Sous le régime français, le tribunal civil et militaire siégeait ici. Sur le

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Montréal
À la n du régime français, les tribunaux siégeaient rue
Notre-Dame, à quelques pas à l’ouest de la rue Saint- Laurent.
La Commission des monuments historiques de Québec a
marqué l’endroit par une plaque de fer bronzé, posée sur le
mur de l’édi ce Thémis, à côté de la porte cochère condui-
sant à la cour. L’inscription se lit :
Sous le régime français, le tribunal civil et militaire
siégeait ici. Sur le même emplacement fut érigée en
1814, la Christ Church incendiée en 1856.
L’entrée du tribunal donnait sur la rue Notre-Dame et par
la rue Saint-Jacques on accédait à l’arrière où se trouvait la
prison.
L’année 1760 marque la n du régime français et le début du
régime britannique. Le 10 février 1763, à la suite de la rati-
cation du Traité de Paris qui faisait de la Nouvelle-France
une possession britannique, l’Angleterre adopte les pre-
mières législations établissant des tribunaux. La première
législation établit deux districts judiciaires : celui de Québec
et celui de Montréal. Le Général Gage divise le district de
Montréal en six arrondissements : Montréal, Pointe-Claire,
Pointe-aux-Trembles, Longueuil, St-Antoine-sur-Richelieu
et Lavaltrie. Dans chacun de ces arrondissements, il éta-
blit une chambre de justice composée de sept capitaines de
milice. Ces derniers jugent toutes les causes, mais on pou-
vait en appeler de leurs décisions à trois conseils d’of ciers
qui siégeaient à Montréal, à Varennes et à Saint-Sulpice. Le
Gouverneur siège en dernier ressort1.
Les Chambres de justice établies par le Gouvernement mili-
taire après la capitulation de Montréal siégèrent aux mêmes
endroits que sous le régime français. Quelques années plus
tard, avec le développement de l’organisation judiciaire
créée par les gouverneurs britanniques de 1764 à 1793, les tri-
bunaux s’installèrent dans l’ancienne résidence des Jésuites
sur la rue Notre-Dame. Mais le suremploi de la résidence
des Jésuites crée une impression de désordre convenant peu
à l’administration de la justice.
Montréal
Les palais de justice du Québec
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En 1793, le Parlement du Bas-Canada adopte l’Acte qui divise
la province du Bas-Canada, qui amende la judicature d’icelle, et
qui rappelle certaines lois y mentionnées2. Cette loi constitue
la base de notre organisation judiciaire notamment par la
création de trois districts judiciaires : Québec, Montréal et
Trois-Rivières3.
En 1799, le Parlement adopte une loi4 pour « ériger des
salles d’audience avec des of ces convenables » à Montréal,
à Québec et à Trois-Rivières, les villes les plus populeuses
du Bas-Canada. La loi prévoit des crédits de 5 000 livres
pour la construction du palais de justice. À Montréal, les
Commissaires chargés de la bonne exécution des travaux de
construction de l’édi ce choisissent une partie de l’ancienne
propriété des Jésuites pour y bâtir le palais de justice ; le
coût de construction est assumé par une taxe spéciale sur
certaines procédures émises par les cours, placée dans un
fonds spécial.
Premier palais de justice, 1800-1844
Le 5 novembre 1799, par contrat sous seing privé, les Com-
missaires donnent les travaux d’excavation et de maçonne-
rie à Basile Proulx et François Xavier Daveluy dit Larose,
maîtres entrepreneurs à Montréal. Ceux-ci s’engagent à
faire la maçonne et les voûtes de la bâtisse en bonnes pierres
grises, suivant les directions du surintendant nommé pour
veiller à la bonne exécution et à la régularité de l’ouvrage.
Les travaux devaient être complétés à l’automne 1800, ou
au plus tard le 1er juillet 1801. Le contrat prévoyait des fon-
dations de six pieds de profondeur sur six pieds de largeur
pour les gros murs et une cave profonde de deux pieds pour
le reste de l’édi ce. L’étendue à creuser était de 140 pieds
de front sur 54 pieds, mesures françaises, et pour les ailes,
« quarante pieds sur dix-huit en venant vers l’intérieur du
bâtiment »5. Proulx s’étant désisté, Daveluy reste le seul
entrepreneur6. La construction est terminée en 1801 ; elle a
requis un investissement de 25 000 $.
Le palais de justice 1803, démoli à la suite de l’incendie de 1844.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec.
Albums de rues E.-Z. Massicotte. B-11-a.
Ce premier palais de justice est un édi ce en pierre de taille.
Les détails de ce palais montrent les fenêtres en forme de
niche, tandis que les pilastres et le fronton s’inscrivent dans
la tradition du classicisme britannique. D’après une chro-
nique contemporaine, ce premier palais de justice consis-
tait en une construction assez imposante à deux étages et
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Montréal
un rez-de-chaussée, avec soubassement ; il se composait
d’un corps principal surmonté d’un fronton et anqué de
deux ailes. On dit que le but premier de la construction de
cet édi ce était d’honorer le Gouvernement de Sa Majesté
Georges III.
En 1808, le Gouvernement décide de construire une prison
adjacente au palais de justice ; l’architecte montréalais Louis
Charland (1772-1813) en dresse les plans7. Sa localisation
actuelle correspond à la moitié ouest de la place Vauquelin
ainsi qu’à la partie est du vieux palais. On y trouvait des
cachots aux plafonds bas, sans fenêtres et sans aération.
Elle accueillait les criminels de tous genres : ils étaient des
centaines à s’entasser : hommes, femmes et enfants mêlés,
petits et grands criminels réunis, nourris d’un seul repas
par jour, et respirant un air malsain dans une cinquantaine
de cachots insalubres. Dans le même cachot, on pouvait
rencontrer une domestique ayant volé un carré de beurre
et un meurtrier, les enfants d’une femme condamnée,
ou des prostituées. Sous la place Vauquelin, on trouve
encore aujourd’hui les cachots de cette première prison,
alors appelée la pénitencerie. Pendant que les prisonniers
croupissaient au cachot, des pendaisons avaient lieu sur la
place du Champ-de-Mars ; c’était une grande place pou-
vant accueillir beaucoup de spectateurs. Cette prison étant
devenue trop petite, elle est remplacée par la prison du
Pied-du-Courant en 1836.
En 1818, le Gouvernement fait exécuter des réparations
au palais de justice par les entrepreneurs Joseph Clarke et
Teavill Appleton8.
Dans la nuit du 17 au 18 juillet 1844, un incendie détruit le
palais de justice. Ce sinistre oblige les cours de justice à sus-
pendre leurs travaux. Quelque temps plus tard, les tribu-
naux et les greffes s’installent dans l’ancienne prison alors
utilisée comme caserne. Lors de sa démolition partielle en
1849, les cours trouvent des abris temporaires au Château
Ramezay.
Château Ramezay, Montréal John Henry Walker (1831-1899),
1850-1885, XIXe siècle Encre sur papier – Gravure sur bois 6,8 x 9,9 cm.
Photo : Musée McCord.
Deuxième palais de justice, 1856-1971
Le Gouvernement demande à l’architecte John Wells une
estimation des travaux à exécuter pour réparer l’édi ce
incendié. Le 5 juillet 1845, ce dernier remet au Gouverne-
ment une évaluation du coût des réparations9. Dans un
rapport complémentaire, Wells conclut qu’il est préférable
Les palais de justice du Québec
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de construire un nouveau palais de justice10. Après cer-
tains délais, le Parlement de l’Union adopte une loi pour
« construire une maison de justice convenable dans la cité de
Montréal sur le terrain (…) situé entre le Champs-de-Mars et la
rue Notre-Dame ; la maison de justice devant être assez spacieuse
pour y tenir les termes de toutes les cours (…) et pour contenir le
bureau d’enregistrement (…) »11. Cet emplacement se trouve à
l’époque, au centre du secteur administratif et commercial
de Montréal.
Le 10 août 1850, le Parlement du Canada-Uni adopte une loi
« pour employer les deniers provenant des droits sur les licences
d’auberge dans le comté et la cité de Montréal à défrayer le coût
de la nouvelle cour de justice qui doit être érigée dans la cité de
Montréal » 12.
À cause des dif cultés survenues avec les plans de l’archi-
tecte William Footner, lors de la construction du palais de
justice de Sherbrooke, le Département des Travaux publics
ouvre un concours pour les plans du nouveau palais13. Les
architectes John Ostell et Maurice Perrault remportent le
premier prix14.
Le 28 novembre 1850, le contrat d’excavation, de pierre de
taille, de maçonnerie et de briquetage est accordé aux entre-
preneurs Augustin Laberge, Pierre Labelle et Michel Bro15.
De 1851 à 1856, les juges de la Cour supérieure de Mont-
réal siègent au Château Ramezay. La construction du
palais débute en 1851. Toutefois, un comité spécial apporte
des changements au plan initial et les travaux sont sus-
pendus. Le 14 août 1852, le Gouvernement signe un nou-
veau contrat avec les mêmes entrepreneurs et les travaux
se poursuivent. Ils sont terminés en 1856 et les tribunaux
peuvent siéger dans ce nouveau palais le 1er mai 1856. La
construction et les réparations effectuées jusqu’en 1867 ont
coûté 338 675 $16.
Le palais de justice vers 1860. Photo : Musée McCord, M930.50.7.267.
Le bâtiment d’inspiration palladienne en pierre grise se
compose d’un corps central rectangulaire dont l’entrée
principale forme un portique monumental surmonté d’un
fronton reposant sur des colonnes ioniques et anqué de
deux ailes latérales bien dégagées. Haut de quatre étages
comprenant un rez-de-chaussée et un sous-sol, il est coiffé
d’un toit en terrasse bordé d’une balustrade. Le style palla-
dien, apparu en Amérique du Nord vers 1815, propose un
retour à la Renaissance italienne et une certaine austérité. Il
conserve l’apparence classique des autres palais de justice et
bâtiments publics, ainsi que le souligne l’architecte Marsan :
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Montréal
« il s’inscrit dans la tradition du classicisme britannique des
Province Houses (1811-1819) d’Halifax et d’Osgoode Hall
(1829) de Toronto »17.
Les autorités inaugurent le nouveau palais le 1er février
185718. Le Rapport des Travaux publics en donne la descrip-
tion suivante :
C’est un édi ce en pierre de taille de l’ordre ionique,
situé entre la rue Notre-Dame et le Champs-de-
Mars, près du carré Jacques-Cartier. L’édi ce est
long de 295 pieds sur 106 de largeur, a un étage
sur rez-de-chaussée et soubassement, et sa toiture
est couverte en fer-blanc. Sa principale entrée, sur
la rue Notre-Dame, est sous un portique long de
74½ pieds et large de 22½, élevé sur des arches en
pierre de taille et surmonté d’un fronton reposant
en avant sur six colonnes en pierre de taille can-
nelées et en arrière sur autant de pilastres.
Ce bâtiment s’inscrit dans la tradition néo-classique très
sobre de la première moitié du XIXe siècle ; il est un modèle
de l’architecture victorienne jusqu’à ce qu’on le transforme
en 1890. Il a coûté 400 000 $.
Le sous-sol et le rez-de-chaussée, divisés en plusieurs pièces,
logent les bureaux du greffe, le bureau d’enregistrement, les
archives et les autres services judiciaires. L’étage supérieur
comprend les salles d’audience, les bureaux des juges et cer-
taines pièces réservées aux avocats.
Quelques années après sa construction, les avocats et les
juges se plaignent des pièces sombres et humides et de la
mauvaise aération qui y règne19. De plus, à la suite de l’essor
démographique et économique de Montréal, qui devient la
métropole du Canada, le manque d’espace se fait bientôt
sentir et, en 1887, le Gouvernement du Québec décide de
l’agrandir.
Agrandissement et rénovation de 1894
En dépit de ses dimensions imposantes, le bâtiment ne satis-
fait pas longtemps les besoins du district de Montréal. Le
Gouvernement projette d’abord d’ériger une annexe de sept
étages, mais il se ravise et décide plutôt d’ajouter un étage
au bâtiment existant par souci d’économie. Le Gouverne-
ment mandate les architectes Perrault et Mesnard de dres-
ser les plans pour la construction d’un étage additionnel
avec coupole. En novembre 1889, le Gouvernement accepte
les plans20. Le Département des Travaux publics du Québec
reçoit 10 soumissions et retient celle de Charles Berger et
Cie, entrepreneur de Montréal. Le 1er septembre 1890, les
parties signent le contrat de construction21. Le journal « La
Minerve » fait part de la nouvelle à ses lecteurs, le 1er sep-
tembre 1890, en écrivant :
Le palais de justice aura un étage additionnel avec
une coupole monumentale au centre comme cou-
ronnement. Ces travaux d’agrandissement dont
on estime les coûts à 200 000 $ seront terminés en
1891. On va se mettre immédiatement à la besogne.
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