mouton est échangé contre autant de gingembre et une vache contre un kilo de
macis. Les épices des juges sont des confitures aux aromates que l’on offre aux
magistrats au cours d’un procès pour s’attirer les faveurs. D’abord volontaires, ces
contributions en épices deviennent obligatoires sous l’Ancien Régime.
Marco Polo
Au Moyen Age, les marchands arabes contrôlent le commerce des épices, et
maintiennent des cours élevés. Vers 1274, Marco Polo quitte Venise avec l’intention
de découvrir une nouvelle route pour gagner l’Extrême-Orient, contournant celle des
négociants arabes. De retour à Venise, 25 ans plus tard, il rapporte des richesses
fabuleuses de la cour du grand khan Kubilaï, ainsi que des épices. Personne à Venise
ne voulut croire qu’il avait effectivement accompli un tel périple, jusqu’au moment
où il cuisina un plat accommodé avec les épices inconnues qu’il avait rapportées de
Chine. Son voyage se déroulait deux siècles avant que les puissances européennes
ne se décident à concurrencer le monopole arabe sur les épices, pour faire baisser
leur prix exorbitant.
Henri le Navigateur
Venise ayant conclu des accords commerciaux avec les Arabes pour maintenir
artificiellement élevé le cours des épices, les Vénitiens n’étaient pas disposés à
trouver une alternative aux routes orientales. Au XVème siècle, Henri le Navigateur,
prince portugais, finance plusieurs expéditions maritimes le long des côtes de
l’Afrique pour trouver un passage menant à l’océan Indien. A cette époque, les
navires faisaient voile sans quitter les côtes de vue. Henri le Navigateur meurt avant
d’avoir assisté au succès d’une de ces expéditions : en 1480, les Portugais savent
naviguer par vent arrière et ont contourné le continent africain. Ils atteignent l’Inde
en 1497, non sans avoir inquiété leurs grands rivaux sur les mers, les Espagnols,
qui ne veulent pas se faire distancer dans cette course aux épices.
Christophe Colomb
Alors totalement inconnu, ce navigateur génois, employé par la couronne espagnole,
soutient qu’il peut atteindre les Indes avant les Portugais, non en contournant le
continent noir, mais en faisant cap vers l’ouest, à travers l’Atlantique. En 1492, il
met pied à terre dans ce qu’il pense être les Indes : il découvre alors le Nouveau
Monde. Il rapporte de ses périples des épices inconnues, les piments du Mexique, la
vanille d’Amérique centrale. Portugais et Espagnols ont ouvert à la même époque
deux nouvelles routes des épices. Les deux nations se font une féroce concurrence
qui est arbitrée par le traité de Tordesillas (1494) qui divise le monde en deux :
l’Espagne domine les régions à l’ouest d’une ligne imaginaire située dans l’océan
Atlantique, le Portugal conserve son hégémonie sur la partie orientale.
Magellan
Pour le compte des Espagnols, le Portugais Magellan fait voile vers l’ouest, avec cinq
navires et 200 marins, pour trouver une nouvelle route maritime vers l’île de Banda
dans l’archipel des Moluques, arguant du fait que, selon le traité de Tordesillas, tout
ce qui se trouve à l’ouest de la ligne de marcation passe sous domination espagnole.
Cette expédition, dont Magellan ne reviendra pas, est la première circumnavigation
de l’histoire : un seul bateau reviendra en Espagne.
Britanniques et Hollandais
Au XVIIème siècle, Britanniques et Hollandais font leur entrée sur le marché des
épices. Les Hollandais fondent la Compagnie hollandaise des Indes orientales (1602) ;
les Anglais financent les expéditions de Drake, chargé de découvrir une nouvelle
route maritime vers la Chine. La guerre éclate entre Anglais et Espagnols pour la
domination des routes des épices : c’est la défaite de « l’invincible Armanda »
(1588) et la fondation de la Compagnie anglaise des Indes orientales.
En 1658, les Hollandais battent les Portugais : ils s’emparent du commerce de la
cannelle à partir de Ceylan et des ports poivriers de la côte de Malabar et de Java.
En 1690, ils exercent leur hégémonie sur le commerce du girofle après avoir détruit
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