du corps étendu divisible ? A la surface ou au milieu ? Derrière ou devant ? Si
elle est en conjonction avec l’étendue, elle doit exister quelque part à l’intérieur
de ses dimensions. Si elle existe à l’intérieur de ses dimensions, elle doit soit
exister dans une partie particulière et, alors, cette partie particulière est
indivisible et la perception est en conjonction seulement avec elle, et non avec
l’étendue ; soit exister dans toutes les parties et, alors, elle doit aussi être
étendue, séparable et divisible comme le corps, ce qui est totalement absurde et
contradictoire. En effet, peut-on concevoir une passion d’un yard de long, d’un
pied de large et d’un pouce d’épaisseur ? La pensée et l’étendue sont donc des
qualités complètement incompatibles et elles ne sauraient jamais s’unir l’une à
l’autre en un seul sujet.
Cet argument n’affecte pas la question qui concerne la substance de l’âme
mais seulement celle qui concerne sa conjonction locale avec la matière, et,
donc, il n’est peut-être pas inapproprié de considérer en général quels objets
sont, ou ne sont pas, susceptibles d’une conjonction locale. C’est une question
curieuse et qui peut nous conduire à des découvertes d’importance considérable.
La première notion d’espace et d’étendue dérive uniquement des sens de la
vue et du toucher et ce ne sont que les choses colorées et tangibles qui ont leurs
parties disposées d’une manière telle qu’elles communiquent cette idée. Quand
nous diminuons ou accroissons une saveur, ce n’est pas de la même manière que
quand nous diminuons ou accroissons un objet visible, et quand plusieurs sons
frappent en même temps notre oreille, l’accoutumance et la réflexion seules
nous font former une idée des degrés de distance et de contiguïté de ces corps
dont ces sons dérivent. Tout ce qui marque le lieu de son existence doit soit être
étendu, soit être un point mathématique sans parties ni composition. Tout ce qui
est étendu doit avoir une forme particulière, carrée, ronde, triangulaire, et
aucune de ces formes ne s’accordera avec un désir, ni, d’ailleurs, avec une
impression ou une idée, à l’exception de celles des deux sens mentionnés ci-
dessus. Un désir, quoiqu’indivisible, ne doit pas être considéré comme un point
mathématique. En effet, dans ce cas, il serait possible, en en ajoutant d’autres, de
former deux, trois, quatre désirs, et ceux-ci disposés et situés de manière telle
qu’ils auraient une longueur, une largeur et une épaisseur déterminées, ce qui est
évidemment absurde.
Après cela, on ne sera pas surpris que je livre une maxime condamnée par
divers métaphysiciens et qui est jugée contraire aux principes les plus certains de
la raison humaine. Cette maxime est qu’un objet peut exister et pourtant n’être
nulle part ; et j’affirme non seulement que c’est possible, mais aussi que la
plupart des êtres existent et doivent exister de cette manière. On peut dire qu’un
objet n’est nulle part quand ses parties ne sont pas situées les unes par rapport
aux autres telles qu’elles forment une figure ou une qualité, et l’ensemble par
rapport aux autres corps tels qu’ils répondent à nos notions de contiguïté et de
distance. Or c’est évidemment le cas pour toutes nos perceptions et tous nos
objets, à l’exception de ceux de la vue et du toucher. Une réflexion morale ne