une cause rare de blocages du genou chez un jeune homme

ORTHO-RHUMATO | VOL 14 | N°3 | 2016
12
OR1028F
UNE CAUSE RARE DE BLOCAGES
DU GENOU CHEZ UN JEUNE HOMME
Mathias van den Broek, Koen Lagae
Service d’Orthopédie, AZ Monica, Antwerpen
La synovite villonodulaire pigmentée (SVNP) est une tuméfaction idiopathique
à croissance lente, bénigne et locale de la membrane synoviale. Elle s’observe généralement
au niveau du genou, mais peut aussi toucher d’autres articulations. Sur le plan clinique, ce
type de synovite se caractérise par des épisodes aigus de douleur et de gonflement. Elle
peut causer des blocages mécaniques, ainsi qu’une perte de mobilité. La plupart du temps,
l’imagerie par résonance magnétique (IRM) montre des signes manifestes de la maladie.
Le traitement consiste généralement en une résection chirurgicale, éventuellement suivie
d’une radiothérapie adjuvante. L’examen anatomopathologique permet de confirmer le
diagnostic. Les récidives sont fréquentes.
ORTHO
CAS
Un jeune homme de 18 ans sans antécédents médicaux se
présente en consultation au service d’orthopédie pour des
blocages atraumatiques et récidivants au niveau du genou
gauche depuis quelques mois. L’examen clinique révèle
une mobilité correcte et complète, ainsi qu’une masse bien
palpable au niveau du corps adipeux infra-patellaire (ou
graisse de Hoffa). La tuméfaction présente peut également
être déviée en direction médio-latérale et est molle au tou-
cher. La radiographie conventionnelle du genou ne révèle
aucune anomalie (Figure 1). Une arthro-tomodensito-
métrie (arthro-TDM), rapidement disponible, montre un
processus expansif bien délimité sur la face postérieure du
tendon rotulien (Figure 2). La lésion ne présente aucun
signe de calcication. Compte tenu de la symptomatologie
invalidante, une arthroscopie du genou est réalisée sans
IRM complémentaire. Cette intervention met en évidence
une forme locale de SVNP (Figure 3). La lésion est égale-
ment réséquée par voie arthroscopique. L’examen anato-
mopathologique conrme qu’il s’agit bien d’une SVNP. Les
symptômes ont disparu immédiatement après l’interven-
tion chirurgicale.
COMMENTAIRE
La synovite villonodulaire pigmentée est une synovite
monoarticulaire idiopathique, caractérisée par la prolifé-
ration de villosités et de nodules synoviaux, et par un dépôt
d’hémosidérine au niveau de la membrane synoviale. Elle
touche généralement le genou (80% des cas), mais aussi
la hanche, la cheville, l’épaule et le coude (1). En gros, il
en existe deux formes: une forme diffuse et une forme lo-
cale ou nodulaire, plus rare (2). La forme diffuse touche
MO07
Figure 1: La radiographie conventionnelle ne révèle aucune anomalie,
ni sur le cliché frontal (a), ni sur le cliché latéral (b).
A B
Figure 2: L’arthro-TDM montre la présence d’un processus expansif
local (flèche blanche) au niveau de la face postérieure de la graisse
de Hoffa, tant sur la séquence axiale (a) que sagittale (b).
A B
ORTHO-RHUMATO | VOL 14 | N°3 | 2016 13
essentiellement les grandes articulations, telles que la
hanche et le genou, et affecte l’ensemble de la membrane
synoviale. La forme nodulaire n’affecte quant à elle qu’une
petite zone de la membrane synoviale et forme une syno-
vite lobulaire locale (3). Une extension extra-articulaire
aux gaines tendineuses d’articulations plus petites, comme
celles des pieds et des mains, est un phénomène connu
sous le nom de «tumeur à cellules géantes des gaines ten-
dineuses». Les symptômes de la SVNP se manifestent -
néralement entre 30 et 50 ans. L’incidence est estimée à
1,8 cas sur 1 million d’habitants (1).
PRÉSENTATION CLINIQUE
En cas de SVNP minime, le patient est souvent asymptoma-
tique. Les patients symptomatiques se plaignent de douleurs
et d’une tuméfaction au niveau de l’articulation touchée (1).
Des blocages et une réduction de l’amplitude de mouvement
sont des caractéristiques mécaniques que l’on retrouve gé-
néralement dans la forme locale de la SVNP. Des
hémar-
throses atraumatiques récidivantes constituent souvent un
signe annonciateur. Dans environ 50% des cas, un trauma-
tisme est à l’origine de l’apparition des symptômes (1).
La
plupart du temps, l’examen clinique révèle la présence d’un
hydrops manifeste ou d’une masse palpable.
IMAGERIE
La radiographie conventionnelle ne révèle généralement
aucune anomalie. Dans de rares cas, on peut constater une
érosion kystique avec une
réaction osseuse scléro-
tique de l’articulation (1).
Une TDM peut aussi per-
mettre de déceler cette
affection, mais l’exa-
men de prédilection est
l’IRM (3, 4), puisqu’elle
permet également de
distinguer la forme dif-
fuse de la forme locale.
Le signe le plus distinc-
tif de la forme locale à
l’IRM est la présence
d’une masse nodulaire
intra-articulaire hypo-intense
sur les séquences pondérées en
T1 et en T2 (Figure 4). Cette
hypo-intensité est due à la pré-
sence d’hémosidérine. Dans la
forme diffuse de la SVNP, on
constate une tuméfaction glo-
bale de la membrane synoviale,
éventuellement accompagnée
d’érosions périarticulaires.
HISTOLOGIE
Au nal, le diagnostic est conrmé par l’examen microsco-
pique du tissu. Celui-ci montre généralement un tissu sy-
novial papillaire et hypervascularisé, avec prolifération de
broblastes. Des inltrats d’histocytes, de cellules mono-
nucléées, de macrophages et de cellules géantes sont éga-
lement présents (5). La biopsie contient aussi des traces
d’hémosidérine.
TRAITEMENT
Pour les patients asymptomatiques, on peut opter pour une
approche conservatrice avec un suivi régulier. Chez les pa-
tients symptomatiques, une intervention chirurgicale est
indiquée. Une résection totale de la membrane synoviale at-
teinte s’impose (1, 3, 5-7). En cas de forme locale de SVNP,
cette intervention peut généralement être effectuée par
voie arthroscopique (6). En cas de forme diffuse, une résec-
tion marginale, à ciel ouvert, de la synovite est nécessaire.
Malgré cette ablation chirurgicale, les récidives constituent
le principal problème post-opératoire, probablement en rai-
son de la résection incomplète du tissu touché. Le risque de
récidive est plus élevé en cas de forme diffuse de SVNP, où
il peut atteindre 46% (7). Ces chiffres diminuent lorsqu’une
synovectomie est combinée à une radiothérapie (8). Tant
la radiothérapie externe qu’intra-articulaire est appliquée
comme traitement adjuvant à la suite d’une intervention
chirurgicale. En présence d’une SVNP dans une articulation
dégénérative ou en cas de récidives multiples, la pose d’une
prothèse totale peut être indiquée.
CONCLUSION
La SVNP est une forme rare de synovite monoarticulaire
qui touche essentiellement le genou. L’IRM est l’examen
de prédilection, mais c’est l’analyse microscopique qui per-
met de poser un diagnostic dénitif. Un traitement chirur-
gical s’avère nécessaire dans la plupart des cas.
Références sur www.ortho-rhumato.be
A B C
Figure 3: Identification d’une SVNP locale pendant l’arthroscopie du genou. Notez la couleur brune
de la synovite, due à la présence d’hémosidérine (a). La synovite est réséquée au moyen d’un rasoir
pour arthroscopie (b et c).
Figure 4: Coupe IRM sagittale
du genou pondérée en T2,
avec SVNP localisée dans
le compartiment antérieur
(flèche blanche) (4).
1 / 2 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans l'interface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer l'interface utilisateur de StudyLib ? N'hésitez pas à envoyer vos suggestions. C'est très important pour nous!