LA FORMATION DE LʼORATEUR : ÉVALUATION FINALE
Vendredi 02/10/2105
Quintilien, Institution Oratoire, I, II, 18-19, 29, 31.
[1,2,18] Ante omnia futurus orator, cui in maxima celebritate et in media rei publicae luce
uiuendum est, adsuescat iam a tenero non reformidare homines neque illa solitaria et uelut
umbratica uita pallescere. Excitanda mens et attollenda semper est, quae in eius modi
secretis aut languescit et quendam uelut in opaco situm ducit, aut contra tumescit inani
persuasione: necesse est enim nimium tribuat sibi, qui se nemini conparat.
[1,2,19] Deinde cum proferenda sunt studia, caligat in sole et omnia noua offendit, ut qui
solus didicerit quod inter multos faciendum est. (...)
Vtile igitur habere, quos imitari primum, mox uincere uelit: ita paulatim et superiorum spes
erit. His adicio praeceptores ipsos non idem mentis ac spiritus in dicendo posse concipere
singulis tantum praesentibus, quod illa celebritate audientium instinctos. (...)
[1,2,31] Est quaedam tacita designatio, uim dicendi tantis comparatam laboribus ad unum
auditorem demittere: pudet supra modum sermonis attolli. Et sane concipiat quis mente uel
declamantis habitum uel orantis uocem incessum pronuntiationem, illum denique animi et
corporis motum, sudorem, ut alia praeteream, et fatigationem audiente uno: nonne quiddam
pati furori simile uideatur? Non esset in rebus humanis eloquentia, si tantum cum singulis
loqueremur.
Traduction : [1,2,18] Appelé à vivre dans le mouvement du monde et au grand jour des
affaires publiques l'orateur doit, avant tout, s'accoutumer dès l'enfance à ne point redouter
les hommes, et à ne point s'étioler dans l'ombre d'une vie solitaire. L'esprit veut être sans
cesse excité, aiguillonné. Il languit dans l'isolement, et se rouille, pour ainsi dire, dans les
ténèbres, ou bien il s'enfle d'une vaine présomption: comment, en effet, ne pas s'en faire
accroire quand on n'a jamais occasion de se comparer avec personne? [1,2,19] Vient-on
ensuite à se produire en public, le grand jour éblouit, on trébuche à chaque pas dans un
chemin où tout est nouveau, parce qu'on a appris dans la solitude ce qu'il faut, au contraire,
pratiquer au milieu du monde. (...)
Il est donc utile d'avoir quelqu'un qu'on se propose d'imiter, en attendant qu'on soit en état
de le surpasser. C'est ainsi qu'on s'élèvera peu à peu à de plus hautes espérances. Ajoutons à
cela que le maître ne peut parler avec la même force et la même chaleur en présence d'un
seul élève, que s'il était animé par la présence d'un nombreux auditoire.
[1,2,31] Au contraire, on ressent un secret dédain d'abaisser à un seul auditeur ce talent de la
parole, acquis au prix de tant de travaux; on rougit de s'élever au-dessus du ton de la
conversation. Représentez-vous, en effet, l'air d'un rhéteur qui déclame, ou la voix, le geste,
la prononciation d'un orateur qui sue et s'escrime de corps et d'âme, et cela face à face avec
un seul auditeur: ne serez-vous pas tenté de le prendre pour un fou? L éloquence n'existerait
pas sur la terre, si l'on n'avait jamais à parler qu'en particulier.