Prise en charge des polytraumatisés L. Martin C.H. de Bicêtre Deux phases de prise en charge: • Initiale: Traitement des détresses vitales et orientation du patient • Secondaire = Bilan lésionnel exhaustif: TDM, ETO, BIO, ECG, RADIO… Prise en charge simultanée et indissociable: • Mise en condition • Gestes de sauvetage • Préparation de l’accueil • Démarche diagnostique lésionnelle Organisation de l’accueil et du transport: gagner du temps • Pré-bilan +++ • Transport rapide +++ (Escorte). • Chronomètre • Maintien en vie sans retarder le geste d’hémostase. Mise en condition du patient En Pré-hospitalier • 2 VVP (14 ou 16 G). • IOT avec induction de type estomac plein • Sonde Oro-Gastrique • Minerve rigide • Immobilisation des foyers de fractures • Mobilisation en Monobloc strict A l’ hôpital, • Cathétérisme artériel (5F) et veineux fémoral (désilet 9F court) ± repérage échographique • Veine avant artère+++ • Débit ∝ rayon /longueur (Poiseuille) • Avantages de la voie fémorale en urgence: – Pas de contrôle radiographique – Accès artériel simultané – Possible si troubles d’hémostase Mangiante, J of Trauma, 1988 Peut être le KT veineux idéal ? • 2 Voies (9 Fr et 12 Ga) • 33 litres/h • Résistance à la plicature • Court Accélérateurs de perfusion • Poche de pression et blood pump ® en pré-hospitalier, • Level one ® en intra-hospitalier. • Obtention de débits considérables • Précautions – Ne pas interposer des robinets classiques – Utilisation de tubulures spécifiques avec piège à air Détresse hémodynamique = état de choc • Hypotension, tachycardie, sueurs, nausée, paleurs, polypnée, agitation, torpeur… • EtCO2+++, PA sanglante • Traitement: – Non spécifique: IOT, FiO2=1, AG, VM après pose KTA++ – Symptomatique: remplissage, cathécolamines, PAC, SSH, transfusion – Etiologique +++ Bradycardie du traumatisé = urgence absolue • Avec hypotension: – Bradycardie paradoxale de l’hypovolémie – Bradycardie du traumatisé médullaire haut (vasoplégie) • Avec hypertension: – Engagement cérébral temporal: regarder les pupilles Geste de sauvetage face à une détresse vitale HEMODYNAMIQUE A tous moments de la prise en charge Suture plaie du scalp • Saignement insidieux, toujours sous-estimé+++ • Agrafes automatiques • Gros points en U ou en X si artère et/ou échec agrafe Hémostase sommaire et provisoire d’une plaie vasculaire •Suture • Clampage par pince • Compression • Garrot avec horaire Tamponnement d’un épistaxis menaçant • Sonde urinaire à ballonnet • Sonde spécifique Etiologie de l’état de choc post-traumatique • Hypovolémique par hémorragie (90%) – Extériorisée – Thorax – Abdomen – Rétro Péritoine • Obstructif (9%) – Pneumothorax, Hémothorax, Hémopéricarde Schmidt, J of Trauma, 1992 • Cardiogénique initial (<1%) Toxique associé, Contusion myocardique Pretre, NEJM, 1997 • Vasoplégique: – Tétra et paraplégie > T4 – Prise de toxiques… – Allergie:célocurine, colloïdes… • Association +++ Détresse respiratoire • Agitation, sueurs, désaturation, polypnée… • Traitement: – Symptomatique: FiO2=1, masque reserve, ballon vert – Si IOT et VM: reprendre au ballon+++ – Si étiologie pleurale: drainage puis si inefficace IOT, VM – Si étiologie pulmonaire (inhalation, contusion, OAP…): IOT Geste de sauvetage face à une détresse vitale RESPIRATOIRE A tous moments de la prise en charge Exsufflation d’un pneumothorax suffocant • Exsufflation à l’aiguille 14G sur la ligne médio-claviculaire au deuxième espace intercostal. • Drainage pleural secondaire. Drainage et autotransfusion d’un hémothorax massif compressif Barriot, Chest, 1988 • Autotransfusion d’hémothorax en état de choc en pré-hospitalier avec: 73% de survie. • Drain thoracique raccordé à une poche de recueil d’urine borgne et retransfusé au travers d’une tubulure à sang : transfusion de 4 l ± 0,6 en 60 ± 15 minutes. Indication d’autotransfusion d’hémothorax • Traumatisme thoracique pénétrant en situation cataclysmique pré-hospitalière • Traumatisme thoracique fermé après confirmation radio-échographique dans l’attente de la thoracotomie d’hémostase. Détresse neurologique • Coma glascow score, déficit, pupilles… • Secondaire phase à une détresse respiratoire ou hémodynamique+++ • Traitement symptomatique et Etiologique+++ – IOT si agitation, coma (CGS ≤ 8) pour VM et protection VAS – Osmothérapie – Optimisation hémodynamique (PAM) – Curarisation après examen si frissons, hypothermie… Geste de sauvetage face à une détresse vitale neurologique A tous moments de la prise en charge Osmothérapie d’un engagement cérébral = • Mydriase uni ou bilatérale. • Au mieux après DTC • Mannitol 20% (150 ml) ou Sérum salé hypertonique (18 g). Démarche diagnostique lésionnelle • Clinique • Bilan initial: – radiologique, – biologique – échographique Clinique… • Plaie du scalp, • Epistaxis, • Emphysème sous-cutané, • Epanchement compressif: trachée… • Pupilles, • Priapisme • Plaie postérieure: examen du brancard +++ et…du malade Bilan radiologique initial • Thorax de face avec S Oro-G • Bassin de face • Rachis cervical de profil • ± mini UIV Bilan échographique initial • Abdominale • Pleurales antérieure et postérieure • Péricardique • Doppler trans-crânien Validation de l’imagerie initiale Peytel, ICM, 2001 • Prises de décisions appropriées dans 98% des cas: – RP: drainage pleural ou thoracotomie (100%) – Bassin: angiographie (62%) – Echographie abdominale: laparotomie (98%) • Eviter les décès regrettables au cours du bilan complémentaire. Bilan biologique • NFS, BES, GDS… • Toxiques sanguins et urinaires • BHCG+++ • Groupe sur n’importe quel épanchement+++ • ECG… • Sonde urinaire: jamais urgent, tjrs après bassin… Au terme du bilan initial, • Patient instable: hémostase chirurgicale ou endovasculaire guidé par le bilan initial. • Patient stabilisé ou stable : Tomodensitomètrie puis hémostase si nécessaire. • Penser à répéter les examens initiaux (échographie…). Bilan complémentaire • Tomodensitométrie fonction des constatations: – Cérébrale – Charnière C1-C2 et C7-D1 +++ – Thoracique avec injection +++ – Abdomino-pelvienne – Reconstruction Rachidienne totale… • Radiographie standard fonction de la clinique • N’oubliez pas le monitorage pendant toutes les phases Dans tous les cas, il faut: • Préparer l’accueil avec mise en alerte des partenaires. • Limiter au maximum le saignement: tolérance d’ une hypotension relative quand cela est possible, raccourcir les délais • Ne pas oublier les saignements surajoutés souvent négligés et les causes obstructives d’état de choc. Conclusion • Monitorage continu notamment par l’EtCO2 corrélé au débit cardiaque pendant le choc hémorragique. Dubin, ICM, 2000 • Respecter le caractère systématique de la prise en charge. • Noter la place considérable de l’échographie-doppler+++ Un polytraumatisé en état de choc est HYPOVOLEMIQUE jusqu’à preuve du contraire Remplissage vasculaire Correction de l’hypovolémie • Tolérance de l’hypovolémie: retard des signes cliniques chez l’adulte vigile. • AG (induction++) les démasque. Vatner, NEJM, 1975 Cristalloïdes • Ringer Lactate: (référence nord-américain) – Hypotonique – Contre-indiqué en cas de traumatisme crânien • Sérum salé isotonique: (NaCl à 9 g/l). • Expansion volémique faible (0,2 à 0,3 l/l) – Volume important à stocker (SMUR) – Distribution intravasculaire et interstitielle . Colloïdes: expansion volumique = volume perfusé • Gélatines fluides: Plasmion ®, Gélofusine ®, Haemaccel ®, Plasmagel ®. – Origine bovine. – Pas de posologies maximales. • Hydroxyéthylamidons (HEA): Hestéril ®, Voluven® – Posologie limitée de 33 ml/kg à J1 puis à 20 ml/kg/J voire 50 ml/Kg/J… • Albumine, Dextrans… Colloïdes • Anaphylaxie: – Dextran: 1 cas sur 6000. – Gélatines : 1 sur 15000. – HEA: exceptionnelle. • Troubles de l’hémostase primaire et dilution: – Tous • Toxicité rénale: – Dextran – HEA (patient transplanté, septique) Schortgen, Lancet, 2001 • Aggrave lésion BHE chez traumatisé crânien ? – Albumine Finfer, NEJM, 2004 Controverse cristalloïdes- colloïdes • Pas de différence de mortalité, de durée de séjour, d’œdème pulmonaire, de défaillances viscérales entre les colloïdes et les cristalloïdes Choi, CCM, 1999 Finfer, NEJM, 2004 ATSBoard, AJRCCM, 2004 • Utilisation en fonction de: – Importance de l’hypovolémie, – Retentissement hémodynamique, – Respect des posologies et des contre-indications. Recommandations • Colloides en première intention pour la correction de l’hypovolèmie symptomatique (>20%). ATSBoard, AJRCCM, 2004 • Absence de réponse au remplissage (2000 ml ?) doit faire envisager d’autres thérapeutiques. SFAR, 1997 Indications des Cathécolamines • Phase initiale du choc: – Echec ou attente efficacité du remplissage, – Inefficacité circulatoire – Induction anesthésie • Phase secondaire hyperkinétique du choc: – Rétablir le tonus sympathique sous AG – Rechercher le retard de remplissage Cathécolamines: Choix • « Adapter » à tous les types de choc • α-adrénergique « vasopresseur » • ± β-adrénergique • Titrable • Aucune de place pour dobutamine, isuprel Dose Inotr/Chrono. ß1 VC a1 Noradrénaline 0.1-3 µg/kg/min + ++++ Adrénaline 0.1-3 µg/kg/min ++++ +++ Dopamine 3-20 µg/kg/min +++ +++ Ephédrine 3-9 mg bolus IV ++ ++++ Dans tous les cas, recherche d’une hypovolémie persistante • Posologies cathécolamines élevées (A, N/A ≥ 3 mg/h) • Clinique: oligurie, marbrures, hypothermie persistante • Gradient EtCO2-PaCO2 ≥ 10 mmHg Tyburski, JT, 2003 • Lactate… = Monitorage Hémodynamique ++ Sérum salé hypertonique (SSH) • SSH à 7,5% avec HEA (HyperHES®) > au dextran (Rescue Flow ®) • Amélioration hémodynamique pour 45 min sans complication (hypernatrémie). • Posologie de 4 à 6 ml/kg (SSH à 7,5%) soit 12 à 18 g en 15 minutes. • Faible volume de stockage pour pouvoir expansif important (6 à 7). Kramer, J Trauma, 2003 Propriétés du SSH • Transfert d’eau interstitielle et intracellulaire. • Vasodilatation hépato-splanchnique, rénale, coronaire. • Vasoconstriction musculo-cutanée. • Augmentation de la contractilité myocardique. Riou, AFAR, 1990 Kramer, J Trauma, 2003 • Effet identique au mannitol sur la pression intracrânienne. Sztark, AFAR, 1997 SSH: études cliniques décevantes • Bénéfice pour les patients chirurgicaux et traumatisés crâniens: Survie 2 Wade, J of Trauma, 1997 • « Tendance bénéfique non significative » chez les polytraumatisés Wade, Surgery, 1997 • Traumatismes pénétrants chirurgicaux du tronc : (n=230) Amélioration significative de la survie: 84% vs 67% Wade, J Trauma, 2003 Indications du SSH • TC grave hypotendu, a fortiori, avec engagement. • Choc hémorragique cataclysmique dans l’attente d’hémostase avec étiologie identifiée. • Attention à l’apparente amélioration de la situation. Le pantalon Anti-Choc (PAC) • 3 compartiments: 1 abdominal et 2 membres inférieurs. • Effet hémostatique: – Veineux pour Pressions ~ 20 mmHg. – Artériel pour pressions hautes (> PAM): • 60 mmHg abdominal, • 80 mmHg membres inférieurs. • Mise en place en 4 min. Précautions d’emploi du PAC • Ventilation mécanique systématique. • Dépistage précoce des lésions ischémiques (horaire). • Risque de désamorçage hypovolémique en cas de dégonflage intempestif. Riou, J of Trauma, 1991 Seule indication du PAC • Etat de choc avec Traumatisme pelvien authentifié dans l’attente de l’hémostase endovasculaire après réalisation d’un cathétérisme artériel fémoral Evers, Arch Surg, 1989 Artériographie avec et sans PAC Laplace, AFAR, 2004 AVEC PAC SANS PAC PAM identique Anémie aiguë hémorragique • Objectif prioritaire = correction de l’hypovolémie • Indication de transfusion pré-hospitalière exceptionnelle: – Patient en choc hémorragique incarcéré. • Situation cataclysmique, – Transfuser en culot O Rh- après 2 déterminations sur n’importe quel épanchement sans attendre le résultat des RAI . – Vérification ultime au lit systématique. • Situation moins urgente: – Transfusion iso-groupe, iso rhésus. Indications de transfusion du traumatisé • Hémoglobine (mauvais reflet) < 7 g/dl, • Evaluation des pertes et du débit hémorragique… • Existence d’antécédent (coronaire…) ou TC associé (Hb> 10 g/dl). • Anticipation +++ Complications spécifiques de la transfusion et du remplissage massifs • Thrombopénie de dilution: – Substitution si < à 50000/mm3 ou 80000 en présence d’un TC. • Diminution des facteurs de la coagulation: – Transfusion de PFC guidée par la clinique ou les résultats… – Normalisation en cas de TC (TP>60%). • Hypocalcémie: 1 ampoule de CaCl2 pour 6 unités de sang et par litre de PFC (calcémie ionisée). Autotransfusion conventionnelle peropératoire Utilisation en cas d’hémothorax et/ou hémopéritoine par Cell Saver® après vérification de l’absence de lésions du tube digestif. Objectifs hémodynamiques Patient en choc grave (PAS imprenable ou < 50 mmHg) objectif hémodynamique = faux problème • Pré-bilan, Réduction du temps de transport • Gestes de sauvetage, • Remplissage par colloides, • Catécholamines à débit fixe (adrénaline), • Si inefficacité, utilisation du SSH >> PAC en majorant l’adrénaline et le débit de remplissage. • Monitorage par EtCO2 (dissociation electro-mécanique) Patient tachycarde, hypotendu sans traumatisme crânien: A fortiori traumatisme pénétrant thoraco-abdominale, • Maintien en hypotension permissive: PAS ≅ 75-80 mmHg (compatible avec une survie ultérieure sans séquelle) Bickell, NEJM, 1994 conférence d’experts AFAR, 1997 • Remplissage par macromolécules (guidé par la PAM sous AG) sans rechercher la normalisation, Burris, J of Trauma, 1999 • Transfert rapide. Traumatisme crânien et organes vitaux à haut risque ischémique • Hypotension (PAS < 90 mmHg) = ACSOS la plus défavorable mortalité x 2,5 Chesnut, J of Trauma, 1993 • Correction de l’hypovolèmie par remplissage isotonique, • Introduction précoce des catécholamines (noradrénaline). • SSH si échec et/ou engagement cérébral. • PAM minimale = 90 mmHg. Conférence de consensus AFAR, 1999 • A l’hôpital, si patient instable : hémostase prioritaire sur le TC Composante vasoplégique secondaire du choc traumatique Dalibon, BJA, 2001 • Marques ceinture de sécurité – Prédictif de lésions des gros vaisseaux (aorte et carotide): incidence de 3% (n=131) Rozycki, JT, 2002