L'heure des Espagnols Christophe Colomb A-t-il eu l'idée de chercher la route de l'Inde par l'ouest en lisant la lettre que l'astronome florentin Toscanelli aurait écrite, en 1474, à un chanoine portugais ? C'est peu probable, car il ne semble s'intéresser aux grands problèmes maritimes qu'après son mariage avec la fille d'un marin réputé (1480). Certains même ont mis en doute son intention d'atteindre l'Inde par l'ouest : Colomb serait parti à l'aventure à la recherche d'îles fabuleuses. En réalité, il connaît l'Imago mundi, de Pierre d'Ailly, imprimée à Louvain en 1483 et où il trouve l'idée, vraie, de la sphéricité de la Terre jointe à l'idée fausse que la dimension du continent eurasiatique est de 225 degrés et que le Cathay est par conséquent très proche de l'Europe dans la direction de l'ouest. Rejoindre les Indes par l'ouest, tel est le projet que Christophe Colomb soumet, dès 1483, au roi de Portugal. Mais ses exigences paraissent démesurées, il est éconduit. Colomb s'adresse alors aux souverains espagnols. Mais ceux-ci, sur le conseil de l'université de Salamanque, rejettent d'abord ses propositions, parce que trop vagues. Ce n'est qu'en 1491, pendant le siège de Grenade, au moment où il commence à désespérer, que le Génois obtient d'Isabelle l'autorisation d'organiser avec les frères Pinzon, armateurs à Palos, une petite escadre de trois navires. Parti le 3 août 1492, il fait escale aux Canaries et, dans la nuit du 11 au 12 octobre, aperçoit la terre. Ce sont les îles Lucayes, à l'entrée du détroit de Floride. Colomb se croit sur les rivages de l'Asie. Il explore les Antilles, cherchant les souverains de Cipangu et de Cathay, à qui il doit remettre ses lettres de créance. Il découvre Cuba le 27 octobre et, peu après, la future Saint-Domingue, qu'il baptise « Hispaniola ». Mais il a perdu l'un de ses navires, ses hommes sont fatigués et, le 15 mars 1493, sept mois après son départ, il rentre triomphalement à Palos. Il est toujours persuadé d'avoir atteint l'Asie. Colomb ne sera jamais détrompé, malgré trois autres voyages (1493, 1498, 1502), où il explore les Antilles, reconnaît l'embouchure de l'Orénoque et l'isthme de Panamá. Surtout, son aventure a déçu les Espagnols qui lui reprochent de ne pas avoir découvert la bonne route des épices ni rapporté d'or. L'essai de colonisation tenté à Saint-Domingue ne réussit pas. Pendant son troisième voyage, Ferdinand et Isabelle décident de lui enlever la vice-royauté. Son remplaçant, Bobadilla, ayant outrepassé les ordres reçus, les souverains réparent, dans la mesure du possible, l'affront fait au navigateur. Mais ils ne lui rendent pas ses anciens pouvoirs et, s'ils lui permettent un quatrième voyage, celui-ci présente un objectif strictement géographique : découvrir des terres nouvelles. C'est ainsi qu'il explore la côte de l'Amérique centrale, du Honduras actuel à l'isthme de Darien. Il essaie vainement de trouver de l'or en Costa Rica, revient échouer à la Jamaïque après que sa flotte eut été dispersée par les tempêtes. En septembre 1504, il s'embarque pour l'Espagne, où il arrive malade, et meurt en 1506. L'Amérique Cependant, on commence à soupçonner que ces terres nouvelles ne sont pas l'Asie. En 1504 et 1505, le Florentin Amerigo Vespucci, qui a participé à plusieurs des expéditions vers l'ouest, publie des lettres où il prétend que l'on se trouve en présence d'un « nouveau monde ». Et en 1507, un typographe de Saint-Dié, Martin Waldseemüller, imagine, dans la préface d'une Cosmographie, de donner au nouveau continent le nom d'America. Aucun doute n'est plus possible après le voyage de Balboa (1513), qui, du haut des montagnes de Panamá, découvre un vaste océan, et après celui du Portugais Magellan, qui, longeant la côte d'Amérique du Sud, franchit ce détroit de six cents kilomètres, auquel il donne son nom, et s'aventure dans l'océan, qu'il appelle Pacifique, jusqu'aux Philippines, qu'il aborde après un trajet de quatre mois et où il périt dans un combat contre les indigènes. Son pilote, El Cano, regagne l'Espagne par le cap de BonneEspérance. C'est le premier tour du monde : il a duré trois ans (1519-1522). Sur les cinq navires et les deux cent trente-neuf hommes partis, il revient vingt et un hommes et un navire, la Victoire, dont la charge d'épices, prise aux Moluques, suffit à payer toute la campagne. Tordesillas L'expédition de Magellan illustre bien la rivalité hispano-portugaise dans la conquête du monde : c'est à qui trouvera la route des épices. Le conflit dure depuis longtemps. Dès le premier retour de Colomb, les Portugais ont réclamé leur part du monde. Ferdinand s'est adressé au Saint-Siège, c'est-à-dire à l'Espagnol Alexandre VI, qui, en mai 1493, accorde à son pays natal les terres situées à l'ouest des Açores et au Portugal les terres en deçà. Mais, devant les réclamations du Portugal, la ligne de démarcation, par le traité de Tordesillas (7 juin 1494), est repoussée de 170 lieues vers l'ouest. Ce traité donne au Portugal la moitié ouest du Brésil. Aux antipodes, le traité de Saragosse (1529) accorde les zones contestées, y compris les futures Philippines, aux Portugais. Mais ceux-ci n'occupent pas les Philippines. Les Espagnols s'y installent dès 1542. Leur nom vient de celui de l'infant, le futur Philippe II. Dès la fin du xvie siècle, les « galions de Manille » apporteront chaque année à Acapulco la soie chinoise échangée contre l'argent mexicain, au prix de périlleuses traversées. Les conquistadores Il reste aux Espagnols à occuper le continent américain au-delà du Brésil. La mer des Antilles va jouer le rôle d'une véritable Méditerranée, véhicule commode des forces militaires espagnoles. Celles-ci se heurtent à un relief difficile, au climat tropical, à des tribus sauvages et surtout à deux centres de civilisation, l'empire des Aztèques sur le plateau du Mexique, l'empire des Quichuas avec sa dynastie Inca, au Pérou. En 1519, Hernán Cortés débarque sur la côte mexicaine avec six cent soixante hommes et crée le fort de la Vera Cruz. Trouvant facilement l'appui des tribus soumises par les Aztèques, à qui leurs croyances religieuses promettent un libérateur envoyé par les dieux et venant de l'est, il marche sur Mexico, capitale de l'empire. Son chef, Moctezuma, l'accueille en ami. Six jours après, des soldats espagnols ayant été attaqués par des Mexicains, Cortés fait Moctezuma prisonnier et organise un véritable protectorat. Si l'on trouve de l'or aux Antilles, de l'or et de l'argent au Mexique, l'immense et brillant empire du Sapa-Inca, couvert de travaux gigantesques, doit fournir aussi en abondance les deux précieux métaux. N'est-ce pas l'Eldorado ? Deux aventuriers espagnols, Pizarre et Almagro, s'associent pour la conquête. En 1532, Pizarre la commence avec cent soixante-dix hommes, soixante-dix chevaux et trois arquebuses et la termine avec les renforts que lui amène Almagro. En 1535, il fonde une nouvelle capitale : Lima. Mais les deux chefs se brouillent. Almagro, fait prisonnier par Pizarre, est étranglé (1538). Pizarre est tué par les soldats d'Almagro (1541). Le pays vit dans l'anarchie lorsque Charles Quint, en 1547, y envoie un gouverneur. Ainsi est créé l'Empire espagnol, très différent de l'Empire portugais d'Orient. Sans doute les deux empires sont-ils fondés sur le principe du monopole commercial. Mais celui d'Amérique n'est pas une simple organisation de comptoirs. Il y a une extension territoriale. Une population européenne y émigre ; une administration sur le modèle de celle de la Péninsule y est instaurée, aux ordres de vice-rois et de capitaines généraux. Il manque la main-d'œuvre : on la recrute parmi les Indiens, qu'on répartit entre les colons pour le travail forcé des mines ou des terres. L'Église, de son côté, n'est pas restée inactive. Des missions ont été organisées, des couvents et des églises bâtis. Les Indiens sont amenés à la foi catholique d'une façon assez superficielle en général : on est encore maladroit pour adapter le message chrétien aux mentalités et civilisations nouvelles. On s'efforce de protéger les indigènes contre les abus des colons. Le dominicain Las Casas, par exemple, ne cesse de démontrer les atrocités que ceux-ci commettent contre ceux-là. Le malheur est que, pour les sauver, on trouve un remède pire que le mal : s'adresser aux Noirs d'Afrique, qu'on achète comme esclaves et qu'on envoie en Amérique dans les pires conditions physiques et morales. C'est la traite des Noirs, qui durera jusqu'au xixe siècle.i i http://www.universalis.fr/encyclopedie/grandes-decouvertes/ Expliquez le rôle précurseur que Las Casas a joué en ce qui concerne le traitement des peuples autochtones d’Amérique. Qu’est-ce que le traité de Tordesillas? Pourquoi Christophe Colomb croyait-il avoir atteint l’Asie?