À la recherche d’un traitement plus musclé
Une protéine découverte par Michael Rudnicki et son équipe de recherche pourrait favoriser la
régénération des muscles atrophiés par la maladie
par John-Paul Michalski
Les gens se soucient rarement de leurs muscles, surtout pour les gestes simples qu’ils
permettent, comme se tenir debout, marcher, attraper une balle ou respirer. Mais vous êtes-
vous déjà demandé à quoi ressemblerait votre vie si vos muscles se détérioraient et vous
laissaient tomber?
C’est pourtant le quotidien des jeunes hommes atteints de dystrophie musculaire de Duchenne
(DMD). Provoquée par une mutation du gène de la dystrophine, porté par le chromosome X,
cette maladie génétique touche un enfant mâle sur 3 500. Habituellement, la protéine appelée
dystrophine attache le muscle qui se contracte à ce qui l’entoure, de manière à stabiliser le
muscle. Chez les patients atteints de DMD, toutefois, l’insuffisance de dystrophine fragilise les
muscles, qui se déchirent à chaque contraction. Ces dommages continus provoquent une
dégénérescence musculaire invalidante, laissant les muscles affaiblis et atrophiés. S’attaquant
d’abord aux jambes, cette maladie insidieuse progresse lentement et implacablement vers le
haut du corps, aboutissant à une paralysie musculaire quasi totale. La DMD est une maladie
incurable. Les traitements ne servent qu’à soulager les symptômes, améliorer la qualité de vie
et ralentir la progression de la maladie. La plupart des patients ne vivent pas jusqu’à 30 ans.
Pourtant, il y a de l’espoir.
En décembre 2012, une équipe dirigée par Michael Rudnicki, chercheur principal à l’Institut de
recherche de l’Hôpital d’Ottawa et pionnier de la biologie des cellules souches musculaires,
publiait les résultats de ses recherches sur une protéine sécrétée par les muscles, qui pourrait
servir à des fins thérapeutiques. Le laboratoire du chercheur avait préalablement établi que la
protéine, appelée Wnt7a, jouait un rôle dans l’augmentation du nombre de cellules souches
musculaires les mêmes cellules qui permettent au muscle de se régénérer tout en faisant
croître les tissus musculaires préexistants et nouvellement générés.
« Nous avions déjà documenté les effets de la protéine Wnt7a chez des souris en santé,
explique Michael Rudnicki, professeur à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa et
titulaire de la Chaire de recherche du Canada en génétique moléculaire. Mais nous voulions
vraiment savoir si les effets seraient les mêmes chez les souris atteintes de dystrophie
musculaire. »
Pour tester cette théorie, les chercheurs ont injecté la protéine Wnt7a purifiée directement
dans les muscles de souris porteuses du gène mutant de la dystrophine. Comme chez les souris
en santé, les chercheurs ont constaté une augmentation de la masse musculaire totale et de la
force musculaire des animaux mutants. Étonnamment, le nombre de cellules souches
musculaires avait presque doublé.
« La protéine Wnt7a améliore et accélère la réparation de façon incroyable, précise le
professeur Rudnicki. Et parce que c’est un mécanisme que l’organisme utilise normalement,
nous ne voyons pas d’effet négatif à ce stade-ci. »
Mais les prouesses de cette protéine ne s’arrêtent pas là. L’équipe a aussi découvert un
changement dans la composition des cellules musculaires des souris génétiquement modifiées
qu’elle a traitées, une partie des fibres musculaires à contraction rapide (servant à la vitesse et
à la puissance) s’étant transformée en fibres à contraction lente (servant aux contractions
faibles et soutenues). Ces dernières présentent l’avantage d’être moins sujettes aux
déchirements causés par les contractions, dont souffrent notamment les patients atteints de
DMD.
« Nous ne soignons pas la source génétique de la maladie, explique Michael Rudnicki. Nous
stimulons plutôt la réparation. Si nous parvenons à la stimuler suffisamment, il ne sera plus
nécessaire de trouver un remède génétique puisque la réparation se fera en continu. »
L’équipe a aussi validé ses résultats sur des cellules humaines. Traitées à la protéine Wnt7a, les
cellules musculaires humaines cultivées et saines ont réagi exactement comme les cellules des
souris.
Que réserve l’avenir à la protéine Wnt7a? Même s’il est sans doute trop tôt pour le savoir, le
professeur Rudnicki pense qu’on l’utilisera comme traitement régénérateur de façon
indépendante ou avec d’autres traitements thérapeutiques. Cette protéine pourrait améliorer
de façon considérable le traitement de la DMD, mais aussi de beaucoup d’autres blessures,
troubles et maladies musculaires.
« Nous n’arrivons pas à répondre aux immenses besoins cliniques qu’engendrent les troubles
amyotrophiques, ajoute le professeur, qu’il s’agisse de remplacement du genou, de faiblesse
musculaire causée par un séjour aux soins intensifs, de sarcopénie chez les personnes âgées ou
de dystrophie musculaire. Il n’existe pas de bonne méthode pharmacologique –
médicamenteuse ou biologique pour stimuler la réparation musculaire. »
Mais tout cela pourrait bientôt changer. « Nous sommes nombreux à croire que nous
assisterons de notre vivant à une véritable révolution dans la façon de traiter les patients,
estime Michael Rudnicki. Nous allons pouvoir traiter des maladies que nous ne pouvions traiter
auparavant. Et ces traitements pourraient se rapprocher d’une cure. Je pense que la médecine
régénérative provoquera de grands changements. » À son avis, cette « technologie
perturbatrice » remplacera les pratiques médicales actuelles. C’est une percée importante qui
pourrait redonner espoir à une génération de jeunes hommes atteints de la dystrophie
musculaire de Duchenne.
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