La véritable histoire des Gracques

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Nourrir aujourd'hui sept milliards de personnes - dont un milliard
souffre de la faim - et neuf milliards en 2050 est l'un des défis du
siècle.
Mais l'on sait que la question alimentaire ne se pose pas qu'en terme de
capacité de production : le nombre d'obèses suralimentés ne cesse de croître
dans les pays "riches" (la Chine en compterait même plus de cent millions),
et l'on réduit la production agricole en Europe.
Le problème provient surtout de l'instabilité des prix des denrées
alimentaires, de la mise en culture insuffisante de terres agricoles au Sud, de
l'absence de formation technique et de moyens financiers chez les petits
paysans de cette partie du monde. Et de l'existence de grands domaines
agro-exportateurs dans de nombreux pays, un phénomène aggravé par
l'achat de terres (surtout en Afrique) par des ressortissants étrangers
(chinois mais aussi coréens, saoudiens et qataris...), qui cherchent à
s'assurer des sources d'approvisionnement pour l'avenir, ou à acquérir des
terres à des fins non agricoles (exploitation du sous-sol, construction de
complexes touristiques, développement des agro-carburants).
Selon l'organisation non gouvernementale (ONG) Land Matrix Project, 200
millions d'hectares de terres cultivables seraient ainsi passées sous contrôle
étranger depuis l'an 2000, par vente ou location de très longue durée.
Aujourd'hui, diverses organisations non gouvernementales dénoncent les
achats massifs de terres qui se font au détriment des paysans locaux. En mai
2012, l'Organisation des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture
(FAO) a émis une directive destinée à encadrer ces opérations, rappelant les
droits des peuples autochtones, la nécessaire formation des populations, et
appelant "les investisseurs privés à respecter des droits de l'homme et de
propriété légitimes".
Or l'essor de la grande propriété foncière provoque la ruine des
petits paysans et débouche, tôt ou tard, sur des crises sociales et/ou
politiques.
Un exemple nous en est donné par la société romaine, il y a plus de
deux millénaires.
By Nicolet Claude
Replongeons nous dans cette partie de l’histoire qui démontre que
les politiciens n’ont pas changé, tout pour eux, les miettes pour le
peuple !
Les Gracques ou l’impossible réforme agraire
et révolution à Rome
Extraits Julliard, 1967
TERRITOIRES PROPRIÉTÉ DU SÉNAT
Au milieu du IIe siècle avant Jésus-Christ, après sa victoire définitive sur
Carthage (- 146) et ses succès militaires en Grèce et au sud des Gaules,
Rome avait entamé la constitution d'un vaste empire autour de la
Méditerranée.
Mais, outre le butin permis par ces conquêtes et l'accroissement du nombre
d'esclaves fournis par les ennemis vaincus, les victoires militaires
rapportaient à Rome d'immenses territoires qui devenaient propriété du
Sénat (détenteur à l'époque du pouvoir politique), au nom de qui étaient
menées ces opérations.
Rome était devenue une superpuissance méditerranéenne avec laquelle il
fallait désormais compter. Même les souverains les plus puissants pliaient
l’échine devant Rome : en effet, les Romains s’étaient emparés des
territoires de la dynastie des Antigonides, en Grèce ; et les souverains
Lagides et Séleucides, en Égypte et en Syrie, déchirés par les querelles
dynastiques, ne représentaient plus une menace.
Conséquences des conquêtes – Depuis la fin des guerres puniques, Rome
s’était forgé un véritable Empire, s’emparant de très nombreux territoires,
très rapidement. Le problème, c’est que cet afflux de richesses mit fin à
l’équilibre entre les différentes classes de la société, entraînant une grave
crise à Rome.
Les riches devinrent de plus en plus riches, et les pauvres de plus en
plus pauvres.
En outre, à cette même époque, les Romains changèrent de mentalité,
découvrant la culture des pays qu’ils venaient de vaincre. Le peuple romain,
reconnu pour sa frugalité, découvrit alors le luxe, surtout suite à la conquête
de la Grèce.
Graecia capta ferum victorem cepit, ce qui veut dire « la Grèce vaincue
s’empara de son farouche vainqueur ». A la suite à la conquête de la Grèce,
Rome reprit la religion, la littérature, la philosophie et la culture grecque. En
outre, de nombreux médecins et philosophes grecs vinrent s’installer dans la
capitale.
Les Romains adoptèrent alors de nouvelles mœurs, dénoncés par certains
hommes politiques. Par exemple, Caton l’ancien se moquait de ceux qu’il
appelait péjorativement les graeculs « les petits grecs ». : ces Romains qui
reprenaient le mode de vie des Grecs (vêtements, bijoux, etc.).
En outre, 195 avant J.C., Caton s’opposa à l’abrogation de la Lex Oppia : il
s’agissait d’une loi ancienne, qui interdisait le luxe aux femmes romaines
(interdiction de porter des bijoux en or, des robes de couleur, etc.).
Dans le courant du II° siècle avant J.C., la mentalité romaine fut
profondément modifiée, et les partisans des « anciennes mœurs » ne
parvinrent pas à les faire renaître.
Débarrassée des troubles en Italie, débarrassée de sa rivale Carthage,
débarrassée des successeurs des diadoques, Rome se retrouvait à la tête
d’un véritable Empire. Cependant, au cours du II° et du I° siècle avant J.C.,
les crises n’eurent pas lieu dans des territoires conquis, mais à Rome
même... les conflits qui opposèrent les optimates aux populares
furent les plus violents qu’ait jamais connu la capitale.
Les sénateurs étaient pour l'essentiel des grands propriétaires fonciers, leur
donnant le statut de patricien, et s'étaient vu interdire par la Lex Claudia (en
- 219) l'exercice des activités industrielles ou commerciales, désormais
réservées à la classe des chevaliers qui pratiquaient le commerce et
l’industrie, alors que les aristocrates s’enrichissaient grâce aux terres
confisquées et louées aux pays vaincus, amassant ainsi des fortunes.
Quant aux petits propriétaires plébéiens (agriculteurs) à l’issue de ces
guerres incessantes, ils se retrouvaient perdants sur les deux
tableaux : d’une part, lorsqu’ils étaient à la guerre, les plébéiens ne
pouvaient pas entretenir leurs terrains, qui bien souvent restaient en friche
(en outre, les habitations de ces hommes pouvaient aussi subir les affres de
la guerre et être détruites par l’ennemi.). D’autre part, l’arrivée de blé à bas
prix en provenance de ces nouvelles provinces ruinait les plébéiens,
l’immense majorité d’entre eux étant des paysans.
De nombreux plébéiens se retrouvèrent ainsi ruinés au sortir de la
guerre, et parfois même réduits à l’esclavage quand ils ne pouvaient
rembourser leurs dettes.
Pendant ce temps, les sénateurs entendaient s'approprier ces nouvelles
terres qui constituaient dans un premier temps l'"ager publicus " (terres
relevant du domaine public). C'est à cette appropriation que les frères
Gracchus, issus de la nobilitas plébéienne, allaient tenter vainement
de s'opposer.
133 avant J.-C.
Rome, qui sort d'une troisième et harassante guerre contre Carthage, est au
bord de la faillite: les finances sont asséchées, les populations en quête de
travail s'agglutinent dans les insulae de la capitale, et la corruption règne à
la tête de l'État.
Politiciens véreux, arrangements mafieux, élections truquées, meurtres et
conspirations: plus de cent cinquante extraits d’auteurs antiques nous
invitent à pénétrer dans les coulisses d’un système politique en perdition et à
suivre l’itinéraire de deux des figures parmi les plus controversées de
l’histoire de Rome. La Véritable Histoire des Gracques By Christopher Bouix
et des extraits d’une œuvre d'Eugène Guillaume, XIXe siècle.
C'est donc dans ce climat économique trouble que deux frères, Tiberius
Sempronius Gracchus et Caius Sempronius Gracchus, surnommés les
Gracques, deux hommes d'État romains sont entrés dans l’histoire,
renommés pour leur vaine tentative de réformer le système social romain.
GRACCHUS (Tiberius Sempronius), général romain, père des Gracques, né
vers 210, mort vers 150 avant notre ère Tribun du peuple vers 187, il
défendit Scipion l'Africain, le grand vainqueur de la deuxième guerre
punique, dont il épousa la fille Cornélie. En 181, il vainquit les Celtibériens,
soumit le pays, et y gagna une longue popularité, Censeur en 169, il déploya
une grande sévérité.
Cornélie, jeune veuve, se consacra à l'éducation de ses enfants, notamment
Tiberius et de Caius.
GRACCHUS (Tiberius Sempronius) (163-133 av. J.-C.), tribun romain, le
premier des Gracques, donna de bonne heure les plus grandes espérances.
Ces fils du consul Tiberius, petits-fils de Scipion l'Africain, sont de jeunes
hommes d'origines aristocratiques et qui bénéficient d'alliances familiales
illustres par leur mariage et par leur ascendance. Ils prennent le parti du
peuple et tournent le dos aux idéaux conservateurs des classes dirigeantes
dont ils sont issus. En faisant voter une série de lois remettant le peuple au
centre du débat public et révélant les manœuvres politiciennes d'un Sénat
corrompu, les deux hommes provoquent un mouvement d’insurrection inédit
dans l’histoire de la République romaine.
La riposte du Sénat, impitoyable, ne tarde pas.
LA LEX SEMPRONIA
Tiberius Sempronius Gracchus
Tiberius, né en 163 av. J.-C., a épousé Claudia Pulcheria, fille du consul
Appius Claudius Pulcher, princeps senatus. Il apprit la rhétorique auprès de
Théophane de Mytilène et Blossius de Cumes, un stoïcien, fut son maître de
philosophie. Il a donc été initié très tôt aux débats philosophiques autour des
notions d'égalité et de citoyenneté.
Il fut d'abord questeur en 137 av. J.-C. et fut envoyé en Espagne avec le
consul Caius Hostilius Mancinus. Il sauva l'armée romaine de l'incompétence
du consul alors qu'elle se trouvait encerclée et à la merci de l'ennemi. Il
négocia une paix avec les Numantins (Espagne) car son père avait instauré
de bons rapports entre sa famille et les Numantins et s'était constitué une
clientèle solide. Mais cette paix, rejetée par le Sénat, mit un terme à sa
carrière militaire, et perturba les rapports que Tibérius entretenait avec le
Sénat.
Selon Tite-Live, sa décision d'agir naquit alors qu'il traversait l'Étrurie en
direction de Numance. Il fut frappé par ces immenses domaines exploités par
des hordes d'esclaves et aussi par ces immenses terrains vides d'hommes.
En -133, Tiberius Sempronius Gracchus, tribun de la plèbe, soumet sa
proposition de loi agraire connue sous le nom de Rogatio Sempronia ou Lex
Sempronia qui reprenait le principe de l'anadasmos.
Elle prévoyait de limiter la propriété foncière à 500 jugères (environ 125
hectares), avec une possibilité de posséder 250 jugères supplémentaires par
enfant, dans la limite maximale de 1 000 jugères ; d'autre part, des petites
parcelles de 30 jugères devaient être redistribuées aux plus pauvres. "C'est
pour le luxe et la richesse d'autrui qu'ils font la guerre ; et l'on a beau les
appeler maîtres du monde, ils n'ont même pas une motte de terre pour eux
!", déclara-t-il dans un de ses discours. Et mise en place d’un triumvirat
chargé d’appliquer la loi (composé de Caius, de Tiberius et de son beau père
Appius Claudius Pulcher.).
Lors de la présentation de son projet, il fit l'éloge du citoyen, évoquant son
utilité pour Rome dans le domaine militaire et la considération que l'on doit
lui apporter en conséquence. Il fit également la critique de l'esclave, jurant
de son inutilité militaire et de sa perpétuelle infidélité, évoquant la guerre
servile qui secouait encore Rome une année auparavant.
Le sénat fut partagé au sujet de cette loi. Si une partie des sénateurs
approuva cette réforme, elle fut cependant bien mal accueillie par la faction
conservatrice du sénat, qui voyait cette loi comme un frein à sa puissance :
en effet, les sénateurs, qui étaient de grands propriétaires terriens,
souhaitaient être les seuls à contrôler l’ager publicus. Pour eux, accepter
cette loi équivalait à laisser la famille Sempronia gérer seule les terres de
Rome. Cette loi contrecarrait le jeu du clientélisme qui leur assurait de
nombreux soutiens et des victoires électorales faciles.
De plus, cette loi représentait une perte de pouvoir du Sénat et des
sénateurs. En effet, le Sénat n'a plus le contrôle exclusif de l’ager publicus et
le remembrement des terres entraîne une réduction de la puissance des
grands propriétaires, parmi lesquels beaucoup sont des sénateurs, car la
terre apporte la richesse et la dignitas.
Les sénateurs hostiles à la réforme achetèrent un tribun de la plèbe,
Octavius, pour que celui-ci fasse usage de son intercessio (droit de veto sur
les mesures qui lui semblent contraires aux intérêts de la population qu'il
représente).
Tibérius, après avoir demandé à deux reprises à Octavius de retirer son veto
en appela au peuple pour qu'il destitue Octavius. C'est la première fois que le
peuple s'arroge le droit de destituer un tribun de la plèbe. Cette mesure va à
l'encontre des institutions de Rome, à l'encontre des lois, car seul le Sénat
avait le droit de renvoyer un magistrat. La loi fut alors votée mais Tiberius
perdit l’appui des sénateurs qui lui étaient favorables (ces derniers étant
respectueux par-dessus tout des institutions de Rome.). Les sénateurs
opposés à la réforme avaient au moins réussi à couper Tiberius de ces
quelques appuis au sein du sénat.
Quelques mois plus tard, alors qu'il postulait à un nouveau tribunat, Tiberius,
menacé et calomnié, sentit que l'inviolabilité d'un second tribunat était
nécessaire à sa sûreté. Le vote fut interrompu par des violences diligentées
par les sénateurs. Le lendemain, Tiberius, ne pouvant toujours pas se faire
entendre, porta les mains à sa tête pour montrer que sa vie était menacée.
On s'écria qu'il demandait une couronne. les sénateurs organisèrent une
émeute, conduite par le Grand Pontife Scipion Nasica, durant laquelle
Tiberius fut tué devant la porte du Capitole, à côté de la statue des rois et
trois cents de ses partisans furent massacrés et jetés dans le Tibre. Des
exécutions et des proscriptions suivirent ces scènes de violences.
Les historiens s'interrogent sur les motivations de Tibérius : pourquoi se
présenter à un second tribunat ? Pour conserver une immunité, ce qui est
peu probable étant donné qu'il est déjà Triumvir. Par rapport à la loi, ce qui
est discutable car la loi a été votée et qu'il est membre des triumvirs.
D'aucuns y voient la volonté d'établir un pouvoir personnel. Selon Plutarque
cependant, c'est le conseil de ses amis qui l'aurait poussé à se représenter,
craignant un complot des riches pour annuler sa loi agraire; on se rappelle,
en effet, que le Sénat avait déjà acheté le tribun Octavius pour qu'il
contrecarre les projets de Tibérius à propos de la répartition des terres,
approuvé par le peuple.
Ce fut une des premières fois, dans l’histoire de Rome, que de tels
mouvements de violence eurent lieu au sein même de la ville.
Peu de temps après, Publius Licinus Crassus, le beau père de Caius, prit la
place de Tiberius au sein du triumvirat. Les sénateurs continuèrent
cependant à faire leur possible pour empêcher l’application de la loi. Puis, en
130 avant Jésus Christ, à la mort de Licinius Crassus et d’Appius Claudius, ce
furent les tribuns de la plèbe Marcus Fulvius Flaccus et Caius Papirius Carbo
qui les remplacèrent.
Finalement, en 129 avant Jésus Christ, Scipion Emilien enleva aux triumvirs
leurs pouvoirs judiciaires, paralysant ainsi l’application de la loi agraire.
Comme il mourut peu de temps après, sans avoir le temps de se prononcer
sur la Lex Sempronia, cette dernière ne fut pas mise en application.
Quelques années plus tard,
Caïus Sempronius Gracchus, frère de Tibèrius, reprend le
combat
(-152 à -121), av. J.-C. est d'abord questeur en Sardaigne en 126 av. J.-C.
avant d'être élu tribun de la plèbe en 124 av. J.-C. pour l'année 123.
Ce dernier voulait sauver la république, rongée par la corruption et les
dérives de l’élite sénatoriale. Afin de mener à bien sa tâche, Caius eut la
bonne idée de s’appuyer sur les principaux adversaires du sénat : les
plébéiens et les chevaliers.
Caius a apparemment un vrai programme politique : diminuer les pouvoirs
du Sénat romain et accroître ceux des comices afin de relever la République.
Afin de faire accepter son projet de loi agraire, il commence par s'allouer les
faveurs des principaux opposants au Sénat : la plèbe et les chevaliers par
diverses mesures :
Pour ce faire, il commença par promulguer diverses lois en leur faveur :
- la Lex Sempronia frumentaria institue la vente de blé à prix réduits à tous
les citoyens pauvres. Certains considèrent que, même si elle semble
nécessaire, car la pauvreté des citoyens est un problème réel à Rome, cette
loi est un fin calcul politique dans la mesure où elle permet de s'attirer les
faveurs populaires.
- la Lex Sempronia de comitii modifie les modalités d’élection des comices
centuriates. L'ordre de succession des centuries dans le déroulement du vote
est dorénavant établi par tirage au sort.
- la Lex Calpurnia permet aux chevaliers d’obtenir l’égalité judiciaire avec les
aristocrates (le nombre de jurés lors d’un procès passe de 300 sénateurs à
300 sénateurs et 300 chevaliers, soit 600 jurés au total.). De ce fait,
l'avantage que détenaient les sénateurs au niveau judiciaire sur les
chevaliers n'existe plus.
- la Lex Theatralis sépare les chevaliers des aristocrates dans les théâtres ;
etc.
Une autre loi confère aux chevaliers la collecte de l'impôt de la riche province
d'Asie.
Toutes ces mesures tendent à réduire le pouvoir des sénateurs au
profit des chevaliers, par rapport aux comices, qui furent gagnés à la
cause Gracques, tout comme les plébéiens.
Ainsi, après s’être assuré de la solidité de ces soutiens, Caius put envisager
de mettre en place la réforme agraire souhaitée par son défunt frère.
La juridiction des triumviirs, supprimée en -129, est rétablie.
Les assignations de terre passent de 30 à 200 jugères pour permettre aux
citoyens pauvres d'améliorer leur condition sociale.
Il crée de nouvelles colonies deux en Italie et une Carthage (appelée Colonia
Iunonia Karthago.), afin de donner des terres au petit peuple, et fait
construire des routes et des greniers un peu partout dans le Latium et en
Italie.
Enfin, il réussit à obtenir le soutien de quelques sénateurs en permettant aux
membres du sénat d’acquérir des terres qu'ils convoitaient dans le Latium et
autour de Tarente et de Capoue.
Caius, obtenant ainsi une grande popularité, parvint à se faire réélire tribun
en 123 avant J.C. (une loi de Caius Papirius Carbo, votée en 125, permettait
aux tribuns de la plèbe de se représenter deux fois d’affilée sans devoir
attendre le délai traditionnel.).
Mais la faction conservatrice du sénat décide de réduire son influence et
contrecarrer ses plans, comme elle l’avait fait avec son frère, quelques
années auparavant. Elle dressa donc contre le Gracque le second tribun de la
Plèbe, Marcus Livius Drusus.
Cette fois ci, plutôt que de faire utiliser l’intercessio de manière éhontée, les
sénateurs tentèrent de diminuer l’influence de Caius. En effet, Drusus
proposa alors la création de 12 colonies de 3 000 hommes, ces derniers
étant choisis parmi les plus pauvres des plébéiens. Détournant ainsi
l’attention de la plèbe, Drusus fit voter une loi supprimant le vectigal (il
s’agissait d’un impôt en nature que devaient payer ceux qui possédaient des
terres de l’ager publicus.). Cette mesure exonérait ainsi les grands
propriétaires fonciers, une bonne partie d’entre eux étant des sénateurs.
Caius, voyant que Drusus tentait de détourner l’attention de la plèbe à son
profit, décida de contre attaquer. En effet, il surenchérit en en proposant la
création d'une colonie de 6000 hommes sur le site de Carthage et l'octroi de
la citoyenneté romaine complète aux Latins et partielle (sine suffragio) aux
Italiens afin de s'attirer leurs faveurs. Mais les propositions de Caius sont
trop avancées pour la Rome de l'époque et, en voulant brûler les
étapes, Caius se brûle les ailes. La création d'une colonie sur le site
maudit de Carthage est un sacrilège. L'attribution de la citoyenneté aux
Latins et aux Italiens mord sur un privilège du peuple romain.
Cependant, ses propositions furent mal accueillies par ceux qui le
soutenaient jusque là : le territoire de Carthage avait été consacré aux dieux
infernaux, suite à la prise de la ville (le lieu était donc maudit.) ; et les
Romains considérèrent que la citoyenneté romaine était un privilège qui leur
était réservé. Caius perd ainsi l'appui d'une partie du peuple qui l'avait
soutenu jusqu'alors, et aussi celui du consul.
Caius part alors en Afrique superviser les opérations de construction de la
colonie de Carthage, ses adversaires en profitent pour le discréditer. A son
retour, il se représente à l’élection des tribuns pour l’année 122, mais n'est
pas réélu.
Par la suite, en 121 avant J.C., le sénat voulut abroger la loi Rubria (l’acte de
création de la colonie de Carhage.), invoquant un problème religieux.
Caius protesta, faisant alors appel de la décision, mais ses efforts furent
vains. Peu de temps après, accompagné de Fulvius Flaccus (un des
triumvirs.), il décida de rassembler ses partisans autour de lui, tentant de
faire sécession comme la plèbe l’avait fait, en 424 avant J.C, contre les
patriciens au Mont Sacré.
Lors d’une rixe opposant les partisans de Caius à ceux du consul Opimius, un
de ses licteurs fut tué.
PEINE DE MORT
Les sénateurs eurent vite fait d’exploiter ce meurtre, et leur réponse du
sénat ne se fit pas attendre : ces derniers promulguèrent alors un senatus
consultum ultimum à l’encontre de Caius (ce document autorisait les consuls
à déclarer la peine de mort à l’encontre de tout citoyen, sans possibilité pour
le condamné de faire appel.).
Caius et ses partisans affrontèrent alors les hommes du consul Opimius sur
l’Aventin. Caius, traqué, demanda à son esclave de le tuer, au bois sacré de
Furrina. 3 000 de ses partisans moururent avec lui. Les causes de sa mort (121) ne sont pas établies avec certitude.
Sa maison fut saccagée et le terrain vendu, enfin, la dot de sa femme Licinia
confisquée.
C'est la première fois, et non la dernière, qu'un senatus consultum ultimum
est prononcé et qu'une telle vague de violence envahit Rome à cause de
divergences politiques.
Les optimates avaient gagné. Par la suite, les sénateurs mirent fin au
mouvement de colonisation vers Carthage ; cependant, la Lex Thoria fut
votée, afin de protéger les colons déjà installés dans cette colonie.
Quant à la Lex Sempronia et à la Lex Sempronia frumentaria elles ne furent
abrogées que dix ans plus tard, en 111 avant J.C. Cette abrogation permit
l'extension des grandes propriétés mises en valeur par une foule d'esclaves.
Si les lois des Gracques avaient été maintenues, le devenir de la société
romaine aurait été tout autre, car celle-ci se divisa dès lors entre une classe
patricienne de plus en plus riche et oisive, une masse d'esclaves sans droits
ni rémunération, une armée rétribuée par le pillage des terres conquises et
une masse de pauvres vivant de "petits métiers" dans les villes.
Les futurs empereurs n'achèteront la paix sociale qu'en accordant à ces
derniers du "pain et des jeux". On peut voir dans cette organisation sociale la
cause de la stagnation économique de l'Empire romain qui ne connaîtra ni
classe moyenne, ni "entrepreneurs", ni progrès technique, ni essor
économique.
"Cornélie, mère des Gracques" (Statue de Jules Cavalier.)
CORNELIE : Mère des Gracques.
CORNELIA (v. 189 av. J.-C. - v. 110 av. J.-C.) est la fille du célèbre Scipion
l'Africain vainqueur d'Hannibal Barca qui favorisa l'introduction de la culture
grecque à Rome. Cornelia grandit et vécut dans un milieu cultivé et
protecteur des écrivains, épris d'hellenisme, côtoyant le poète Ennius, puis
l'historien grec Polybe de la même génération qu'elle, et l'auteur de théâtre
Térence.
Elle épousa Tiberius Sempronius Gracchus, un homme politique romain,
consul en 177 av. J.-C., censeur en 169 (il fit construire à cette occasion au
Forum la Basilica Sempronia), à nouveau consul en 163.
Selon Pline l'Ancien, elle aurait eu douze enfants, dont neuf moururent en
bas âge. Les trois survivants étaient les Gracques, dont les actes
politiques ont eu un si grand retentissement sur l'histoire de Rome.
La crise politique des institutions que vont mettre en évidence les Gracques
sera à l'origine des guerres civiles qui suivront.
Tiberius et Caius Sempronius Gracchus furent assassinés par les Sénateurs
et Sempronia, leur sœur, épousa Scipion Émilien le destructeur de Carthage.
Recevant une riche dame de la Campanie, mère de famille, qui lui exhibait
ses bijoux de luxe et lui laissât voir ses richesses, elle fit durer la
conversation jusqu'au retour d'école de ses fils, et déclara montrant ses
enfants : « Haec ornamenta mea » " Voilà, dit-elle, mes bijoux et mes
ornements ". Elle les éleva dans un esprit de justice rappelant celui de Solon
en prenant fait et cause pour la plèbe.
Veuve de bonne heure, elle se consacra à l'éducation de ses fils, Caius et
Tiberius. Tibérius sera haruspice à dix ans et tribun à dix-sept. Influencé par
les idées du philosophe grec Blossius de Cumes, il entreprendra des réformes
agraires et rétablira la petite propriété au détriment des patriciens. Tous
deux seront élus tribuns successivement et tous deux assassinés par les
sénateurs. Leur crime était d'avoir fait voter des lois agraires favorables aux
Plébéiens pauvres (agriculteurs, éleveurs). Ce sont ces assassinats et non
les manoeuvres de César qui marquèrent la fin de l'État de droit dans
Rome.
Elle se fit admirer par ses vertus autant que par la noblesse de son
caractère. Un roi d'Égypte, Ptolémée Physcon VI, lui proposa, dit-on, de
l'épouser; mais elle rejeta ses offres, trouvant plus glorieux d'être la veuve
d'un Romain que l'épouse d'un roi.
Cette grande dame lettrée, issue de la classe patricienne, savait le grec et
tenait salon ; toujours digne, elle est devenue un exemple et une figure de
légende pour les Romains. Elle laisse dans leur souvenir la réputation d'une
mère exemplaire dans le soin et l'éducation de ses enfants, dont elle
s'occupa elle-même sans le secours d'une nourrice.
Elle est restée pour les Romains le modèle de la mère romaine, présidant
à l'éducation de ses fils et les formant pour accéder aux premiers rangs. Elle
a été sans doute la première femme romaine à être honorée, de son vivant,
par une statue en bronze à son effigie au Champ de Mars dans le portique de
Metellus avec l'inscription suivante : « À Cornelia, fille de l'Africain, mère des
Gracques ».
Cornélie supporta ses malheurs
On raconte que Comélia supporta son malheur - la mort de ses deux fils,
Tibérius et Caius Gracchus, après beaucoup d'autres deuils - avec noblesse
et grandeur d'âme [...] Elle passa le reste de sa vie au lieu appelé Misène,
sans rien changer à son régime habituel. Elle avait beaucoup d'amis et une
grande table pour les accueillir. Elle était toujours entourée de Grecs et de
lettrés, et tous les rois recevaient d'elle et lui envoyaient des présents. Elle
était très agréable pour ses visiteurs et leur retraçait dans la conversation
l'existence et la façon de vivre de son père, l'Africain.
Selon Sénèque, Cornélie interdit à son entourage de maudire le sort et
n'exprima point de regret6. Il la prend en exemple dans une de ses
Consolations.
Le sort ramena à un les douze enfants de Cornélie. Si tu veux porter un
jugement, ce sont les Gracques qu'elle a perdu. A ceux qui pleuraient autour
d'elle et qui maudissaient le destin, elle leur interdit d'accuser le sort qui lui
avait donné des Gracques comme fils. De cette femme devait naître celui qui
dira devant l'assemblée : " Tu oses dire du mal de ma mère qui m'a donné le
jour ? " Mais la voix de sa mère me semble beaucoup plus courageuse : son
fils estimait beaucoup d'être né Gracque, sa mère autant de prix de leur
mort.
Rôle dans la carrière politique de ses fils
Cornélie, mère des Gracques (Joseph-Benoît Suvée - 1795).
Un des aspects les plus importants de la vie de Cornelia est sa relation
avec ses fils adultes. La plus grande partie de l’information que nous
possédons sur son rôle durant cette période provient de ce que Plutarque
écrivit dans Vie des hommes illustres. Elle est dépeinte comme active
pendant leur carrière politiques, surtout celle de Caius.
Plutarque décrit comment Caius écarta une loi qui discréditait Marcus
Octavius, le tribun que Tiberius avait destitué car Cornelia le lui demanda. Il
dit également qu’elle aidait Caius à miner le pouvoir du consul Opimius en
engageant des ouvriers agricoles étrangers. David Stockton pense que,
que ce soit vrai ou pas, les fermiers et ouvriers agricoles étaient les
partisans habituels des Gracques.
Plutarque nous rapporte également des traits d’humour de Caius :
« On rapporte bien des propos piquants et un peu affectés que tint Caius
pour la défendre contre un de ses ennemis à lui : "Est-ce bien toi, dit-il, qui
insultes Cornélie, la mère de Tibérius?" Et, comme l'insulteur était décrié
pour son manque de virilité, il lui demanda une autre fois : "Et de quel droit
te compares-tu à Cornélie? As-tu mis au monde ces enfants comme elle?
Et pourtant tous les Romains savent qu'elle a été plus longtemps sans mari
que toi, le soi-disant homme.". Plutarque, Vie des hommes illustres, vie des
Gracques, 25. »
Si cet incident est exact, on peut supposer que Cornelia avait la réputation
d’être une femme noble et chaste et les Gracques utilisaient cette
réputation à leur avantage dans la rhétorique politique.
Voici l'opinion de Plutarque sur Cornélie: «On raconte qu'un jour
son mari, Tibérius, trouva deux serpents dans son lit; que les devins,
après avoir attentivement examiné ce prodige, lui défendirent de les
tuer ou de les lâcher tous les deux; que par rapport au choix de l'un
ou de l'autre, ils lui déclarèrent que s'il tuait le mâle, il hâterait sa
propre mort, et qu'en tuant la femelle, il avancerait celle de Cornélie.
Tibérius, qui aimait tendrement sa femme, et qui pensait d'ailleurs
qu'étant déjà assez âgé, et Cornélie encore jeune, c'était à lui à mourir
le premier, tua le mâle et lâcha la femelle: il mourut peu de temps
après, laissant douze enfants qu'il avait eus de Cornélie.
La veuve se mit à la tête de la maison et se chargea elle-même de
l'éducation de ses enfants; elle fit paraître en tout tant de sagesse,
tant de grandeur d’âme et de tendresse maternelle, qu'il parut que
Tibérius avait sagement fait de préférer sa propre mort à celle d'une
femme de ce mérite. Le roi Ptolémée lui ayant offert de venir partager
son diadème, avec le rang et le titre de reine, elle le refusa. Dans son
veuvage, elle perdit le plus grand nombre de ses enfants, et ne
conserva qu'une fille, qui fut mariée au jeune Scipion, et deux fils,
Tibérius et Caïus Gracchus, dont nous écrivons la Vie; elle les éleva
avec tant de soin, qu'étant, de l'aveu de tout le monde, les jeunes
Romains les plus heureusement nés pour la vertu, leur excellente
éducation parut encore avoir surpassé la nature.[...]
On a reproché a Cornélie d'avoir eu pour ses deux fils plus d'ambition
qu'ils n'en avaient eu pour eux-mêmes. Plutarque précise «qu'elle ne
cessait de reprocher à ses fils que les Romains l'appelaient la
belle-mère de Scipion, et pas encore la mère des Gracques.»
Les Gracques étaient de très grands orateurs. On a conservé ce
discours de Tiberius: «Les bêtes sauvages, s'écrie-t-il devant
l'assemblée, les bêtes sauvages répandues dans toute l'Italie, ont
chacune leur trou, leur tanière et leur repaire; et ceux qui combattent
pour l'Italie n'ont que l'air et la lumière, et puis rien: sans maison,
sans demeure fixe, ils errent avec leurs enfants et leurs femmes. Les
généraux mentent lorsque, dans les batailles, ils engagent les soldats
à combattre les ennemis pour la défense des tombeaux et des
temples: parmi tous ces Romains, il n'y en a pas un qui ait un autel
paternel, un tombeau d'ancêtres. Ils font la guerre et ils meurent
uniquement pour le luxe et l'opulence d'autrui: on les appelle maîtres
du monde et ils n'ont pas à eux une motte de terre.»
Extraits des lettres de Cornelia
Cornélie, mère des Gracques (Pierre Peyron - 1781).
Cornelia est une des quatre femmes romaines dont les écrits ont survécu.
On possède deux extraits de lettres écrites à Caius Gracchus, son plus
jeune fils. Tous les érudits ne considèrent pas ces écrits comme
authentiques. La lettre démontre comment les femmes romaines exercaient
leur influence dans une famille romaine. La lettre fut écrite avant le tribunat
de Caius. Caius fut tué en 121 av. J.-C.. Les extraits sont conservés dans
les manuscrits de Cornelius Nepos, le plus ancien biographe latin.
« Tu me diras qu'il est beau de se venger de ses ennemis. Personne plus
que moi ne trouve ce projet grand et beau, si toutefois il peut s'accomplir
sans compromettre le salut de l'État. Mais puisque cela ne se peut, le
temps s'écoulera, les partis se multiplieront sans que nos ennemis
périssent, et nous les laisserons ce qu'ils sont aujourd'hui, plutôt que de
ruiner et de faire périr la république. Cornélius Nepos, Des historiens
latins. »
« J'oserais le jurer par un serment solennel, après ceux qui ont mis à mort
Tibérius Gracchus, nul ennemi ne m'a causé autant de peine et de chagrin
que toi par ta conduite ; quand tu devais me tenir lieu de tous les enfants
que j'ai perdus, prendre soin d'écarter de mes vieux jours les moindres
ennuis, et regarder comme une impiété de rien entreprendre d'important
contre mon aveu. Et c'est moi, quand il me reste si peu de temps à vivre,
qui ne peux même obtenir, par grâce pour mes derniers instants, que tu ne
te mettes point en opposition avec moi et que tu ne ruines point ta patrie.
Où nous arrêterons-nous enfin, et quand notre famille cessera-t-elle d'être
en démence ? Quel sera le terme de ces égarements ? Quand serons-nous
las de nous créer des chagrins et d'en créer aux autres ? Quand rougironsnous de troubler et de bouleverser la république ? Si ce que je demande
n'est pas possible, attends que je sois morte pour briguer le tribunal ; après
moi, fais ce que tu voudras, je ne serai plus là pour le voir. Quand je
n'existerai plus, tu m'honoreras par de pieux sacrifices, tu invoqueras le
dieu ton père. Mais n'auras-tu pas honte d'implorer alors ces dieux que tu
as négligés et délaissés tandis qu'ils vivaient, qu'ils étaient devant tes
yeux ? Puisse Jupiter ne point permettre que tu persévères dans cette voie
et que ton âme soit aveuglée à ce point ! Si tu persistes, je crains que tu
n'attires, par ta faute, sur ta vie entière, de si terribles orages, que jamais tu
ne puisses être heureux. Cornélius Nepos, Des historiens latins. »
Au début des années 40 av. J.-C., Cicéron, un contemporain de Nepos,
raconte comment son ami Atticus discute de l’influence des mères sur le
langage de leurs enfants. Atticus déclara avoir lu les lettres de Cornelia,
mère des Gracques. Le style de ces lettres semble démontrer, pour Atticus,
que les Gracques furent beaucoup plus influencés par le langage de leur
mère que par son éducation.
Plutarque, Caius Gracchus, I; XIX, 1-3
Des précautions que réclame l'enfant dans les commencements de son
éducation. Des nourrices et des précepteurs.
(6) Pour ce qui est des parents, je voudrais en eux beaucoup de savoir; et ici je
ne parle pas seulement des pères. On sait combien Cornélie, dont le langage
élégant a passé jusqu'à nous avec ses lettres, influa sur l'éloquence des
Gracques. On dit aussi que la fille de Lélius ne parlait pas moins bien que son
père; et nous lisons encore un discours de la fille de Q. Hortensius, prononcé
devant les triumvirs, qui fait honneur à son sexe et n'en ferait pas moins au nôtre.
QUINTILIEN, L'INSTITUTION ORATOIRE, LIVRE PREMIER, Chapitre I
Dans un livre de recueil de Pomponius Rufus nous lisons que les enfants sont la
plus grande parure d'une mère. Une mère de famille campanienne, reçue par
Cornélie mère des Gracques, lui montrait ses parures les plus belles de cette
époque. Cornélie traîna en longueur la conversation jusqu'à ce que ses enfants
rentrent de l'école. "Voilà, dit-elle, mes parures." Il possède certainement tout
celui qui ne désire rien. C'est d'autant plus certain que la propriété des choses,
habituellement, disparaît tandis que l'usage d'un bon esprit ne subit pas les chocs
d'un sort trop défavorable. Pourquoi importe-t-il de placer les richesses en
premier lieu et la pauvreté comme le pire des malheurs? Le front riant des
richesses est rempli d'amertume tandis que l'aspect de la pauvreté est beaucoup
plus terrible, mais il est rempli de biens solides et sûrs.
VALÈRE-MAXIME, IV, 4 (intro)
Paroles de Cornélie dans le Livre sur les historiens latins :
"Tu me diras qu'il est beau de se venger de ses ennemis. Personne plus que
moi ne trouve ce projet grand et beau, si toutefois il peut s'accomplir sans
compromettre le salut de l'État. Mais puisque cela ne se peut, le temps
s'écoulera, les partis se multiplieront sans que nos ennemis périssent, et
nous les laisserons ce qu'ils sont aujourd'hui, plutôt que de ruiner et de faire
périr la république ...
... J'oserais le jurer par un serment solennel, après ceux qui ont mis à mort
Tibérius Gracchus, nul ennemi ne m'a causé autant de peine et de chagrin
que toi par ta conduite ; quand tu devais me tenir lieu de tous les enfants
que j'ai perdus, prendre soin d'écarter de mes vieux jours les moindres
ennuis, et regarder comme une impiété de rien entreprendre d'important
contre mon aveu. Et c'est moi, quand il me reste si peu de temps à vivre, qui
ne peux même obtenir, par grâce pour mes derniers instants, que tu ne te
mettes point en opposition avec moi et que tu ne ruines point ta patrie.
Où nous arrêterons-nous enfin, et quand notre famille cessera-t-elle d'être
en démence ? Quel sera le terme de ces égarements ? Quand serons-nous
las de nous créer des chagrins et d'en créer aux autres ? Quand rougironsnous de troubler et de bouleverser la république ? Si ce que je demande
n'est pas possible, attends que je sois morte pour briguer le tribunal ; après
moi, fais ce que tu voudras, je ne serai plus là pour le voir. Quand je
n'existerai plus, tu m'honoreras par de pieux sacrifices, tu invoqueras le dieu
ton père. Mais n'auras-tu pas honte d'implorer alors ces dieux que tu as
négligés et délaissés tandis qu'ils vivaient, qu'ils étaient devant tes yeux ?
Puisse Jupiter ne point permettre que tu persévères dans cette voie et que
ton âme soit aveuglée à ce point ! Si tu persistes, je crains que tu n'attires,
par ta faute, sur ta vie entière, de si terribles orages, que jamais tu ne
puisses être heureux."
PAROLES OU LETTRE DE CORNÉLIE, MÈRE DES GRACQUES (DU LIVRE SUR LES HIST
Tu me diras qu'il est beau de se venger de ses ennemis. Personne plus que moi ne trouve ce
de l'État. Mais puisque cela ne se peut, le temps s'écoulera, les partis se multiplieront sans qu
que de ruiner et de faire périr la république.
(LA MÊME DANS UN AUTRE ENDROIT)
J'oserais le jurer par un serment solennel, après ceux qui ont mis à mort Tibérius Gracchus, n
quand tu devais me tenir lieu de tous les enfants que j'ai perdus, prendre soin d'écarter de
entreprendre d'important contre mon aveu. Et c'est moi, quand il me reste si peu de temps à v
te mettes point en opposition avec moi et que tu ne ruines point ta patrie. Où nous arrêteronsle terme de ces égarements ? Quand serons-nous las de nous créer des chagrins et d'en crée
? Si ce que je demande n'est pas possible, attends que je sois morte pour briguer le tribuna
n'existerai plus, tu m'honoreras par de pieux sacrifices, tu invoqueras le dieu ton père. Mais
tandis qu'ils vivaient, qu'ils étaient devant tes yeux ? Puisse Jupiter ne point permettre que
persistes, je crains que tu n'attires, par ta faute, sur ta vie entière, de si terribles orages, que ja
CORNELIUS NEPOS
L'avis porté sur Tibérius et Caius Gracchus a été différent selon les auteurs et les positions
l'autre. Il y a chez tous les auteurs un accord unanime au sujet de leur mère Cornélie. C'est l
Cornélie, la mère des Gracques.
Pourquoi cet honneur même chez les pires conservateurs de l'époque?
1. Elle est la fille de Scipion l'Africain., le vainqueur d'Hannibal, celui qui a changé la façon de
hellénistique. (Ce qui ne sera pas du goût de tout le monde : Caton l'ancien voulait qu'on en r
famille de Rome : la gens Cornelia.
3. Sa mère fait partie de la gens Aemilia (elle est la fille d'
connaît le Grec, elle écrit.
5. Elle a une formation stoïcienne qui lui a appris à supporter le
comporte comme la véritable matrone romaine.
7. Elle fait un mariage d'amour : elle épouse
mère d"une famille nombreuse : 12 enfants.
9. Elle a des malheurs : elle en perd 9 en trois
des précepteurs Grecs : Blossius de Cumes et Diaphane de Mytilène.
11. Elle marie sa fille S
Appius Claudius Pulcher.
13. Elle supporte ses malheurs avec dignité.
Interprétation de Machiavel
Au chapitre X du Prince, Nicolas Machiavel pose comme règle que le Prince
doit non seulement vivre parmi ses sujets, mais aussi asseoir son pouvoir
dessus. De même, le Prince pourrait-il gouverner sans l'onction des "grands"
(c'est-à-dire les magistrats, ceux en qui les us et coutumes populaires
reconnaissent quelque dignité).
Toutefois, en cas de temps de périls, le peuple connaît une propension à se
replier sur ses us et coutumes et, par là même, sur ceux qui en sont porteurs
(les magistrats). Un Prince nouveau, ayant mal fondé son pouvoir naissant,
risquerait, en ce sens, de se faire abandonner de ses sujets.
« Témoins les Gracques qui, si bons tribuns fussent-ils, ne purent compter
sur le peuple pour les défendre contre les Sénateurs », dit Machiavel.
On pourrait rajouter, Jésus !
Pseudonymes
Gracchus Babeuf, de son vrai nom François Noël Babeuf, prit ce
pseudonyme en raison des réformes sociales tentées par les Gracques.
Durant les années de la Révolution française, François-Noël Babeuf adopta le
prénom de Gracchus et réclama dans son Manifeste des Egaux une
redistribution des terres en France. Mais il fut arrêté après une tentative de
coup d'Etat et guillotiné en 1797.
Julien Gracq, de son vrai nom Louis Poirier, prit ce pseudonyme en
référence à Julien Sorel et aux Gracques.
Créé pendant la campagne présidentielle française de 2007, un groupe
informel d'anciens hauts fonctionnaires socialistes signent sous le
pseudonyme des Gracques.
www.lesgracques.fr
Le cénotaphe des Gracques, par Eugène GUILLAUME, 1853, musée d'Orsay,
Paris.
bibliographie : Cl. Nicolet, les Gracques, crises agraires et révolutions à Rome, Archives,
Julliard,
Autres sources et commentaires : édifiant ! Peu de choses ont
changé… chez nos politiques.
Dans le contexte
I] La question agraire
La question agraire ne fait que culminer sous les Gracques, et ne concerne
pas l'agriculture en elle-même, mais une certaine catégorie de terres : celles
de l'ager publicus.
Les soldats de l'armée romaine sont recrutés dans la classe des petits
propriétaires, citoyens et céréalicultures. C'est donc cette catégorie de
paysans qui est la plus touchée par les pertes démographiques, tandis que
ceux qui survivent sont conservés longtemps dans l'armée et ne s'occupent
pas de leur terres qui tombent en friches. Le butin éventuel des survivants
ne suffit pas en général à remettre en culture des terres en friches. Les cours
du blé ne sont pas rémunérateurs : Rome commence à faire venir du blé
tributaire des provinces conquises.
Si on se reconvertit dans l'arboriculture, on ne dispose pas alors du capital
suffisant ni surtout de la durée (il faut 10 ans d'attente pour un olivier).
Alors ces propriétaires soit s'endettent et revendent leur terre pour
rembourser, soit ils se mettent en tant que métayers au service d'un grand
domaine, soit ils abandonnent la campagne pour la ville et grossissent la
masse du prolétariat urbain.
La question agraire se couple ainsi avec une question sociale.
A/ L'aliénation de l'ager publicus
Appien (7-8), guerres civiles. Dans ce passage est analysé minutieusement
les transformations subies par l'ager publicus. L'ager romanus peut être
vendu à des particuliers ; l'ager publicus doit être maintenu dans sont
intégrité pour nourrir le peuple romain.
Mais de plus en plus, cet ager publicus est lotit et aliéné (adsignatus), soit
à titre gratuit en retour de services rendus à l'Etat, soit attribué à des colons,
soit assigné en échange d'une redevance, vectigal.
Au lendemain de la Deuxième Guerre Punique, 30 000 vétérans furent
casés dans le sud de l'Italie, notamment en Apulie sur des lots de l'ager
publicus. Donc théoriquement, quand on aliène l'ager publicus, on n'en
obtient pas une propriété pleine et entière : l'Etat demeure propriétaire des
lots. En réalité, le temps passant, les propriétaires usurpent ces lots en se
considérant comme les vrais propriétaires. C'est ainsi que des membres de la
nobilitas de sont attribués d'immenses étendues de terres publiques sur
lesquelles travaillent des esclaves.
La question devient alors aiguë dans les années 130, avec des paysans
sans terres qui en réclament, des terres sans paysans où se développent
l'élevage, et l'Etat qui voudrait bien récupérer les terres accaparées tandis
que les propriétaires ne veulent pas les rendre.
B/ Les réactions politiques
Trois tendances s'opposent ou s'allient selon les évènements. Il faut noter
que les romains ne se sont jamais appelé du nom des partis suivants !
1) Les "libéraux-conservateurs"
Parmi lesquels Scipion Emilien, la famille Licinia, Mucia-Scaevola, Claudia.
Ils appartiennent à un milieu timidement réformiste, prêt à satisfaire aux
aspirations du peuple mais dans l'ordre et sans précipitations.
2) Les "conservateurs"
Le chef de file est le pontifex maximus, chef de la religion romaine : P.
Scipio Nasica. Ils entendent défendre coûte que coûte le statu quo, la
légalité, par la force s'il le faut.
3) Les "réformateurs"
Parmi eux un Claudius : Appius Claudius Pulcher, beau-père de Tib.
Gracchus.
Tiberius et son frère sont à l'origine du rassemblement d'un certain
nombre de revendications populaires, qui vont former le programme du parti
populaire, un groupe, une faction, qui va poser des revendications
récurrentes. Les thèmes de ces populares comprennent :
– Le souci de faire passer une loi agraire sur la redistribution des
terres.
– Les lois frumentaires : distributions à bas prix ou gratuites de
blé aux citoyens pauvres.
– Création d'établissements coloniaux en Italie ou en province.
– Mettre un terme au monopole du Sénat dans les tribunaux
(soutien aux chevaliers).
– Mise en avant de la souveraineté du peuple (vote secret,
possibilité de démettre un magistrat, droit d'appel au peuple romain)
A partir des Gracques, les luttes politiques deviennent plus dures avec
l'introduction du vote secret depuis le vote des lois tabellaires en 139-7.
C'est le vote à bulletin secret sur une tablette pour l'élection des magistrats.
En 133, le peuple demande ce même vote pour le vote des lois.
II] Les Gracques
Ce sont de jeunes hommes d'origines aristocratiques et qui bénéficient
d'alliances familiales illustres par leur mariage et par leur ascendance.
Ap. Claudius Pulcher et M. Licinius Crassus ont soutenu tous les deux les
tentatives de réformes des Gracques dont les carrières politiques ont été
relativement courtes.
Les motivations de Tiberius
Les faits politiques des deux frères sont distants les uns des autres de dix
ans environ. Aussi faut-il voir en premier l'aîné, Tiberius, qui a sans aucun
doute influencé son frère. La question principale reste : "pourquoi cet
aristocrate défend les droits du petit peuple" ?
Il ne faut pas méconnaître l'ambition personnelle ; néanmoins, il
semblerait que Tiberius se soit préoccuper réellement de l'accroissement
servile et de l'appauvrissement des citoyens. Ces observations, il les a faites
suite à un voyage en territoire romain, à son retour d'Espagne, notamment
en l'Etrurie. Et il est sidéré alors de voir que les grands domaines ne sont
cultivés que par des esclaves.
En 133, il faut ici le rappeler, on a le souvenir des révoltes d'esclaves en
Italie (198;195;185) mais surtout de celle de Sicile dirigée par Eunous qui
dure depuis 135.
Tiberius semble également être sensible au déclin démographique de
l'Italie et de la misère engendrée par les guerres de conquêtes. Les indigents
ne peuvent se marier et élever convenablement de futurs citoyens ;
beaucoup sont exposés, abandonnés ou vendus.
Dans cette observation, Tiberius semble en fait préoccupé pour l'Etat
romain : les paysans sont les meilleurs soldats. Dans son idée, il veut faire
revivre la paysannerie romaine au sein de laquelle on recrutait les légions. Le
moyen, c'est de distribuer des terres aux pauvres pour reconstituer cette
paysannerie.
B/ Les mesures de Tib. Gracchus
A l'origine, une proposition de loi : la rogatio Sempronia de 133. Il semblerait qu'il existe
néanmoins des antécédents : Appien dit que Ti. Gracchus présenta sa proposition de loi
comme le renouvellement d'une loi plus ancienne. Cette dernière disait que nul ne pourrait
posséder plus de 500 jugères (125 hectares) de l'ager publicus, ni y faire paître plus de 100
têtes de gros bétail (bovins) ou 500 têtes de petit bétail (ovins). Il semblerait que cette loi
date de la fin de la Deuxième Guerre Punique, et fut mal appliquée.
1) Le contenu de la rogatio Sempronia
Elle a été déposée par Tiberius peu après son élection, en 133. Elle comporte trois points
fondamentaux :
– Limitation au droit de possessio individuel de l'ager publicus : 500 jugères par
personnes, plus 250 jugères par enfant avec un maximum de 1 000 jugères (250 ha) par famille.
Le but est une prime à la natalité et un moyen de reconstituer une classe paysanne libre, sans
toucher à la propriété privée. Seulement, cette partie de l'ager publicus devenait alors ager
privatus.
– Il est institué un collège de trois membres chargés d'appliquer la loi ; c'est un
triumvirat affecté à la récupération des terres, à juger de la légitimité de l'occupation, à s'occuper
du transfert et de l'assignation des terres. Des pouvoirs considérables en somme.
Le sénat et les conservateurs se voient ainsi enlevé une partie de leurs compétences sur l'ager
publicus.
– Une fois récupérée, les terres sont distribuées aux citoyens pauvres et selon Plutarque
et Appien, à raison de 30 jugères par personne. Ces lots seraient inaliénables selon Appien.
2) Opposition et vote de la loi
Une opposition farouche se dresse contre la rogatio sempronia.
A l'assemblée du peuple, la rogatio rencontra le veto intercessio d'un autre tribun de la plèbe :
M. Octavius, homme à la solde du parti conservateur. Mais Tiberius réussit à obtenir l'abrogation
des pouvoirs de M. Octavius ; l'unité nouvelle des tribuns de la plèbe fait voter la lex Sempronia.
Tiberius se fait élire triumvir avec Ap. Claudius Pulcher et C. Gracchus.
Tiberius cherche ensuite à se faire attribuer un second mandat de tribun de la plèbe pour
achever son œuvre. Les conservateurs trouvent enfin le prétexte pour se soulever. Eté 133,
Tiberius est assassiné.
Quelques années plus tard, c'est Caius qui prend la relève pour achever le programme.
C/ Caius Gracchus et son activité législative
Lui aussi pense que le tribunat de la plèbe est un moyen politique puissant. En 124 il se fait
élire pour l'année 123. Appien précise contre le sénat et de la manière la plus brillante.
L'action de Caius est beaucoup plus large que celle de Tiberius
1) Les mesures décidées
a. Les mesures agraires
Il s'appuie sur la lex Sempronia, dont il a été chargé de l'application. Il la modifie néanmoins
sur quelques points, notamment en excluant les récupérations de terres de l'ager publicus
appartenant aux sénateurs. C'est un souci de ménagement.
Il décide également de fonder des colonies pour des citoyens romains, deux en Italie
(Scolacium-Minervia dans le Bruttium et Tarentum-Neptunia), et une à Carthage en Afrique (lex
Rubria). Seulement Scipion Emilien avait déclaré l'espace sacer et maudit. Les gens ont considéré
alors la chose comme un sacrilège et une provocation. C'est la première colonie romaine hors
d'Italie et l'une des causes de la chute de Caius Gracchus.
b. Les mesures frumentaires
Elles sont regroupées dans la lex Sempronia frumentaria. Elle est votée en faveur des plus
déshérités de Rome ; c'est une nouveauté. Chaque citoyen de Rome pauvre reçoit tout les mois
cinq modii ; cinq boisseaux (45 L) de blé par mois à prix réduit.
Cette loi a le mérite de remédier au désordre de la production : à Rome on a désormais besoin
d'une quantité minimum de blé. Selon Appien, la loi eut un contrecoup immédiat, lors de la
seconde élection de Caius au tribunat de la plèbe. Cette illégalité sera une des causes de sa chute :
on lui reprochera la tentative d'une dictature tribunicienne.
c. Mesures juridiques
Caius crée des tribunaux où les sénateurs sont à égalité avec les chevaliers. Ils sont 600 en
tout, et c'est parmi ceux-ci que l'on choisit les juges. Caius casse ainsi le monopole judiciaire
du Sénat.
La conséquence est le rapprochement entre les tribuns de la plèbe et les chevaliers. Et
Caius va favoriser les chevaliers par des faveurs qui leur sont accordées, dont notamment la
lex de Asia qui livre aux chevaliers et publicains l'exploitation de la nouvelle province
d'Asie. Aussi la lex theatralis qui réserve aux chevaliers des places à part dans les
monuments de spectacles.
2) L'échec de Caius Sempronius Gracchus
Jusqu'en 122, Caius réussit à se protéger, mais il va trop loin quand il veut donner la
citoyenneté romaine aux latins et le ius latii à tous les italiens. A terme, c'est l'accord de la
citoyenneté romaine à toute l'Italie. Caius rencontre finalement l'hostilité du Sénat, mais
aussi de ses amis et des chevaliers : ceux-ci qui étaient religieusement contre la fondation de
Carthage.
C'est pourquoi il ne fut pas élu tribun de la plèbe une troisième fois. En 121, un décret fut
voté pour mettre fin à la colonisation de Carthage. Caius résistant, le sénat prend un
Senatus Consulte qui demande de tout faire pour empêcher qu'il arrivât malheur à la
République. C'est un Senatus Consulte Optimum. Sénateurs, consuls et chevaliers
massacrèrent Caius Gracchus, Fulvius Flaccus et 3 000 de ses partisans.
Ainsi s'achèvent ces programmes réformateurs.
Toute la législation votée à l'instigation des Gracques avait pour but de réduire les pouvoirs de
la Nobilitas ; Les Gracques ont utilisé le tribunat de la plèbe comme un levier politique et
législatif puissant. Ce sont les premiers à avoir compris le réel pouvoir de cette magistrature.
Par deux fois, l'aristocratie s'est défendue par la terreur tandis que la plèbe romaine à été
muselée pour de longues années ; jusqu'à la fin de la guerre de Jugurtha en 107 avec
l'apparition de Marius.
Cette législation des Gracques n'a pas été abolie mais modifiée en plusieurs étapes. La
plus grande partie de ce qui restait de l'ager publicus fut déclaré ager privatus. On a perçu
d'abord les vectigales, et à partir de 111 et de la lex Thoria, les terres sont acquises sans
redevances. Seuls demeurent publiques les terrains libres. Mais une loi autorisa la vaine
pâture ; L'ager publicus est alors entièrement aliéné.
Par la suite, d'autres lois agraires vont faire apparaître des assignations de terres en
faveur d'individus ou envers des collectivités ; en fait toujours pour des vétérans de l'armée.
Cela dans le cadre d'une politique agraire et coloniale.
Finalement, la question agraire a été l'occasion du premier affrontement violent entre
citoyens romains ; c'est pourquoi on le considère comme le premier épisode des guerres
civiles, comme leur origine parfois.
Texte établi à partir d'un cours de faculté suivi en 1998-9
Grands Mercis au professeur
https://fr.wikipedia.org/wiki/Troisi%C3%A8me_Guerre_servile
https://fr.wikipedia.org/wiki/Spartacus
http://www.antiquite.ac-versailles.fr/esclaves/servi11.htm
http://freyr1978.skyrock.com/3143219100-Une-volonte-de-liberte-contre-la-dominationromaine-la-guerre-de.html
Une volonté de liberté contre la domination romaine : la guerre de Spartacus ! (2ème partie)"
Malgré l'exemple désastreux des précédentes guerres serviles en Sicile, personne ne prend la
mesure de ce qui est en train de se passer " (Catherine Salles, in id., p. 42), " car les Romains ne
pensaient pas encore que c'était une guerre dans toutes les formes. Ils croyaient que c'était
quelque chose comme une attaque isolée, semblable à un acte de brigandage (comme cela avait
été le cas lors des précédents en Italie). " (Appien, Guerres civiles, 116.) En effet, devant les
réclamations répétées des propriétaires campaniens, la réponse de l'État romain au soulèvement
fut d'abord lente et inadéquate.
Une volonté de liberté contre la domination romaine : la guerre de Spartacus ! (2ème partie)Rome
envoya contre eux une cohorte d'auxiliaires : le propréteur Claudius Glaber (ou Pulcher) avec 3
000 hommes pour une simple opération de police dure ; or Spartacus, sans préméditation aucune,
vit affluer des milliers d'esclaves venus le rejoindre, des gladiateurs, mais aussi les bergers des
domaines voisins, des ouvriers agricoles de la campagne, qui espèrent échapper à leurs conditions
en intégrant l'armée de libération, et auxquels s'étaient joints, au dire de Salluste, des hommes
libres, laissés pour compte des guerres sociales, réduits à la même misère que les esclaves, tels
des petits paysans ruinés et des petits propriétaires dépossédés. Mais " il n'a pris le
commandement que progressivement, probablement grâce à son charisme, non en fonction d'un
projet. " (Anne Logeay, Le premier guérillero, in id., p.53.) D'ailleurs, c'est avec l'aide, sans
toujours l'accompagner, de Crixus et Œnomaus (qu'Appien a vu à tort comme ses lieutenants),
qu'il les dirigea, et réussit à transformer un groupe hétéroclite en une force de combat de première
classe.
Mais la révolte ne prend de l'ampleur que lorsque les fuyards battent, grâce à une ruse de
Spartacus (des sarments de vigne taillés en échelles) " peut-être en partie dû au fait que des pâtres
et des bouviers des environs (...) se rallie à sa cause " (David S. Potter, Spartacus, in L'Empire
romain. Grandeur et décadence, épisode 3), au pied du Vésuve, les faibles troupes du propréteur,
prise à revers, qui tentaient de les assiéger, et c'est une véritable guerre qui va désormais se
dérouler de 73 à 71. Cette victoire leur permet, en effet, de se constituer en armée, Spartacus
groupant vite sept mille hommes, des esclaves fugitifs, notamment des bergers, et des petits
propriétaires ruinés, venant alors les rejoindre massivement, n'ayant " rien à perdre, tout à gagner
" dans cette aventure (Yann le Bohec, Les éclairs de génie d'un foudre de guerre, in Spartacus.
L'esclave qui fait trembler Rome, Historia Éditions, Paris, 2012, p. 49).
Une volonté de liberté contre la domination romaine : la guerre de Spartacus ! (2ème partie)
À l'automne, Spartacus occupe la Campanie, mais " l'État romain ne peut rester sur cette défaite.
Il envoie deux autres préteurs, Varinius et Cossinius avec des troupes plus importantes à la
poursuite des insurgés. " (Yann le Bohec, id., p. 49.) Œnomaus étant tué avec 3000 hommes près
de Nola, Spartacus se replie dans les collines plus accueillantes de l'intérieur, vers le Samnium,
défait les prélèvements locaux dirigés par les préteurs, Publius Varinius et Cossinius en trois
affrontements nets en Lucanie, et gagne les montagnes de l'Italie méridionale, où il soulève une
grande partie des esclaves d'Italie du Sud, où les réformes des Gracques ne furent pas non plus
appliqués et amenèrent le développement de grandes propriétés (latifundia) au détriment des
petites. Des foules de déshérités rallient son camp parce que, comme nous dit Appien, Une
volonté de liberté contre la domination romaine : la guerre de Spartacus ! (2ème partie)Spartacus
" divisait le butin à parts égales " et sa troupe grandit sans cesse : encombrée de femmes, elle est
armée de bâtons et de boucliers avec des fonds de panier en osier [" peut-être conforme à la
tradition celtique représentée dans la belle statue, appelée Le Guerrier de Mondragon, trouvée
dans le Vaucluse " (Catherine Salles, 73 avant J.C, Spartacus et la révolte des gladiateurs,
Complexe, 2005, p. 20)] et indisciplinée à souhait. Spartacus organise donc ses hommes en petite
unité qui font régner l'insécurité dans les campagnes où il se procure des vivres, en multipliant
pillages et massacres, saccageant champs et villages, dans toute l'Italie du Sud : les cités de
Campanie (Cumes, Nola, Nucérie et Abellinum), de Lucanie, (Métaponte), et du Bruttium
(Cosentia et Thurium). Mais il n'y a ici rien d'anormal, d'après Yann le Bohec, car " Armés et
décidés à faire la guerre, les révoltés se comportent comme tous les soldats de leur temps - Grecs
et Romains compris : ils font du butin et ils pillent (...) Ces pratiques, conformes au droit des "
nations " , sont considérées comme normales par tout le monde. " (Raids et pillages, le nerf de la
guerre, in id, p. 48.)
Une volonté de liberté contre la domination romaine : la guerre de Spartacus ! (2ème partie)
Des violences et des maraudes qui n'étaient pas le but de Spartacus qui comprenait que c'était
contre-productif pour un mouvement qui accueillait aussi des hommes libres déshérités. " On sait
(...), grâce à l'historien romain Salluste, que Spartacus a toujours tenté d'empêcher ses hommes de
se livrer aux pillages systématiques et aux destructions. Il aurait même prévenu secrètement les
habitants des bourgades traversées pour leur permettre d'échapper aux exaction des troupes
serviles. " (Catherine Salles, id., p. 41). En effet, d'après Éric Teyssier, son souci de modération
lors du pillage des villes prises par ses hommes témoigne d'un véritable sens de la stratégie entre
classes, puisqu'il souhaite par ce biais attirer à lui davantage d'hommes libres pauvres. Par la
suite, les esclaves établissent leurs quartiers d'hiver à Thurium et Métaponte en Lucanie.
Spartacus commande alors 40 000 hommes (Orose) ou 70 000 hommes (Appien), renforcés alors
par les pâtres de l'Apennin, des bouviers qui montent à cheval, Une volonté de liberté contre la
domination romaine : la guerre de Spartacus ! (2ème partie)et " encadrée, équipée, dotée d'un
corps de cavalerie (du fait de l'incorporation de bouviers). Le commandant en chef (dux chez
Florus, terme qui signale dans la République romaine, quelqu'un qui commande des troupes, sans
que ce soit un rang militaire formel) s'était revêtu des insignes militaires pris aux prêteurs défaits
et faisait porter devant lui leurs faisceaux (le symbole du pouvoir romain, ce que peut laisser
pendant les rebelles imitent un modèle qu'ils connaissent celui de l'armée romaine ou est-ce ce
que pense Florus qui relate l'épisode) ; plus encore, il transmettait à ses compagnons ce qu'il avait
appris de l'art de la guerre pendant son service dans l'armée romaine. " (Jean-Paul Brisson, id., p.
210). Ces hommes furent réparties en deux groupes autonomes commandés, l'un par Spartacus,
avec les Thraces, l'autre par Crixus, avec les Gaulois, soutenus par les Germains, probablement
pour des raisons de ravitaillement, comme le suggère la distance entre les territoires de pillage
cités par Florus : Nole, Nucérie, Métaponte et Thurium (Epitome, 2, 8).
Contrairement aux mouvements siciliens, celui-ci ne se donne pas d'organisation étatique, car,
comme le fait remarquer Éric Teyssier, le groupe est bien trop hétéroclite, vu la diversité des
nationalités qui s'y situe et peut-être " Spartacus cherchait véritablement à introduire parmi ceux
qui le suivait, certaines formes d'égalitarismes (Appien, Gu. civ., I, 116) : il était d'origine Thrace
(...) et l'on peut imaginer qu'il subissait des influences hellénistiques " (Aldo Schiavone, L'histoire
brisée. La Rome antique et l'Occident moderne, collection Poche, Belin, 2009), même si d'après
Catherine Salles, ces influences sont " à exclure totalement " (Les fugitifs s'organisent, in id, p.
41). Une volonté de liberté contre la domination romaine : la guerre de Spartacus ! (2ème
partie)Fort intelligent, Spartacus comprenait surtout que ses succès en Italie seraient difficilement
durables, car " En réalité, ses troupes souffrent d'une infériorité face aux légions. (...) les Gaulois
et les Germains se battent en suivant le dispositif de la phalange (...) une masse compacte, avec
une totale absence de souplesse (...) Les légionnaires ont, au contraire adopté la technique en
cohortes, de petites unités de 500 hommes séparées les unes des autres (...) " (Yann le Bohec, id.,
p. 50-51). Ces succès face à Rome, témoignaient donc d'une incontestable habileté tactique : "
Spartacus se conduit comme un général qui connaît les faiblesses de ses hommes et qui adapte sa
tactique à cette situation " (Yann le Bohec, Les éclairs de génie d'un foudre de guerre, in id.,
p.51) Et s'expliquaient assez bien par le fait que l'essentiel des armées romaines était occupé à des
guerres lointaines, en Espagne et en Orient, autant qu'à l'afflux massif d'esclaves dans la
péninsule, consécutif aux conquêtes, qu'à l'incurie d'une partie de l'aristocratie sénatoriale, qui a
tardé à prendre la mesure du phénomène, surtout si l'on tient compte " que les officiers et les
soldats romains sont hostiles à l'idée de combattre des esclaves, adversaires indignes des hommes
libres. " (Catherine Salles, id., p. 44.)
Plutarque lui prête, sans doute à raison pour Yann le Bohec et Éric Teyssier (Spartacus. Entre le
mythe et l'histoire, Perrin, Paris, 2012), l'idée d'entraîner les esclaves vers le nord, de franchir les
Alpes et, hors de l'Empire romain, d'assurer à ses hommes le retour dans leurs patries respectives,
en Gaule, en Germanie et en Thrace : Une volonté de liberté contre la domination romaine : la
guerre de Spartacus ! (2ème partie)" Comme le note à juste titre Jean-Cristophe Dumont dans sa
synthèse Rome et l'esclavage sous la République, il est probable que, injustement condamné à
être réduit en captivité, Spartacus invite ses compagnons d'infortune à fuir la corruption
sanguinaire de Rome, regardant avec nostalgie vers leurs sociétés " barbares " restées pures. "
(Anne Logeay, Le premier guérillero, in id., p.53.)
Sur ce point, il se serait séparé de Crixus, qui entendait demeurer en Italie et continuait le pillage,
ce qui suggère d'après Éric Teyssier (id., 2012), que cette masse d'opprimés est en proie aux
divisions entre peuples, un point commun avec les difficultés du même ordre qu'aura à affronter
Vercingétorix vingt ans plus tard. Laissant dans la péninsule 10 000 révoltés commandés par
Crixus, il partit vers le nord. En fait, comme le font remarquer Jean-Paul Brisson (Spartacus,
CNRS Éditions, 2011) et Catherine Salles (73 avant J.C, Spartacus et la révolte des gladiateurs,
Complexe, 2005), il semble également possible que les deux généraux aient concerté une action
commune d'enveloppement de l'Italie en vue de rallier un maximum de mécontents dans des
régions qui pendant la Guerre sociale s'étaient montrées très virulentes contre Rome : Spartacus
marche vers le nord par l'Apennin pour tenter de rallier à sa cause les habitants de cette région
d'où était parti l'insurrection 16 ans plus tôt, Crixus remonte le long de l'Adriatique, autre actif
foyer de l'insurrection, pour le rejoindre au nord, " une véritable stratégie qui devait permettre
aux insurgés de marcher sur Rome avec des forces accrues " (Jean-Paul Brisson, id., p. 214).
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