Santé publique
2007,volume 19,n° 4,pp. 267-268
EDITORIAL
Éditorial
Éducation trapeutiquedupatientoudisease management
Depuisquelquesannées,il existeune prise de conscience de limportance de la
prise en charge desmaladieschroniques.Au-delàde leur diagnosticetdu traitement
àmettre en œuvre,on s’accorde àpenserqu’il est importantque lespatients
comprennentleur maladie etleur traitementetconcilientleur projetde vie avecles
contraintesde leur maladie etcellesde leur traitement.De nombreusesétudes
montrentlesbénéficesd’une stratégie déducation trapeutique dupatient sur la
qualité de vie,laréduction dunombre de complications,ladiminution dunombre
dhospitalisations.Lobservance médicamenteuse est meilleure etlesexigences
hygiéno-diététiquesmieux prisesen compte. Lespolitiquesen comprennent
dorénavantlenjeuetlesmaladieschroniques sontdevenuesdespriorités.Ainsi ont-
ellesfaitlobjetde plansde santé publique;elles sontinscritesdanslaloi de santé
publique;le haut conseil de lasanté publique (HCSP)yconsacreune de ses
commissions ; un plansur lamélioration de laqualité de vie despatients atteints de
maladieschroniquesaétéannoncé en 2007.Sur le terrain,lesinitiativesontété
longtempsportéespardesprofessionnelsde santé militants (diabète, asthme). Elles
sesontdepuismultipliées sous limpulsion de mesuresincitativespromuesàtravers
descirculaires,le référentiel daccréditation,le fondsdaide àlaqualité des soinsde
ville,lesdotations régionalesdes réseaux,les schémas régionaux déducation pour
lasanté (SREPS),les recommandationsde la HauteAutorité de Santé (HAS) etde
lInstitut national de Prévention etdÉducation pour la Santé (Inpes)… Ainsi de
nombreux programmesont-ilsémergé en ville etàlhôpital portéspardes
professionnelshospitaliers oulibéraux maisaussi parlassurance-maladie,les
mutuellesetpour certainsparlesassociationsde malades.
La question qui est posée est celle de lintégration durable de léducation tra-
peutique dupatientdansnotresystème de santé. Les uns(1) proposentle renforce-
mentdesdispositifsetdes structuresdéducation trapeutiquesexistants,des
modesde rémuration forfaitaire,et une harmonisation desmodesde financement.
Lesautres(2) (3)jugentque le système de santéactuel nest pasadapté etproposent
de s’inspirerdexemplesanglo-saxonsappeler«chronic care model » et suggèrent
lexrimentation de programme de « disease management». Le « disease mana-
gement» est un programme quiconsisteà apporterdesinformationsaux patients,à
lesaccompagneràtravers desappels téléphoniquesd’une vingtaine de minutes
menésle plus souventpardesinfirmières.Leur contenuest trèsformaté et se doit
daborderdeséléments de clinique,laquestion de lobservance médicamenteuse,
lesobjectifsde soins,le oulesproblématiquesdupatientIls’agitde ce que les
anglo-saxonsappellentle « coaching ». Le programme est mené parallèlementàla
prise en charge dupatientetest destiné àla compléteretnon às’y substituer.La
caisse nationale dassurance-maladie exrimenteraprochainement une telle appro-
che pour lespatients atteints de diabète.
Cetaccompagnement se distingue de léducation trapeutique. En effet, à la
différence de léducation pour lasanté,léducation trapeutique intègre lanotion
(1) Voirarticle deBéatriceGrenierdansle présentnuro: Santé publique,2007,volume 19,n° 4 :293-301.
(2)Duhamel G., Grass E.Prise en charge despersonnesatteintesde maladieschroniques:quellesperspec-
tivesen France ? Médecine desmaladiestaboliquesMars 2007 Vol. 1 – N° 1.
(3)BrasP.L., Duhamel G., Grass E.Améliorerlaprise en charge desmaladieschroniques:lesenseignements
desexriencesétrangèresde « disease management»Paris.Inspection générale desaffaires sociales ; 2006
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000763/0000.pdf.
267_268_Editorial.fm Page 267 Mardi,28. août 2007 2:22 14
F.BOURDILLON, A.GRIMALDI
268
Santé publique
2007,volume 19,n° 4,pp. 267-268
de soins.Elle se propose même dapprendreaux patients non seulementàeffectuer
des techniquesde soins,maisà acquérirla capacité de prendre eux-mêmesdes
cisions trapeutiques.Léducation trapeutique indissociable de lanotion de
soins,suppose donclaparticipation de soignants quitravaillententre eux dans une
logique de parcours de soins.Ilrespecte de plus le choixetlademande despatients
en prenanten compte leur représentation de lasanté etde lamaladie,leurs
connaissancesetleurs croyances,laplace desprojets de soinsdansleurs projets de
vie,leur style de personnalité. A contrario,le « disease management» est présenté
comme une prestation parallèle à celle desmédecins sansinterrence. Ce pointpose
problème cardanslaprise en charge desmaladieschroniques,la cohérence des
soinsest fondamentale. Elle suppose le partage entre professionnelsdesobjectifset
desmoyensdéfinisavecle patientpour lesatteindre. Il est parailleurs intrusif
puisque que lon appelle (au téléphone) le patientetque de faitil yaune inversion
de lademande si fondamentale en médecine.
Le « disease management» exprime en faitlavolonté desfinanceurs,de
lassurance-maladie,desassureurs dintervenirdanslorganisation des soinsden
devenir un desacteurs.Cest ce quesouhaitentégalementlesindustrielsquiveulent
aussi pouvoirintervenirdanslesprogrammesdobservance posantainsi laquestion
de ladéfinition du rôle de chacun. Lerisque de confusion des rôlesdevientalors
majeur.Entout étatde cause,il faut êtreattentif à ce quecesprogrammesne
deviennentpasdesobjets promotionnelsde médicaments ouproduits de santésous
couvert d’une information aumalade.
Danslaréalité,on continueàobserver un double discours.Celui dumédecin trai-
tantinvestitd’unrôle de coordinateur,de plaquetournante. Etde lautre,une stra-
tégie de court-circuitage desmêmesmédecins traitants basée sur le faitque « les
conditionsactuellesdexercice desmédecinslibéraux en France ne sontpasadap-
téesàlaprise en charge despersonnesatteintesde maladieschroniques»(2).Lédu-
cation trapeutiqueserait trèscoûteuse lorsqu’elle est portée parles réseaux de
santé et serait un « business »,rentable lorsqu’il s’agitde « disease management».
Ilconvientdallerplus loin etdinterrogerlespolitiques sur leurs stratégiesde
veloppementde léducation trapeutique. Il est tempsdaccompagnerles
professionnelsinvestisdansléducation desmaladeschroniques,denvisagerdes
modesde rémuration forfaitairesous laforme de contratde santé publique,de
soutenirlesdispositifsde formation desprofessionnelsàléducation trapeutique.
Il n’y apas une seule forme dorganisation de léducation trapeutique dupatient,
les réponses sontforcémentpluriellesadaptéesàlaréalité de chaqueterritoire de
santé. Évitonsàtout prixpour léducation trapeutique dupatientla césure entre
éducation et soins.
FrançoisBourdillon (4) etAndréGrimaldi(5)
(4) Présidentde la Socté françaisedesanté publique, départementdebio-statistiques, desanté publique
etd’information médicale duGroupe hospitalierPitié-Salpêtrre, AP-HP.
(5) Professeur dediabétologie, Groupe hospitalierPitié-Salpêtrre, AP-HP, UniversitéPierre etMarie Curie.
267_268_Editorial.fm Page 268Mardi,28. août 2007 2:22 14
1 / 2 100%