Les manifestations neuropsychiatriques de la maladie de Darier 33
KEYWORDS
Darier’s disease;
Neuropsychiatric
disorders;
Genetic study;
Mood disorders
Summary
Background. — Darrier’s disease is a rare genodermatosis with a dominant autosomic penetrating
variable transmission. The association between Darier’s disease and neuropsychiatric disorders
has been reported since 1996. Moreover, associations with mental retardation, schizophrenia,
mood disorders and suicide have been reported.
The discovery in 1999 of the ATP2A2 gene of Darier’s disease, localised on chromosome 12,
allowed significant advances notably in understanding the pathogenicity of these symptoms.
Material and methods. — In this article, we present the preliminary results of a clinical and
genetic study of eight Tunisian families, involving dermatologists, psychiatrists and geneticians.
Eight patients with Darier’s disease and their first degree relatives were included in the study
after they had given their written consent. Thirty-five subjects were examined, 23 of them had
Darier’s disease.
All patients were submitted to a complete clinical examination; notably dermatological scree-
ning, genetic inquiry and blood tests for haplotype analysis. Only 13 of them underwent a
psychiatric examination.
Results. — The psychiatric examination was carried out only in 13 patients with Darier’s disease,
who revealed neuropsychiatric symptoms with a frequency of 61.1% (8/13). Two patients pre-
sented mild mental retardation; six patients had mood disorders, three of them belonged to the
same family (two had recurrent depression, four belonged to the bipolar spectrum [2 bipolar
disorder type 2, 2 cyclothymia]).
The coexpression of the two distinct phenotypes (Darier’s disease and bipolar disease), within
the same three members’ of the family of our study, suggests the existence of a genetic linkage
between the two diseases, as has been reported in the literature.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
La maladie de Darier est une dermatose rare. Elle touche
tous les âges et se révèle surtout à l’adolescence et au début
de l’âge adulte.
Les deux sexes sont atteints de fac¸on égale.
La forme classique de la maladie de Darier se caracté-
rise par l’apparition progressive, au cours de la deuxième
décennie, de «papules croûteuses »ou «kératosiques »ou
«de plaques verruqueuses », voire hyperkératosiques des
régions séborrhéiques (cuir chevelu, front, sillons nasogé-
niens, tronc et plis inguinaux).
L’éruption est généralement symétrique.
Le signe fonctionnel le plus fréquent est le «prurit ».
Une sensation de tension cutanée est décrite lors des
poussées.
Une mauvaise odeur peut importuner les malades lorsque
les plis sont touchés.
Celle-ci est à l’origine d’un handicap social parfois impor-
tant.
Dans la majorité des cas, l’évolution de la maladie est
chronique, alternant des périodes de stabilisation et des
poussées spontanées ou provoquées.
Des facteurs favorisants des poussées ont été clairement
déterminés qui sont les suivants : l’exposition solaire, la
chaleur et la transpiration, les variations hormonales oes-
troprogestatives, le lithium, le stress.
Il n’existe pas actuellement de traitement curatif.
Les mesures prophylactiques visent à améliorer la
tolérance fonctionnelle tout en favorisant l’insertion socio-
professionnelle dans les formes graves.
Introduction
La maladie de Darier, encore connue sous la dénomi-
nation de maladie de Darier-White ou de dyskératose
folliculaire est une génodermatose rare transmise en domi-
nance autosomique de pénétrance plus ou moins complète
et d’expressivité variable au sein de chaque génération
[1,6,13,15].
De nombreuses maladies touchant des organes variés
comme le système nerveux ou le squelette peuvent s’y asso-
cier.
Les associations de la maladie de Darier avec des troubles
neuropsychiatriques ont été rapportées dés 1966 [6].
Il a été ainsi rapporté des associations avec le retard
mental [1,6,15], la schizophrénie [12,15], les troubles de
l’humeur [2,10,11] et le suicide [4,15].
Mais les travaux qui se sont intéressés à l’association de
la maladie de Darier avec d’autres affections en particulier
neuropsychiatriques sont rares.
La découverte en 1999 du gène ATP2A2 de la maladie de
Darier localisé sur le chromosome 12, a permis des avan-
cées considérables notamment sur le plan du mécanisme
pathogénique.
Un modèle étiopathogénique basé sur des anomalies du
signal calcique a pu alors être proposé avec l’identification
d’une pompe à calcium adénosine triphosphate (ATP) ase
dépendante.
La physiopathologie des formes neuropsychiatriques de
la maladie de Darier est encore discutée et serait liée pour
certains à des mutations faux-sens, surtout localisées sur
la région 3du gène ATP2A2 [9], alors que pour d’autres,
il n’y aurait pas de profil mutationnel spécifique impliqué
[14].
Une étude familiale de la maladie de Darier à travers une
série de 23 patients appartenant à huit familles tunisiennes
a été réalisée en collaboration avec des dermatologues, des
psychiatres et des généticiens. Ses objectifs sont de préci-
ser les caractéristiques épidémiocliniques, les associations
pathologiques en particulier psychiatriques et les particu-