puisqu’elle
est potentiellement curable au moyen d’une thromboen-
dartériectomie pulmonaire.
Cathétérisme du cœur droit :
• Pression de l’oreillette droite : 13
• Pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) : 53 (79/39)
• Résistance vasculaire pulmonaire : 1 008 dyn.s.cm-5
(12,6 unités de Wood)
• Pression capillaire pulmonaire bloquée : 14
• Débit cardiaque : 3,1 L/min
• Absence de shunt (augmentation de l’oxygène)
Commentaire : L’échocardiogramme ne procure qu’une estima-
tion de la pression artérielle pulmonaire systolique et peut soit
sous-estimer ou surestimer la pression réelle. Le cathétérisme du
cœur droit est la norme diagnostique pour l’HAP (PAP moyenne
> 25 mm Hg et pression de l’artère pulmonaire bloquée normale
< 15 mm Hg). Le cathétérisme du cœur droit est utile pour mesu-
rer la gravité de l’HAP, écarter une maladie du cœur gauche (qui
n’est pas toujours visible à l’échographie), reconnaître les patients
susceptibles de répondre à de fortes doses de vasodilatateurs
(généralement non testé/observé chez les patients atteints d’une
maladie des tissus conjonctifs) et pour écarter les shunts intra-
cardiaques.
Une fois les autres causes d’hypertension pulmonaire exclues
et selon les résultats du cathétérisme du cœur droit, nous confir-
mons le diagnostic d’hypertension artérielle pulmonaire. Sans
traitement, le pronostic de cette patiente est plutôt sombre, avec
une espérance de vie probablement inférieure à six mois4.
Traitement
Le traitement de base de l’hypertension artérielle pulmonaire est
utilisé malgré le manque de données tirées d’études contrôlées.
Certaines preuves appuient le recours aux anticoagulants dans
l’HAP idiopathique; toutefois, leur rôle et leur innocuité restent à
préciser dans l’HAP secondaire à une maladie des tissus con-
jonctifs. On utilise des diurétiques pour gérer l’insuffisance car-
diaque droite et la surcharge volumique ventriculaire droite qui
se manifestent par une augmentation de la pression veineuse
jugulaire et un œdème des membres inférieurs. On recommande
une oxygénothérapie pour maintenir la saturation en oxygène au-
dessus de 90 %, étant donné que l’hypoxémie peut aggraver
l’HAP.
Plusieurs voies pathogènes ont été incriminées dans l’hyper-
tension artérielle pulmonaire. Le résultat final est une augmenta-
tion de la résistance vasculaire, une diminution du débit sanguin
dans la circulation pulmonaire et, ultimement, une insuffisance
cardiaque droite. Nous disposons de certains traitements spéci-
fiques pour l’HAP. Ces traitements ciblent généralement l’équi-
libre entre les médiateurs de la vasodilatation et de la vasocons-
triction, mais de manière plus importante, ils peuvent influer
sur le remodelage/l’hypertrophie de la paroi vasculaire, en plus
d’exercer des effets sur la fonction plaquettaire.
Les antagonistes des récepteurs de l’endothéline-1 (bosentan,
ambrisentan) et les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5
(PDE-5) (sildenafil) seraient généralement des options envisa-
geables pour commencer. Toutefois, la maladie de notre patiente
est déjà très avancée, phase IV, selon l’OMS.
Dans ce cas-ci, le traitement avéré le plus efficace est un ana-
logue de la prostacycline par voie intraveineuse, comme
l’époprosténol (époprosténol sodique). Ce traitement requiert un
enseignement rigoureux au patient et une observance thérapeu-
tique exemplaire puisque son emploi est fastidieux. L’épopros-
ténol sodique s’administre en perfusion intraveineuse continue,
au moyen d’une pompe à perfusion portable en raison de sa
demi-vie brève, de 3 à 5 minutes, et compte tenu que toute inter-
ruption peut entraîner une hypertension pulmonaire de rebond.
Le médicament doit également être refroidi, protégé de la
Tableau 1. Nouvelle classification de l’HP de la WHO
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1. Hypertension artérielle pulmonaire (HTAP)
1.1. Idiopathique
1.2. Familiale
1.3. Due à des médicaments et toxines
1.4. Associée à :
1.4.1. Connectivites
1.4.2. Infection VIH
1.4.3. Hypertension portale
1.4.4. Cardiopathie congénitale
1.4.5. Bilharziose
1.4.6. Anémie hémolytique chronique
1.5. HTAP persistante du nouveau-né
11. Maladie veino-occlusive pulmonaire et/ou
hémangiomatose capillaire pulmonaire
2. HTP d'origine cardiaque gauche
3. HTP associée aux pathologies pulmonaires et/ou hypoxémie
4. HTP post-thromboembolique chronique
5. HTP due à des mécanismes peu clairs et/ou multifactoriels