Multiplication Complexe
C. Berenfeld, L. Lerer, M. Tamiozzo
16 juin 2015
Sous la direction de Jan Nekovář
Table des matières
Introduction 3
1 Quelques préliminaires de théorie algébrique des nombres 4
1.1 Anneaux des entiers algébriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.2 Trace, norme et discriminant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.3 AnneauxdeDedekind .............................. 5
1.4 Groupe des classes d’idéaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.5 Idéaux premiers et ramification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.6 ApplicationdArtin................................ 12
2 Théorie des corps de classe 15
2.1 Les énoncés de la théorie des corps de classe . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.2 Conséquences de la théorie des corps de classe . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.3 Le Théorème de Chebotarev et ses conséquences . . . . . . . . . . . . . . . 20
2.4 Extensions abéliennes de Q........................... 21
3 Courbes elliptiques et fonctions modulaires 22
3.1 Courbes elliptiques sur C............................ 22
3.2 Fonctionsmodulaires............................... 24
3.3 Algébrisation des courbes elliptiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
3.4 Courbes elliptiques sur les corps finis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
3.5 LafonctiondeWeber............................... 31
3.6 Lepolynômemodulaire ............................. 32
4 Multiplication complexe 36
4.1 Définition et propriétés fondamentales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
4.2 Le corps de classe de Hilbert des corps quadratiques imaginaires . . . . . . . 38
4.3 Kronecker Jugendtraum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
5 Applications de la théorie de la multiplication complexe 49
5.1 Les nombres premiers de la forme x2+ny2.................. 49
5.2 Division de la lemniscate . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
Conclusion 56
Références 57
2
Introduction
“The theory of complex multiplication
is not only the most beautiful part of
mathematics but also of all science.”
David Hilbert (1862-1943)
Étant donné un corps de nombres K(c’est à dire, une extension finie de Q), l’un des
problèmes fondamentaux en théorie algébrique des nombres consiste à étudier ses exten-
sions galoisiennes finies. La théorie des corps de classe, développée entre la fin du 19ème
et le début du 20ème siècle, donne une classification abstraite des extensions galoisiennes
L/K lorsque Gal(L/K)est abélien : le groupe de Galois d’une telle extension est décrit à
l’aide de certains “groupes des classes d’idéaux généralisés” associés au corps de base K.
Si K=Q, on montre aisément que les corps Q(ζn), où ζn=e2/n, sont des extensions
abéliennes de Q, appelées corps cyclotomiques. Le célèbre théorème de Kronecker-Weber
stipule qu’en fait toute extension abélienne de Qest contenue dans un tel corps. Cela donne
une description concrète des extensions abéliennes de Q, obtenues en y ajoutant les valeurs
de la fonction exponentielle évaluée en les points de torsion du groupe R/2Z.
Plus généralment, le problème se pose de décrire explicitement les extensions abéliennes
d’un corps de nombres Kquelconque. A l’aide des fonctions elliptiques et des fonctions
modulaires, Kronecker réussit à construire certaines extensions abéliennes des corps qua-
dratiques imaginaires, c’est à dire, les corps de la forme K=Q(n). Son rêve de jeunesse
(Kronecker Jugendtraum) était de montrer que toute extension abélienne d’un corps qua-
dratique imaginaire s’obtient en ajoutant les valeurs de certaines fonctions elliptiques et
modulaires. L’un des objectifs de cet exposé sera de réaliser ce rêve de jeunesse.
Nous traiterons tout d’abord le cas classique des extensions abéliennes de Q, et nous
montrerons comment déduire des énoncés de la théorie des corps de classe le théorème de
Kronecker-Weber.
Nous étudierons ensuite les fonctions elliptiques et modulaires, ainsi que les objets
arithmético-géométriques naturellement liés à ces fonctions : les courbes elliptiques, définies
sur C, obtenues comme quotient de Cpar un réseau, et munies d’une structure de groupe
compatible avec leur structure naturelle de variété analytique. Nous verrons que l’ensemble
des classes d’isomorphisme des courbes elliptiques sur Ca lui-même une structure de variété
analytique, et que les fonctions modulaires les plus simples s’interprètent naturellement
comme des fonctions méromorphes sur cette variété. On peut ainsi obtenir énormément
d’informations sur les fonctions modulaires grâce à l’étude géométrique et arithmétique
des courbes elliptiques.
Grâce à ce principe, nous démontrerons enfin que le jinvariant d’une courbe elliptique
à multiplication complexe par l’anneau des entiers OKd’un corps quadratique imaginaire
Kengendre le corps de classe de Hilbert HKde K. Une étude plus détaillée des propriétés
des courbes elliptiques à multiplication complexe nous permettra d’aboutir à un résultat
analogue au théorème de Kronecker-Weber. Nous montrerons en effet que toute exten-
sion abélienne d’un corps quadratique imaginaire Kest contenue dans un corps obtenu en
ajoutant à HKles abscisses des points de torsion d’une courbe elliptique à multiplication
complexe par OK, ce qui réalisera le Jugendtraum de Kronecker.
3
1 Quelques préliminaires de théorie algébrique des nombres
1.1 Anneaux des entiers algébriques
Les résultats de cette sous-section ne seront pas démontrés. Le lecteur intéressé par
les preuves manquantes pourra se référer à tout bon cours d’algèbre commutative (par
exemple [8]).
Définition 1.1.1. Soit ABune extension d’anneaux. On dit qu’un élément xBest
entier sur A s’il est racine d’un polynôme unitaire à coefficients dans A.
On appelle normalisation de Adans Bl’ensemble des éléments de Bentiers sur A. C’est
un sous-anneau de B.
Si L/Qest une extension de corps, on définit l’anneau des entiers algébriques OL
comme la normalisation de Zdans L.
Proposition 1.1.2. Soit Aun anneau intègre, Kson corps des fractions, Lune extension
algébrique de Ket Bla normalisation de Adans L. Alors Lest le corps des fractions de
B.
Définition 1.1.3. Un anneau intègre Aest intégralement clos s’il coïncide avec sa nor-
malisation dans F rac(A).
Remarque 1.1.4.L’anneau des entiers d’un corps de nombres Kest intégralement clos.
Soit Aun anneau intègre, Kson corps des fractions, Lune extension finie de K. Si le
polynôme caractéristique (où minimal) d’un élément xLsur Kà ses coefficients dans A,
alors xest clairement entier sur A. La réciproque est également vraie si Aest intégralement
clos, et fournit un critère pratique pour déterminer l’anneau des entiers de certains corps :
Proposition 1.1.5. Soit Aun anneau intégralement clos et Lune extension finie de
F rac(A). Alors un élément xLest entier sur Asi et seulement si son polynôme carac-
téristique sur Kest dans A[X], si et seulement si son polynôme minimal sur Kest dans
A[X].
Exemple 1.1.6. Donnons nous un entier relatif nnon nul, sans facteurs carrés. Posons
K=Q(n), et essayons de determiner OK. Un élément x=a+nb Kest dans OK
si et seulement si son polynôme caractéristique sur Qest à coefficients entiers, c’est à dire
si et seulement si T rK/Q(x)=2aZet NK/Q(x) = a2nb2Z(voir la section (1.2)).
Après quelques considérations arithmétiques élémentaires, on aboutit à :
OK=
Zh1+n
2isi n1 (mod 4)
Z[n]si n2,3 (mod 4)
C’est un résultat qu’il sera bon de retenir.
La normalisation d’un anneau Adans un anneau Best munie d’une structure naturelle
de A-module. En restreignant un peu les hypothèses faîtes sur Aet B, on peut décrire
cette structure de manière précise :
Proposition 1.1.7. Soit Aun anneau intégralement clos et principal, Kson corps des
fractions, Lune extension séparable de Kde degré fini n. Soit Bla normalisation de A
dans L. Alors Best un A-module libre de rang n.
Ainsi, si Kest un corps de nombres, OKest un Z-module libre de rang [K:Q].
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