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Article
Réplication cérébrale du VIH malgré une thérapie antirétrovirale
efficace: impact clinique et prise en charge
SCHIBLER, M, et al.
Abstract
Various neurological and neuropsychological manifestations are still relatively frequently
reported in HIV infected patients in the highly active antiretroviral therapy era. A fraction of
them could be related to HIV replication in the central nervous system (CNS) despite
adequate peripheral viral suppression. This hypothesis is supported by numerous reports of
detectable HIV RNA in the cerebrospinal fluid in the context of a low or undetectable viremia
in association with neurological or neuropsychological complaints. In addition, some antiviral
molecules may not achieve adequate levels in the CNS, thus potentially favoring intracerebral
HIV replication and even antiretroviral resistance. Neurologic manifestations in the presence
of CNS HIV replication often decrease after antiretroviral treatment CNS penetration
optimization.
Reference
SCHIBLER, M, et al. Réplication cérébrale du VIH malgré une thérapie antirétrovirale efficace:
impact clinique et prise en charge. Revue médicale suisse, 2014, vol. 10, no. 427, p.
908,910-2
PMID : 24843987
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:40742
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le point sur…
Réplication cérébrale du VIH
malgré une thérapie antirétrovirale
efficace : impact clinique et prise
en charge
La prévalence de troubles neurologiques et neuropsychologi­
ques parmi les personnes vivant avec le VIH demeure relative­
ment élevée à l’ère des thérapies antirétrovirales. Chez certains
patients, ces troubles neurocognitifs sont vraisemblablement
expliqués par la persistance d’une réplication du VIH au niveau
du système nerveux central (SNC), malgré le traitement anti­
rétroviral. En effet, des cas de patients avec plaintes neurolo­
giques, virémie indétectable et virorachie élevée sont réguliè­
rement rapportés. De fait, certains antiviraux pénètrent mal la
barrière hémato-encéphalique, ce qui pourrait favoriser une
réplication intracérébrale du VIH, voire la survenue de résis­
tances aux antirétroviraux. Les manifestations neurologiques
rapportées en lien avec une réplication du VIH au niveau du
SNC sont variables et peuvent s’améliorer suite à une optimali­
sation de la pénétration cérébrale du traitement antirétroviral.
Rev Med Suisse 2014 ; 10 : 908-12
M. Schibler
A. Calmy
M. Cavassini
R. Du Pasquier
Intracerebral HIV replication despite
an efficient antiretroviral treatment :
clinical impact and management
Various neurological and neuropsychological
manifestations are still relatively frequently
reported in HIV infected patients in the highly
active antiretroviral therapy era. A fraction of
them could be related to HIV replication in
the central nervous system (CNS) despite
adequate peripheral viral suppression. This
hypothesis is supported by numerous reports
of detectable HIV RNA in the cerebrospinal
fluid in the context of a low or undetectable
viremia in association with neurological or
neuropsychological complaints. In addition,
some antiviral molecules may not achieve
adequate levels in the CNS, thus potentially
favoring intracerebral HIV replication and even
antiretroviral resistance. Neurologic manifes­
tations in the presence of CNS HIV replication
often decrease after antiretroviral treatment
CNS penetration optimization.
introduction
La prévalence des complications neurologiques graves liées
au VIH a diminué de manière spectaculaire depuis l’avène­
ment de la thérapie antirétrovirale hautement active, grâce à
la diminution massive de l’incidence des infections opportunistes cérébrales et
de la démence liée au VIH.1 Toutefois, des manifestations neurologiques et neuro­
cognitives demeurent relativement fréquentes parmi les personnes vivant avec le
VIH, probablement en lien avec une inflammation chronique du système nerveux
central (SNC).1,2 La potentielle neurotoxicité de certains antirétroviraux a notam­
ment été incriminée. Cependant, la grande majorité des données actuellement
disponibles dans la littérature parlent plutôt en faveur d’un effet bénéfique, plu­
tôt que délétère, des antirétroviraux sur les troubles neurocognitifs dans le cadre
du VIH. L’une des causes possibles à l’origine de la persistance d’une inflamma­
tion du parenchyme cérébral à l’ère de la thérapie antirétrovirale est une réplication
résiduelle du VIH, malgré une suppression virale efficace dans le compartiment
sanguin.1-4 Le SNC est en effet infecté de manière précoce durant la primo-infec­
tion VIH et figure parmi les réservoirs de ce virus au cours de l’infection chro­
nique. La pénétration inadéquate de certains antirétroviraux dans le SNC pourrait
favoriser un certain degré de réplication intrathécale du VIH, voire la survenue et
la sélection de mutations de résistance.3 Il est toutefois important de garder à
l’esprit que ce phénomène paraît relativement rare et qu’il n’explique qu’une
fraction des troubles neurocognitifs chez les patients infectés par le VIH et traités.
En effet, ces derniers sont parfois affectés par des comorbidités telles qu’un état
dépressif ou la toxicomanie, pouvant altérer le fonctionnement du SNC.5
Cet article vise à caractériser les possibles conséquences cliniques d’une répli­
cation intracérébrale persistante du VIH, ainsi quévaluer l’impact de l’optimalisa­
tion de la pénétration cérébrale du traitement antirétroviral.
définitions
La charge virale VIH est estimée par la quantité d’ARN VIH, déterminée par la
reverse transcription polymerase chain reaction (RT-PCR), et est exprimée en copies/ml.
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de 40 kg: En cas d’infections légères à sévères, 3 x 625 mg jusqu’à max. 3 x 1000 mg par jour. Pour les cas spéciaux et les instructions posologiques spécifiques, voir l’information
professionelle. CI: Hypersensibilité aux pénicillines, aux céphalosporines ou à un constituant de Co-Amoxi-Mepha . Ictère ou perturbations de la fonction hépatique pendant un
traitement antérieur par un médicament contenant cette association de principes actifs. Mononucléose infectieuse, leucémie lymphoïde, préparations inhibant le péristaltisme.
PC: Fonction rénale ou hépatique diminuée. Traitement à long terme, possibilité de réactions d’hypersensibilité à l’acide clavulanique, réactions anaphylactiques, prise d’anticoagulants, diarrhées sévères et persistantes, colite pseudo-membraneuse. Grossesse, allaitement. Comprimés dispersibles: phénylcétonurie. EI: Très fréquents: diarrhée, selles molles.
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La virémie est définie comme la charge virale présente dans
le sang, alors que la virorachie se réfère à celle présente dans
le liquide céphalorachidien (LCR). Lorsque la virorachie ou
la virémie sont en dessous du seuil de quantification de la
méthode utilisée, on dit qu’elles sont indétectables.
Une discordance entre la virorachie et la virémie, ou
«échappement VIH dans le LCR» ou «effet sanctuaire viral
du SNC», est définie par certains auteurs comme toute vi­
rorachie détectable, soit supérieure à 200 copies/ml3 alors
que la virémie est inférieure à 50 copies/ml, ou comme
toute virorachie supérieure de 1 log à la virémie.3,4 A noter
que de nos jours, le seuil de quantification est de 20 copies/
ml pour le sang et le LCR dans la plupart des centres.
pathogenèse
Le VIH infecte le SNC précocement, soit au moment de
la primo-infection. La manière par laquelle le virus y est
véhiculé est encore sujette à controverse. Il pourrait être
transporté par des monocytes, des lymphocytes ou encore
sous forme de particules virales libres.6 L’hypothèse des
monocytes servant de «chevaux de Troie» est soutenue
par le fait que les souches virales isolées à partir du SNC
ont un tropisme CCR5 et se répliquent de manière efficace
dans des macrophages en culture. Après avoir traversé la
barrière hémato-encéphalique, le VIH semble infecter prin­
cipalement des macrophages du parenchyme cérébral (cel­
lules microgliales). Il est également capable, mais dans une
moindre mesure, d’infecter les astrocytes.7 En revanche,
les neurones et oligodendrocytes sont réfractaires à l’infec­
tion par le VIH. La réplication du VIH au niveau du SNC en­
traîne une réaction inflammatoire caractérisée par la pré­
sence de nombreux lymphocytes T CD8+ avec relargage de
médiateurs pro-inflammatoires ainsi qu’une astrocytose
réac­tionnelle. Cette réaction inflammatoire est caractéris­
tique de l’encéphalopathie au VIH, elle-même générale­
ment associée à des troubles cognitifs.8 A noter qu’il ne
semble pas y avoir de corrélation entre la charge virale VIH
dans le LCR et la sévérité des déficits cognitifs.9 Ceci sug­
gère le rôle important de la réponse inflammatoire céré­
brale secondaire à la réplication virale, indépendamment
de l’amplitude de celle-ci. D’autre part, relevons qu’une
réplication du VIH a également été documentée dans le
LCR de patients asymptomatiques.10
manifestations neurologiques et radio­
logiques liées à une virorachie vih
Les tableaux cliniques associés à un échappement du
VIH dans le SNC sont souvent d’apparition subaiguë, et
peuvent être divers : méningite, encéphalite ou encore myé­
lite. Parmi les symptômes et signes rapportés, on peut citer
des céphalées persistantes, des troubles cérébelleux, des
syndromes pyramidaux, des troubles cognitifs, voire une at­
teinte de l’état de conscience.4 La vignette clinique illustre
un cas particulièrement tapageur d’échappement virolo­
gique au niveau du SNC.
L’IRM cérébrale révèle dans la plupart des cas des lé­
sions hyperintenses en T2 et en FLAIR au niveau de la subs­
tance blanche. Ces lésions ont tendance à persister malgré
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la résolution des symptômes, durant plusieurs mois à plu­
sieurs années.3,4
vignette clinique
Un patient de 46 ans, d’origine éthiopienne, connu pour
une infection VIH depuis 2008, traité par atazanavir
boosté par ritonavir, ténofovir et abacavir, présente une
faiblesse des membres inférieurs, associée à une dysp­
née rapidement progressive, nécessitant une hospitali­
sation aux soins intensifs pour surveillance neurologique
et respiratoire.
Aucune lésion cérébrale ni médullaire n’est retrouvée
à l’imagerie initiale (CT et IRM).
L’analyse du LCR est compatible avec une méningite
lymphocytaire (leucorachie à 150 M/l dont 99% de lym­
phocytes, et protéinorachie à 0,68 g/l). La recherche dans
le LCR de cytomégalovirus, virus Epstein-Barr, HSV-1 et
-2 (virus de l’herpès simplex), VZV (virus varicelle-zona),
HHV-6 (herpèsvirus humain type 6) et entérovirus par
PCR est négative, tout comme les sérologies borrélia et
syphilis. En revanche, la virorachie VIH est élevée, à
240 000 copies/ml, pour une virémie effectuée le même
jour à 3400 copies/ml. A noter que les trois virémies ef­
fectuées durant les sept mois précédents se situaient
entre 100 et 200 copies/ml, sans que l’adhérence théra­
peutique du patient ne soit mise en cause, comme en
témoigne un taux sanguin d’atanazavir thérapeutique un
mois avant l’hospitalisation. Le taux de cellules T CD4+
était à 503/mm3 (27%) trois mois avant l’hospitalisation.
Un échappement virologique dans le compartiment
du SNC est retenu en l’absence d’étiologie alternative,
et le traitement antirétroviral est modifié afin d’amélio­
rer sa pénétration cérébrale, en remplaçant l’atazanavir
par le darunavir (tableau 1). Depuis ce changement, la
virorachie a diminué de 2 log en deux semaines, et la
virémie de 1 log en six semaines, avant de devenir indé­
tectable. La symptomatologie du patient s’est progres­
sivement améliorée, pour finalement se résoudre tota­
lement cinq mois après le changement thérapeutique.
pénétration cérébrale des antirétro­
viraux et impact de son optimalisation
Afin d’estimer la pénétration cérébrale d’un traitement
antirétroviral, un score a été publié par Letendre et coll. en
2008, révisé en 2010, et présenté au congrès CROI (Confe­
rence on Retroviruses and Opportunistic Infections) en
2010.11 Il s’agit du score d’efficacité de pénétration céré­
brale (EPC, CPE en anglais) (tableau 1), établi sur la base
d’études pharmacologiques au niveau du LCR, de proprié­
tés physicochimiques des molécules et de leur efficacité
en termes de suppression de la virorachie. Dans ce sys­
tème, les anti­rétroviraux sont classés en quatre catégories.
Plus le score est élevé, meilleure est la pénétration céré­
brale du médicament. Pour un traitement combiné, le score
de chaque molécule est additionné. Néanmoins, il est im­
portant de noter que ce score d’EPC, dont la version révi­
sée n’a toujours pas été publiée, fait l’objet d’une contro­
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Tableau 1. Score d’efficacité de pénétration cérébrale (EPC) des différents antirétroviraux
(Adapté de réf.11).
Score d’efficacité de la pénétration cérébrale
Classes d’antiviraux
4
3
2
INTI
Zidovudine
•Abacavir
•Emtricitabine
•Didanosine
•Lamivudine
•Stavudine
INNTI
Névirapine
Etravirine
•Efavirenz
•Delavirdine
1
Ténofovir
IP
Indinavir/r
•Darunavir/r
•Atanazavir/r
•Lopinavir/r
•Atazanavir
•Fosamprénavir/r
•Fosamprénavir
•Indinavir
•Nelfinavir
•Ritonavir
•Saquinavir/r
•Saquinavir
•Tipranavir/r
Inhibiteurs de
l’entrée/fusion
Maraviroc
Enfuvirtide
INI
Raltégravir
INTI : inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse ; INNTI : inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse ; IP : inhibiteurs de la protéase ; INI : inhibiteurs de l’intégrase ; /r : boosté par du ritonavir.
verse quant à sa capacité de prédire de manière fiable la
pénétration cérébrale des divers traitements antirétrovi­
raux, et quant à son impact sur le contrôle de la virorachie et
sur l’amélioration des troubles neurocognitifs liés au VIH.12
Ceci est notamment dû au manque d’études longitudinales
incluant un nombre suffisant de sujets avec ponc­tions lom­
baires et bilans neuropsychologiques à intervalle régulier,
sur plusieurs années. Cependant, l’application de ce score
s’est glo­balement avérée utile étant donné que des scores
élevés ont été associés à des virorachies basses ainsi qu’à
une amé­lioration des fonctions cognitives chez certains
patients.13,14 A l’inverse, un score bas a été associé à un
échappement du VIH dans le LCR.15,16 Une revue de la lit­
térature datant de 2011,17 ainsi que deux études rétrospec­
tives précédem­ment citées,3,4 suggèrent fortement un effet
bénéfique de l’amélioration de la pénétration cérébrale
selon le score d’EPC, tant sur la suppression du VIH dans
le SNC que sur l’amélioration de la symptomatologie neu­
rologique en cas d’échappement du VIH dans le LCR. Cette
tendance a également été retrouvée au sein d’une petite
série de cas effec­tuée aux HUG.18 En revanche, deux études
prospectives récentes investiguant l’effet d’un traitement
antirétroviral avec un score d’EPC élevé sur des troubles
neurocognitifs, associés au VIH, ont obtenu des résultats
dis­cordants.14,19 Alors que la première14 montre que les
patients recevant les antirétroviraux associés à un score
d’EPC élevé étaient les plus à même d’être stables ou
d’améliorer leurs performances cognitives au cours des
deux années de suivi, la deuxième n’a pas pu prouver un
tel lien de cause à effet.19 Davantage d’études prospectives
impliquant plus de sujets, une batterie standardisée de
tests neuropsychologiques adéquats et un suivi prolongé
sont donc nécessaires afin d’évaluer l’impact de l’optimali­
sation de la pénétration du traitement antirétroviral selon
le score d’EPC sur le contrôle de la virorachie et l’améliora­
tion de troubles neurologiques et cognitifs.
Enfin, il est important de noter que, dans certains cas de
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discordance entre virorachie et virémie, des mutations de
résistance du VIH ont été identifiées de manière isolée
dans le compartiment cérébral.3,4 Ceci découle potentiel­
lement également d’une pénétration cérébrale insuffisante
des antirétroviraux, et souligne l’importance du contrôle de
la réplication du VIH dans le LCR.
perspectives
A l’ère de la trithérapie antirétrovirale, certains troubles
neurologiques ou neuropsychologiques, survenant chez des
patients dont la virémie VIH est supprimée, ont été asso­
ciés à une réplication du virus au niveau du SNC, par la mise
en évidence d’ARN VIH dans le LCR par RT-PCR. Cette ré­
plication compartimentalisée peut par ailleurs engendrer
la survenue de résistances aux antirétroviraux,3,4 favorisant
ainsi un échappement virologique au niveau du SNC. Bien
que les données de la littérature soient d’une puissance li­
mitée, cette entité clinique est de mieux en mieux décrite.
A quelques exceptions près, les études suggèrent qu’une
optimalisation de la pénétration cérébrale des antirétrovi­
raux selon le score d’EPC permet de diminuer, voire de
supprimer la virorachie et parfois d’améliorer la sympto­
matologie neurologique en lien avec un échappement du
VIH dans le SNC.3,4,14,17,18 Ainsi, lorsqu’un patient infecté
par le VIH, bien contrôlé sous traitement antirétroviral, pré­
sente des troubles neurologiques ou neuropsychologiques
nouveaux, il paraît adéquat d’investiguer ceux-ci au moyen
d’une IRM cérébrale et d’une ponction lombaire.20 Si une
virorachie est détectable, le séquençage du génome viral
pourra révéler une éventuelle résistance à un antirétroviral
particulier. Le cas échéant, le résultat du profil de résis­
tance devra être intégré dans la stratégie visant à améliorer
la pénétration cérébrale du traitement.
D’un point de vue physiopathologique, si certains de ces
troubles neurologiques sont raisonnablement en lien avec
la présence d’une virorachie VIH détectable, la charge vi­
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rale ne semble pas être corrélée à la sévérité des manifes­
tations cliniques. Ces dernières pourraient en revanche être
fonction de la réaction inflammatoire en réponse à la pré­
sence du VIH au sein du SNC. A ce propos, certains mar­
queurs en cours d’investigation, tels que S100B, élevé en
cas de destruction des astrocytes, ou la néoptérine, syn­
thétisée par les macrophages et la microglie, pourraient
s’avérer utiles à l’avenir dans l’évaluation et la prédiction
de l’impact du VIH au niveau du SNC.21
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec
cet article.
Implications pratiques
> Certains patients VIH peuvent développer des manifestations
neurologiques ou neuropsychologiques malgré un traitement
antirétroviral bien conduit et une virémie indétectable
> L’échappement du VIH au niveau du système nerveux cen-
tral peut expliquer une partie de ces cas, raison pour laquelle
une ponction lombaire avec mesure de la virorachie VIH et
le cas échéant séquençage du génome viral en vue d’un profil
de résistance aux antirétroviraux est à considérer
Adresses
Dr Manuel Schibler
Service de médecine de laboratoire
Dr Alexandra Calmy
Service des maladies infectieuses (MS)
HUG, 1211 Genève 14
[email protected]
[email protected]
Dr Matthias Cavassini
Service des maladies infectieuses
Pr Renaud Du Pasquier
Service de neurologie
CHUV, 1011 Lausanne
[email protected]
[email protected]
> Une IRM cérébrale peut être utile pour le diagnostic et le
suivi, révélant des lésions hyperintenses au niveau de la substance blanche en T2 et en FLAIR. Un tel examen est aussi
utile pour s’assurer qu’une ponction lombaire peut être effec­
tuée dans de bonnes conditions (absence d’effet de masse)
> En cas de virorachie VIH détectable, l’optimalisation de la pé-
nétration cérébrale du traitement antirétroviral selon le score
d’EPC (efficacité de pénétration cérébrale) et la prise en
compte d’éventuelles résistances dans le choix des molécules antirétrovirales peuvent diminuer, voire supprimer cette
virorachie, et améliorer la symptomatologie neurologique
> Dans tous les cas, un avis spécialisé (par exemple, auprès de
la plateforme neuro-VIH du CHUV) est requis
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* à lire
** à lire absolument
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