Théâtre et Violence
• Présentation des œuvres
Corneille et Racine sont considérés comme étant des rivaux, voire des ennemis (l’un étant en
déclin, l’autre en pleine ascension). Leur théâtre est représenté vers les années 1660, même si 33
ans les séparent. Différence de culture aussi : Corneille est un humaniste (l’érudition humaniste), a
été éduqué par les jésuites et a été nourri par le latin. Racine, lui, maîtrise aussi le latin, le grec, mais
il n’a pas la même éducation, si bien qu’il n’a pas la même fascination pour l’érudition qu’à
Corneille. Il préfère l’esthétique et cohabite avec la période de l’absolutisme.
- Corneille = Sa carrière se déroule surtout durant la 1ère moitié du 17ème. Il commence par
des comédies, puis s’impose dès 1637 avec Le Cid et dans les années 1640. Là, il écrit plutôt des
tragédies historiques et religieuses (ex : Polyeucte). Enfin, sa carrière décline entre 1660 et 1670
(dernière pièce en 1674). Au total, il aura fait 34 pièces et il considère Rodogune comme étant la
meilleure d’entre elles (il le dit dans ses Examens).
- Racine = Il prend le relais, avec en 1664 la Thébaïde et connait la notoriété avec
Andromaque (tragédie galante de 1667). Il écrit peu de pièces par rapport à Corneille. Son échec
avec Phèdre en 1677 lui fait connaître dix années de silence. Il revient en 1689 avec Esther et en
1691 avec Athalie, suite à des demandes religieuses.
Dès la fin du 17ème, on commence à établir des parallèles entre les deux auteurs, notamment dans les
milieux scolaires. On va alors rapprocher leurs tragédies (ex : George May, dans son Essai, écrit
leurs différences) :
- Corneille côtoie l’âge baroque (alors que Racine s’allie plutôt au classicisme). Cependant,
Suréna, sa dernière pièce, peut être considérée comme classique. Corneille a un goût très prononcé
pour les intrigues implexes (action dont la compréhension est difficile car elle est incluse dans
l’Histoire riche en évènements). A la différence, Racine va privilégier les intrigues simples qui
nécessitent peu d’informations pour être comprises (au contraire de Corneille, qui indique beaucoup
d’infos au début de la pièce pour susciter le plaisir intellectuel du lecteur).
- La part du suspense est également différente. On retrouve beaucoup de suspense et de
surprises chez Corneille (= mélodrame, dans Rodogune). Racine, en revanche, préfère les tragédies
sans surprise, car tout est logiquement lié et les retournements de situation sont atténués (la fin est
annoncée). Racine organise ses pièces de façon nécessaire, guidées par les sentiments, avec cette
idée de fatalité tragique. Pour Corneille, le tragique est estompé (aléatoire et surprises des
évènements, qui dépendent de la volonté des héros).
- Corneille a un goût pour le spectaculaire, tandis que Racine insiste sur la
représentation des caractères (ce qui l’intéresse, c’est la réaction des personnages face aux
évènements et aux effets dramatiques).
- Corneille est humaniste par son optimisme (il fait confiance en l’homme et en son libre-
arbitre), tout en pariant sur l’héroïsme humain (« la générosité »). Cette idée optimiste correspond
au moment où la noblesse est libre par rapport au pouvoir absolu (ce qui ne sera plus le cas par la
suite). Cet optimisme va avoir une incidence sur ses tragédies, qui ont des fins heureuses (ce qui
l’intéresse, c’est la façon dont les persos vont faire face). Cela va de pair avec le christianisme, où le
chrétien peut faire son salut par lui-même (avec la grâce aussi). Racine, éduqué par les port-
royalistes, a suivi les enseignements du jansénisme, comme quoi tout est accordé par la grâce de
Dieu (pas le libre-arbitre). Tout dépend de Dieu et tout est déjà scellé. C’est donc plus pessimiste
que chez Corneille.
La question de la violence intrafamiliale : L’infanticide est un thème profondément tragique
(Aristote, dans sa Poétique, dit qu’il s’agit du sujet le plus tragique et le plus pathétique qui soit).
Au 17ème, la règle de bienséance interdit la violence, qui est alors rejetée aux coulisses. En revanche,
cela n’exclue pas le fait de la décrire ou de la raconter. Les suicides, quant à eux, peuvent avoir lieu
(il s’agit d’actes réfléchis, pas d’homicides). Rodogune = Cléopâtre est l’archétype de la mauvaise
mère, notamment en donnant la vie, mais en la reprenant (représentation d’une peur infantile).
Corneille la compare avec Médée (toutes deux sont révoltées contre l’ordre patriarcal etc). Iphigénie
= Agamemnon n’est pas un père terrible, puisque ce n’est pas lui qui décide de sacrifier sa fille.