1. Le xénope : un organisme de choix pour l`étude du

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Introduction
1. Le xénope : un organisme de choix pour l’étude du
développement embryonnaire
1.1. Généralités
L’étude du développement embryonnaire nécessite l’utilisation d’organismes adaptés aux
manipulations expérimentales. Au cours du siècle précédent, différents organismes
« modèles » ont été étudié par des approches classiques d’embryologie expérimentale et de
génétique. Récemment, ces organismes « modèles » ont suscité un regain d’intérêt grâce à
l’adaptation des techniques les plus modernes de la biologie moléculaire et cellulaire à l’étude
de ces organismes. Actuellement, l’étude des mécanismes moléculaires contrôlant le
développement embryonnaire des animaux s’appuie sur des organismes tels que le poisson
zèbre, le xénope, le poulet et la souris chez les vertébrés ainsi que la drosophile,
Caenorhabditis elegans (un vers nématode) et l’ascidie chez les invertébrés. Chaque
organisme « modèle » comporte une série d’avantages et d’inconvénients qui permettent une
certaine complémentarité de ces différents modèles. L’embryon d’amphibien Xenopus laevis
présente de nombreux avantages : les adultes s’élèvent aisément en laboratoire, les œufs sont
disponibles en grandes quantités et ce tout au long de l’année, leur développement est rapide
et externe donnant ainsi accès à l’ensemble des stades de développement.
De nombreuses techniques et outils sont disponibles pour étudier la fonction des gènes
au cours du développement embryonnaire de ces organismes. Des expériences d’hybridation
in situ ou d’immunochimie sur embryons permettent de visualiser l’expression spatiotemporelle des gènes au cours du développement. Chez le xénope, des expériences de
surexpression des gènes via la micro-injection d’ARNm ou d’ADN permettent une analyse
rapide de la fonction des gènes. Des expériences de sous-expression peuvent également être
réalisées par la micro-injection d’oligonucléotides de type morpholino bloquant la traduction
d’un ARNm cible ou son épissage ou par la surproduction de formes tronquées de protéines
fonctionnant comme «dominant négatif». De plus, ces techniques de sur- et sous-expression
permettent d’étudier les relations hiérarchiques entre les gènes ou d’interférer avec le
fonctionnement normal de plusieurs gènes simultanément, ce qui est par exemple beaucoup
plus difficile et long à réaliser chez d’autres organismes modèles tels que la drosophile ou la
souris. Plusieurs techniques rapides de transgenèse ont également été développées chez le
xénope (Kroll and Amaya, 1996; Pan et al., 2006). La transgenèse permet d’étudier la
régulation transcriptionnelle des gènes in vivo ainsi que de surexprimer un gène d’intérêt
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codant pour des formes sauvages ou mutantes de sa protéine tout en contrôlant son expression
spatio-temporelle. L’utilisation de la transgenèse permet également de la mutagenèse aléatoire
par insertion dans le génome (Bronchain et al., 1999). Enfin, la transgenèse permet la création
de lignées d’animaux où cetains tissus ou organes expriment spécifiquement la GFP, ce qui
facilite l’analyse des phenotypes provoqués par des expériences de sur- et sous-expression.
Un désavantage majeur de l’amphibien Xenopus laevis est qu’il ne se prête pas aux études
génétiques à cause de la tétraploïdie de son génome et de son temps de génération
relativement long (un an). Pour palier à ce désavantage, différents laboratoires se sont
intéressés depuis quelques années au développement de Xenopus tropicalis, une espèce très
proche de X.laevis, plus fragile, mais diploïde et mature sexuellement en quatre mois (Hirsch
et al., 2002). De plus, le génome de cette espèce a été entièrement séquencé. L’émergence de
ce nouveau modèle devrait permettre de complémenter par des méthodes génétiques l’étude
de la fonction des gènes chez l’embryon d’amphibien.
1.2. Le développement embryonnaire du xénope
Le développement embryonnaire des vertébrés est subdivisé en différentes phases définies
notamment sur base de critères morphologiques : la fécondation, le clivage, la gastrulation, la
neurulation et l’organogenèse (Fig. 1). Chez le xénope, les différents stades de développement
sont désignés par l’usage des tables de Nieuwkoop et Faber (Nieuwkoop and Faber, 1967).
Après la fécondation, le zygote subit une série de divisions mitotiques sans croissance
cellulaire. Les cellules dérivant de ces divisions sont appelées blastomères. Ces clivages
continus donnent naissance à des blastomères de plus en plus petits. L’apparition d’une cavité
au sein de l’embryon, le blastocoele, définit le stade blastula (stades 8-9). Aux stades blastula,
les différents feuillets primordiaux : ectoderme, mésoderme et endoderme ainsi que la polarité
dorso-ventrale sont spécifiés par des déterminants maternels. Les cellules du pôle animal
forment l’ectoderme qui donnera naissance à l’épiderme et au système nerveux. Les cellules
situées dans la région équatoriale correspondent au mésoderme d’où dériveront les muscles, le
tissu conjonctif, le système urogénital et le système vasculaire. Les cellules du pôle végétal
donnent naissance à l’endoderme qui est à l’origine des systèmes respiratoire et digestif.
La gastrulation est la période durant laquelle les feuillets primordiaux se mettent en
place à leur position correcte en relation avec le plan du corps de l’animal. Cette étape du
développement implique de vastes mouvements et réarrangements cellulaires. Chez le
xénope, la gastrulation commence au stade 10. Les cellules du mésoderme et de l’endoderme
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s’invaginent au niveau du blastopore et s’étendent le long de l’axe antéro-postérieur sous
l’ectoderme par des mouvements de convergence et extension. En même temps, les cellules
de l’ectoderme recouvrent l’entièreté de l’embryon par un processus appelé épibolie. Une
nouvelle cavité remplace le blastocoele : l’archentéron qui correspond au tube digestif
primitif. Durant la gastrulation, le mésoderme dorsal forme la notochorde et les somites.
Lorsque la neurulation succède à la gastrulation au stade 13, le tube neural, précurseur
du système nerveux central embryonnaire, se forme. Les premiers signes du développement
neural sont l’épaississement de l’ectoderme dorsal qui formera la plaque neurale ainsi que
l’apparition des bourrelets neuraux aux bords de celle-ci. Ces bourrelets se soulèvent et se
rejoignent pour former le tube neural pendant que la notochorde et les somites continuent de
se développer selon l’axe antéro-postérieur. A la fin de la neurulation (stades 20-21), les
principales structures reconnaissables sont le tube neural, la notochorde, les somites, le
mésoderme latéral et le tube digestif.
Après la neurulation, la phase d’organogenèse commence. La partie antérieure du tube
neural se régionalise en trois compartiments : le prosencéphale, le mésencéphale et le
rhombencéphale tandis que la partie du tube neural au dessus de la notochorde forme la
moelle épinière. Ensuite, les vésicules optiques et otiques, les arcs branchiaux, le cœur, le rein
embryonnaire, le tube digestif et ses annexes ainsi que le système hematopoïétique primaire
apparaissent. Lorsque l’organogenèse est terminée, le têtard commence à nager et à se nourrir.
Deux mois après la fécondation, la queue régresse, les membres se forment et le têtard se
métamorphose en grenouille adulte.
2. Le développement de la crête neurale
2.1. La crête neurale : une structure spécifique des vertébrés
Les vertébrés sont distingués des autres deutérostomiens par un cerveau plus élaboré entouré
d’un squelette cranio-facial et d’organes sensoriels complexes tels que le nez, les yeux et les
oreilles. Beaucoup de ces innovations de la tête des vertébrés proviennent de seulement deux
tissus embryonnaires : la crête neurale (CN) et les placodes (Schlosser, 2006; Meulemans and
Bronner-Fraser, 2004). La CN a été décrite pour la première fois dans des embryons de poulet
par Wilhem His en 1868 comme « la corde entre » (Zwischenstrang), donnant naissance aux
ganglions spinaux et craniaux. La CN est une population de cellules mutlipotentes présente de
manière transitoire uniquement chez les embryons de vertébrés. Cette population de cellules
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Introduction
naît à la jonction de l’ectoderme non-neural et de la plaque neurale, connue également sous le
nom de bourrelet neural. Durant la fermeture du tube neural, les cellules de la CN subissent
alors une transition épithélio-mésenchyme
leur
permettant
de se délaminer
du
neuroépithélium et de migrer dans l’embryon selon des chemins bien définis (Fig. 2). Les
cellules de la CN contribuent à l’élaboration de nombreux organes et de structures complexes
et se différencient en de nombreux types cellulaires tels que des mélanocytes, du cartilage, des
cellules musculaires lisses ou encore de nombreux types de neurones et cellules gliales du
système nerveux périphérique (Huang and Saint-Jeannet, 2004).
2.2. Mécanismes moléculaires impliqués dans le développement de la crête
neurale
2.2.1. La crête neurale : une structure d’origine ectodermique
Comme énoncé précédemment, la CN se forme à partir de l’ectoderme. Chez le xénope, les
trois feuillets embryonnaires, l’ectoderme, le mésoderme et l’endoderme, sont spécifiés au
stade blastula le long d’un axe animal-végétal. L’ectoderme est à l’origine de la plaque
neurale, de la CN, des placodes et de l’ectoderme non-neural qui donneront naissance
principalement au système nerveux central, périphérique et à l’épiderme. Des ARNm de
facteurs maternels sont stockés durant l’oogenèse et localisés au pôle animal ou au pôle
végétal. Après la fécondation, ces facteurs maternels orchestrent la mise en place des feuillets
embryonnaires. La polarité dorso-ventrale apparaît à la fécondation suite à un mouvement de
rotation du cytoplasme cortical vers le point d’entrée du sperme. Ce mouvement de rotation
induit une accumulation de la β-catenin, une protéine essentielle de la voie de signalisation
Wnt (Wingless Int-1), dans la partie dorsale de l’embryon (Heasman, 2006). La combinaison
de VegT (Zhang et al., 1998) et de β-catenin au niveau des cellules dorsales végétales donne
naissance au centre de Nieuwkoop. Lorsque la transcription des gènes zygotiques commence
après la transition mid-blastula, les cellules du centre de Nieuwkoop expriment les facteurs
Xnrs (Xenopus nodal related factors; Xnr1, 2, 4, 5, 6) de la famille des TGF-β (Transforming
Growth Factor β) (Agius et al., 2000). Les Xnrs, sécrétés selon un gradient dorso-ventral, vont
induire du mésoderme dans les cellules adjacentes au niveau de la zone équatoriale de la
blastula. Une forte activité des Xnrs va induire la formation d’un deuxième centre, appelé
organisateur de Spemann au niveau du futur mésoderme dorsal. Des facteurs maternels
localisés au niveau du pôle animal, Sox3 (Zhang et al., 2004) et Zic2 (Houston and Wylie,
2005), limitent l’activité des Xnrs dans cette zone. De même, Ectodermin, une ubiquitine
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ligase, contrôle la réponse des cellules aux TGF-β en régulant Smad4, un de ses médiateur
intracellulaire (Dupont et al., 2005), spécifiant ainsi l’ectoderme.
Après la spécification des trois feuillets embryonnaires, l’ectoderme va être régionalisé
d’abord en neuroectoderme et ectoderme non-neural. Les mécanismes moléculaires du
processus d’induction neurale sont relativement bien connus chez le xénope. Au stade
blastula, la β-catenin induit l’expression d’antagonistes de la voie de signalisation BMP (Bone
Morphogenetic Protein) comme Chordin et Noggin au niveau de la partie dorsale du pôle
animal, puis dans la région équatoriale dorsale (organisateur de Spemann). Ces inhibiteurs de
la voie BMP vont établir un gradient dorso-ventral d’activité des BMPs au niveau de
l’ectoderme. Cette partie dorsale du pôle animal exprimant les antagonistes des BMPs,
nommée BCNE (« Blastula Chordin Noggin Expression center »), contribuera à la formation
de la plus grande partie du tissu neural (la plaque neurale) et de la notochorde (De Robertis
and Kuroda, 2004). La partie ventrale de l’ectoderme, où le niveau d’activité des BMPs est
élevé, donnera le futur épiderme (Fig. 3).
2.2.2. Spécification de la crête neurale au sein de l’ectoderme
2.2.2.1. Les signaux extracellulaires
Ces dernières années, les bases moléculaires de l’induction de la CN ont été peu à peu
décryptées. Des expériences de dissections ont montré que la CN est induite au début de la
gastrulation chez le xénope (Mayor et al., 1995). De plus, des travaux chez le xénope et le
poulet ont suggéré que des interactions entre la plaque neurale et l’épiderme sont suffisantes
pour induire de la CN lorsque ces tissus sont juxtaposés (Seleck and Bronner-Fraser, 1995;
Mancilla and Mayor, 1996). Le rôle de plusieurs signaux extracellulaires, provenant des tissus
avoisinants, dans l’induction de la CN est bien démontré (Fig. 4). Il est aujourd’hui
communément admis que l’induction de la CN entre la plaque neurale et l’ectoderme nonneural se déroule en deux étapes. Chez le xénope et le poisson zèbre, de nombreux travaux
indiquent qu’un gradient dorso-ventral de BMPs, lié au processus d’induction neurale, est
requis pour la formation de la CN au début de la gastrulation (LaBonne and Bronner-Fraser,
1998; Nguyen et al., 1998). Une dose intermédiaire de signaux BMPs établi une zone de
compétence en bordure de la plaque neurale, alors qu’une faible dose induit la formation de la
plaque neurale et une forte dose de l’épiderme. L’importance de ce gradient de BMPs était,
jusqu’il y a peu, cependant beaucoup moins claire chez le poulet. En effet, l’addition de
BMPs au niveau de la plaque neurale induit de la CN, suggérant qu’un haut niveau de BMPs
serait requis pour la formation de la CN (Liem et al., 1995). Enfin, un haut niveau
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d’expression du ligand BMP4 est détecté dans l’ectoderme adjacent de la CN chez le poulet
(Endo et al., 2002). Récemment, une étude a montré que, plus tardivement, les signaux BMPs
sont importants pour la maintenance de l’identité de la CN durant la neurulation, en plus de
leur rôle initial dans l’établissement de la zone de compétence de la future CN (Steventon et
al., 2009). En accord avec ces données, une augmentation de l’expression de BMP4 dans la
CN au stade neurula est détectée chez le xénope (Tribulo et al., 2003). Ces derniers résultats
réconcilient donc les divergences apparentes observées chez le poulet et le xénope. Ils
suggèrent qu’une diminution des signaux BMPs est d’abord nécessaire durant l’étape initiale
d’induction de la CN tandis qu’une activation des BMPs est requise durant l’étape de
maintenance de la CN.
De nombreuses données indiquent que les signaux BMPs ne peuvent cependant
induire seuls de la CN en bordure de la plaque neurale. En plus des interactions entre la
plaque neurale et l’épiderme, un signal du mésoderme paraxial est important pour l’induction
de la CN (Mancilla and Mayor, 1996). Plusieurs travaux ont montré l’implication de la voie
de signalisation FGF (Fibroblast Growth Factor) dans le processus d’induction de la CN
(Kengaku and Okamoto, 1993; Mayor et al., 1997). il a été montré que des signaux FGFs
provenant du mésoderme paraxial sont importants pour la formation de la CN de manière
indépendante à leur rôle dans la régionalisation antéro-postérieure de l’embryon. Le ligand
FGF8, qui est détecté dans le mésoderme paraxial au moment de l’induction de la CN, a été
proposé comme source de ce signal (Monsoro-Burq et al., 2003). La présence de récepteurs
aux FGFs (FGFR) est détectée dans l’ectoderme au cours des étapes de la formation de la CN.
Parmi eux, FGFR4 est d’abord exprimé dans tout l’ectoderme au pôle animal durant la
gastrulation et est ensuite présent en bordure de la plaque neurale au début de la neurulation
(Hongo et al., 1999; Golub et al., 2000; Lea et al., 2009). Cependant, un excès de FGFs inhibe
la formation de la CN, suggérant que les signaux FGFs agissent de manière dose-dépendante
sur la CN (Hong and Saint-Jeannet, 2007).
De multiples évidences indiquent que la voie de signalisation Wnt joue aussi un rôle
important dans l’induction de la CN. La voie Wnt canonique induit la formation de la CN
chez le xénope (Saint-jeannet et al., 1997; LaBonne and Bronner-Fraser, 1998) de manière
directe, sans affecter la régionalisation antéro-postérieure de l’embryon (Wu et al., 2005). En
accord avec ces résultats, les récepteurs Wnts, Frizzled 3 et 7, sont exprimés dans la région de
la CN et sont requis pour sa formation (Deardorff et al., 2001; Abu-Elmagd et al., 2006). Des
inhibiteurs extacellulaires de la voie Wnt comme Dickkopf sont exprimés dans le
mésendoderme antérieur et inhibent la formation de la CN dans la région antérieure de la
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plaque neurale en maintenant un niveau faible de Wnts (Carmona-Fontaine et al., 2007). Chez
la souris, l’inactivation spécifique de β-catenin dans le tube neural dorsal cause des défauts
sévères dans la formation des dérivés de la CN (Brault et al., 2001). D’autres travaux ont aussi
montré un rôle de la voie Wnt canonique dans l’induction de la CN chez le poulet et le
poisson zèbre (Garcia-Castro et al., 2002; Lewis et al., 2004). La manière dont les voies FGFs
et Wnts fonctionnent comme deuxième signal en combinaison avec l’atténuation des signaux
BMPs lors de l’induction de la CN est controversée. Alors qu’il a été proposé que les signaux
Wnts et FGFs agissent en parallèle (Monsoro-Burq et al., 2005), des travaux récents ont
clairement montré que les signaux Wnts, via le ligand Wnt8, agissent en aval de la voie FGF
(Hong et al., 2008). Similairement aux BMPs, les signaux Wnts jouent à la fois un rôle dans
l’induction de la CN durant la gastrulation et dans sa maintenance durant la neurulation chez
le xénope (Steventon et al., 2009). Dans des explants de calottes animales provenant
d’embryons de xénope au stade blastula, l’inhibition de la voie BMP combinée à l’activation
de la voie FGF ou Wnt, est suffisante pour induire la formation de la CN (LaBonne and
Bronner-Fraser, 1998). Ces travaux in vitro suggèrent également que les signaux Wnts
fonctionneraient en aval des FGFs.
La voie de signalisation Notch participe aussi à la formation de la CN chez le xénope,
le poisson zèbre et le poulet (Cornell and Eisen, 2005). Chez le xénope, l’activation de la voie
Notch durant la gastrulation stimule la formation de la CN tandis que son inhibition bloque sa
formation. Il a été suggéré que les effets de Notch sur la CN pourraient être du à la répression
de la transcription de BMP4 (Glavic et al., 2004). Cependant, chez le poulet, aussi bien le gain
que la perte de fonction de Notch répriment BMP4, ce qui pourrait suggérer qu’une activité
finement régulée de Notch est essentielle au maintien d’un niveau de BMPs approprié dans la
CN (Endo et al., 2002).
2.2.2.2. Les facteurs de transcription
En réponse à ces signaux extracellulaires, différents groupes de gènes codant pour des
facteurs de transcription sont activés en bordure de la plaque neurale. Ces gènes appelés
« gènes de la bordure de la plaque neurale » vont spécifier la bordure de la plaque neurale.
Chez le xénope, ils sont exprimés dans un large domaine de l’ectoderme et sont répartis en
deux sous-groupes : soit dans l’ectoderme non-neural et en bordure de la plaque neurale soit
dans la plaque neurale et en bordure de la plaque neurale (Meuleumans and Bronner-Fraser,
2004; Huang and Saint-Jeannet, 2004) (Fig. 5). Msx1 code pour un facteur de transcription à
homéodomaine et est exprimé à la fois au niveau de la bordure de la plaque neurale et dans
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l’ectoderme non-neural. Il est connu que Msx1 joue un rôle dans les étapes précoces de la
formation de la CN et de l’épiderme (Suzuki et al., 1997; Tribulo et al., 2003; Monsoro-Burq
et al., 2005). Chez la souris, l’invalidation des gènes Msx1 et Msx2 cause des défauts du
squelette cranio-facial dérivé de la CN (Han et al., 2007). Le gène AP2α, exprimé
similairement à Msx1, code pour un facteur de transcription et est aussi un régulateur
important du développement de l’épiderme et de la CN chez le xénope (Luo et al., 2002; Luo
et al., 2003). Chez le poisson zèbre, des mutants de AP2α présentent une réduction de la CN
ainsi que des défauts dans certaines structures dérivées de la CN (Knight et al., 2003).
Le deuxième sous-groupe qui est exprimé à la fois au niveau de la plaque neurale et à
la bordure de la plaque neurale, comprend plusieurs familles de gènes codant pour des
facteurs de transcription. Pax3 et Pax7, possédant un domaine de liaison à l’ADN « paired
box », jouent un rôle dans la spécification de la CN chez le xénope (Hong and Saint-Jeannet,
2007; Sato et al., 2005; Monsoro-Burq et al., 2005) et chez le poulet (Basch et al., 2006),
respectivement. Des souris mutantes Pax3 développent de nombreux défauts des dérivés de la
CN, comme les mélanocytes ou les ganglions périphériques (Lang et al., 2000; Hornyak et al.,
2001). La famille des gènes Zic codant pour des facteurs de transcription à « doigts à zinc »,
comprend 5 membres, désignés Zic1-5, exprimés le long de la bordure de la plaque neurale
englobant la future région de la CN. Leur surexpression active l’expression des gènes
spécifiques de la CN dans l’ectoderme (Kuo et al., 1998; Nakata et al., 1997; Nakata et al.,
1998; Nakata et al., 2000; Fujimi et al., 2006). Un rôle essentiel pour le bon développement
des dérivés de la CN a également été montré chez la souris pour Zic2 et Zic5 (Elms et al.,
2003; Inoue et al., 2004). De manière intéressante, la combinaison de Pax3 et Zic1 est
suffisante pour induire in vitro de la CN dans des explants de calotte animale chez le xénope
(Sato et al., 2005). Enfin, il a été montré que SoxD, un membre atypique de la famille Sox
(Sry HMG-box), est exprimé précocement dans toute la plaque neurale et la bordure de la
plaque neurale et est capable d’induire seul de la CN dans des explants de calottes animales
chez le xénope (Mizuseki et al., 1998).
Depuis peu, des efforts ont été entrepris afin de comprendre comment les gènes de la
bordure de la plaque neurale fonctionnent en aval des voies de signalisation. Chez le xénope,
l’expression de Msx1 est régulée directement par le gradient de BMPs (Suzuki et al., 1997;
Tribulo et al., 2003). De plus, des expériences d’épistasie ont aussi montré que Msx1 est
requis en aval de la voie de signalisation FGF, tandis que l’activité des signaux Wnts sur la
CN est dépendante de Pax3 (Monsoro-Burq et al., 2005). L’analyse du promoteur du gène
Zic1 dans des embryons transgéniques, a mis en évidence que celui-ci contient un élément de
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réponse aux signaux BMPs liant ainsi la transcription de Zic1 au gradient de BMPs (Tropepe
et al., 2006).
Chez le xénope, la combinaison de ces facteurs de transcription va induire l’expression
d’un deuxième groupe de gènes spécifiquement exprimés dans la région de la CN (Fig. 5).
Ces « gènes spécifiques de la CN » codent pour des facteurs de transcription qui déterminent
la CN au niveau de la bordure de la plaque neurale. Ces gènes vont activer l’expression de
gènes dits effecteurs et vont réguler les processus de transition épithélio-mésenchyme, de
migration et de différenciation de la CN. La famille des gènes Snail codant pour des facteurs
de transcription à « doigts à zinc » joue un rôle important au cours de la spécification de la
CN. Snail2 est exprimé à partir de la fin de la gastrulation au stade 12 spécifiquement dans la
CN chez le xénope (Mayor et al., 1995). Des expériences fonctionnelles ont montré que
Snail2 est un régulateur important de la spécification de la CN et de la la transition épithéliomésenchyme (LaBonne and Bronner-Fraser, 2000; Aybar et al., 2003). Des études
biochimiques ont montré que Snail2 interagit avec des co-répresseurs de type Ajuba LIM et
fonctionne comme répresseur transcriptionnel (Langer et al., 2008). Une analyse de son
promoteur a montré que Snail2 est une cible directe de la voie Wnt canonique et qu’il contient
des sites de liaison au facteur Lef/β-catenin (Vallin et al., 2001). Chez le poulet, la
surexpression de Snail1 et Snail2 peut promouvoir la formation de la CN (Del Barrio and
Nieto, 2002). FoxD3 est un autre gène exprimé dans la CN et code pour un facteur de
transcription à motif « winged helix » appartenant à la famille « Forkhead ». De nombreux
travaux ont montré que FoxD3 joue de multiples rôles au cours de la formation de la CN chez
le xénope, le poisson zèbre et le poulet (Sasai et al., 2001, Kos et al., 2001, Stewart et al.,
2006). Les gènes Sox de la sous-famille SoxE constituent un autre groupe important de gènes
exprimés de manière restreinte dans la CN et jouent un rôle essentiel au cours de son
développement (Hong and Saint-jeannet, 2005). Chez le xénope, Sox8 est le premier gène de
la famille à être exprimé au stade 11.5 et est rapidement suivi par l’expression de Sox9 au
stade 12. Sox10 est exprimé plus tardivement durant la neurulation au stade 14. L’inhibition
de Sox8 retarde le moment d’apparition des progéniteurs de la CN, entraînant des
conséquences dramatiques pour la différenciation des différents sous-types de la CN
(O’Donnell et al., 2006). Un rôle précoce de Sox9 et Sox10 a également été montré dans la
formation des progéniteurs de la CN (Spokoni et al., 2002; Aoki et al., 2003; Lee et al., 2004).
Chez le poisson zèbre, l’inhibition de Sox9 bloque la spécification de la CN (Yan et al., 2005).
Des données préliminaires suggèrent que la sur- ou sous-expression de ces gènes spécifiques
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de la CN affecte aussitôt l’expression des autres gènes de ce groupe, ce qui suggère qu’ils
fonctionnent en un réseau génétique complexe et se régulent l’un l’autre.
2.2.2.3. Les mécanismes contrôlant la prolifération des cellules de la crête neurale
Les cellules de la CN sont bien connues pour proliférer intensément. Cependant, les
mécanismes moléculaires régulant leur division et leur survie sont actuellement très peu
connus. Chez le poulet, la surexpression d’Id2, membre de la famille Id (Inhibitor of
differentiation), régule la spécification de la CN (Martinsen and Bronner-Fraser, 1998). Cette
famille de gènes qui codent pour des facteurs HLH (Helix Loop Helix) est connue pour
inhiber l’activité de facteurs de transcription bHLH (basic Helix Loop Helix) en les
séquestrant et pour réguler le cycle cellulaire et la différenciation dans de nombreux tissus
chez les vertébrés (Norton, 2000). Elles sont importantes pour la maintenance au cours de la
formation du système nerveux d’un groupe de cellules souches neurales et agissent en
réprimant les gènes proneuronaux (Lyden et al., 1999). Chez le xénope, le gène Id3 est
exprimé au niveau de la bordure de la plaque neurale durant la gastrulation et la neurulation et
joue un rôle dans le contrôle du cycle cellulaire des cellules progénitrices de la CN (Kee and
Bronner-Fraser, 2005). Sa déplétion diminue la prolifération et augmente l’apoptose des
cellules de la CN. De plus, Id3 régule négativement l’expression de p27Xic1, un inhibiteur du
cycle cellulaire. Cependant, d’autres travaux ont montré qu’Id3, bien qu’essentiel à la
formation des progéniteurs de la CN, n’a pas d’effet sur la prolifération de ces cellules (Light
et al., 2005). De plus, ces derniers auteurs ont montré que le gène Id3 est une cible directe du
facteur de transcription à motif « bHLH leucine Zipper » c-Myc, bien connu pour contrôler la
prolifération et la survie des cellules souches embryonnaires et hématopoïétiques chez les
vertébrés (Wilson et al., 2004; Murphy et al., 2005). Bien que des expériences de pertes de
fonction ont démontré un rôle de c-Myc dans la formation de la CN, ces dernières n’ont pu
mettre en évidence l’implication de c-Myc dans le contrôle de leur prolifération (Bellmeyer et
al., 2003).
Les mécanismes qui lient les signaux extracellulaires et la prolifération des cellules de
la CN, restent mal définis à ce jour. Il est connu cependant que le gène Id3 est une cible
directe des voies de signalisation BMP et Notch (Von Bubnoff et al., 2005; Liu and Harland,
2003; Reynaud-Deonauth et al., 2002) tandis que c-Myc fonctionne en aval de la voie Wnt
dans la CN (Bellmeyer et al., 2003) et les cancers colorectaux (Van de Wetering et al., 2002).
Enfin, il a été suggéré que plusieurs gènes mentionnés ci-dessus pourraient aussi jouer un rôle
dans la prolifération et la survie des cellules de la CN, en plus de leur rôle dans la
10
Introduction
spécification (Steventon et al., 2005). Par exemple, Snail2 joue aussi un rôle important dans la
survie des cellules de la CN chez le xénope (Tribulo et al., 2004). Chez la souris, FoxD3 est
nécessaire à la maintenance des progéniteurs de la CN (Teng et al., 2008).
2.2.3. Transition épithelio-mésenchyme, migration et différenciation de la crête neurale
Durant la neurulation, le tube neural se referme et les cellules de la CN se retrouvent dans la
partie dorsale de celui-ci. Au cours de ce processus, les cellules de la CN subissent une
transition épithélio-mésenchyme (EMT). Dès que les cellules épithéliales de la CN deviennent
compétentes pour répondre aux signaux inducteurs de l’EMT, celles-ci perdent leurs
propriétés d’adhésion cellulaire complexes ainsi que leur polarité apico-basale. L’architecture
et le cytosquelette des cellules de la CN sont également réorganisés. Le processus d’EMT
implique aussi l’expression de métalloprotéases (MMPs) qui dégradent la membrane basale et
la matrice extracellulaire environnante de ces cellules pour leur permettre de se délaminer de
la couche épithéliale. Les cellules de la CN acquièrent alors des propriétés invasives et
migrent à travers la matrice extracellulaire (Acloque et al., 2009) (Fig. 6). Les gènes Snail
sont des régulateurs importants de l’EMT des cellules de la CN. Chez la souris, Snail1 et
Snail2 répriment l’expression de E-cadherin, un gène codant pour une protéine impliquée
dans les interactions entre cellules épithéliales (Cano et al., 2000). De manière similaire, chez
le poulet, Snail2 réprime l’expression de cadherin6B dans la CN en se liant à son promoteur
(Taneyhill et al., 2007). Un autre facteur de transcription, Twist, qui est exprimé dans la CN et
est requis pour sa formation, joue un rôle dans l’EMT en réprimant E-cadherin (Soo et al.,
2002; Yang et al., 2004). Récemment, il a été montré que les GTPases RhoA sont impliquées
dans le contrôle de la dynamique des microtubules durant l’EMT (Nakaya et al., 2008).
D’autres travaux ont montré que les facteurs Snails activent in vitro l’expression des
métalloprotéases MMP2, MMP3 et MMP9 (Jorda et al., 2005; Kuphal et al., 2005). Chez le
xénope, les MMPs de la famille ADAM ont été identifiés comme importantes pour la
migration des cellules de la CN (Alfandari et al., 2001; McCusker et al., 2009).
Ensuite, les cellules de la CN se délaminent du tube neural après sa fermeture, migrent
selon des chemins bien définis et contribuent à des types de cellules et tissus spécifiques selon
leur origine (Trainor, 2005). Selon leur postion rostro-caudale, les cellules de la CN peuvent
être divisées entre 4 sous-groupes majeurs : les cellules craniales, cardiaques, vagales et
troncales. La segmentation de la CN en plusieurs sous-groupes est régulée principalement par
des protéines transmembranaires de la famille des éphrines et sémaphorines (Kuryama and
Mayor, 2008). Slit et Robo, qui codent respectivement pour des protéines sécrétées et des
11
Introduction
récepteurs transmembranaires, sont aussi impliqués dans la guidance des cellules de la CN
chez le poulet (Shiau et al., 2008) (Fig. 7). Chez le xénope, la voie de signalisation Wnt
régule la migration des cellules de la CN. Des expériences de transplantation de tissus ont
montré que Wnt11 stimule la migration des cellules de la CN en activant la branche Wnt noncanonique, également appelée voie PCP (Planar Cell Polarity pathway), et les GTPases RhoA
(De Calisto et al., 2005; Matthews et al., 2008). Ces travaux ont également montré que la voie
Wnt non-canonique contrôle la direction et la cohérence de la migration des cellules de la CN
(Carmona-Fontaine et al., 2008).
Durant leur migration, les cellules de la CN entament un processus de différenciation.
Plusieurs travaux ont montré que les voies de signalisation, notamment Wnt et BMP, jouent
un rôle réitératif au cours du développement de la CN et qu’elles instruisent la différenciation
de ces cellules en types spécifiques (Raible and Ragland, 2005). Les signaux BMPs régulent
la différenciation des neurones noradrénergiques du système nerveux symphatique chez la
souris et le poulet (Reissmann et al., 1996; Christiansen et al., 2000). L’activation de la voie
Wnt promeut la formation des mélanocytes au dépend des neurones et des cellules gliales
(Dorsky et al., 1998). De même, la voie de signalisation Notch inhibe la différenciation des
neurones chez le poisson zèbre (Cornell and Eisen, 2000) et chez le poulet durant la formation
des ganglions de la racine dorsale, une structure dérivée de la CN (Wakamatsu et al., 2000).
Les membres de la famille SoxE jouent également un rôle plus tardif dans la différenciation
de différents types de cellules de la CN. L’invalidation conditionnelle de Sox9 dans la CN
empêche la différenciation des chondrocytes chez la souris (Mori-Akiyama et al., 2003). Chez
le xénope, la déplétion de Sox9 provoque des défauts d’éléments squeletiques de la tête sans
affecter le développement des mélanocytes (Spokoni et al., 2002). La surexpression de Sox10
est suffisante pour activer le programme de différenciation des mélanocytes (Aoki et al.,
2003). De même, FoxD3 favorise la destinée gliale des cellules de la CN et réprime la
formation des mélanocytes chez le poulet au cours de la différenciation tardive des cellules de
la CN (Thomas and Erickson, 2009).
2.3. Crête neurale et cancer
Parce que les cellules de la CN contribuent à de nombreux tissus, un développement anormal
de celle-ci et de ses dérivés peut avoir des conséquences dramatiques. De nombreuses
tumeurs malignes sont originaires de cellules de la CN. Les mélanomes, gliomes,
neuroblastomes et phéochromocytomes ainsi que des pathologies complexes telles que le
12
Introduction
syndrome de Waardenburg-shah, le syndrome de DiGeorge, la maladie de Hirschsprung ou la
dysplasie frontonasale sont causés par des dysfonctionnements des cellules de la CN.
Plusieurs travaux ont montrés que de nombreux médiateurs moléculaires impliqués dans la
formation de la CN ne fonctionnent pas de manière appropriée dans ces cancers (HeegTruesdell and LaBonne, 2004; Acloque et al., 2009 ). Par exemple, les souris mutantes Pax3
et Sox10 servent de modèle à l’étude du syndrome de Waardenburg et la maladie de
Hirschsprung (Read, 2000; Parisi and Kapur, 2000). Les gènes de la famille Id et de la voie
Notch sont surexprimés dans certaines lignées de cellules de neuroblastomes (Jögi et al.,
2002; Pahlman et al., 2004).
Dans les cancers métastasiques, les cellules cancéreuses primaires se disséminent dans
tout l’organisme via le système circulatoire pour aller ensuite former des tumeurs secondaires
ou métastases. De plus en plus de données suggèrent que les cellules cancéreuses
métastasiques ont des caractéristiques analogues de celles des cellules de la CN (EMT,
délamination, migration). Des mutations des gènes Snail1 et Twist ainsi qu’une activation de
l’expression de MMPs ont été observées dans de nombreux types de cellules cancéreuses
humaines (Kuphal et al., 2005; Yang et al., 2004; Kuriyama and Mayor, 2008). Ces travaux
suggèrent aussi que l’EMT pourrait être la première étape de la cascade métastasique. Une
meilleure compréhension des mécanismes moléculaires de la formation de la CN, de sa
migration et de sa différenciation représente une étape importante dans la compréhension du
fonctionnement de tumeurs dérivées de la CN et des propriétés invasives des cancers
métastasiques. En conclusion, les cellules de la CN constituent un modèle de choix pour
étudier les différents mécanismes régulant la prolifération, la différenciation et la migration
cellulaire, qui pourrait conduire à terme à des thérapies ciblées pour le traitement de certains
cancers.
3. Hairy2
3.1. Le gène Hairy2 et la famille Hairy and Enhancer of Split
Les gènes de la famille Hairy and Enhancer of Split codent pour des facteurs de transcription
à motif bHLH apparentés au gène Hairy, initialement identifié chez la drosophile.
De
nombreux membres de cette famille ont été identifiés par la suite dans tous le groupes de
vertébrés, chez l’homme, la souris, le poulet, le xénope et le poisson zèbre. La signature
principale de cette famille est la présence d’un domaine Orange localisé du côté C-terminal du
13
Introduction
domaine bHLH. Sur base de la présence de ce domaine, ces protéines sont aussi appelées
bHLH-Orange (bHLH-O). Elles peuvent être classées en quatre sous-familles selon leur
structure primaire en acides aminés : Hairy, Enhancer of Split, HRT et Stra13 (Davis and
Turner, 2001) (Fig. 8). La nomenclature des bHLH-O est compliquée et provient de
l’identification indépendante de ces gènes par de nombreux laboratoires ainsi que de leur forte
ressemblance structurale. Chez le poulet et le xénope, la distinction entre les sous-familles a
été maintenue. Chez les mammifères et le poisson zèbre, les membres de la sous-famille
Hairy et Enhancer of Split ont été nommés HES (Hairy and Enhancer of Split) et Her (Hairy
and enhancer of split related), respectivement.
Hairy2 a été identifié initialement au laboratoire comme un partenaire protéique d’un
autre facteur bHLH-O, HRT1, lors d’un criblage double-hybride en levure (Van Wayenbergh
et al., 2003). Le gène Hairy2 de xénope fait partie de la sous-famille Hairy. Cette sous-famille
comprend deux membres, Hairy1 et Hairy2. Des homologues de Hairy1 et Hairy2 ont été
identifiés chez les autres vertébrés, bien que leur identification exacte soit parfois difficile.
cHairy1 (Palmeirim et al., 1997) et cHairy2 (Jouve et al., 2000) chez le poulet et Her6 (Pasini
et al., 2001) et Her9 (Leve et al., 2001; Bae et al., 2005) chez le poisson zèbre ont été
identifiés comme homologues respectifs de Hairy1 et Hairy2 de xénope. Curieusement, le
nombre de bHLH-O chez les mammifères est plus réduit que chez les vertébrés inférieurs,
bien que le nombre de gènes d’autres familles de facteurs de transcription soit généralement
plus important chez les mammifères (Davis and Turner, 2001). Ainsi, chez la souris, il
n’existe qu’un seul homologue commun à Hairy2 et Hairy1 de xénope, appelé Hes1
(Takebayashi et al., 1994).
3.2. Expression du gène Hairy2
Chez le xénope, Hairy2 est présent maternellement et est exprimé dans tout l’ectoderme
présomptif au stade blastula. Durant la gastrulation, au stade 10, l’expression de Hairy2
disparaît de l’ectoderme et est détectée dans le mésoderme au niveau de la couche profonde
de la lèvre blastoporale. Aux stades 11 à 13, Hairy2 est exprimé dans le mésoderme de la
plaque préchordale mais pas dans le chordamésoderme plus postérieur. De plus, Hairy2
commence à être également exprimé de manière régionalisée dans l’ectoderme. De la fin de la
gastrulation à la neurulation, des transcrits de Hairy2 sont détectés dans le plancher du tube
neural et dans toute la bordure de la plaque neurale incluant les futures cellules de la crête
neurale et des cellules de la partie antérieure de la plaque neurale. Enfin, plus tardivement,
14
Introduction
Hairy2 est exprimé aussi dans le pronéphros (le rein embryonnaire des vertébrés inférieurs),
les yeux, le chiasma optique, les rhombomères du cerveau postérieur et dans les limites entre
les cerveaux antérieur, moyen, postérieur et la moelle épinière (Tsuji et al., 2003) (Fig. 9).
L’expression des homologues de Hairy2 est également détectée dans la CN en
formation chez les autres vertébrés. Her9 est exprimé précocement en bordure de la plaque
neurale et dans le plancher du tube neural durant la fin de la gastrulation chez le poisson zèbre
(Leve et al., 2001). Chez le poulet, Hairy2 est exprimé dans la bordure de la plaque neurale au
niveau des bourrelets neuraux céphaliques (Endo et al., 2002; Cornell and Eisen, 2005). Hes1
est aussi exprimé dans le système nerveux périphérique en développement chez la souris.
Hes1 est détecté au stade E10.5 au niveau du tube neural dorsal, dans les ganglions crâniens et
les ganglions rachidiens. De manière intéressante, Hes1 est exprimé dans les cellules de la
périphérie des ganglions, là où les cellules indifférenciées sont localisées (Hatakeyama et al.,
2006). L’ensemble de ces travaux montrent que l’expression de Hairy2 dans la CN serait
conservée chez les vertébrés.
3.3. Propriétés biochimiques de la protéine Hairy2
Hairy2 code pour un facteur de transcription bHLH-O de 282 et 278 acides aminés pour le
pseudoallèle Hairy2a (Ac : AF383159) et Hairy2b (Ac : AF383160), respectivement (Fig. 10).
Hairy2 se lie à l’ADN par une région riche en acides aminés basiques adjacente au domaine
HLH. Les bHLH-O se lient à des séquences cibles de type E box de type A (CANNTG), B
(CANGTG), C (CANGCG) ou N box (CACGAG) (Davis and Turner, 2001). Des études de la
structure cristalline de la protéine bHLH E47 ont démontré que des dimères forment un
ensemble parallèle de quatre hélices qui permet aux domaines basiques de prendre contact
avec le sillon majeur de l’ADN (Ellenberger et al., 1994). Curieusement, la région basique des
bHLH-O diffère des autres bHLH et possède un résidu proline à une position conservée. Il est
possible que cette proline induise une structure locale différente, qui pourrait changer de
manière subtile l’affinité et la capacité de liaison aux E box ou N box. En effet, il a été montré
que le domaine basique de MyoD comporte une thréonine au lieu d’une proline et qu’elle est
importante pour la spécificité de liaison à l’ADN de MyoD (Davis et al., 1990).
Le domaine HLH permet aux bHLH-O de former des homodimères ou hétérodimères
avec d’autres protéines comprenant un domaine HLH. Des liaisons stables entre les domaines
HLH sont favorisées par des interactions de van der Waals entre les résidus hydrophobiques.
Le domaine Orange est aussi connu pour jouer un rôle dans la dimérisation. Ce domaine
15
Introduction
permet de sélectionner de manière précise le(s) partenaire(s) protéique(s) des bHLH-O et leur
confère une spécificité fonctionnelle. Des travaux précédents au laboratoire ont montré que
Hairy2 dimérise avec HRT1 mais pas avec ESR9, un autre bHLH-O et que les domaines HLH
et Orange sont tous les deux requis pour cette interaction (Taelman et al., 2004). Une structure
ayant une fonction similaire est également présente dans d’autres groupes de bHLH comme
les bHLH-PAS et les bHLH-zip (Davis and Turner, 2001).
Les facteurs de transcription bHLH-O sont bien connus pour réprimer l’expression de
gènes cibles. Ils peuvent agir selon deux mécanismes distincts : répression active ou passive
(Kageyama et al., 2007a). La répression active dépend de la capacité des bHLH-O de réprimer
directement la transcription de gènes cibles. Cette fonction nécessite la capacité de se lier à
l’ADN et implique le recrutement de corépresseurs généraux. Pour ce faire, les bHLH-O
possèdent un motif WRPW à leur extrémité C-terminale qui interagit avec le corépresseur
Groucho, l’homologue des TLE de mammifères (Paroush et al., 1994). Ces corépresseurs
recrutent à leur tour des histones déacétylases (HDACs) qui vont inactiver la chromatine
localement et ainsi permettre aux facteurs bHLH-O de réprimer l’expression de leurs gènes
spécifiques (Chen and Courey, 2000). Les bHLH-O fonctionnent aussi comme inhibiteurs
compétitifs, en interagissant avec d’autres bHLH et en les séquestrant. Plusieurs travaux ont
montré que la capacité des bHLH-O à fonctionner comme répresseurs passifs ne dépend pas
de leur liaison à l’ADN ou du recrutement de Groucho. Chez la drosophile, des dissections
fonctionnelles de la protéine Hairy ont montré que le domaine Orange et la région localisée
entre celui-ci et le motif WRPW sont importants pour exercer certaines activités de répression
(Dawson et al., 1995). Similairement, un mutant Her4 ne contenant pas de motif WRPW peut
toujours inhiber la neurogenèse chez le poisson zèbre (Takke et al., 1999). De même, un
mutant de Hes6 incapable de se lier à l’ADN ou délété de son motif WRPW conserve sa
fonction durant la neurogenèse (Koyano-Nakagawa et al., 2000).
Hairy2 comporte aussi deux domaines dont la fonction précise n’est pas encore connue
et qui sont présents uniquement chez les membres de la sous-famille Hairy. Il s’agit d’une
petite séquence conservée dans la région intermédiaire entre le domaine Orange et le motif
WRPW. Cette séquence pourrait jouer le rôle de domaine d’interaction protéine-protéine
additionnel (Davis and Turner, 2001). Enfin, Hairy2 possède un domaine N-terminal, situé
avant le domaine basique et présent uniquement chez les membres de la sous-famille Hairy.
Aucune fonction particulière n’est connue à ce jour pour ce domaine N-terminal.
16
Introduction
3.4. Fonctions de Hairy2
3.4.1. Au cours du développement embryonnaire
Comme décrit précédemment, les bHLH-O fonctionnent comme des répresseurs
transcriptionnels et régulent une grande variété de processus biologiques dans de nombreux
organes chez les vertébrés et invertébrés. Les bHLH-O régulent notamment la maintenance
des cellules à l’état indifférencié et répriment la différenciation cellulaire (Ohtsuka et al.,
1999; Ohtsuka et al., 2001). Ils participent également à la régionalisation de l’embryon dans
des processus comme la segmentation des somites (Palmeirim et al., 1997; Pourquié, 2003) et
la formation de jonctions spécialisées entre différentes parties du cerveau (Shinga et al., 2001;
Baek et al., 2006). De plus, les bHLH-O régulent aussi la destinée cellulaire et participent à la
génération de la diversité des types cellulaires (Kageyama et al., 2000; Wu et al., 2003). Dans
beaucoup de ces processus, les bHLH-O fonctionnent comme effecteurs de la voie de
signalisation Notch (Artavanis-Tsakonas et al., 1999). Par exemple, Hes1 est régulé par Notch
dans les progéniteurs neuraux (Ohtsuka et al., 1999). Cependant, dans des souris invalidées
pour Notch1 ou son médiateur Su(H)/RBPJk, une diminution de l’expression de Hes5 mais
pas de Hes1, est observée (de Lapompa et al., 1997; Hitoshi et al., 2002). Chez le xénope,
ESR6e est activé par Notch dans l’ectoderme non-neural au cours du développement de
l’épiderme mais pas dans le neuroectoderme (Deblandre et al., 1999). La régulation de
l’expression des gènes bHLH-O est donc clairement contexte dépendante. Elle implique ou
non la voie de signalisation Notch, selon le tissu et le stade de développement considéré.
Chez le xénope, la plupart des études réalisées sur le gène Hairy2 se sont focalisées
sur sa fonction durant le développement du mésoderme. Hairy2 joue un rôle dans la
régionalisation du mésoderme dorsal au niveau de l’organisateur de Spemann et favorise le
développement du mésoderme préchordal, plus antérieur, au détriment du chordamésoderme.
Ces travaux ont montré d’une part, que Hairy2 inhibe la formation du mésoderme ventral et
du chordamésoderme en réprimant la transcription de gènes cible et d’autre part, que Hairy2
active l’expression de gènes du mésoderme préchordal de manière indirecte en séquestrant
des corépresseurs (Yamaguti et al., 2005; Murato et al., 2006). Il a également été montré que
Hairy2, en aval de la voie Notch, favorise le développement du plancher du tube neural en
réprimant les gènes de la notochorde (Lopez et al., 2005). La fonction de Hairy2 durant la
formation de la CN a aussi été approchée chez le xénope. Des expériences de surexpression
ont suggéré que Hairy2 fonctionne comme effecteur de la voie Notch dans la CN et qu’il
réprime l’expression de BMP4 au niveau de la bordure de la plaque neurale (Glavic et al.,
17
Introduction
2004). Récemment, une fonction de Hairy2 dans le développement du cristallin de l’œil a
également été mise en évidence. Hairy2 régulerait la formation du cristallin en contrôlant
l’expression d’un inhibiteur du cycle cellulaire p27Xic1 (Murato and Hashimoto, 2009).
La fonction des homologues de Hairy2 a également été étudiée chez les autres
vertébrés. Chez le poisson zèbre, Her9 est connu pour jouer un rôle dans la mise en place des
domaines proneuronaux (Bae et al., 2005) et dans la formation du plancher du tube neural en
inhibant le développement de la notochorde (Latimer et al., 2005). Ces travaux ont aussi
montré que Her9 n’est pas régulé par la voie de signalisation Notch mais par les signaux
BMPs et nodal. La fonction de Her9 dans la CN reste cependant encore inconnue à ce jour.
Chez le poulet, cHairy2 pourrait participer au processus de segmentation des somites (Jouve
et al., 2000). Bien qu’il aie été montré que Notch active l’expression de cHairy2 au niveau de
la bordure de la plaque neurale, sa fonction durant la formation de la CN n’a pas encore été
étudiée (Endo et al., 2002). La fonction de Hes1 chez la souris est extrêmement bien
documentée. Hes1 régule de multiples aspects du développement neural, comme la
différenciation des neurones ou la régionalisation du neuroectoderme (Ishibashi et al., 1995;
Kageyama et al., 2005; Kageyama et al., 2008), mais aussi dans le développement de
nombreux autres organes tels que le pancreas, le système digestif, la rétine, le système
lymphatique et sanguin ou encore dans la segmentation des somites (Kageyama et al., 2000;
Fukuda et al., 2006; Lee et al., 2005; Tomita et al., 1999; Jouve et al., 2000). Hes1 jouerait
également un rôle dans le système nerveux périphérique. En effet, bien que dans les souris
Hes1 mutantes, aucune anomalie ne soit observée au niveau du système nerveux périphérique,
les souris doubles mutantes Hes1 et Hes5 présentent des défauts au niveau des ganglions de la
racine dorsale et des nerfs crâniens (Hatakeyama et al., 2006). Le rôle précis de Hes1 dans les
étapes initiales de la formation de la CN reste cependant encore aujourd’hui mal connu.
3.4.2. Hairy2/Hes1, cycle cellulaire et cancer
Comme énoncé précédemment, Hes1 joue un rôle dans le maintien des cellules neurales à
l’état indifférencié en réprimant la différenciation neuronale (Ohtsuka et al., 2001). De
nombreux travaux montrent que Hes1 régule le cycle cellulaire au cours du développement
embryonnaire. Hes1 est important pour le renouvellement des cellules souches neurales et
réprime l’expression de p27Kip1, un inhibiteur du cycle cellulaire (Nakamura et al., 2000;
Murata et al., 2005; Kageyama et al., 2007a). Des cellules souches hématopoïétiques
humaines surexprimant Hes1 présentent un taux de survie plus élevé et une capacité de
prolifération plus importante dans des expériences de reconstitution in vivo (Shojaei et al.,
18
Introduction
2005). En accord avec un rôle de Hes1 dans le cycle cellulaire et la différenciation, de
nombreux laboratoires ont montré qu’une dérégulation de Hes1 est observée dans de
nombreux cancers, notamment ceux dérivés de cellules de la CN. Hes1 favorise notamment la
progression de mélanomes en inhibant l’expression de MAP2 (Bhat et al., 2006). Dans des
neuroblastomes, Hes1 est surexprimé et inhibe la différenciation cellulaire, permettant aux
cellules de la tumeur de continuer à proliférer (Jögi et al., 2002; Axelson, 2004; Stockhausen
et al., 2005). Dans un modèle murin d’ostéosarcome, le potentiel métastatique et invasif de la
tumeur est directement proportionnel au niveau d’expression de Hes1 (Zhang et al., 2008;
Engin et al., 2009). Cependant, une augmentation de Hes1 peut, dans certains cas, inhiber la
croissance et la prolifération des tumeurs (Kunnimalaiyaan et al., 2005; Yin et al., 2009). Ces
études suggèrent que des niveaux précis de Hes1 régulent le cycle cellulaire et la
différenciation de manière fine et qu’une perturbation de son activité normale engage les
cellules dans un processus de transformation cancéreuse. Une meilleure compréhension des
mécanismes et modes d’action de Hairy2/Hes1 durant le développement embryonnaire
permettrait de mieux comprendre sa fonction dans les cancers et d’envisager des thérapies
ciblées.
4. Stat3
4.1. Le gène Stat3 et la famille Stat
Stat3 a été décrit pour la première fois comme une protéine se liant à l’ADN dans des
hépatocytes traités par IL-6 et capable d’interagir avec des éléments de réponse de gènes
« acute-phase » (Wegenka et al., 1993; Akira et al., 1994). Le gène Stat3 fait partie de la
famille Stat (« Signal Transducers and Activator of Transcription »), nommée d’après le rôle
de ses membres à la fois dans la transduction du signal et dans la transcription. Ces gènes
codent pour des facteurs de transcription latents dans le cytoplasme qui sont activés
transitoirement par des signaux extracellulaires. Ces signaux extracellulaires, par
l’intermédiaire de récepteurs et de kinases, phosphorylent les protéines Stats au niveau d’un
résidu tyrosine. Ensuite, les protéines Stats activées dimérisent, entrent dans le noyau des
cellules et activent la transcription de leurs gènes cibles (Levy and Darnell, 2002). La famille
des gènes Stats comprend 7 membres chez les mammifères : Stat1, Stat2, Stat3, Stat4, Stat5a,
Stat5b et Stat6 (Fig. 11). Des homologues de Stat3 et d’autres Stats ont été identifiés chez le
poisson zèbre (Stat1, Stat3, Stat5 et Stat6), chez le xénope (Stat1, Stat3 et Stat5) et chez le
19
Introduction
poulet (Stat3) (Lim and Cao, 2006; Wishingrad et al., 1997; Nishinakamura et al., 1999;
Pascal et al., 2001; Turpen et al., 2001; Lewis and Ward, 2004; Low et al., 2006). Chez la
drosophile, il n’existe qu’un seul homologue : Stat92E (Yan et al., 1996a).
4.2. Expression du gène Stat3
Chez le xénope, Stat3 est exprimé de manière maternelle et zygotique. Son expression est
ubiquitaire dans l’embryon du stade une cellule jusqu’à la gastrulation. Plus tard, durant la
neurulation, Stat3 est détecté principalement dans le neuroectoderme (Nishinakamura et al.,
1999).
Chez le poisson zèbre, l’expression de Stat3 est aussi ubiquitaire aux stades blastula et
gastrula. Durant la fin de la gastrulation, Stat3 est détecté au niveau du mésendoderme axial
antérieur et dans certaines parties du neuroectoderme (Oates et al., 1999; Yamashita et al.,
2002). Chez la souris, Stat3 est présent maternellement et est exprimé de manière ubiquitaire
dans l’embryon ainsi que dans les tissus extraembryonnaires des premiers stades de
développement (Duncan et al., 1997). Durant le développement plus tardif, Stat3 est exprimé
dans tous les tissus comme la peau, le thymus, les cellules sanguines et le système nerveux
(Levy and Lee, 2002). L’expression ubiquitaire du gène Stat3 chez le xénope et les autres
vertébrés suggère que celui-ci joue de multiples rôles au cours du développement et que son
activation est régulée par de multiples signaux extracellulaires.
4.3. Propriétés biochimiques de Stat3
Stat3 code pour un facteur de transcription dont la structure générale est bien conservée parmi
les membres de la famille Stat. Le gène Stat3 de xénope code pour une protéine de 770 acides
aminés (Ac : NM_001096733) comprenant successivement un domaine N-terminal, un
domaine coiled-coil, un domaine de liaison à l’ADN, un domaine linker, un domaine SH2
(Src Homology 2) et un domaine de transactivation (Fig. 12). Le domaine de liaison à l’ADN
se trouve au centre de la protéine Stat3 et lui permet de se lier à des séquences consensus de
type TTNNNNNAA ou TTCNNNNGAA (Bromberg, 2001; Lim and Cao, 2006). Des études
crystallographiques ont montré que ces acides aminés forment des feuillets plissés β et sont
importants pour la liaison des dimères Stat3 à l’ADN (Becker et al., 1998).
Comme énoncé ci-dessus, Stat3, après activation par des signaux extracellulaires,
dimérise et se transloque dans le noyau où il se lie sur ses gènes cibles sous forme de dimères
ou de tétramères. Le domaine N-terminal est connu pour jouer un rôle lors dans la formation
20
Introduction
des dimères et des tétramères (Vinkemeier et al., 1998) et lui permet aussi d’interagir avec
d’autres protéines (Lim and Cao, 2006). Le domaine coiled-coil est constitué d’hélices lâches
qui peuvent interagir entre elles ou avec d’autres protéines. Ce domaine coiled-coil est
important notamment pour l’interaction de Stat3 avec c-Jun et, un de ses régulateurs négatifs,
GRIM-19 (Zhang et al., 1999; Lufei et al., 2003). De plus, ce domaine est aussi essentiel pour
la liaison de Stat3 au récepteurs (Zhang et al., 2000). En position C-terminale du domaine de
liaison à l’ADN, le domaine linker est impliqué dans l’activation de la transcription et dans
des interactions protéines-protéines (Yang et al., 1999; Zhang et al., 2000). De plus, il a
également été démontré que le domaine linker est important pour la stabilité du domaine de
liaison à l’ADN (Yang et al., 2002).
Le domaine SH2 de Stat3 est le domaine le plus conservé dans la famille Stat. Ce
domaine est connu pour interagir avec des phospho-protéines. De plus, il est directement suivi
d’une tyrosine (Tyr705) qui va être phosphorylée par des signaux extracellulaires. Grâce à
cette propriété, le domaine SH2 est d’une importance cruciale pour l’association aux
récepteurs et la formation des phospho-dimères de Stat3 (Lim and Cao, 2006). Enfin, Stat3
comporte un domaine activateur de la transcription à son extrémité C-terminale, qui est le
domaine le moins conservé entre les différents membres de la famille Stat. Le domaine de
transactivation est impliqué dans des interactions protéines-protéines et permet à Stat3 de
recruter des co-activateurs tels que CBP/p300 et NCoA (Paulson et al., 1999; Wang et al.,
2005; Giraud et al., 2002). Ce domaine comporte également une sérine particulière (Ser727)
qui peut être aussi phosphorylée par des signaux extracellulaires (Lim and Cao, 2006).
4.4. Régulation de Stat3
La protéine Stat3 est régulée par de nombreuses modifications post-traductionnelles,
impliquant divers mécanismes. Ces modifications telles que la phosphorylation, l’acétylation,
la méthylation, l’ubiquitination, la SUMOyilation et les interactions protéines-protéines
affectent l’activité de Stat3.
4.4.1. Les mécanismes d’activation de Stat3
4.4.1.1. La phosphorylation
La phoshorylation de Stat3 au niveau de la Tyr705 est un pré-requis pour son activation. Des
expériences de mutation ponctuelle ont montré l’importance de cette tyrosine (Stat3Y705F)
pour la capacité de Stat3 à dimériser, entrer dans le noyau et activer ses gènes cibles. Cette
21
Introduction
phosphorylation particulière, se produit en réponse à de nombreux signaux extracellulaires de
plusieurs types. Ces signaux peuvent être des cytokines, des facteurs de croissance ou des
peptides qui fonctionnent par l’intermédiaire de récepteurs de la famille des RTKs (Receptor
Tyrosine Kinase) (Levy and Darnell, 2002) (Fig. 13). Certains récepteurs de la famille RTKs
possèdent une activité tyrosine kinase intrinsèque et peuvent phosphoryler directement la
protéine Stat3. Par exemple, les récepteurs EGF (Epidermal Growh Factor) et PDGF (Platelet
Derived Growth Factor) activent directement Stat3 (Vignais et al., 1996; Leaman et al., 1996;
Park et al., 1996). Les récepteurs possédant 7 domaines transmembranaires (7TM), peuvent
aussi, dans certains cas, activer la phosphorylation de Stat3 (Luchtefeld et al., 2001; Park et
al., 2000). Récemment, il a été montré que Stat3 peut être aussi recruté et activé par
EphrinB1, un ligand transmembranaire aux récepteurs Eph. Cependant, la signification de
cette interaction n’est pas encore connue à ce jour (Bong et al., 2007).
Les récepteurs ne possédant pas d’activité tyrosine kinase intrinsèque activent et
phosphorylent Stat3 de manière indirecte via des kinases. Parmi les tyrosines kinases qui
phosphorylent Stat3, la famille la plus connue est celle des JAKs (Janus Associated Kinase).
Quatre membres ont été identifiés chez les mammifères : Jak1, Jak2, Jak3 et Tyk2. Ces
kinases possèdent aussi un domaine SH2 leur permettant d’interagir avec des phosphoprotéines. De plus, elles comprennent aussi un domaine N-terminal impliqué dans des
interactions sélectives avec les récepteurs et un domaine catalytique en C-terminal (Levy and
Darnell, 2002). Lors de la dimérisation du récepteur, celui-ci va recruter et phosphoryler les
JAKs. Ensuite, les JAKs phosphorylent l’extrémité C-terminale du récepteur et recrutent
Stat3. La proximité entre Stat3 et le récepteur va dès lors permettre la phosphorylation de
Stat3 (Fig. 14). Stat3 peut aussi être phosphorylé par des kinases de la famille Src.
Contrairement aux JAKs, les Src peuvent phosphoryler Stat3 de manière indépendante, sans
se lier à des récepteurs. Les Src peuvent également amener Stat3 au niveau des récepteurs
7TM (Yu et al., 1995; Cao et al., 1996; Garcia and Jove, 1998).
La phosphorylation de Stat3 au niveau de la Ser727 a aussi été étudiée (Decker and
Kovarik, 2000) et peut se produire parfois de manière indépendante à celle de la Tyr705
(Ceresa et al., 1996; Gotoh et al., 1996). Initialement, cette phosphorylation a été découverte
grâce à la présence d’un site consensus PMSP pour les MAPK (Mitogen Associated Protein
Kinase) dans la partie C-terminale de Stat3 au niveau du domaine de transactivation. De
nombreuses kinases telles que ERK1/2, p38, JNK et PKC-δ peuvent phosphoryler cette sérine
(Jain et al., 1998; Zauberman et al., 1999; Turkson et al., 1999; Jain et al., 1999). La fonction
de la Ser727 est actuellement peu connue. Il a été suggéré que cette phosphorylation serait
22
Introduction
requise pour l’activité transcriptionnelle maximale de Stat3 sans modifier les propriétés de
liaison à l’ADN (Wen and Darnell, 1997). En accord avec ceci, une diminution de 50% de
l’activité transcriptionnelle de Stat3 dans des fibroblastes de souris possédant une mutation de
la Ser727 a été observée (Shen et al., 2004). Enfin, d’autres travaux ont montré que la
phosphorylation de la Ser727 régule négativement la phosphorylation en Tyr705 (Chung et
al., 1997a; Jain et al., 1998).
4.4.1.2. L’acétylation
Stat3 peut aussi être acétylé par des histones acétyl-transferases (HATs) telles que PCAF,
GCN5 et CBP/p300 au niveau d’une lysine en C-terminal (Lys685) qui interagissent avec
Stat3 au niveau du domaine de transactivation. Des études ont montré que l’acétylation de
Stat3 est requise pour son activité transcriptionnelle et sa capacité de dimérisation. Un mutant
de Stat3 incapable d’être acétylé (Stat3K685R) présente une diminution de sa capacité à
former des dimères, à lier l’ADN et à activer ses gènes cibles dans des cellules PC3 (Wang et
al., 2005; Yuan et al., 2005).
4.4.2. La régulation négative de Stat3
4.4.2.1. Les phosphatases
L’activation des Stats est rapide et transitoire. Elle est inactivée par déphosphorylation (Lim
and Cao, 2006). Il existe différents types de régulateurs négatifs de Stat3 (Fig. 15). La
déphosphorylation des tyrosines est réalisée par des tyrosines phosphatases nucléaires
(TcPTP) ou cytoplasmiques (SHP1, SHP2). Ces phosphatases agissent à de multiples
endroits, au niveau des JAKs, des récepteurs ou de Stat3 directement (You et al., 1999;
Zabolotny et al., 2002; Ten Hoeve et al., 2002).
4.4.2.2. Les gènes SOCS
L’inactivation des Stats est aussi régulée par la famille des gènes SOCS (Suppressor Of
Cytokine Signaling). Il y a huit membres dans la famille comprenant SOCS 1-7 et CIS (Krebs
and Hilton, 2001; Levy and Darnell, 2002). Les protéines SOCS possèdent un domaine SH2
similaire aux Stats et JAKs et inhibent l’activité des JAKs en les liants ou en interagissant
avec les récepteurs phosphorylés dans le cytoplasme. Les SOCS bloquent la phosphorylation
de Stat3 en jouant le rôle d’inhibiteur compétitif et en inhibant la liaison de Stat3 aux
récepteurs (Fujimoto and Naka, 2003). L’expression des gènes SOCS est activée par des
signaux extracellulaires via Stat3 qui se lie à leur promoteur (Cheng et al., 2004; Lim and
23
Introduction
Cao, 2006). Par ce mécanisme, les protéines SOCS limitent la durée de la phosphorylation de
Stat3 et fonctionnent dans une boucle de rétro-contrôle négative.
4.4.2.3. Les gènes PIAS
Des régulateurs négatifs de Stat3 inhibent également son activité dans le noyau. La famille
PIAS (Protein that Inhibit Activated Stat proteins) comprend cinq membres chez les
mammifères : PIAS1, PIAS3, PIASy, PIASxα et PIASxβ (Shuai and Liu, 2003). Les PIAS
sont des protéines nucléaires, produites de manière constitutive, et interagissent uniquement
avec des Stats phosphorylés. Les PIAS diminuent l’activité transcriptionnelle des Stats en
bloquant leur liaison à l’ADN. dPIAS, le seul homologue de drosophile, module l’activité de
Stat92E in vivo durant la formation des yeux (Betz et al., 2001). De plus, ils possèdent une
certaine spécificité puisqu’il a été montré que PIAS3 se lie et inhibe uniquement Stat3 dans
des cellules de mammifères (Chung et al., 1997b; Shuai, 2000).
4.4.2.4. Les isoformes de Stat3
Il a été montré que deux isoformes différentes de Stat3 peuvent être générés par épissage
alternatif de la région 3’ du transcrit. La deuxième isoforme (Stat3β) est une protéine tronquée
en C-terminal qui ne possède pas de domaine de transactivation et de Ser727 mais est toujours
capable d’être phosphorylée au niveau de la Tyr705 et de dimériser, y compris avec la
protéine Stat3 complète (l’isoforme α) (Stark et al., 1998). Cette protéine tronquée peut
fonctionner comme un dominant négatif dans certaines conditions (Caldenhoven et al., 1996).
Chez la souris, l’invalidation ciblée de l’isoforme tronquée, Stat3β, mais pas de Stat3α,
provoque une modification de la transcription des gènes cibles de Stat3 (Yoo et al., 2002). De
manière intéressante, les isoformes Stat3α et β sont activées différentiellement par la cytokine
G-CSF (Chakraborty et al., 1996).
4.4.2.5. La méthylation
La méthylation de Stat3 au niveau d’une arginine (Arg31) dans son domaine N-terminal par
une arginine méthyl-transférase (PRMT1) a aussi été décrite. Le rôle de la méthylation en
Arg31 n’est pas clair mais il a été suggéré qu’elle diminue la durée de la phosphorylation en
Tyr705 en augmentant la liaison de Stat3 avec les PIAS et des phosphatases (Zhu et al., 2002;
Lim and Cao, 2006).
24
Introduction
4.4.2.6. Ubiquitination et SUMOylation
L’ubiquitination est un mécanisme qui cible les protéines pour la dégradation via le
protéasome. Il est connu que Stat1 et Stat4 sont ubiquitinés et dégradés par SLIM, une
ubiquitine E3 ligase. SLIM inhibe aussi la phosphorylation des Stats, indépendamment de son
rôle dans la dégradation par le protéasome, ce qui suggère que l’ubiquitination, en induisant
un changement de conformation, pourrait fonctionner comme adaptateur pour le recrutement
de phosphatases (Tanaka et al., 2005).
De manière surprenante, les protéines PIAS peuvent aussi agir comme E3 ligases et
catalyser la SUMOylation de Stat1 (Kotaja et al., 2002). Il a été montré que la SUMOylation
de Stat1 régule négativement la transcription de certains de ses gènes cibles de manière
indépendante à l’effet inhibiteur des PIAS sur Stat1 (Ungureanu et al., 2005). Le rôle précis
de l’ubiquitination et de la SUMOylation dans la régulation négative des Stats est encore
actuellement mal compris.
4.4.3. Le transport nucléo-cytoplasmique
Un autre niveau de régulation des Stats se situe au niveau de leur transport du cytoplasme vers
le noyau. Après dimérisation des Stats induite par leur phosphorylation, les Stats
s’accumulent dans le noyau. Ces larges complexes protéiques (environ 180kDa pour un
dimère) nécessitent un transport facilité pour entrer dans le noyau. Récemment, il a été mis en
évidence que le transport nucléo-cytoplasmique de Stat3 est un processus dynamique (Fig.
16). Stat3 se lie à l’importine α3 via son domaine coiled-coil qui est requis pour son
importation dans le noyau (Liu et al., 2005). Des signaux extracellulaires, dont IL-6, réduisent
les signaux d’export et provoque l’accumulation nucléaire de Stat3 (Reich and Liu, 2006).
L’exportation des Stats dépend notamment de résidus dans le domaine coiled-coil et de la
liaison à l’ADN et implique CRM1, une exportine (McBride et al., 2000). La
déphosphorylation par des phosphatases dans le noyau est également un signal important pour
exporter Stat3 dans le cytoplasme.
4.5. Fonctions de Stat3
4.5.1. Au cours du développement embryonnaire
Le rôle de Stat3 au cours de l’embryogenèse est bien documenté. La plupart des travaux se
sont focalisés sur la fonction de Stat3 chez la souris, principalement, et chez la drosophile.
Chez le xénope, Stat3 a été identifié comme facteur ventralisant durant les premières étapes
25
Introduction
de développement de l’embryon. Il a également été montré que cette activité de Stat3 est
indépendante de la voie BMP et que Stat3 fonctionne plutôt en inhibant Smad2
(Nishinakamura et al., 1999). Stat3 est aussi essentiel à la formation du mésoderme en aval
des TGF-β. De plus, il a également été montré que la phosphorylation du résidu Ser727 par
des kinases, TAK1 et NLK, est importante pour l’activité de Stat3 dans le mésoderme
(Ohkawara et al., 2004).
Chez le poisson zèbre, Stat3 contrôle les mouvements cellulaires durant la
gastrulation. Stat3 est activé du côté dorsal par la voie Wnt canonique et contrôle la migration
antérieure des cellules du mésendoderme dorsal de manière cellule autonome. Stat3 régule
aussi la convergence des cellules voisines du mésoderme paraxial de manière non-cellule
autonome en activant la voie Wnt non-canonique (PCP) et les RhoA GTPases (Yamashita et
al., 2002; Miyagi et al., 2004). Il a également été montré que Stat3 est impliqué dans le
processus d’EMT. Stat3 active directement l’expression de LIV1, un transporteur
membranaire essentiel à la localisation nucléaire de Snail, un régulateur principal de l’EMT
(Yamashita et al., 2004). Stat3 joue aussi un rôle dans la guidance axonale et dans la
différenciation des cellules de Müller de la rétine (Conway, 2006; Kassen et al., 2009).
Chez le poulet, bien que la forme active de Stat3 aie été détectée dans des neurones
des ganglions rachidiens, sa fonction n’a toutefois pas encore été étudiée (Wishingrad et al.,
1997).
Chez la drosophile, la mutation de Stat92E est léthale embryonnaire, indiquant un rôle
précoce de Stat92E (Yan et al., 1996a). D’autres travaux ont montré que Stat92E affecte le
développement des disques imaginaux de l’aile, des yeux, de la trachée, des monocytes et des
veines de l’aile (Yan et al., 1996b; Levy and Darnell, 2002). Stat92E est aussi impliqué dans
la détermination sexuelle et l’ontogenèse des PGCs, les cellules primaires germinales (Tulina
and Matunis, 2001; Wawersik et al., 2005; Arbouzova and Zeidler, 2006).
L’invalidation du gène Stat3 murin est léthale pour l’embryon et les cellules souches
embryonnaires (Takeda et al., 1997; Niwa et al., 1998; Raz et al., 1999). Les embryons
homozygotes Stat3-/- dégénèrent rapidement entre E6.5 et E7.5 juste après l’implantation du
blastocyste. Des invalidations conditionnelles de Stat3 ont révélé un rôle pléiotropique de
celui-ci au niveau de la peau, du système lymphatique, sanguin, nerveux et digestif (Levy and
Lee, 2002). Par exemple, l’invalidation de Stat3 provoque une hypoplasie du thymus (Sano et
al., 1999) et des défauts dans le développement des glandes mammaires et du foie (Chapman
et al., 1999; Alonzi et al., 2001). Le rôle de Stat3 dans le système nerveux central a été plus
particulièrement étudié. Il a été montré que l’inhibition de Stat3 par un dominant négatif ou
26
Introduction
par SOCS3 provoque la différenciation neuronale de cellules neurales en culture (Gu et al.,
2005; Cao et al., 2006). Stat3 régule aussi la spécification neurale en activant directement
Sox2 (Foshay and Gallicano, 2008). L’invalidation conditionnelle de Stat3 provoque une
neurogenèse précoce de manière non-cellule autonome (Yoshimatsu et al., 2006). Plus
tardivement, Stat3 régule aussi la différenciation des astrocytes en contrôlant directement la
transcription de gènes cibles tel que GFAP (Nakashima et al., 1999; Takizawa et al., 2001).
Cependant le rôle de Stat3 dans la formation de la CN et du système nerveux périphérique n’a
pas encore été étudié chez les vertébrés.
4.5.2. Dans le contrôle du cycle cellulaire
De multiples études indiquent que Stat3 joue un rôle dans la progression du cycle cellulaire,
l’apoptose, la croissance cellulaire et la différenciation. Il est bien connu que Stat3 joue un
rôle dans les cellules souches embryonnaires. L’inhibition de Stat3, par invalidation ou par
surexpression d’un dominant négatif, bloque le renouvellement des cellules souches
embryonnaires (ES) et provoque leur différenciation. De même, la surexpression d’une forme
constitutivement active de Stat3 (Stat3CTC) est suffisante pour maintenir les cellules ES à
l’état indifférencié (Niwa et al., 1998; Raz et al., 1999; Matsuda et al., 1999). Il a été aussi
montré que Stat3 interagit et coopère avec Nanog, un autre facteur de transcription important
pour le renouvellement des cellules ES (Torres and Watt, 2008). Similairement, Stat3 coopère
avec les gènes Id et les signaux BMPs pour supprimer la différenciation et maintenir les
cellules ES à l’état indifférencié (Ying et al., 2003).
Des travaux réalisés in vivo dans l’embryon ont également mis en évidence un rôle de
Stat3 dans le contrôle du cycle cellulaire. Chez la drosophile, des mutants de Stat92E
présentent une réduction de la prolifération au niveau des disques imaginaux des yeux et des
cellules germinales primaires (Li et al., 2003; Mukherjee et al., 2005). Un niveau élevé de
Stat92E promeut le renouvellement des cellules souches rénales (RNSC) tandis que un niveau
faible converti les RNSCs en précurseurs rénaux (RBs), qui se différencient ensuite en divers
types de cellules rénales (Singh et al., 2007). Récemment, il a été montré que Stat92E régule
la division cellulaire et la régénération des cellules souches intestinales (ISCs) et qu’il est
aussi requis pour leur différenciation (Jiang et al., 2009).
Chez la souris, Stat3 est important pour la maintenance des précurseurs neuraux en
aval des signaux FGFs. Ces travaux ont également montré que l’activation de l’expression de
DLL1 (Delta-Like 1), un ligand de Notch, par Stat3 est responsable de la maintenance de ces
précurseurs neuraux (Yoshimatsu et al., 2006). Plus tardivement, Stat3 régule aussi la
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Introduction
maintenance des cellules radiales gliales en coopérant avec la voie Notch (Kamakura et al.,
2004). De même, l’activation de Stat3 en réponse aux facteurs de croissance induit la
prolifération des précurseurs de la rétine (Zhang et al.,, 2005).
Un rôle pour Stat3 dans la survie cellulaire a également été mis en évidence.
L’activation de Stat3 inhibe l’apoptose dans de nombreuses lignées cellulaires humaines et est
essentiel pour la survie des neurones (Bonni et al., 1997, Alonzi et al., 2001). Cependant,
Stat3 peut médier une activité pro- ou anti-apoptotique selon le type cellulaire ou le type de
signaux extracellulaires (Battle and Frank, 2002). Par exemple, la perte de SOCS3 converti la
fonction anti-apoptotique de Stat3 en pro-apoptotique (Lu et al., 2006).
L’identification de cibles potentielles de Stat3 a récemment permis de mieux
comprendre par quels mécanismes Stat3 régule la prolifération et la survie cellulaire. Stat3
active directement CyclinD1, un régulateur de la transition G1/S du cycle cellulaire, en se
liant à son promoteur (Leslie et al., 2006). Stat3 active aussi l’expression d’autres cyclines
telles que Cyclin A et cdc25A tandis qu’il inhibe l’expression de p21 et p27, des régulateurs
négatifs du cycle cellulaire (Fukada et al., 1998; Calo et al., 2003). Similairement, Stat92E
induit cycD dans les disques imaginaux des yeux chez la drosophile (Tsai and Sun, 2004). Il a
été aussi suggéré que Stat3 régule la progression du cycle cellulaire dans des précurseurs de
lymphocytes B en induisant l’expression de c-Myc. La surexpression d’un dominant négatif
de Stat3 diminue la prolifération et supprime l’expression de c-Myc dans des cellules NIH
3T3 et M1 (Nakajima et al., 1996; Bowman et al., 2001; Hirano et al., 2000; Bromberg,
2001). Enfin, d’autres études ont montré que Stat3 régule l’expression de gènes antiapoptotiques tels que Bcl-xL, Bcl-2 et Mcl-1 (Catlett-Falcone et al., 1999; Bromberg, 2001).
4.5.3. Stat3 et cancer
L’activation constitutive de Stat3 a été observée dans l’initiation et la progression de
nombreux cancers humains du cerveau, pancréas, poumon, système sanguin et de la prostate
(Calo et al., 2003). Il a été montré qu’une forme constitutivement active de Stat3 est capable
d’induire la transformation de fibroblastes en culture et la formation de tumeurs in vivo après
réimplantation de ces fibroblastes dans des souris (Bromberg et al., 1999). De même, Stat3 est
nécessaire à la transformation de cellules NIH 3T3 par Src (Turkson et al., 1998). Stat3
interagit aussi avec c-jun, un autre proto-oncogène et pourrait coopérer avec celui-ci dans le
processus de tumorigenèse (Zhang et al., 1999). Une suractivation de Stat3 est aussi observée
dans des tumeurs dérivées des cellules de la CN comme les gliomes, les neuroblastomes et les
mélanomes (Cuevas et al., 2006; Kaur et al., 2002; Niu et al., 2002).
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Introduction
Récemment, il a aussi été proposé que Stat3 régule les processus de métastase et
d’invasion des tumeurs. Des travaux ont notamment montré que Stat3 active l’expression de
MMPs connues pour jouer un rôle dans l’EMT et l’invasion des tumeurs (Xie et al., 2004).
Inversement, l’inhibition de Stat3 bloque le processus d’EMT dans des carcinomes ovariens
(Colomiere et al., 2009). Le rôle crucial de Stat3 dans le contrôle du cycle cellulaire et des
processus de tumorigenèse a donc amené plusieurs laboratoires à développer diverses
stratégies thérapeutiques ciblant Stat3 à différents niveaux (Cuevas et al., 2006; Calo et al.,
2003). L’identification de nouveaux régulateurs de Stat3 ainsi qu’une meilleure
compréhension de ses modes d’actions au cours du développement embryonnaire normal
permettraient d’établir de nouvelles stratégies ciblées sur Stat3 dans divers cancers.
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