La vérité : Toute vérité a-t-elle besoin d’être prouvée ? La vérité désigne en premier lieu, un résultat et caractérise un énoncé. Mais elle est également un processus et une méthode qui, pour être vrais, doivent être cohérent. A chacun sa vérité, telle est la croyance commune. Nous aurions le droit d’avoir chacun notre version de ce qui est vrai et de ce qui est faux. Pourtant, s’il fallait s’en tenir a ce relativisme, il n’y aurait aucune différence entre la vérité et l’opinion. C’est pourquoi, lorsqu’on se réclame la vérité, il faut aussi être en mesure de donner des preuves de ce qu’on avance. Toute vérité a-t-elle besoin d’être prouvée ? La preuve est-elle toujours nécessaire pour poser une vérité ? Toute vérité peut-elle être prouvée de façon scientifique ? Et vérifier une vérité scientifique, est-ce la même chose que découvrir une vérité personnelle ? Dans une première partie, nous verrons en quel sens une vérité a besoin d’être prouvée de façon rationnelle pour être valable. Dans une seconde partir nous montrerons que la preuve scientifique ne convient qu’aux vérités de faits, et non aux vérités de raisons. Enfin, dans une troisième partie, nous verrons dans quelle mesure une vérite a toujours besoin d’être « éprouvée » pour s’affirmer comme légitime. I- Une vérité a besoin d’être prouvée Une vérité prétend avoir une valeur différente que celle d’une simple opinion immédiate. Elle prétend justement avoir une valeur universelle, c'est-à-dire qu’elle s’affirme comme ne dépendant pas d’un jugement particulier, mais comme se fondant sur un raisonnement. Le propre de la vérité scientifique est d’être démontrable par l’expérience et de s’opposer à l’opinion, comme le montre Bachelard. L’opinion est incertaine, elle ne peut donc qu’entraver la recherche de la vérité. Le scientifique doit même s’interdire d’avoir des opinions sur des questions qu’il ne comprend pas, qu’il ne sait pas formuler clairement. Car, avoir une opinion, c’est déjà répondre avant même d’avoir trouvé la question alors que la science consiste avant tout à se poser des questions. Une vérité, justement parce qu’elle a besoin d’être prouvée, d’être établie par la raison, ne peut se fonder sur l’opinion. Comme le montre Platon, la recherche de la vérité est difficile et non spontanée. En effet, nous nous satisfaisons facilement de l’apparence du savoir, que Platon nomme « opinion ». A quoi bon chercher la vérité si nous croyons la posséder ? Par conséquent, la recherche de la vérité commence d’abord par une phase critique de destruction de l’opinion. Car l’opinion varie selon les individus, les sociétés, les époques ; or la vérité est universelle et ne varie pas. Une vérité scientifique, c’est une vérité qui résiste à la contre-épreuve. La vérité a donc non seulement besoin de preuve, mais aussi de contre-épreuves. La vérité scientifique n’est pas donnée, elle se construit a partir d’erreurs, elle requiert des ruptures permanentes avec le savoir déjà acquis, mais aussi avec des manières de penser, elle exige même une reforme de son esprit. La vocation scientifique exige un renoncement complet à tout ce qui est de l’ordre de subjectivité humaine. La vérité scientifique est une vérité absolue, qui est vrai absolument, c'est-à-dire entièrement, parfaitement, et à tous les points de vue. C’est donc exactement le contraire d’une vérité relative. L’idée d’une vérité absolue est donc l’idée d’une vérité certaine et universelle, valable en tout temps, en tout lieux et pour tous les hommes, parce qu’elle dit les choses telles qu’elles sont, objectivement, et non telles qu’elles apparaissent à chacun dans des perspectives toujours partielles. L’idée de vérité absolue est inséparable des idées de démonstration, de vérification, d’expérimentation. Pour s’assurer de la vérité de ce que l’on pense, il importe de pouvoir justifier que ce que l’on dit est vrai. Au sens large la notion de démonstration se rapporte à tout type de preuves qu’une personne peut fournir pour appuyer ce qu’elle avance. Elle peut donc voir le sens de justification. Mais cette notion connait aussi un usage plus restreint : il s’agit d’une démonstration telle qu’elle est pratiquée dans les mathématiques. La démonstration est une forme de raisonnement caractérisée par le fait qu’elle se présente comme un système dont toutes les propositions sont démontrés et cohérentes entre elles. En revanche au sein des mathématiques, il y a un certain nombre de propositions qui sont avancées sans être démontrées : la démonstration ne peut pas remonter a l’infini, il faut qu’elle est un point de départ (qui lui-même n’a pas été démontré). Ce point de départ est appelé axiome. Un axiome désigne une vérité indémontrable qui doit être admise comme vraie. Les axiomes constituent donc la limite de la démonstration : ils ne peuvent pas être démontrés. Descartes souligne ainsi que ces propositions premières, indémontrables, sont immédiatement connues par l’esprit : leur vérité se voit d’elle-même. Ce sont des évidences, des « intuitions ». Il dit : « Les premiers principes ne peuvent être connus que par intuition ; et au contraire, les conséquences éloignées ne peuvent l’être que par déduction ». Descartes souligne donc que les premiers principes, c'est-à-dire ceux sur lesquels va être bâtie une théorie, ne peuvent être démontrés ; ils font l’objet d’une saisie immédiate. Nous pouvons en conclure que sans preuve scientifique, c'est-à-dire sans confrontation avec l’expérimentation, une vérité n’a pas de légitimité et n’a pas de fondement physique. II- La preuve scientifique ne convient qu’aux vérités de faits. Si on ne peut établir de vérités sur les phénomènes naturels sans prouver les hypothèses proposées grâce à des expérimentations scientifiques ; peut-on, de la même façon, avoir des preuves expérimentales pour établir des vérités sur les phénomènes humains ? La vérité, lorsqu’elle porte sur l’existence humaine, a-t-elle le même sens que la vérité scientifique ? La vérité scientifique a besoin de preuves scientifiques. Soit. Mais la vérité que l’on peut découvrir sur soi-même ne semble pas nécessairement obéir à la logique de la preuve. En effet, c’est plutôt à travers un cheminement personnel que l’on peut découvrir une vérité sur soi, qui n’aura rien à voir avec un fonctionnement ou une loi universelle. Mais, comment distinguer le vrai du faux, si le faux peut prendre l’apparence du vrai à nos yeux? Le premier critère de vérité selon Descartes est l’évidence. Mais comment distinguer l’évidence de la fausse évidence ? La seule solution selon Descartes, c’est de considérer « comme absolument faux tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute ». Ensuite, comme on peut se tromper sur des raisonnements, on rejette « comme fausses toutes les raisons que j’avais prises auparavant pour démonstrations ». Enfin, nous devons croire que toutes les choses qui sont entrées dans notre esprit sont de même nature que les illusions de nos pensées. Mais, aussitôt après, je remarque que pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi qui pensait cela, je « fusse quelque chose ». C’est en effet à partir d’une telle recherche que Descartes a découvert cette première vérité « je pense, donc je suis », qui ne peut être prouvée autrement que par une intuition. En s’aventurant dans une méditation le conduisant à douter de tout, Descartes découvre de façon inattendue cette vérité sur son identité, qui est une première raison montrant que toute vérité n’a pas besoin d’être prouvée. Ensuite, il est difficile d’appliquer à tous les types de vérités la démonstration mathématique. En effet, les vérités de faits ne s’établissent pas démonstrativement et a priori : elles reposent sur l’observation et l’expérience. L’empirisme se fonde sur cette idée que l’expérience est au fondement de toute connaissance. Locke dit « L’expérience est le fondement de toute connaissance, et c’est de là qu’elles tirent leurs premières origines ».En effet, l’expérience est la première étape de la connaissance. Avant elle, l’esprit est comme une page blanche : il n’y a donc pas de connaissances innées, comme on aurait pu le croire avec les vérités absolues. Il faut donc bien distinguer « vérité de fait » et « vérité de raison ». Lorsqu’un énoncé est vrai parce qu’il correspond au réel qu’il décrit il s’agit d’une vérité de fait. Lorsqu’il est vrai en vertu des seules relations logiques existant entre ces thermes il s’agit d’une vérité de raison. Par exemple « la salade est verte » est une vérité de fait, parce que, pour savoir si cet énoncé est vrai, il faut que je le confronte a la réalité. En revanche « 2+2=4 » est une vérité de raison parce qu’il suffit de comprendre le sens de « 2 », de « 4 », de « + » et de « = » pour comprendre que cet énoncé est vrai. La preuve scientifique ne convient donc qu’aux vérités qui portent sur la matière, sur les phénomènes matériels, lesquels obéissent à la loi de causalité. Mais la preuve scientifique n’est pas opérante si on cherche à l’appliquer à des vérités portant sur le sens de l’existence humaine. III- Toute vérité a besoin d’être « éprouvée » On peut donc dire que toute vérité n’a pas besoin d’être prouvée scientifiquement, et que ce serait même faire un contresens sur la vérité que de vouloir la prouver de façon toujours identique. La preuve scientifique convient aux vérités portant sur des faits matériels. Cependant, faut-il penser pour autant que la vérité sur soi n’a pas de fondement ? Peut-on malgré cette absence de preuve scientifique, distinguer une vérité subjective d’une simple opinion ? La psychanalyse nous a appris que la vérité se signale justement a partir de son mode d’apparition, inattendu et surprenant. La vérité de l’inconscient vient toujours déranger les illusions de la conscience. Ainsi, la conscience ne peut se représenter les choses que dans un cadre spatio-temporel, mais cela ne prouve pas que les choses n’existent que dans le temps ou dans l’espace. Kant estime donc qu’il faut distinguer le monde tel que nous le connaissons, du monde tel qu’il existe en dehors de nous ( en dehors de notre conscience) et que nous ne pouvons pas le connaitre. La vérité que l’esprit humain peut atteindre serait donc relative. La recherche de la vérité constitue une sorte d’exigence, d’idéal que toute personne devrait poursuivre. Néanmoins, est-il certain qu’il soit possible d’accéder à une vérité certaine, absolue ? Cette recherche de la vérité n’’est elle pas vaine, parce qu’infinie ? C’est en tout cas ce que soutiennent les sceptiques. Le scepticisme est une doctrine philosophique selon laquelle la pensée humaine ne peut déterminer aucune vérité avec certitude. Elle est basée sur deux arguments majeurs : - Le premier argument affirme que l’homme n’a affaire qu’à des apparences, c'est-àdire des phénomènes sensibles. Il est donc impossible de connaitre les choses elles-mêmes, c'est-à-dire ce qu’elles différentes de l’apparence sous laquelle nous les percevons. La conséquence est qu’on ne peut pas affirmer de vérité ou de fausseté concernant les choses, mais seulement décrire la façon dont elles apparaissent ou dont elles nous affectent. - Le second argument affirme qu’à chaque thèse il est possible d’opposer une thèse contraire équivalente, sans posséder les moyens de trancher en faveur de l’une ou de l’autre. La conséquence est qu’il est impossible de ne rien affirmer avec certitude. Le but n’est pas de dire que les choses n’existent pas, ou que l’homme doit abandonner l’action, mais de souligner qu’il ne peut rien affirmer de certain ni de vrai. Le scepticisme invite à la suspension du jugement, on ne doit pas se prononcer sur la vérité ou la fausseté de choses. On peut également penser que la vérité n’est qu’une illusion, inventée dans le but de se consoler. Ce reproche concerne surtout la vérité religieuse car c’est une manière de se consoler des désillusions causées par la réalité, souvent source de déception. Nietzsche propose ainsi de concevoir la vérité comme une consolation nécessaire. En fait, les hommes, qui ne veulent plus souffrir et qui sont incapables d’agir, se refugieraient dans une croyance rassurante. La vérité serait donc une « nécessité vitale ». Nietzsche critique cette idée qui rassure mais qui maintient en quelque sorte dans l’illusion. Il ne faut pas vouloir la vérité, il faut au contraire assumer l’absence de vérité (car il n’y a ni vérité ni mensonges). Il y a uniquement la vie. Ce n’est pas parce que la vérité « sauve » qu’elle est vraie. On pourrait donc dire que la vérité scientifique elle-même a besoin d’être éprouvée par-delà toute preuve scientifique. Les vérités scientifiques, en effet, s’inscrivent elles aussi, dans une histoire et sont éprouvées au cours du temps. Elles sont ainsi conduites à être corrigées et parfois même totalement reformulées. La vérité scientifique s’est affirmée comme vérité par distinction d’avec l’opinion, précisément parce qu’elle s’avançait à partir de preuves qui la soutenaient. Cependant, la preuve scientifique n’a pas de sens lorsqu’il est question de vérité de raison. On peut donc parler plus justement d’épreuve de la réalité, au sens où toute vérité, sur le monde ou sur soi, doit en passer par l’épreuve du temps pour se révéler réelle. De plus il n’y a pas de vérité, il n’y a que des interprétations de la vérité. Bibliographie et sitographie : http://www.aline-louangvannasy.org/article-dissertation-correction-doit-on-on-rechercher-la-verite114306503.html http://www.decitre.fr/media/pdf/feuilletage/9/7/8/2/3/5/1/4/9782351413128.pdf http://www.intellego.fr/soutien-scolaire-terminale-l/aide-scolaire-philosophie/dissertationphilosophie-terminale-pourquoi-vouloir-la-verite-/32152 https://www.annabac.com/content/faut-il-preferer-la-verite-au-bonheur http://apprendre-la-philosophie.blogspot.fr/2009/03/faut-il-toujours-dire-la-verite-toute.html ABC du bac philosophie, objectif Bac Philosophie, Philo Défi bac, philosophie magazine